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14/09/2015

Le maître des apparences

-"Toute ma vie, Tansy, depuis ma petite enfance, les gens que j’aimais ou qui s'occupaient de moi m'ont quitté, largué, ou ont été emportés par la mort. Je veux savoir pourquoi."

Né en Malaisie, sir Edward Feathers, plus connu sous le nom de Filth, avocat international renommé travaillant  à Hong Kong , rentre dans la mère patrie avec sa femme Betty, pour profiter de sa retraite.
Tous deux sont des "enfants du Raj", c'est à dire de l'Empire britannique, nés en Asie mais envoyés dès leur plus tendre enfance dans des familles d’accueil, plus ou moins tendres, puis dans des internats pour être éduqués en Angleterre. jane gardam
Pas question à l'époque de se plaindre de mauvais traitements et encore moins du fait que votre famille vous traite avec une désinvolture frisant l'indifférence coupable.
Entremêlant les époques, Jane Gardam brosse le portrait éclaté d'un homme aux multiples facettes, qui" s 'est fabriqué ce moi acerbe et impeccable"marqué par un événement traumatique qui ne sera explicité qu'à la toute fin du roman.Bien loin d'avoir mené" une longue vie calme et lisse",comme le croient ceux qui le nomment "le Vieux Filth"   l'octogénaire a connu une existence pleine de péripéties, digne d'un roman de Kipling, auteur dont l'ombre plane sur ce roman
.Les secrets enfouis, tout comme un collier de perles dont il faut taire l'origine, réapparaissent au détour d'une phrase et éclairent d'une nouveau jour cette vie tout sauf ennuyeuse.
Si Filth n'écrira aucune ligne de ses mémoires, il entreprendra un voyage qui tournera à l’épopée tragi-comique pour renouer avec les témoins d'un passé dont il sent qu'il ne peut faire l'économie.
Un roman à la construction impeccable, au début un peu lent, mais qui captive de bout en bout et se révèle plein d'émotions et de surprises car tout est vu du point de vue d'un personnage atypique.

C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai renoué avec l'écriture de Jane Gardam, une auteure dont il faut tout lire ! pour en savoir plus: clic et reclic.

Le maître des apparences, Jane Gardam,Éditions Lattès 2015.jane gardam

 

11/09/2015

La vie selon Florence Gordon

 "La croulante scandaleuse."

brian morton

 

Florence Gordon, 75 ans, est une icône féministe à l'esprit aussi acéré que la langue.Plus penseuse qu'épouse, mère ,voire grand-mère, elle entend bien, vu son âge, se consacrer tranquillement à ses mémoires, mais le monde conspire pour qu'il en soit autrement.
Forcée de faire appel à sa petite fille, Florence entend bien ne pas lâcher le cap et ne pas changer d'un iota son comportement, tout sauf agréable.
Magnifique portrait de femme au crépuscule de sa vie, La vie selon Florence Gordon est aussi un récit de transmission. C'est plus par l'exemple que par les paroles que la grand-mère, tout sauf gâteau, montrera la voie à sa petite-fille.
Allez savoir pourquoi, tout au long de ma lecture, j'ai visualisé Florence sous les traits d'une romancière, non pas new-yorkaise ,mais britannique, la grande Doris Lessing, regrettant au passage que Brian Norton n'ait pas su donner davantage d'épaisseur à ses personnages. Un bon moment de lecture néanmoins.

 

L'avis de Cuné qui m'avait donné envie.brian morton

10/09/2015

Une main encombrante...en poche

Avant de pouvoir ne serait-ce qu'envisager de vivre dans une maison, il devait aimer les sons qui l'entouraient. Si le bruit du vent ne lui convenait pas, ou la qualité du silence, il pouvait aussi bien tourner les talons immédiatement. Mais ce qu'il entendit lui inspira une sensation de calme."

