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17/02/2023

L'affaire des lubies du temps perdu

"Elle souffrait rien qu'à la pensée de la pénible posture dans laquelle elle s'était elle-même placée. "

Sa mère vient de mourir. Son mari la quitte. La pièce de théâtre dans laquelle elle interprétait l'héroïne de Colette, Mitsou, se termine, Norma a besoin d'un refuge.
Elle se rend alors sur l'île (jamais nommée) où vit désormais son père.
Là, les frontières entre rêve et réalité semblent se flouter et Norma n'arrive pas à poser des questions directes à son père. La conversation est possible mais reste souvent élusive. Une  vérité finira pourtant par être prononcée et replacera peut être les choses en ordre.rune christiansen
Quel contraste entre la précision du vocabulaire et la description parfois nébuleuse des sentiments de Norma ! On se perd parfois dans ces circonlocutions  mais on reste séduit par la poésie qui se dégage de l’œuvre.
 Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier.

Éditions  Notabilia 2023.

Merci à Babelio et à l’éditeur. rune christiansen

08/02/2023

#Verslamère #NetGalleyFrance !

"Une mère redoute à chaque instant de perdre son enfant. Moi j'ai deux fois plus peur car il n'est pas de moi. "

Une femme blanche et son fils à la peau sombre embarquent pour un voyage qui va s'avérer tout sauf confortable sur le fleuve Atrato, en Colombie. Nous découvrons petit à petit, au fil de l'eau et des souvenirs , la raison de ce périple et du choix de ce moyen de transport : la narratrice va présenter l'enfant à sa mère biologique dans un village au cœur de la jungle. Elle n'est donc pas pressée d'arriver. lorena salazar
Les dangers rôdent, prennent des formes diverses ,dont celle de militaires qui inspirent la peur et ne seront jamais clairement identifiés. Mais ce voyage, lieu de toutes les angoisses de celle qui ne cesse de  redéfinir ce qu'est qu'être mère, comme pour mieux  se convaincre de sa validité , est aussi un moment de rencontres éphémères mais souvent intenses.
Les personnages prennent rapidement chair et nous suivons cette Odyssée le cœur serré , tant la tragédie semble inévitable. Un premier roman très réussi.

Grasset 2023

Traduit de l'espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon.lorena salazar

01/02/2023

#Bivouac #NetGalleyFrance !

"Comme les humains, les arbres isolés n'ont pas grand chance de survie. La résilience du bois vient avec la force du nombre , la prise de ses racines entortillées à une société de semblables. "

Quel plaisir de retrouver Anouk, Raphaëlle et Coyote, leur chienne ! Cette fois , les deux amoureuses vont se confronter à la vie en communauté , d'abord dans une éco-ferme communautaire puis , par la force des choses, au cœur d'une tribu de guerriers écologistes.
En effet, Gros-Pin , l’arbre préféré de Raphaëlle , est menacé d'être abattu et avec lui toute une partie de la forêt que les protecteurs de la nature voudraient protéger en en faisant une réserve faunique. Mais les intérêts économiques et politiques priment et la construction d'un oléoduc ne s’embarrasse ni de la biodiversité, ni des conséquences catastrophiques à plus long terme.
Gabrielle Filteau-Chiba, à son habitude, maitrise à la perfection l'art du récit et c'est pourquoi nous retrouvons un personnage,Riopelle, avec qui Anouk avait connu une liaison aussi brève que passionnée. L'occasion pour le lecteur de découvrir la vie de ces "eco-Warriors" qui ont fait le choix de sacrifier leur vie personnelle pour tenter de sauver la Nature. L'occasion aussi de confronter ses personnages aux fluctuations du désir et au polyamour. gabrielle filteau-chiba
La langue est toujours aussi belle, l'intensité dramatique aussi forte et le lecteur ne sortira pas indemne de cette lecture qui fait la part belle aux descriptions de le la forêt et des vies qui s'y déploient. Une réussite qui file sur l'étagère des indispensables.

 

Stock 2023.

