11/07/2013
le syndrome de la vis
"Et pendant tout le temps que mes mains travaillaient, la vis oeuvrait en paix, égrenait les pensées ordinaires devenues noires au contact de la nuit sans trop me déranger. Au contraire, même, le flot continu des images qui surgissaient de ma tête animait mes mains , comme l'adrénaline."
Josée , enseignante dans un cégep (collège d'enseignement général et professionnel), pète les plombs car elle est cre-vée. La cause ? Une insomnie chronique qu'elle combat en lisant un texte d'Umberto Ecco. Peu efficace. Les idées continuent à tourner sans fin dans sa tête.
C'est davantage auprès de son entourage pittoresque que Josée trouvera ,non pas le repos, mais de quoi adoucir les angles de sa vie.
Entrer dans l'univers de Marie-Renée Lavoie est un pur délice ! Son sens de l'observation et de l'humour font que , même si l'intrigue est un peu (beaucoup) faiblarde, on le lui pardonne volontiers tant on tombe amoureux de ses personnages, de leur manière d'affronter la réalité (en fracassant des bibelots achetés exprès , par exemple !), de la tendresse qui se lit dans leur description et de la finesse des observations : "Si on ne canonise pas les parents, c'est qu'ils accomplissent beaucoup trop de miracles pour qu'il soit possible de les consigner. Avec les religieux, on s'en tient à des dossiers raisonnables, quantifiables." Sans oublier, bien sûr, la langue et l'univers québécois que j'adore tout simplement ! Un moment de pur bonheur et plein de pages cornées !
Du même auteur: clic
Un grand grand merci à Cuné, moins enthousiaste !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : marie renée lavoie
04/07/2013
Désir d'être punk
"Elle dit que la vie va beaucoup plus vite que je ne peux l'imaginer. Mais elle avait beau rouler vite, ils auraient quand même pu sauter ! Ce n'est pas si difficile."
Le décès du père de sa meilleure amie a changé le regard de Martina, adolescente de seize ans. Dans un carnet destiné au garçon qu'elle aime en secret, la jeune fille relate sa vie, scandée par la musique, une vie qui est en train de se réagencer à cause de la crise économique mais aussi d'autres crises plus intimes .
Il y a dans ce roman espagnol une vraie voix, intime et poétique, qui sait toucher le lecteur adulte . Ne surtout pas lire la quatrième de couverture , sauf à vouloir connaître la totalité du roman ! Faire abstraction également du rappel, quasi obligatoire, dès qu'il est question de cette période de la vie, à l'attrape-coeur et se laisser toucher par la petite musique douce-amère de ce Désir d'être punk.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : belén gopegui, adolescence
02/07/2013
Leçons singulières
"Henry n'a jamais été très doué pour prendre du bon temps.Il était toujours en train d'abandonner quelque chose. Quand ce n'était pas le vin, c'était le sucre ou la caféine et aujourd'hui c'est moi qu'il a laissé tomber."
Never explain,never complain. Henry pourrait reprendre à son compte la devise royale. Froid et détaché pour les uns,attaché à son image pour les autres, cet homme d'affaires intègre, soucieux de l'éthique et des investissements à long terme, se retrouve brutalement évincé de la société qu'il a contribué à créer.
Quand son ex-épouse, malade, lui demande de le rejoindre en Floride, Henry prendra-t-il conscience de la chance qui lui est offerte de réparer ses erreurs ?
Roman sur la perte et le deuil, Leçons singulières possède une structure parfaitement maîtrisée, qui, en bousculant la chronologie, évite tout pathos. D'emblée, l'auteur nous balance un uppercut et , le coeur serré, le lecteur ne peut que continuer à suivre cet itinéraire d'un homme qui affronte l'adversité avec une dignité sans pareille. Il est pourtant loin d'être un modèle ,mais Henry, par le portrait éclaté qui nous en est proposé, gagne en richesse,en profondeur et en humanité. Une psychologie subtile et un style tout en retenue font qu'on ne peut lâcher ce roman où la violence ordinaire est dépeinte avec une grande fidélité. à découvrir absolument.
Leçons singulières, David Abbott, traduit de l'anglais par Katel Le Fur, Rivages 2012, 295 pages poignantes teintées d'une touche d'humour so british.
Un grand grand merci à Cuné !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : david abbott, renoncements nécessaires
21/06/2013
Captif
"La culpabilité, il n'avait plus le temps pour ça."
