15/03/2013
Un témoin qui a du chien
"Mes méthodes de travail peuvent paraître aléatoires et désorganisées, mais en fait, elles le sont vraiment."
Aaron Tucker, journaliste, scénariste en mal de producteur, est aussi marié et père au de deux enfants dont un ado atteint du syndrome d'Asperger. Il va donc se sentir particulièrement concerné quand un jeune homme ,lui aussi autiste, est accusé de meurtre. Menant son enquête en parallèle de la police et avec des méthodes bien particulières, Aaron devra en outre affronte son beau-frère, sa femme et leur fils, ainsi que des membres d'une autre famille, celle de la mafia locale. Lesquels sont les pires ?
Une chose est sûre, on ne s'ennuie pas une minute à la lecture de ce" faux" roman policier, bourré d'humour, et dont le héros ressemble comme un frère à l'auteur. Mine de rien, on glane au passage plein d'infos sur le syndrome d'Asperger et on a du mal à quitter ce héros qui nous paraît déjà familier comme un vieil ami. à découvrir de toute urgence !
PS: oui, il y a bien un dalmatien dans l'histoire et même un autre chien !
Un témoin qui a du chien, Jeffrey Cohen, traduit avec verve de l'anglais (E-U) par Claire Breton, Le Masque 2013, 401 pages qui donnent la pêche!
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08/03/2013
Les innocents
"Les contraintes sociales étaient sources de sécurité."
Adam vient juste de se fiancer avec Rachel, qu'il connaît depuis l'adolescence et qui appartient au même milieu social et à la même communauté juive que lui. Son avenir semble tout tracé quand Ellie la cousine de Rachel rentre en catastrophe des Etats-Unis. Ellie est l'exact opposé de Rachel physiquement et psychologiquement et , en plus d'être sexy ,traîne une réputation sulfureuse.
Craquera, craquera pas ? Adam choisira-t-il la voie toute tracée de la sécurité ou se hasardera-t-il sur des chemins de traverse? Le roman de Francesca Segal qui puise son inspiration dans le temps de l'innocence d'Edith Wharton va au delà de ces questions et propose une réflexion sur le thème de l'engagement nuancée et pleine de rebondissements.
La peinture de la communauté juive londonienne est chaleureuse et attache une importance toute particulière à la nourriture (ah la description du buffet de brunch !). Quelques longueurs mais un texte attachant et maîtrisé qui a reçu le prix Costa du premier roman.
Les innocents, Francesca Segal, traduit de l'anglais par Christine Rimoldy, Plon 2013, 336 pages chaleureuses.
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07/03/2013
Le tueur hypocondriaque
"Je suis une espèce de miracle de la médecine comme l'autopsie de mon corps le montrera aux yeux stupéfaits du public dans un futur proche."
Affligé des maux les plus improbables, Le tueur hypocondriaque rate systématiquement sa cible. Il est vrai que loucher ne lui facilite pas la tâche. Pas plus d'ailleurs que d'autres infirmités qui se révèlent à l'improviste dans les circonstances les plus fâcheuses.
En effet, à ces divers maux s'ajoute une poisse tenace qui n'entraîne que de cuisants échecs. à deux doigts de mourir notre héros parviendra-t-il à accomplir sa dernière mission ?
J'avoue, si j'ai commencé cette lecture avec le sourire, je craignais un peu le comique de répétition, dont je ne suis pas friande. Mais l'auteur a su se jouer de cet obstacle en réservant bien des surprises à son lecteur . On passe donc un excellent moment, à la fois touchant et plein d'humour avec ce tueur dont nous partageons, il faut bien l'avouer quelques travers.
Un roman, qui, une fois commencé, ne peut être que dévoré !
L'avis enthousiaste aussi de Clara !
Le tueur hypocondriaque, Juan Jacinto Munoe Rengel, traduit de l'espagnol par Catalina Salazar, Les escales 2013, 321 pages revigorantes !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : juan jacinto munoz rengel
05/03/2013
California dream
"Mais pour ceux qui, comme nous, se sont forgés dans le chaos, il n'y pas de retour possible. Pas d'échappatoire. Pour nous le chaos est une forme de normalité. Et la normalité- la vraie-se révèle éphémère et artificielle."
La nécessité de l'exil semble faire partie intégrante de la famille Prcic, puisque Ismet est le troisième à fuir un pays qui a changé plusieurs fois de nom au gré des aléas de l'Histoire: "Irfan avait fui le royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes; Irfan avait fui la République socialiste fédérative de Yougoslavie; et moi, je fuyais le jeune État de Bosnie-Herzégovie."