PS: peut se lire indépendamment des deux volumes précédents , mais ce serait se priver de grands bonheurs de lecture. gabrielle filteau-chiba

17/01/2023

Le Roitelet

"" Tu devrais écrire un livre dans lequel rien n'arrive. " J'ai trouvé l'idée d'autant plus séduisante que j'ai sous la main, avec ma  vie très banale, une grande quantité de matière à partir de laquelle travailler. "

Quel plaisir de retrouver ici l'auteur du Jour des Corneilles ! Ici, il ne s'agit plus d'un père et de son fils mais principalement de deux frères, dont l'un est écrivain (l'auteur) et l'autre travaille dans une jardinerie. Ah oui, il est aussi schizophrène mais il ne faudrait pas le ramener uniquement à cette maladie qui le fait souffrir et rend son comportement parfois difficilement compréhensible aux autres tant ses remarques sont parfois étonnantes et lumineuses.
Dans ce texte, il est aussi beaucoup question de nature, d'animaux , d'écriture et c'est de manière apaisée, mais sans occulter les difficultés que Jean-François Beauchemin avec une écriture d'une finesse incomparable évoque cette relation fraternelle hors-normes. jean-françois beauchemin
Un texte dont les pages se tournent toutes seules et  qu'il faut prendre le temps de relire pour encore plus le savourer. Et zou, sur l'étagère des indispensables.

 

Editions Quebec Amérique.

14/01/2023

Reine Rouge...en poche

"Le monde est gouverné par les médiocres, les égoïstes et les crétins. Particulièrement par ces derniers. Or le capitaine Parra semble être une intéressante combinaison des trois."

Un improbable duo (un flic gay, Jon Gutiérrez (plutôt fort, mais pas gros), une femme aux capacités intellectuelles hors-normes,  Antonia Scott, un crime atroce aux motivations peu claires, un style enlevé, un art du suspense parfaitement maîtrisé, voilà de quoi blanchir nos nuits tant ce roman est addictif.juan gomez -jurado
Les personnages sont bien croqués, j’avoue que le péché mignon de l'héroïne (collectionner les mots qui n'existent que dans une langue) me l'a rendue  sympathique), l'intrigue particulièrement tordue, tout ceci est très efficace  . Seul petit bémol: j'ai passé les pages trop descriptives et surtout trop gores . J'attends déjà avec impatience la suite.

Traduit de l'espagnol par Judith Vernant.

11/01/2023

#Assemblage #NetGalleyFrance !

"La réponse: l'assimilation. Toujours, cette pression, pile à cet endroit. Assimilez-vous, assimilez-vous... Dissolvez-vous dans le melting-pot. Puis coulez-vous dans le moule. Pliez vos os jusqu'à ce qu'ils craquent, se fendent,jusqu'à ce que ça rentre. Forcez-vous à épouser leur forme. Assimilez-vous, voilà à quoi ils exhortent, à quoi ils encouragent. Puis ils froncent les sourcils. Encore. Et encore. Et toujours, en ligne de basse, sous le vocabulaire insistant de la tolérance et de la convivialité - disparaissez ! "

Elle a travaillé deux fois plus, su faire face à "cette course faite d'obstacles perpétuels", parce qu'elle est femme et parce qu'elle est noire dans un monde fait pour les Hommes Blancs.
Un monde où le racisme est soigneusement nié et où on exhorte les minorités à se fondre dans la masse, même si le vocabulaire , via ses connotations, porte la marque d'une Histoire et de ses préjugés. Un monde où on n'hésite pas à lui dire frontalement que si elle a été promue c'est parce qu'elle permet à l’entreprise de valoriser les minorités. Un monde où un employé d'aéroport, nonobstant le billet de classe affaire présenté, vous oblige à faire la queue au guichet auquel votre couleur de peau vous assigne. natasha brown
Cette violence larvée la narratrice s'en protège en se tenant à distance de ses émotions ,en apparence, mais la lave intérieure bouillonne et son regard acéré n'épargne personne . Même pas le jeune privilégié qui prétend l'aimer.
Un récit dense, sans concessions, qui file droit sur l'étagère des indispensables.

Grasset 2023, traduit de l'anglais par Jakuta Alikavazovic.

natasha brown

 

 

03/01/2023

La ligne de nage

"Vous auriez dû vivre  (qu'est-ce que vous avez fait à la place ? Vous avez joué la sécurité, vous êtes restée dans votre ligne de nage )."

Dans la première partie de ce récit, nous découvrons une communauté hétéroclite , mais soudée, celle de nageurs qui fréquentent une piscine en sous-sol. Tous ceux qui respectent les règles implicites y ont leur place. Y compris Alice dont la mémoire est de plus en plus défaillante. La routine y est de mise et chacun trouve dans ce sas de quoi supporter la "vie d'en haut".
Las, une fissure dans le fond du bassin vient troubler cette belle harmonie. On peut y voir la métaphore de tout élément perturbateur qui vient déranger nos existences et en l’occurrence ici celle de la vie d'Alice. julie otsuka
La troisième partie recense tous les oublis de cette femme et à l'inverse tous les souvenirs de celle qui fut internée dans un camp pour Nippo-Américainss durant la Seconde guerre mondiale. Un portrait impressionniste et plein d'humanité.
Changement de tonalité avec "Belavista" où sont égrainées implacablement  les différentes étapes que connaîtra Alice dans cet établissement spécialisé où son mari et sa fille ont dû la faire entrer, au vu de la dégradation de son état mental.
Dans la dernière partie, la narratrice et fille d'Alice évoque enfin sa relation à sa mère .
Sur un thème délicat et douloureux, Julie Otsuka réussit un texte sensible , prenant (même si la partie consacrée à la fissure est un peu longuette) et même moi qui déteste les piscines j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce texte  profondément émouvant mais tout en retenue.

