15/03/2012
Maudit soit le fleuve du temps
"J'en accomplissais tous les gestes, je les accompagnais des mimiques appropriée. Et, en me voyant, on devait se dire que mes activités avaient un sens, alors qu'elles n'en avaient aucun."
Pourquoi le narrateur et sa mère sont-ils séparés, de manière figurée, par un fleuve ? Pour tenter de comprendre et d'abolir cette distance, le narrateur, âgé d'une trentaine d'années mais pas vraiment encore adulte ,décide de suivre celle qui , malade, vient de partir pour le Danemark. Là, les souvenirs refont surface et, de manière fragmentée , se révèlent deux parcours plein de zones d'ombre.
Pas d'hystérie, juste une gifle sonore, mais de la tendresse qui circule de manière feutrée et un adulte en devenir qui revient sur ses engagements un peu naïfs de jeunesse.
Un roman apaisant, sans volonté démonstrative, tout en finesse et délicatesse.
Maudit soit le fleuve du temps, Per Petterson, traduit du norvégien par Terje Sinding, folio 2012.279 pages fluides.
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12/03/2012
True grit
"Il avait confondu les méchants avec les hommes."
Du cran il en a fallu à Mattie Ross , 14 ans, pour se lancer sur les traces du meurtrier de son père en cet hiver 1870 ! Accompagnée du quadragénaire borgne , bourru( et très expéditif))! )marshall Rooster Cogburn et de l'exaspérant Texas Ranger LaBoeuf, la jeune fille devra tenir tête aux adultes qui veulent la maintenir à l'écart et affronter les dangers de la traque. Un western-récit d'initiation original et très visuel, adapté deux fois au cinéma, le film le plus récent (et le plus réussi à mon avis ) étant celui des frères Coen , très fidèle au texte de Portis et lui apportant des touches poétiques.
La postface de Donna Tartt tépoigne de l'engouement sucité par ce roman à sa sortie aux États-Unis en 1968. Bientôt étudié dans les écoles, le livre traversera ensuite une traversée du désert et il sera bien difficile de se le procurer . Au grand dam de la parentèle féminine de Donna Tartt qui l'avait offert à tour de bras pour, je cite ,"évangéliser" leurs amis !
Un roman sympathique et bien fichu.
True Grit, Charles Portis, traduit de l'anglais (E-U) par John Doucette, J'ai lu 2012.242 pages d'aventures.
Ps: j'ai adoré Jeff Bridges dans le film des frères Coen !
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11/03/2012
Mon doudou divin
"Quid de La Béatitude ? Une version low-cost pour losers ? "
"Essayer de trouver-ou de créer ta propre foi en toute liberté", voici ce que propose une affichette à la caisse d'un supermarché. Bien décidée à tourner ce stage (et ses participants) en dérision pour rédiger un article à succès, la journaliste -pigiste Wera passe trois semaines à La Béatitude. Là elle rencontre un apprenti-gourou et sa compagne la très maternelle et efficace Annette, un musulman iranien, une femme grise qui semble s'évaporer à loisir, un médecin radié et Madeleine ,une bureaucrate qui ploie sous le poids d'un sac symbolisant sa culpabilité.
Commencé comme une parodie des stages spirituels (pas de décoration zen mais un bâtiment pour le moins rustique ayant abrité des générations de scouts), le récit ,qui alterne le point de vue cynique de Wera et celui, plus mesuré ,de Madeleine, ne tourne pas à la farce mais gagne (un peu) en profondeur quand les personnages commencent à se révéler les uns après les autres. Il n'en reste pas moins que je suis restée plutôt hermétique aux différents exposés spirituels , plutôt superficiels. Une pirouette, une sorte de deus ex machina (ironique?) vient harmoniser de manière un peu forcée la situation finale.
On retrouve parfois le style imagé et mordant de Katarina Mazetti mais l'ensemble reste quelque peu trop léger à mon goût. Aurais-je défintivement atteint un âge canonique m'empêchant de goûter les comédies ?
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : katarina mazetti
06/03/2012
à la trace
"-J'aurai peut être à choisir entre information et satisfaction: pas facile."
Une quadragénaire , bafouée par son mari et méprisée par son ado de fils, décide de prendre (enfin) sa vie en mains. Récit de l' émancipation d'une femme donc, femme qui va croiser, de manière détournée, le chemin d'une bande de musulmans extrémistes, visiblement fort affairés et prudents.
Changement de programme dans la deuxième partie où nous retrouvons notre ami Lemmer, chargé de convoyer un couple de rhinocéros blancs, en compagnie d'une pisteuse chevronnée, du Zimbabwe jusqu'en Afrique du Sud. Évidemment, la balade sera plus proche du "Salaire de la peur "que de la promenade de santé ! Fin du second acte.
Dernière partie, plus classique , celle où une femme , travailleuse et déterminée, charge un ancien flic à la retraite d'enquêter sur la disparition subite de son mari.