Jouant avec la chronologie, la mise en abyme (le narrateur, clairement donné comme un double de l'auteur rédige en outre des textes de fiction qui présentent une autre vision de la réalité), California Dream est un roman qui se donne les apparences du chaos . En fait, il reflète surtout l'histoire d'une famille dont les déplacements ne sont pas toujours explicités et dont les émotions reflètent les bouleversements d'un pays. Pas de descriptions de combats ou de massacres, non, le récit d'une tourmente dans laquelle sont pris des gens ordinaires dont la vie quotidiennes est chamboulée et qui tentent de s'en sortir au quotidien.
Quant à Ismet, son exil ne sera pas forcément un rêve californien. Un roman dans lequel il faut accepter de se perdre parfois pour mieux en savourer l'intensité.
California dream, Idmet Prcic, traduit de l'anglais (E-U) par Karine Reignier-Guerre, Les Escales, 2013, 421 pages.
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04/03/2013
Je trouverai ce que tu aimes
"Jusqu'à présent, la mort de Betty avait masqué la façon dont c'était arrivé."
Betty, 9 ans a été renversée par un chauffard. La narratrice, sa mère, revient sur les faits et, émergeant peu à peu de la douleur, en vient à envisager l'idée de vengeance . D'où le titre Je trouverai ce que tu aimes ,complété par Et je te l'enlèverai.
L'aspect psychologique m'intéressait mais j'aurais dû faire attention au bandeau intégré à la couverture: "Une romancière rare, à découvrir absolument" signé Douglas Kennedy. Danger aurait dû clignoter en rouge dans mon esprit !!!
En effet, la narratrice avant de se pencher sur le cas du chauffard, dont le statut du point de vue judiciaire est peu clair, revient sur son divorce qui a eu lieu juste avant l'accident , et ce dans les moindres détails. Une autre intrigue apparaît ensuite en filigrane, bien sordide. Du coup, elle m'a perdue en route. Quelques sondages plus avant ont confirmé l'atmosphère de plus en plus glauque et un enchaînement de péripéties morbides et bourrées de clichés jusqu'à la gueule... La conclusion s'imposait : inutile de perdre davantage son temps: Louise Doughty n'a pas trouvé ce que j'aimais.
16:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : louise doughty, schtroumpf grognon le retour
01/03/2013
La singulière tristesse du gâteau au citron
"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."
Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !
La singulière tristesse du gâteau au citron, traduit avec talent de l'anglais (E-U) par Céline Leroy, Editions de l'Olivier 2013, 343 pages piquetées de marque-page, bien sûr !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : aimee bender
22/02/2013
Cette main qui a pris la mienne...en poche
"Vous autres, les jeunes, vous êtes obsédés par la vérité. C'est une chose qu'on surestime souvent."
Alexandra, rebaptisée Lexie par celui qui va lui mettre le pied à l'étrier et lui ouvrir les portes de l'univers londonien de l'art , a réalisé son rêve : devenir journaliste et mener sa vie professionnelle et amoureuse avec indépendance et insolence. Elle évolue avec aisance dans ce swinging London mais , comme nous en prévient bientôt l'auteure , Lexie ne vivra pas bien vieille...
Quarante ans plus tard, la naissance du bébé d'Elina et Ted vient perturber le bel ajustement de leur vie. Tandis que la jeune femme se remet difficilement d'un accouchement qui a failli lui coûter la vie et semble avoir perdu des pans entiers de sa mémoire récente, son mari, au contraire, recouvre sous forme de flashs des moments de son passé qui ne semblent pas correspondre à ce qui lui a été raconté par sa mère. Bientôt, il découvrira en quoi les non dits ont pesé sur sa vie.
Assez rapidement, on pressent de quelle manière les destins d'Elina et Lexie sont liés mais tout l'art de Maggie O'Farrell est de parvenir néanmoins à surprendre son lecteur et à le plonger dans un profond malaise.
Il est question ici de filiation et O'Farrell analyse avec une sensibilité extrême la manière dont à quarante ans de distance deux femmes se laissent bouleverser par l'arrivée de leur premier enfant, ce qui nous vaut de très belles pages, n'occultant pas l'aspect à la fois sauvage et exclusif de cette relation. Elle fait également la part belle au nouveau père qui se trouve quelque peu démuni devant cet enfant qui restera longtemps sans prénom...
Un roman plein de vigueur, d'énergie et de sensibilité qu'une fois commencé on ne peut lâcher et dont on prolonge à loisir la lecture pour en profiter un peu plus encore...
Ps: il faut passer outre le titre très harlequinesque et se régaler !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maggie o'farrell
16/02/2013
Un bonheur insoupçonnable...en poche
”...il n'y a rien de plus précieux que d'être l'ami d'un ami.”
Il est des livres qui tombent au bon moment : vous errez dans une librairie, ne trouvant aucun des livres figurant dans votre carnet et soudain, vous ne voyez que lui. Une couverture* joliment désuète, rose églantine, mettant en scène des tableaux gentiment décalés. Intrigué, vous lisez la quatrième de couv' et aussitôt une question vous saute aux yeux : "Comment aider un enfant plongé dans le chagrin ? " suit la promesse d'un roman fourre-tout comme vous les aimez . Vous feuilletez le livre en question et là, surprise, vous découvre en images la recette du gâteau sans-peur et constatez avec amusement que des traces de pattes de chien se sont glissées par-ci , qu'on aperçoit par là la queue du même canidé et vous commencez sérieusemnt à douter de la classification du roman de Gila Lustiger Un bonheur insoupçonnable.