Son père est mort, sa fille, Linda, devenue policière habite avec lui et Wallenberg, voudrait être tranquille: "Je voudrais me mettre en congé de moi-même , pensa-t-il. De cette pesanteur que je traîne et qui me mine. Je n'en peux plus."
L'opportunité d’acheter une maison à la campagne se présente mais le sort s'en mêle et Wallenberg, explorant le jardin, bute sur une main qui dépasse légèrement du sol. Adieu havre de paix, une enquête est ouverte...henning mankellCourt roman (156 pages ) nous dit l'éditeur, nouvelle pour Mankell, Une main encombrante a d'abord été un texte dont s'est inspiré la BBC pour un scénario de sa série Wallander avec Kenneth Branagh. L’écrivain l'a ensuite relu et enrichi, ce qui donne cette version.
Cet épisode, nous précise l'auteur se situe avant L'homme inquiet qui clôt la série.
Retrouver Wallander est toujours un bonheur et la réflexion de l'auteur sur son personnage est extrêmement intéressante. On y apprend entre autres les étapes de la genèse de la série, les objectifs de l'auteur et surtout la raison pour laquelle il a décidé d'arrêter la série : "Après La lionne blanche, j'ai compris que Wallender était réellement devenu un instrument. Il m'est alors apparu que j'avais tout à craindre de ce personnage car désormais , je serais sans cesse confronté au danger de privilégier le soliste. Or mon mot d'ordre était toujours: l'histoire d'abord."

Quant à des épisodes mettant en scène Linda, l'auteur n'en exclut pas l'éventualité , tout en soulignant : "à mon âge, les frontières rétrécissent. Le temps, qui manque toujours, manque encore plus. Je dois prendre des décisions de plus en plus fermes sur ce que je ne veux pas faire ."

09/09/2015

à parts égales

"Il me semble que la place de chacun a bougé, dans ce petit ballet."

Créatrice d'une entreprise familiale de céramique, Susie Moran ,l'âge venant, entend bien continuer à mener sa barque comme elle l'entend.joanna trollope
Ses trois filles, aux caractères et aux talents très différents, son mari, toujours accommodant, sans oublier les pièces rapportées, comprendre les beaux-fils, toute cette constellation bien huilée va voir son fonctionnement   remis en question par les aspirations de chacun et surtout par l'arrivée surprise du père quasi inconnu de Susie, l'excentrique Morris.
Joanna Trollope a le chic tout à la fois pour raconter des histoires et croquer des personnages,bien ancrés dans une réalité quotidienne, ce qui nous les rend proches.Elle aurait pu faire de son héroïne un personnage tyrannique mais tel n'est pas le cas. Ses personnages sont nuancés et proposent des choix de vie parfois atypiques mais satisfaisants .Les dialogues sont francs mais jamais agressifs et l'on prend beaucoup de plaisir à cette lecture tout à la fois facile (et ce n'est pas condescendant de ma part) et agréable.

à parts égales, Joanna Trollope, Éditions des Deux terres, traduit de l'anglais par Johan-Frédéric Hel Guedj, 345 pages confortables.

Merci à Albertine Proust et aux Éditions des deux Terres.

07/09/2015

La vérité et autres mensonges

"Elle se souvint avoir entendu Henry dire un jour que celui qui réalise ses rêves doit ensuite vivre avec."

Sa maîtresse est enceinte de lui mais Henry ne peut évidemment quitter sa femme. En effet,  elle est la véritable auteure des romans à succès dont il a endossé, impunément jusqu'à présent, la paternité.
Mais la situation est plus nuancée qu'il n'y paraît et ce personnage, qui avait tout pour nous paraître odieux, n'est pas dénué de qualités humaines.sascha arango
Magnant avec brio vérités et mensonges, Henry va donc tenter de préserver sa vie de rêve, coûte que coûte.Et sa formidable capacité de résilience va l'y aider.
On se laisse avec beaucoup de plaisir prendre au piège de ce thriller bien huilé qui s'amuse à surprendre son lecteur, balançant,mine de de rien, des vérités au milieu d'un tas de mensonges. Henry tente toujours d'avoir un coup d'avance, mais la situation devient de plus en plus inextricable et on se surprend à vouloir qu'il s'en sorte, alors que de prime abord cette empathie n'allait pas de soi ! Un excellent moment de lecture

Merci à Cuné et Clara qui m'ont donné envie.

 Déniché à la médiathèque.

 La vérité et autres mensonges, Sascha Arango, traduit de l'allemand par Dominique Autrans, Albin Michel 20115, 332 pages captivantes.