 

 

Gallimard 2022.

 

Traduit de l’anglais (E-U) par Carine Chichereau.

12/12/2022

Happy Fucking Christmas, chère Janet !...en poche

"Le bonheur ne fait pas partie de mes priorités. Je veux autre chose. Avoir un minimum de contrôle sur ma vie et mon corps, pour commencer. Pouvoir passer une journée sans avoir l'impression que ce que je fais est mal. Je veux sentir mes émotions, pas les ravaler. Et si ce sont elles qui finissent par me bouffer, eh bien tant pis. "

Le titre original, Sad Janet , a le mérite d'être clair : Janet est triste . Et elle veut qu'on lui fiche la paix avec ça. Pourtant le monde entier conspire contre sa tristesse, d'autant plus que Noël approche.lucie britsch
Noël ? Sa bête noire. Elle préfère encore se faire bouffer le bras par un chien du refuge où elle travaille que faire du shopping de cadeaux avec sa mère , c'est dire.
Néanmoins Janet va finir par se laisser convaincre et va tester un traitement spécialement destiné à lui faire supporter Noël...
Bourré de mauvais d'esprit, d'humour noir, ce roman ne nous épargne rien quant aux humeurs de sa narratrice misanthrope, corrosive et directe.  Toutes celles qui, sur la foi de la couverture et du titre auraient ouvert ce roman en croyant lire une romance de Noël risquent d'avoir un choc. Mais  j'ai beaucoup aimé Janet, sa lucidité, ,sa volonté de résister à la société qui veut araser toutes les souffrances psychiques à coup de pilules. Reste que tant de noirceur, éclairée par un lueur d'espoir néanmoins à la fin se doit de ne pas  être dévorée d'une traite.

 

 Traduit de l’anglais par Karine Lalechère.

24/11/2022

Transcription...en poche

"Est-ce qu'ils élevaient ces filles dédaigneuses dans un incubateur spécial quelque part ? "

Kate Atkinson dans Transcription continue d'explorer  la période de la 2 nde guerre mondiale , cette fois sous l'angle de l'espionnage. Son héroïne, Juliette Armstrong,  en apparence naïve, est recrutée par les services secrets britanniques pour participer au démantèlement de la cinquième colonne, ces sympathisants locaux du nazisme.kate atkinson
Rien de bien glorieux car il s'agit dans un premier temps de retranscrire leurs propos, souvent obscurs, voire ennuyeux. Tout cela paraît assez bon enfant jusqu'à ce qu'enfin, les événements s'emballent et que Juliette ne soit amenée à devenir une espionne comme elle le rêvait.
Entremêlant à son habitude avec virtuosité les époques, parsemant son texte de touche d'humour et nous gratifiant d'un revirement final assez efficace, Kate Atkinson, n'a pourtant pas réussi à me captiver comme elle le fait d'habitude.La tension dramatique n'est pas suffisamment efficace et l'intrigue un peu trop paresseuse à mon goût.

Gageons que ce n'est que partie remise ! J'attends déjà avec impatience les nouvelles aventures de Jackson Brodie.

23/11/2022

Hiver...en poche

Invité pour Noël chez sa mère avec qui il entretient des relations distantes, Art n'a rien trouvé de mieux que de louer les services d'une jeune fille d'origine étrangère rencontrée dans la rue pour jouer le rôle de Charlotte, sa petite amie qui vient de briser leur relation.Ali smith
Le roman commence donc sous les auspices d'un ressort de comédie romantique mais va bientôt prendre un tournant plus dramatique quand les jeunes gens vont se rendre compte que la mère d'Art, Sophia, est plutôt confuse et ne s'alimente guère. Art appelle donc à la rescousse Iris, la soeur de sa mère. Voilà trente ans que , séparées par des visions du monde radicalement différentes, les deux femmes ne se sont pas revues...
Les souvenirs se mêlent au présent, un secret de famille sera révélé, mais pas forcément au principal intéressé dans cette famille qui semble ne pouvoir communiquer que par le truchement de tiers. Un roman qui peut dérouter mais dont les personnages n'en demeurent pas moins attachants.