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02/01/2013

Familles tracas & Cie

"- Ce sera bien quand on sera mortes et qu'on pourra enfin être nous-mêmes, non ? "

Jane Louise, quarante ans, graphiste dans une maison d'édition vient d'épouser Teddy, charmant chimiste. A-t-elle pour autant atteint la stabilité et la sécurité que sa famille ne lui a jamais procuré ?
L'argument de ce roman de Laurie Colwin est en apparence très mince mais les personnages principaux , leurs amis, Edie et Mokie formant un couple interracial dont la famille distinguée d'Edie feint de nier l'existence, remettent leurs familles respectives en question et s'interrogent sur celle qu'ils vont bientôt créer à leur tour d'une manière à la fois pertinente et pleine d'esprit.laurie colwin
L'humour y est toujours présent et la galerie de personnages pittoresques gravitant autour d'eux ,que ce soit à la campagne ou au sein de la maison d'édition, accentue le charme de ce roman dont l'atmosphère est quasi britannique. Un bon roman pétillant pour bien commencer l'année !

Merci à Sylvie de m'avoir donné envie !

 

Déniché à la médiathèque.

10/12/2012

Dernière nuit à Montréal

"- Je ne suis pas sûre de savoir comment rester, dit Lilia."

 Toute sa vie, ou presque ,Lilia aura été suivie. Enlevée à sept ans par son père, elle va connaître jusqu'à l'adolescence une longue cavale qui lui donnera pour toujours le goût de partir. emily st. john mandel,l'art de la fugue
  Au début du roman, elle quitte Eli, un étudiant new-yorkais fasciné par les langues, qui n'arrive pas à s'"immerger dans le monde". Contacté par Michaela, qui se rêvait funambule, pour perpétuer la tradition familiale, ce dernier part pour Montréal où se dévoileront tous les secrets de la vie de Lilia.
Hypnotique et fascinant, ce roman, présenté comme une thriller, brouille toutes les frontières. Les personnages sont à multiples facettes et se dévoilent peu à peu dans une construction narrative éclatée  qui , pourtant, n'égare pas le lecteur. Le rythme est lent, mais jamais languissant et l'on se plaît à faire durer la lecture de ce roman poétique , superbement écrit où Montréal, ville présentée comme férocement francophone, joue un rôle essentiel et glaçant.
Un premier roman à découvrir absolument.

Dernière nuit à Montréal, Emily St John mandel, traduit de l'anglais (Canada) par Gérard de Chergé, Rivages 2012, 234 pages à faire durer le plus longtemps possible.

Et un de plus pour le challenge de Liliba ! emily st. john mandel,l'art de la fugue

03/12/2012

Le mambo des deux ours

"Et j'avais le sentiment que notre petite escapade d'aujourd'hui ne grimperait pas non plus au hit-parade de mes meilleurs souvenirs..."

Notre tandem préféré entame avec ce Mambo des deux ours une sacrée visite dans un coin paumé du Texas au règne le Klan. En effet, il faut absolument retrouver une certaine avocate noire ( sur laquelle avait flashé un de nos héros dans l'épisode précédent (clic) ) qui est  allée se fourrer dans un sacré guêpier...
Humour, violence et  rebondissements sont toujours au rendez-vous avec Leomard et Hap ! L'ambiance est particulièrement réussie dans cet opus et je me demande si j'ai jamais lu une course-poursuite aussi haletante dans un roman policier !  Elle mériterait vraiment de figurer dans une anthologie ou d'être adaptée au cinéma !joe r. lansdale
à lire absolument pour se remonter le moral même si ( attention gâcheur d'ambiance !) on peut se demander pourquoi les auteurs masculins s'obstinent à faire disparaître les personnages féminins dès q'uon a commencé à s'y attacher...

Le mambo des deux ours, Joe R. lansdale, folio policier 2009, de la belle ouvrage quyi tient ses promesses !

Et encore un pour le challenge de Liliba !

joe r. lansdale

16/11/2012

Cinq carillons

"Elle n'était plus qu'une femme composée d'espaces vacants."