29/08/2015

Dans le silence du vent...en poche

Tu ne peux donc pas manger ? Tu te sentirais mieux. Tu n peux donc pas te lever ? Tu ne peux donc pas ...revenir à la vie ? "

L'été des treize ans de Joe est marqué par le viol de sa mère. Cet adolescent va brutalement faire l'expérience de la notion de justice car l'imbroglio des lois s'exerçant sur le territoire indien et le silence obstiné de sa mère ne facilitent guère l'identification du violeur et son jugement. Joe va donc devoir mener l'enquête de son côté et basculer irrémédiablement dans le monde des adultes.
Louise Erdrich dans ce nouveau roman décrit avec une acuité sans pareille la prostration de la victime et la difficulté à faire émerger la vérité. Une situation hélas représentative car,selon un rapport publié par Amnesty international en 2009, une femme amérindienne sur trois sera violée au cours de sa vie  et que, vu le "Labyrinthe de l'injustice", peu des violeurs seront poursuivis. Mais la romancière n'en fait pas pour autant un livre lourdement pédagogique. L'intensité dramatique est prenante et le style parfaitement maitrisé.louise erdrich
Les descriptions de la vie quotidienne de l'adolescent sont autant d'échappées belles loin de l'atmosphère étouffante de la maison familiale et l’occasion également de montrer la solidarité sans faille qui s 'exerce au sein de sa famille élargie.
Un roman que j'ai pris le temps de lire car, malgré quelques notes humoristiques et certains personnages hauts en couleurs, il y règne un climat lourd et poignant. Beaucoup de sobriété et d'émotion. à lire absolument.

Un roman récompensé par le National Book Award et élu meilleur livre de l'année par les libraires américains.

27/08/2015

Amelia

Quand Kate arrive en pleine journée au lycée de sa fille, il est trop tard: Amelia a sauté du toit .Pourtant rien ne semblait prédisposer cette élève intelligente et mature qui entretenait d’excellentes relations avec sa mère qui l'élevait seule à commettre un tel acte.kimberly mc creight
Alors qu'elle tente d'accepter la situation, Kate reçoit un SMS affirmant qu'Amelia n'a pas sauté.
Commence alors une exploration de l'univers de la jeune fille pleine de rebondissements et de révélations pour le moins surprenantes.
Pourquoi le cacher ? J'ai dévoré d'une traite ce roman hautement addictif , même si j'étais bien consciente qu'il fonctionnait sur des ressorts plutôt classiques (connaissons-nous vraiment nos proches ? l'amour d'une mère pour sa fille unique ). Classiques mais efficaces car,  tout en variant les points de vue et les supports (textos, mails, conversations téléphoniques...) Kimberly McCreight sait raconter une histoire. Elle nous entraîne sur de fausses pistes, tout en dévoilant le petit monde pervers et hypocrite d'un établissement scolaire chic. Oui, le monde des ados est cruel et celui des adultes n'a rien à lui envier.
Si certains ressorts narratifs apparaissent a posteriori un peu outrés, il n'en reste pas moins que j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce bon gros pavé de 523 pages où je ne me suis pas ennuyée une minute !

Amelia, Kimberly Mac Creight, traduit de l'anglais (E-U) par Éloïse Leplat, le cherche Midi 2015.

 

 

 

 

 

26/08/2015

J'ai vu un homme

"Aucun de leurs choix n'avait été malintentionné. Et cependant, leur combinaison avait engendré plus d'obscurité que de lumière."

Pourquoi Michael Turner explore-t-il la maison de ses voisins en leur absence ? Voilà à peine sept mois qu'il s'est installé à Londres et très vite, il est entré dans l'intimité des Nelson, une sympathique petite famille.owen sheers
Différant la réponse à cette question, le récit remonte le temps ...
Michael peine à se remettre du décès de sa femme, Caroline, journaliste tuée au Pakistan. Il n'est pas le seul : le commandant Mc Cullen ,responsable de cette mort, semble lui aussi perturbé par ce cadavre de trop et l'américain qui ne supporte plus d'être "dissocié de ses actes" , a bien l'intention d'agir et d'assumer les conséquences ,par-delà les frontières ,d'une décision prise sans états d'âme.
Owen Sheers , dès la première phrase de son roman, instaure un malaise qui ira s'amplifiant et perdurera même quand sera identifié "l'événement qui bouleversa leur existence". En effet, les liens , bien plus complexes qu'il n'y paraît à première vue, entre les différents personnages, vont les entraîner dans des chemins très tortueux .
Remords, conflits de loyauté, culpabilité sont analysés avec finesse et sensibilité. La narration est extrêmement efficace, le lecteur se perd en conjectures sur la nature de cet événement avant de rester le souffle coupé.Le récit,ponctué de réflexions sur l'écriture (Michael est écrivain), gagne encore en profondeur et crée même peut être une mise en abyme, comme semble le suggérer la dédicace...
Un roman qui nous ferre d'emblée et qu'on ne lâche pas car il allie , et c'est rare, qualité de l'écriture et subtilité de la narration. Du grand art !
Il y avait la page 51 de David Vann il y aura maintenant celle d' Owen Sheers (je me garderai bien de vous donner sa numérotation !)

