02/11/2015
L'intérêt de l'enfant
"Que le monde soir rempli de tels détails, de ces minuscules preuves de la fragilité humaine, menaça de l'anéantir et elle dut détourner les yeux."
Fiona Maye est une brillante magistrate spécialiste du droit de la famille. à l'aube de la soixantaine, son mari ,s'estimant délaissé, lui demande abruptement l'autorisation de faire un écart de conduite. Et ce, juste quand Fiona doit juger un cas particulièrement subtil: celui d 'un jeune homme atteint d'un cancer qui refuse toute transfusion sanguine car il est témoin de Jéhovah.
Professionnelle et méthodique, Fiona fait face à tous ces remous avec intelligence et finesse.
J'ai beaucoup aimé la description du ballet silencieux, cette communication sous forme de "pas de deux silencieux et solennel" entre les époux ainsi que la manière à la fois rationnelle, pleine d'empathie et de respect dont Fiona traite son affaire.
J'ai moins été convaincue par le récit du dernier cas juridique qui, relaté par un des collègues de Fiona, semble mal venu, voire inutile car la narration aurait gagné en intensité en étant plus resserrée. à ce détail près, L'intérêt de l'enfant est un roman prenant, tant par son histoire que par son ambiance et ses personnages.
Cuné m'a donné envie, surtout pour la tasse, où je la rejoins tout à fait. les Anglais ont vraiment le chic pour l'observation des détails de la vie quotidienne !
06:00 Publié dans rentrée 2015, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : ian mc ewan
22/10/2015
Le jardin blanc ...en poche
"Pour le Britanniques, l'auto-dénigrement est un subtil motif de fierté. Les Américains, eux, le prenaient toujours pour un manque de confiance en soi."
Jo Bellamy, jeune paysagiste américaine, est envoyée par son employeur dans le Kent pour d'étudier (en vue de reproduction) le fameux jardin blanc de Vita Sackville-West. C'est aussi l'occasion pour la jeune femme de revenir sur les traces de son grand-père, qui vient de se suicider, et qui avait , dans sa jeunesse travaillé dans ce même jardin.
A Sissinghurst, Jo découvre un journal intime qui pourrait bien être celui de Virginia Woolf, amie et amante de Vita.Or, ce journal se prolonge au-delà delà de la date du décès de l'auteure de Mrs Dallowway...
Commence alors une folle course-poursuite entre universitaires et experts de chez Sotheby's afin d'élucider le mystère des derniers jours de Virginia Woolf.
Stephanie Barron s'engouffre avec jubilation dans l'espace temporel qui sépare la disparition et la découverte du corps de Virginia et, mêlant fiction et réalité, invente une fiction effrénée qui tient le lecteur en haleine. Si l'explication est un peu tarabiscotée, on prend néanmoins beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman à qui on pardonnera un aspect romance un peu trop prévisible, mais qui sait tirer parti choc des cultures et de notre côté "fan de . Un pur plaisir à côté duquel j'étais passée en raison d'une couverture initiale trop sombre. Celle de Morgane Rospars est juste parfaite !
Le jardin blanc, Stephanie Barron, traduit de l'anglais (E-U) par Isabelle D. Philippe, 10/18 2015, 373 pages jubilatoires suivies d'une série de questions et thèmes de discussion autour du Jardin blanc. Tellement anglo-saxon !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : stephanie barron
15/10/2015
Pattes de velours, oeil de lynx
"Mes enfants sont beaux et gras, les yeux ronds comme ceux d'un chat.Les voisins sont maigres et laids, les yeux fins comme ceux d'un chien." (proverbe suédois)
Sara et Björn, un jeune couple, sont ravis d'avoir quitté la vie citadine et l'immeuble, empli de voisins psychorigides et racistes ,où ils habitaient.
Ils emménagent à la campagne, un espace de liberté dont ils vont pouvoir aussi faire profiter leur chatte, Michka.
Las, leurs seuls voisins, au demeurant de prime abord fort sympathiques, ont un chat dominant qui entend bien rester le maître absolu de son territoire.Très vite, Sara et sa voisine, Agneta, vont entamer une guerre larvée où vont réapparaître les blessures du passé.
Partant d'une situation vécue, expliquée dans la postface, Maria Ernestam instille en une centaine de pages une atmosphère qui vire très vite à l'aigre et affirme le pouvoir de la nature sur toutes les entreprises humaines.
Un petit délice à ne pas manquer !
Chez Gaïa Éditions 2015, traduit du suédois par Esther Sermage. 9 euros
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : maria ernestam
13/10/2015
La cour des secrets
"Si j'ai appris quelque chose aujourd'hui, c'est que les ados feraient passer le pire des criminels pour un enfant de chœur."
L' affaire- non élucidée-de l'assassinat d'un ado de seize ans trouvé dans l'enceinte d'un très chic collège catholique irlandais de filles est relancée par l’apparition d’une photo sur un panneau d'affichage indiquant "Je sais qui l'a tué".
Les deux enquêteurs, issus d'un milieu modeste, ayant chacun des objectifs professionnel différents, ont fort à faire avec ces adolescents privilégiés, soumis à la pression scolaire et empêtrés dans des conflits de loyauté et des histoires d'amitié et d'amour.
Un brin de surnaturel, la magie d'une clairière, beaucoup de dialogues (un peu trop à mon goût) mais un grand sens de la psychologie font que j'ai beaucoup aimé ce roman de Tana French.
La cour des secrets, Tana French, Calmann-Levy 2015.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : tana french
25/09/2015
Le bruit des autres ...en poche
"Je n'avais pas demandé grand chose à quiconque depuis la mort de mon mari, et maintenant que tout semblait exiger énormément de moi, sans jamais me laisser en paix, je devais me montrer vigilante. Je devais tenir les comptes plus sérieusement, tracer des lignes invisibles ."