Trois tonalités différentes et des liens subtils qui s'établissent progressivement entre les différentes intrigues, récits qui font la part belle aux femmes et ménagent de multiples surprises au lecteur. Le complot politique est parfois un peu embrouillé mais se termine par un vrai coup de théâtre ! Les grains de sable- nous ne sommes pas en Afrique du Sud où tout peut basculer pour rien !- viennent perturber les ordonnancements les plus rigoureux et semer un peu plus de panique ,mais Don Meyer maîtrise totalement sa partition.
La fin est un peu précipitée mais j'y ai vu la promesse de nouvelles aventures de Lemmer, donc tout va bien ! Une pointe d'humour, un soupçon d'histoire d'amour et beaucoup de péripéties font que ces 722 pages deviennent vite addictives ! Prévoir un long week-end ou de courtes vacances pour ne pas être en manque !
Malgré mes bonnes résolutions , j'ai craqué pour ce roman à la librairie Ravy de Quimper (une librairie avec un spectaculaire escalier rouge !)
Première apparition de Lemmer ici.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : deon meyer
02/03/2012
La vie très privée de Mr Sim
"On ne vous donne que l'illusion du choix, c'est tout."
C'est à un double voyage que nous convie Mr Sim : une épopée moderne et dérisoire (aller à l'extrémité la plus septentrionale de la Grand-Bretagne pour vendre des brosses à dents écologiques) où l'aventure est totalement balisée par les satellites et autres objets de communication qui nous situent dans l'espace et un voyage dans le temps qui va l'amener à revisiter son passé.
Pélerinage ? Pas tout à fait car à chaque étape , des vérités dérangeantes se font jour sur ses proches (pas si proches d''ailleurs) et sur lui même.
Alors , il se raccroche à la voix de féminine de son GPS, seul bouée de secours dans un monde en plein changement, où règne une uniformisation qu'il juge réconfortante et où la solitude est de plus en plus aiguë.
Looser magnifique Mr Sim ,et attachant par dessus le marché, qui n'hésite pas à reconnaître ses faiblesses dans un univers où l'artifice est de mise, un monde qui repose sur du vent.
Les pirouettes sont nombreuses dans ce roman qui brosse un portrait juste et acide de notre époque et qui ne sacrifie pas l'art du récit à la démonstration virulente. Une parfaite réussite !
06:05 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : jonathan coe
Un autre amour
"Certains soirs elle allait se coucher sans savoir qui elle serait en se levant le lendemain."
Un séjour à Rome en amoureux pour Connie et Matt Wilson. Pendant ce temps, leurs trois garçons sont gardés par la meilleure amie du couple, Mary. De cette escapade, Connie rentrera seule : son époux a décidé de rester en Italie.
Commence alors une longue évolution de Connie qui n'accepte pas sans souffrance de voir remis en question sa vie de famille et un amour qui dure depuis ses quinze ans.
Sur un sujet des plus rebattus, Kate o'Riordan réussit un tour de force: contourner tous les clichés et tenir l'attention de son lecteur perpétuellement en éveil , ménageant des révélations jusqu'à la toute dernière minute.
Je dois avouer que même si j'aime beaucoup cette auteure, j'y allais en faisant un peu la grimace car le thème n'a rien de confortable (qui peut affirmer que son couple durera jusqu'à ce que la mort sépare les amoureux ? ) mais tant le style , très imagé, de Kate o' Riordan que sa peinture toute en finesse tant des rapports amoureux, familiaux (pas d'hypocrisie dans la manière de Connie de parler de ses trois garçons si différents) voire même amicaux (ah le portrait de Mary qui prie à toutes force Saint Antoine, le morigène avant de se tourner vers Saint Jude, peut être plus efficace !) ont su emporter ma totale adhésion et je freinais des quatre fers pour retarder au maximum de découvrir la fin...On sourit, on frémit, on s'identifie à l'une puis à l'autre et on retrouve ici tout le talent de cette auteure qui n'hésite pas à appuyer là où ça fait mal.
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : kate o riordan
23/02/2012
Les trois lumières
"Et c'est alors qu'il me prend dans ses bras et me serre comme si j'étais à lui."
Parce qu'ils sont surchargés d'enfants et qu'un nouveau bébé va bientôt arriver, une famille irlandaise confie l'une de ses filles à un couple de fermiers taciturnes, les Kinsella.
Pourquoi cette enfant et pas une autre, pourquoi ce couple ? à ces questions il ne sera jamais apporté de réponses claires.
De la même façon, c'est par petites touches que l'enfant- narratrice va prendre conscience tout à la fois de l'amour qui va se tisser entre elle et le couple qui l'accueille et du drame qui les a frappés.
Souffrance réprimée, cruauté consciente ou non, tout se donne à voir à travers des gestes en apparence insignifiants: quelques tiges de rhubarbe que personne ne veut ramasser, uin chien qu'on n'appelle jamais par son nom. à la curiosité inquisitrice, on répond par le silence, silence auquel la narratrice sera initiée .