J'ai vu un homme, Owen Sheers, traduit de l'anglais par Mathilde Bach, Rivages 2015, 351 pages insidieusement addictives.

Et zou, sur l'étagère des indispensables! Nuits blanches en perspective !

Une dernière citation pour la route :" Une histoire qui n'est pas racontée , dit-elle en le pointant d'un doigt accusateur, c'est comme une décharge. Enfouis-la tant que tu veux , elle finira toujours par refaire surface."

21/08/2015

Les nuits de laitue

"Désormais, Otto souffrait d'une insomnie sans fin. Ses mauvaises pensées dureraient pour toujours puisqu'il n'y aurait plus jamais de matin-désormais toutes ses nuits avaient un arrière- goût de laitue. Et Otto détestait les légumes-feuilles."

Otto et Ada "avaient passé un demi-siècle ensemble à cuisiner, à faire des puzzles géants de châteaux  européens et à jouer au ping-pong le week-end (du moins jusqu'à l'arrivée de l'arthrite) dans un quartier dont les habitants sont aussi haut en couleur que leur maison jaune.
Au début du roman, Ada vient de mourir. Otto tente donc  tout à la fois de lutter contre ses insomnies, tout en remettant de l'ordre dans ses pensées. En effet, selon lui,  quelque chose" cloche "dans son univers peuplé de personnages fantasques et souvent "perchés", mais il n'arrive pas à élucider l'affaire...61yR-SmJszL._AA160_.jpg
L'aspect policier n'est ici qu'un prétexte dans ce roman enjoué et chaleureux, peignant un microcosme grouillant d'originaux  en tous genres, ayant parfois des rêves plus grands qu'eux mais parvenant à enchanter leur quotidien, de manière simple et cocasse.
Un très bon moment de lecture.

Les nuits de laitue, Vanessa Barbara, traduit  du portugais (brésil) par Domnique Nédellec, Zulma 2015, 223 pages toniques !

 

 

 

20/08/2015

Au paradis

"Le seul moyen de comprendre un tel mal, c'est de le réimaginer. Et le seul moyen de le réimaginer, c'est à travers l'art, ce que savait Goya. On ne peut pas en dresser un portrait réaliste."

Une centaine de personnes se rassemblent dans l'enceinte d' Auschwitz, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération du camp, pour prier,méditer et témoigner.peter matthiessen
 Un des participants, Clements Olin,  universitaire américain, s'interroge sur l'utilité d'une telle démarche, entraînant plus de conflits, souvent absurdes,  entre les participants de confessions et de nationalités différentes, que de sérénité. La présence de nonnes catholiques (nous sommes au début de l’installation, très controversée d'un Carmel catholique dans l’enceinte du camp d'extermination) ne faisant qu'exacerber les tensions.
Progressivement, Clements Olin devra quitter sa position d'observateur , interroger sa propre histoire et ses origines polonaises, et s'impliquer bien plus qu'il ne le voulait au départ car "cet endroit l'a attendu toute sa vie, depuis les cauchemars de son enfance."
Le titre, éminemment ironique, donne le la de ce roman qui, nourri d'informations et de réflexions, multiplie les ruptures de ton afin de mieux déstabiliser et interroger son lecteur. Ses personnages ne sont jamais manichéens, ni donneurs de leçons , chacun étant renvoyé à ses propres limites devant l'indicible.  Un texte fort et intense.

Au paradis, Peter Matthiessen, traduit de l'anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedl, Éditions des deux terres 2015, 248 pages piquetées de marque-pages.