Atteint d'une tumeur agressive qui creuse son lobe temporal, Kenny dresse la liste des gens "qu'il avait décus d'une façon ou d'une autre. Il avait décidé d'employer le temps qui lui restait pour se rattraper." Il découvre alors que sa petite amoureuse de l'école primaire a mystérieusement disparu depuis plusieurs années. Commence alors une quête riche en tension et en rebondissements. Avec une grande sobriété de moyens Neil Cross , faisant fi de tous les bons sentiments sans pour autant se départir d'une grande sensibilité, nous livre un récit parfaitement maîtrisé. La quête chevaleresque se double ici d'un processus d'apprivoisement de la mort , "du processus consistant à se déprendre du monde comme on lâche le fil d'un ballon.", le tout dépeint avec une grande finesse psychologique et une attention aiguë aux détails révélateurs du quotidien. Un roman qui va droit à l'essentiel et qu'on ne peut lâcher ! Un livre qui remet en selle quand tout vous tombe des mains ! Un page turner efficace.
Déniché en médiathèque*.
Captif, Neil Cross, traduit de l'anglais par Renaud Morin. 10/18 2013
* En édition gros caractères, ce qui est appréciable quand on est fatigué !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : neil cross
15/06/2013
Marilyn, Elvis, le prince William et moi...en poche
« -OK, Lady Pas-De-Chance, tu vas te remettre en selle , et plus vite que ça. »
Gracie »petite excitée rigolote » tient fermement les rênes de sa vie, sous forme d'un plan en cinq ans qui lui permet de se fixer des objectifs et de s'y tenir. Jusqu'à présent sa méthode était efficace mais tout va commencer à se dérégler à partir du jour où la promotion qu'elle espérait lui passe sous le nez. Commence alors une série de catastrophes qui n'arrivera pourtant à déstabiliser notre chère Gracie et la mènera sur des chemins qu'elle avait feint d'oublier, ceux de la musique et du chant.
Humour, bonne humeur, tendresse, héroïne au caractère bien trempé qui évolue dans le monde de l'immobilier (et non dans un milieu bien plus glamour), tels sont les ingrédients de ce roman sympathique en diable qui se dévore d'une traite, . On aurait peut être aimé que l'éditeur se fende d'un titre plus en rapport avec le contenu mais bon...
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : lucy-anne holmes
14/06/2013
La resquilleuse/souffler n'est pas jouer ...en poche
"-Quelle drôle de vieille bonne femme !"
Veuve depuis trois ans, Matilda , sans attaches, même animales, a décidé de mettre fin à ses jours après un dernier pique-nique épicurien. Las ! Un matricide maladroit va lui mettre des bâtons dans les roues, empêchant ainsi son funeste projet.C'est à une expérience bizarre que je me suis livrée en (re) lisant ce roman de Mary Wesley. Je l'avais dévoré il y a une dizaine d'années, m'attachant surtout au côté impertinent et cocasse de cette "vieille dame" (elle a abordé les rives de la cinquantaine , arbore fièrement des cheveux blancs, dénigrant avec une belle ardeur ses fesses fripées mais s'autorisant néanmoins un bain de soleil entièrement nue sur la plage ) , parangon de la vieille anglaise excentrique et charmante.
Me rapprochant désormais de cet âge considéré comme canonique apparemment dans les années 80 (ce roman a été paru pour la première fois en grande Bretagne en 1983), j'ai davantage été touchée par cette femme qui avoue brutalement des faits de l'ordre de l'intime et qui découvre au fil de quelques semaines que son mari n'était sans doute pas celui qu'elle croyait. S'est-elle voilé la face comme le suggère l'un des personnages ? En tout cas sa franchise concernant ses relations avec ses grands enfants est décapante et en choquera plus d'un.
Mary Wesley, comme à son habitude s'amuse à destabiliser son lecteur, le faisant passer du rire à l'émotion en un clin d'oeil et , bien évidemment, on en redemande !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : mary wesley
09/06/2013
à la trace...en poche
"-J'aurai peut être à choisir entre information et satisfaction: pas facile."
Une quadragénaire , bafouée par son mari et méprisée par son ado de fils, décide de prendre (enfin) sa vie en mains. Récit de l' émancipation d'une femme donc, femme qui va croiser, de manière détournée, le chemin d'une bande de musulmans extrémistes, visiblement fort affairés et prudents.
Changement de programme dans la deuxième partie où nous retrouvons notre ami Lemmer, chargé de convoyer un couple de rhinocéros blancs, en compagnie d'une pisteuse chevronnée, du Zimbabwe jusqu'en Afrique du Sud. Évidemment, la balade sera plus proche du "Salaire de la peur "que de la promenade de santé ! Fin du second acte.
Dernière partie, plus classique , celle où une femme , travailleuse et déterminée, charge un ancien flic à la retraite d'enquêter sur la disparition subite de son mari.
Trois tonalités différentes et des liens subtils qui s'établissent progressivement entre les différentes intrigues, récits qui font la part belle aux femmes et ménagent de multiples surprises au lecteur. Le complot politique est parfois un peu embrouillé mais se termine par un vrai coup de théâtre ! Les grains de sable- nous ne sommes pas en Afrique du Sud où tout peut basculer pour rien !- viennent perturber les ordonnancements les plus rigoureux et semer un peu plus de panique ,mais Don Meyer maîtrise totalement sa partition.