C'est aussi tout un monde rural en voie de disparition qui se donne à voir ici, un monde plein de poésie qu'on savoure quand la journée de travail est enfin terminée. Un univers riche en émotions et qui tient en une centaine de pages denses , cruelles, pleines d'émotions et qui se terminent avec une phrase parfaite d'ambiguïté.
Les trois lumières , Claire Keegan, récit traduit de l'anglais (Irlande) par Jacqueline Odin, Sabien Wespieser 2011.
Du même auteur, en poche.
L'avis d'Antigone qui vous mènera vers toutes celles qui l'ont aimé.
06:01 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : claire keegan
17/02/2012
Le rêve d'Amanda Ruth...en poche
"Que faire à Fengdu un dimanche ?"
Une croisière d'une dizaine de jours sur le Yangzi Jiang, le fleuve dont Amanda Ruth rêvait en Alabama et qu'elle ne verra jamais car elle a été assassinée à l'âge de dix-huit ans. Ce périple, c'est sa meilleure amie, Jenny ,qui l'entreprend quatorze ans plus tard, autant pour disperser les cendres de celle qu'elle chérissait, que pour tenter de donner une dernière chance à son mariage avec Dave, le sauveteur professionnel.
Sur ce canevas somme toute assez conventionnel au premier abord, Michelle Richmond va, comme dans son premier roman, s'éloigner des sentiers battus, aussi bien du point de vue narratif, ménageant de nombreuses surprises au lecteur par sa capacité à éviter les clichés et les situations attendues, que par son style, toujours aussi poétique et précis.
Par delà l'espace et le temps vont se tisser des liens entre la Demopolis River d'Alabama et le fleuve sur lequel la Chine veut à tout pris construire un barrage qui détruira non seulement la faune et la flore mais aussi des villages où des hommes et des femmes vivaient depuis des générations.
On glisse en compagnie de Jenny sur les eaux boueuses du Yanggzi Jiang, on partage ses émotions , on retarde le plus possible le moment de quitter ces personnages avec lesquels on a partagé tout à la fois souvenirs et découverte d'une Chine parfois factice, celle qui est imposée aux touristes, mais aussi celle que Jenny parviendra à comprendre par delà les mots dans un dernier chapitre d'une beauté et d'une force incroyables. A dévorer et savourer tout à la fois.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : michelle richmond
16/02/2012
Désolations
"Parce que tout ça était bien plus qu'une simple histoire de cabane."
Irene est-elle rendue folle par la douleur qui lui martèle la tête à longueur de journée ou juste terriblement lucide sur la capacité de son mari Gary à rater tout ce qu'il entreprend, y compris leur mariage ? En tout cas, cette idée de construire une cabane sur Caribou Island ne lui dit rien qui vaille...
Histoire d'un fiasco annoncé, Désolations est un livre terrible sur le couple. Que ce soit celui de Gary et Irene qui, la cinquantaine venue n'ont plus d'illusions ni sur eux-même ni sur les autres ,ou celui que veut à tout prix former leur fille Rhoda avec ce crétin de dentiste quadragénaire qui a déjà prévu de se préserver tout en la sacrifiant.C'est aussi sur livre sur la fin des illusions que peut véhiculer l'Alaska.Il n'est que de voir avec quelle violence cette région va blackbouler un gentil étudiant qui rentra vite fait pleurnicher dans les jupes de sa mère ! Peut être aurait-il fallu qu'il en soit de même pour Gary et Irene.
La tragédie annoncée d'emblée ne peut qu'advenir et de manière encore plus implacable que prévu. Une écriture sobre et puissante.
Déniché à la médiathèque.
Désolations, David Vann, traduit de l'américain par Laura Derajinski, Gallmeister 2011, 297 pages terribles.
ICB l'avait lu en V.O.
Hélène l'a trouvé glaçant !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : david vann, alaska
13/02/2012
le dîner
"Cela laisserait certes une cicatrice quelque part, mais une cicatrice n'empêche pas le bonheur."
Ce livre aurait peut être pu s'intituler "Il faut qu'on parle de nos fils". C'est en effet parce que leurs enfants ont commis un acte ignoble que deux frères- l'aîné un politicien à quelques semaines de devenir premier ministre, le cadet dont la situation sociale nous sera révélée un peu plus tard-, et leurs épouses respectives se sont donné rendez-vous dans un restaurant pour happy few.
Au rythme des plats composant le repas, c'est toute une société du paraître qui est cruellement disséquée.
La violence , contenue ou pas, les idées nauséabondes, les mensonges vont crescendo et l'on se demande comment l'auteur va les tirer d'affaires ces hommes et ces femmes qu'ils nous livrent ainsi en pâture.
Perso ,l'explication médicale m'a laissée dubitative car trop vague (pas de maladie clairement nommée), mais j'ai été fascinée par la manière dont les parents arrivent à présenter les faits d'une manière qui les arrange.
Pas de politiquement correct ici et le lecteur doit accepter de se laisser rudoyer et de sortir sonné d'un tel livre !
Déniché à la médiathèque.
Tout le monde ou presque l'a lu !
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