Une journée écrasée de soleil à Sydney. Dans cette ville, parmi la foule des touristes, quatre personnes dont les histoires vont se frôler, se croiser parfois, avec toujours en ligne de mire l'opéra de Sydney, comme un repère auquel ils vont tous se référer, chacun en proposant une vison différente.
Trois femmes, un homme, d'horizons différents, mais ayant comme point commun un passé qui continue à peser sur leur vie.gail jones
Parmi eux, deux anciens amants ont rendez-vous. Leur particularité? Ils se sont connus très jeunes et leurs amours adolescentes sont racontées avec une pudeur et une délicatesse extrême. Les autres ?  Une jeune femme  qui vient d'arriver d'Irlande. Tout est pour elle l'occasion de découverte. Quant à la plus âgée des personnages , une Chinoise,  c'est probablement celle qui a connu le passé le plus difficile car elle a connu en Chine la période des gardes rouges. Mais, paradoxalement, elle est certainement celle qui est la moins prisonnière de son passé.
 Quant au cinquième carillon, je vous laisse le soin de découvrir sa tonalité car, Gail Jones, si elle se donne comme contraintes l'unité de temps et de lieu- même si les retours en arrière sont très importants-  sait aussi se libérer de son cadre et réserver bien des surprises à son lecteur.
La langue est poétique et fluide , un grand bravo à la traductrice , l'intrigue parfaitement menée et Gail Jones sait créer des personnages  (en particulier celui de la Chinoise que j'ai préféré) émouvants et denses.
Un roman profond et aérien.

 

Cinq carillons, Gail Jones , traduit avec beaucoup de talent par Josette Chicheportiche, Mercure de France 2012, 315 pages qui résonneront longtemps en moi.

12/11/2012

Un hiver aux canaries

"Ici, tout le monde est aisé, en bonne santé, bronzé et prétentieux."

Passer Un hiver aux Canaries, le rêve réalisé, surtout quand on on vient de quitter l'hiver septentrional !  Sur l'ile de Gran Canaria , l'ancien patron de chantier naval Jori Nyman dirige d'une main de fer son factotum Mikko , tout juste arrivé de Finlande, et sa femme de ménage malienne, Dior. Il pourrait couler une retraite paisible mais son esprit est encore agité par la mort de son épouse. Mikko, quant à lui, rêve de concevoir la chaise idéale, tout en se soumettant aux ordres de son patron. Ecartelée entre son vieux mari, sa famille restée au pays et sa volonté d'apprendre la langue espagnole, Dior tente, bravement,  de s'adapter à ce nouvel environnement.riikka ala-herja,roman finlandais
Trois solitudes pas du tout apaisées qui vont se croiser et exposer, petit à petit, au lecteur leurs pensées les plus secrètes. Révélations surprenantes qui feront varier comme dans un kaléidoscope la vision que nous avons d'eux.
Sous le soleil, les tensions montent, la brutalité se révèle et l'atmosphère idyllique tourne vite à l'aigre. Un roman dérangeant et déroutant, jusqu'au bout.

Un hiver aux Canaries, Riikka  Ala-Harja, traduit du finnois par Paula et  Christian Nabais, Gaïa 2012, 175 pages  troublantes.

Du même auteur, clic !

09/11/2012

La couleur des sentiments...en poche

"Nous connaissons tous ces lois, nous vivons ici, mais nous n'en parlons jamais."

La lutte pour l'égalité des droits est en marche mais le Mississippi des années 60 n'est pas tendre pour les Noirs...Situation paradoxale : tous ces Blancs qui supportent sans broncher ou encouragent la ségrégation ont été élevés par des bonnes Noires. Que pensent ces dernières de cette situation ? Elles qui auraient pu poursuivre des études mais dont l'avenir était déjà tout tracé. Une jeune femme Blanche , en quête d'indépendance et apprentie écrivaine, va leur donner la parole. ce livre sera-til écrit? Sera-t-il publié ? Quelles en seront les conséquences ? Autant de questions qui tiendront en haleine le lecteur (prévoir un endroit isolé et des boules quiès pour laisser le monde frapper à votre porte et finir en toute quiétude ce roman qui vous prend par la main et ne vous lâche pas!).kathryn stockett
Le roman de Kathryn Stockett fourmille de personnages attachants et hauts en couleurs. Je n'oublierai pas de sitôt la pestouille ambitieuse  Blanche, reine des punaises, qu'on adore détester ! " Gertrude, c'est vraiment le cauchemar de la Blanche du Sud. Je l'adore." C'est un roman très visuel (à quand l'adaptation cinématographique ? ), un de ces romans qui procure un très grand plaisir de lecture. A découvrir sans attendre !