Peu importe, vous glissez le livre sous votre bras et vous dirigez vers la caisse...
Bien vous en a pris car ce roman philosophique est un vrai bonheur. Un de ceux que l'on lit le sourire aux lèvres et qu'on ouvre au hasard pour la plaisir de retrouver une phrase ou une illustration de Emma Tissier. De quoi s'agit-il ? D'un homme plus tout jeune qui, comme dans la chanson de Joe Dassin, "les p'tits pains au chocolat" ne se rend pas compte que l'amour est tout près de lui, d'un homme -le même- qui ne prend pas le temps de regarder vraiment les enfants qui vivent autour de lui, d'une chienne qui ne se pose pas de questions , sauf celle de l 'heure de son repas, d'un livre de questions justement, mais pas de réponses. Il est aussi question d'une grand-mère qui triche avec aplomb , enfin qui trichait , car elle est morte et Paul ne peut pas supporter d'être heureux sans elle. On apprend dans ce livre que "Les cailloux ont droit eux aussi à une belle vue. que l'oncle Hubert vivait chez lui à l'étranger. Que les mères remarquent toujours que quelque chose cloche justement quand on est pressé de sortir. Et qu'il ya des gens qui ne sont pas faits pour comprendre l'écriture fractionnaire."
Doté de titres de chapitres hétéroclites, de notes en pagaille , défiant toute logique car "dans ce roman, c'est le coeur qui décide",Un bonheur insoupçonnable est un roman enjoué et hirsute dont on sort le sourire aux lèvres qui soulève mine de rien des problèmes auxquels sont confrontés grands et petits. Réconfortant !
*la couverture en poche a changé !:(((
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gila lustiger
12/02/2013
Etranges rivages
"...on trouve les choses les plus incroyables dans la tanière d'un renard."
Revoilà enfin Erlendur ! Toujours hanté par la disparition de son petit frère lors d'une tempête, il est retourné sur les terres de son enfance. Et comme "Il éprouv[e] un besoin constant de découvrir les choses cachées, de retrouver ce qui était perdu." , il va s'intéresser au cas d'une jeune femme disparue en 1942, dans des circonstances rappelant celle de son frère.
La culpabilité est au centre de cet opus qui prend son temps pour démarrer mais qui va réserver bien des surprises au lecteur.
L'émotion est au rendez-vous et, même si j'avais deviné l'explication d'une des disparitions, Indridason a su me surprendre avec un rebondissement particulièrement cruel et inattendu. Des personnages bien campés, une intrigue prenante , une atmosphère hypnotique et un fin poignante font ce roman une réussite !
Etranges rivages, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury Métaillié 2013, 300 pages à savourer !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : arnaldur indridason
07/02/2013
Le détour
"Etrange, cette aisance avec laquelle le garçon et le chien s'accommodaient à cette maison."
Emportant quelques meubles et surtout son recueil des poèmes d'Emily Dickinson, une néerlandaise entre deux âges, loue une maison isolée au Pays de Galles. Derrière elle, elle laisse des parents figés dans leurs habitudes et un mari, d'abord furieux puis indifférent.
Va-t-elle tenter de se reconstruire ou son objectif est-il simplement de trouver un apaisement ? Se tenant d'abord dans un monde clos, l'héroïne va petit à petit s'intégrer à la nature qui l'entoure. L'arrivée impromptue d'une jeune homme chargé de cartographier les sentiers pédestres de la région va briser cette solitude et réveiller en elle sentiments et sensations.
Avec une grande économie de moyens, beaucoup de non-dits, Gerbrand Bakker fait évoluer son héroïne, gommant tout pathos, dans un univers qui devient de plus en plus proche de celui d'Emily Dickinson. On est bien loin ici de l'image que donne Christian Bobin de la poétesse américaine dans La dame blanche !
Mais le plus important mérite de ne pas être révélé afin de ne pas briser le charme puissant de ce roman qu'on voudrait tout à la fois finir et faire durer le plus longtemps possible... Un univers peuplé d'oies, d'un chien de berger, d'écureuils gris , d'un blaireau effronté et de quelques personnages qu'on a l'impression de voir évoluer devant nos yeux tant ils sont réussis ! Un moment de pur bonheur !
Le détour, Gerbrand Bakker, magnifiquement traduit du néerlandais par Bertrand Abraham, Gallimard 2013, 258 pages frôlant la perfection.
Du même auteur, j'avais aussi beaucoup aimé Là-Haut, tout est calme, clic !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : gerbrand bakker, trouver sa maison