La fin est un peu précipitée mais j'y ai vu la promesse de nouvelles aventures de Lemmer, donc tout va bien ! Une pointe d'humour, un soupçon d'histoire d'amour et beaucoup de péripéties font que ces 722 pages deviennent vite addictives ! Prévoir un long week-end ou de courtes vacances pour ne pas être en manque !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : deon meyer
01/06/2013
Famille modèle...en poche
"-Si tu fais vraiment partie de la famille, il va falloir que tu apprennes à merder."
Warren Ziller, a décidé de transplanter sa famille du Wisconsin où tous profitaient d'un bonheur paisible, pour leur faire partager son rêve américain de richesse et de confort en Californie . Las ! les ennuis vont commencer et s'aggraver d'autant plus vite que Warren ne peut avouer à sa parfaite petite famille que toutes leurs économies ont disparu dans le sable du désert...
Eric Puchner brosse un portrait caustique de la société américaine,et de cette famille qui semble dans un premier temps échappée d'une publicité : la mère , toujours vêtue de pastel, surnommée par ses enfants "Pyrex, déesse des gratins" qui réalise des films éducatifs benêts, les enfants, tous très beaux mais qui, mine de rien, peinent à s'adapter à ce nouvel environnement qui ne leur semble pas forcément idyllique et le père , incarnation vivante de l'esprit d'entreprise.
Tout ce joli petit monde va se trouver sévèrement secoué dans le shaker du destin et les véritables personnalités vont se découvrir peu à peu,tandis que s'effilochent les rêves paternels. C'est à la fois cruel et drôle , on contemple tout à la fois effaré et troublé cette chute de la maison Ziller en croisant les doigts, juste au cas où...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : eric puchner
25/05/2013
La muraille de lave...en poche
On lui avait souvent reproché sa froideur et sa distance, mais il ne s'en inquiètait pas beaucoup."
Le commissaire Erlendur est toujours en vacances . C'est bien dommage car cet opus , donnant la vedette à Sigurdur Oli, son jeune collaborateur, est tout sauf intéressant, du fait sans doute des défauts mentionnés plus haut du personnage.
Trois intrigues se mêlent paresseusement, dont une par ricochet, sur fond de pratiques bancaires plus que discutables et de problèmes de couple du héros, problèmes dont on se fiche royalement car le personnage est sans épaisseur.
Un roman que j'ai lu jusquà la fin pourtant, mais du bout des yeux, si j'ose dire, en soupirant presque.
Rendez-nous Erlendur!!!
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : arnaldur indridason
24/05/2013
L'inconstance de l'espèce
"Tragique , la façon dont la nature exhibait ici l'inégalité de développement entre les sexes."
Trente ans d'enseignement dans un collège de l'ex-R.D.A ont aiguisé le regard ( et la pensée ) de Inge Lohmark. Un peu déformé aussi, il faut bien l'avouer, car la professeure de biologie et de sport envisage tout ce qu'elle observe, tout ce qu'elle analyse à travers le prisme scientifique.
Elle tient ainsi tous et tout à distance, corsetée qu'elle est dans un univers où les sentiments n'ont guère droit de cité. Elle analyse avec une froide lucidité son couple (son mari plus préoccupé par son élevage d'autruches que par sa famille), sa fille (qui a fui aux Etats-Unis), ses collègues, ses élèves (voir un hilarant plan de classe des "primates " (comprendre ses élèves) qu'elle épingle comme des papillons avec une réjouissante férocité . Ainsi Saskia : " Pourrait même être jolie sans tout ce maquillage. Visage bien proportionné, front haut, sourcils épilés, expression bête à manger du foin. Entretient avec maniaquerie son pelage."
Avec le même détachement, elle constate l'interchangeabilité des idéologies et de leurs discours , pointant du doigt les promesses irréalistes mais aussi les contraintes du nouveau système. Sa pensée part parfois en vrille mais toujours avec la même rigueur .Des phrases courtes, souvent nominales traduisent bien cette volonté d'analyse ironique, ponctuée de très peu de points d'exclamation. De la tenue, que diable !
L'humour, parfois cruel, est toujours présent , "Combien d'enfants les Marten avaient-ils jusqu'à présent, personne ne le savait précisément. [...] elle avait interrogé un des petits Marten à ce sujet. il avait promis de se renseigner auprès de ses parents."et l'on déguste avec bonheur ce portrait de femme inoubliable. à noter que le roman est richement illustré de gravures , comme exhumées d'un vieux livre de biologie. Un pur régal !
L'inconstance de l'espèce, Judith Schalansky, traduit de l'allemand par Matthieu Dumont, Actes Sud 2013, 229 pages et une multitude de cornes !
Merci Cuné !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : judith schalansky