05/11/2012

La promesse du bonheur

"Les familles sont comme les anémones de mer, promptes à se refermer."

Fi du stoïcisme anglais ! Charles doit bien l'admettre : avec l'incarcération de sa fille préférée, Juliet (dite Ju-Ju), c'est toute la famille qui a été touchée dans ses fondements les plus intimes. Le choc a été d'autant plus rude que Juliet avait tout pour elle: intelligence, charme, beauté. Personne ne comprend donc pourquoi elle s'est retrouvée impliquée dans le vol d'un vitrail  et incarcérée deux ans aux Etats-Unis où elle avait commencé une brillante carrière dans le monde de l'art.
Mais à y regarder de plus près ce délitement n'avait-il pas commencé plus tôt ? En tout cas, le retour de la fille prodigue en Cornouailles est l'occasion de réflexions et de subtils ajustements pour chacun tente de redorer l'image qu'il se fait de la famille.justin cartwright,famille
Sous la plume à la fois acérée et bienveillante de Justin Cartwright c'est toute une tribu avec ses mensonges plus ou moins gros, ses solidarités secrètes, sa tendresse aussi qui se donne à voir. De la mère qui tente de faire face en cuisinant d'improbables recettes, au père qui se voudrait parfait mais n'assume absolument pas , en passant par le frère à qui l'on confie le rôle d'élément équilibrant, sans oublier la cadette qui aurait tout pour jalouser sa soeur aînée, chacun se donne à voir en ses replis les plus intimes. Une réflexion sur la famille donc, mais aussi sur l'illusion, dont la condamnation de Juliet n'est qu'un exemple.
Le récit ne ménage pas les révélations mais chaque personnage est présenté de manière nuancée et l'écriture est tout à fait splendide !  Vite, découvrez cet auteur qui vient enfin d'être traduit en français !

La promesse du bonheur, Justin Cartwright, traduit de l'anglais par France Camus-Pichon, Editions Jacqueline Chambon, 332 pages délicieusement british !

30/10/2012

Le jeu des ombres

"L'idée de symétrie était si puissante que pendant de longues années je ne compris pas que la structure s'était gauchie."

Un couple, lui ,peintre, elle, son unique modèle, se délite .Le tout sous les yeux de leurs trois enfants. Ecrit ainsi, cela paraît trivial, voire pire. Sous la plume de Louise Erdrich cela devient un récit fascinant tant par la composition que par l'écriture, acérée et poétique à la fois. En effet, de prime abord Gil, Irene et leurs trois enfants constituent une famille modèle. Mais petit à petit, de petits indices, vus en particulier à travers des yeux enfantins, font prendre conscience de l'ampleur des dégâts et de la catastrophe imminente qui se profile.louise erdrich,couple,art
Tout est ambivalent dans ce récit, y compris le faux journal que Irene écrit à l'intention de son mari quand elle découvre que celui-ci a lu le vrai. Au lecteur de confronter les deux versions , y ajoutant le point de vue de Gil et celui du narrateur omniscient. Manipulations de part et d'autre, mais aussi complicité qui renaît contre la psychothérapeute que le couple va consulter, tout peut basculer dans la violence ou l'amour et tout peut être utilisé comme une arme: la peinture ou les mots.
J'ai adoré chaque élément de ce ce roman de Louise Erdrich, le premier que je lis de cette auteure. L'attention portée aux détails qui pourraient paraître insignifiants mais sont tellement révélateurs. Ainsi l'attitude des chiens qui captent la tension de la famille et s'interposent pour mieux la gérer. Le fait que le lecteur voie sans cesse remise en question sa vision des principaux protagonistes, y compris dans la dernière partie, magistral retournement de situation. Mais aussi l'écriture, au plus près des sensations , des sentiments, une écriture qui fouille et appuie là où ça fait mal, cingle pour mieux s'adoucir. Un roman dans lequel on retrouve, mais sous un mode mineur l'un des principaux thèmes de Louise Erdrich: celui des Indiens d'Amérique, un retour aux sources qui permettra à certains personnages de trouver le chemin de la résilience. Une oeuvre magistrale et dérangeante. Un vrai et beau coup de coeur !

Le jeu des ombres, Louise Erdrich, traduit de l'américain par Isabelle Reinharez, Albin Michel 2012, 253 pages puissantes.

Et zou, sur ma fameuse étagère (extensible) des indispensables  !

L'avis de Clara,tout aussi enthousiaste !

Celui d'Hélène, nettement moins !

Celui d'Athalie


29/10/2012

Plan de table

"Cependant, même lui avec sa vision comptable de l'amour [...]reconnaissait que ses sentiments pour Biddyallaient au-delà de la simple gratitude."

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Sur la très snob île de Waskeke (Nouvelle-Angleterre) se déroule le mariage de l'aînée des Van Meter, glorieusement enceinte de sept mois. Homards à gogo et Plan de table casse-tête en perspective pour la famille mais aussi remise en question pour le père, Winn, passablement austère et coincé, remâchant son passé et ne digérant pas que sa candidature au très select club de golf de l'île n'aboutisse pas.
Rien ne manque à l'appel de cette description d'un mariage huppé: ni la belle-soeur éméchée, ni la demoiselle d'honneur allumeuse et frigide, ni le beau-frère, bourreau des coeurs patenté. Mais j'ai mis du temps à lire ce roman, à le "digérer" avant de mettre le doigt sur ce qui me gênait dans cette lecture. Tout simplement le fait qu'un mariage est tendu vers l'avenir, comme le symbolise si bien le ventre de la mariée, alors que le personnage principal, le père, ainsi que sa fille cadette  d'ailleurs, restent obstinément bloqués sur leur passé et ne parviennent pas à dépasser leurs échecs.
Cette tension m'a paru nuire à la progression du roman , ainsi d'ailleurs que la vison passablement démoralisatrice du mariage de Winn, et je n'ai pas totalement trouvé mon compte dans cette lecture.

Le billet de Clara la tentatrice.

18/10/2012

Le beau monde

"J'aurai gagné en lumière et en ombre. En mystère."

"Terne, insipide", Frances Thorpes ? Cette obscure correctrice d'un prestigieux journal contemple de loin Le beau monde  des lettres où elle officie à une très modeste place.harriet lane,manipulation,écrivainLe hasard va lui permettre de recueillir les dernières paroles de l'épouse d'un grand écrivain, et, en côtoyant, même brièvement ce monde fascinant, Frances ne va pas résister à la tentation.
Petit à petit , elle va s'immiscer dans un univers où elle n'a pas sa place...
Tout le récit est vu du point de vue de Frances, qui ne se livre jamais totalement, même au lecteur qui découvre, petit à petit, toutes les étapes d'une intrusion ourdie de main de maître. Il serait vraiment dommageable de donner trop de détails mais la peinture de cette ambition souterraine et implacable sous des dehors insignifiants est à proprement parler époustouflante !
La description des parents de l'héroïne, en particulier de sa mère ,totalement névrosée, ainsi que celle des coulisses du journal sont des régals et on ne peut lâcher cette héroïne qui observe implacablement le monde qui l'entoure, en assimile les règles souterraines, les mensonges, et en tire le meilleur profit. Un roman qui tient du thriller, de la peinture psychologique acérée et du tableau de moeurs. Un premier roman qui fait preuve d'une parfaite maîtrise tant dans l'écriture que dans le rythme du récit.

Le beau monde, Harriet Lane, traduit de l'anglais par Amélie de Maupeou, Plon 2012.236 pages et une forêt de marque-pages !