Propriétaire d'un immeuble ancien à Brooklyn, un Brownstone, Celia, jeune veuve, tient le monde à distance et sélectionne soigneusement ses locataires. Elle a ainsi créé un microcosme apparemment harmonieux, empli de discrétion .
Las ! Une nouvelle venue , Hope, semble avoir apporté avec elle"un phénomène physique chaotique" qui a pris le pouvoir dans l'immeuble, "encouragé par le printemps, mélangeant les appétits humains avec les taillis." Simultanément , son locataire le plus âgé, un vieux conducteur de ferry ,disparaît. Bref,la belle harmonie a fait long feu et Celia ne peut plus se contenter de créer des scénarios à partir de ce qu'elle entend chez les autres .Elle va devoir renouer avec des désirs qu'elle croyait avoir oubliés et affronter un monde tout sauf aseptisé.
Premier roman, Le bruit des autres fait partie de ces livres aux thèmes subtilement dérangeants, à l'écriture élégante et puissante tout à la fois, de ces textes qu'on aurait aimés écrire tellement ils sonnent juste.
Les personnages sont à la fois parfaitement cernés tout en gardant une part trouble ,qui les rend encore plus attachants et crédibles. Bref c'est un pur délice et un énorme coup de cœur, constellé de marque-pages !
Un grand bravo à jean Esch pour la traduction !
Le bruit des autres, Amay Grace Loyd, livre de Poche 2015.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : amy grace loyd
22/09/2015
Petit Piment
"Cela lui ferait plaisir de voir que je partais de ce livre pour comprendre le monde même si cette quête était au fond orientée sur ma propre identité et ce que représentait mon nom."
Son patronyme Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya, abrégé en Moïse, signifie en lingala "Rendons grâce à Dieu, le Moïse noir est né sur la terre des ancêtres" lui a été attribué par le prêtre de l'orphelinat où il a passé ses treize premières années.
Devenant le seul à avoir braver, en leur faisant manger de la nourriture trop épicée, les jumeaux qui font régner leur loi dans cet établissement congolais, il deviendra Petit Piment et s'enfuira en leur compagnie. Il poursuivra sa vie d'aventures, vivant avec sa bande de petit voyous , tout en rêvant d'une destin façon Robin des bois.
Mettant en scène un héros à la David Copperfield sauce piment,le texte d'Alain Mabanckou explore la voie du roman d'apprentissage avec force clin d'yeux à Brassens. J'ai retrouvé avec joie l'atmosphère des rues africaines et son petit monde plein d'énergie et de débrouilles,mais aussi de tragédies, petites ou grandes.
Si le rythme faiblit un peu dans l'avant dernière partie, on suit néanmoins avec plaisir ce personnage qui parviendra, par des voies détournées et erratiques, à accomplir le destin inscrit dans son nom.
Petit Piment marque ma première rencontre avec un auteur dont je vais poursuivre la découverte !
Petit Piment, Allain Mabanckou, Seuil 2015.
06:00 Publié dans rentrée 2015, romans étrangers, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : alain mabanckou
20/09/2015
La vie amoureuse de Nathaniel P. ...en poche
"être dans une relation lui évitait d'avoir à draguer les filles, de supporter les longues et ennuyeuses conversations avec des petites qui lui plaisaient à peine dans l'espoir de coucher avec elles. Il était libre de s'adresser à des gens à qui il voulait vraiment parler."
Le charmant personnage qui s'exprime ainsi est Nate P., écrivain en devenir. Son premier roman est à paraître et il va enfin pouvoir se débarrasser des travaux littéraires alimentaires et devenir visible aux yeux de ceux qui comptent vraiment dans le microcosme littéraire new-yorkais.
Jusqu'à présent, il a enchaîné les échecs amoureux et vient d'entamer une relation avec Hannah, jeune trentenaire qui s'est fixé aussi comme objectif d'écrire un roman. Valse-hésitation, relation en pointillés, disputes, les plus infimes variations de ce qu'on peine à appeler vie amoureuse est disséqué du point de vue de Nate, personnage égocentrique, condescendant et renâclant à se remettre en question. D'où mon total manque d'empathie, largement compensé par le plaisir de l'humour vachard de ce roman qui brosse le portrait d'une génération se donnant bonne conscience à peu de frais. Quant au personnage masculin, il aurait juste été insupportable s'il avait été décrit par un homme !
On ne souhaite à aucune jeune femme de tomber amoureuse de Nathaniel P. ou d 'un de ses avatars.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : adele waldman
19/09/2015
Delivrances
"Mais cela nécessiterait du courage, chose que, puisqu'elle réussissait dans son métier, elle croyait posséder en abondance .ça et une beauté exotique."
De Lula Anne à la peau beaucoup trop noire pour sa mère, "sa couleur est une croix qu'elle portera toujours." , à Bride, la jeune femme qui ne porte que du blanc, et dont la peau "rappelle la crème fouettée et le soufflé au chocolat" a su tracer son chemin dans la société américaine et se réinventer.
Tout semble lui réussir, elle évolue dans l'univers de la beauté et enchaîne les succès jusqu’à ce que la mécanique se grippe : Brooker la quitte sans un mot et elle se fait rosser par une femme qu'elle entend aider.
Commence alors une ultime métamorphose où le corps de Bride régressera vers l'enfance, une touche de "fantastique" de l'ordre du symbolique qui ne m'a pas tout à fait convaincue, et partira à la recherche de celui qui l'a abandonnée.
Racisme, pédophilie mais aussi résilience, sont les thèmes de ce court roman choral qui nous donne à voir sous plusieurs angles le personnage de Bride. Un roman fluide et prenant qui marque ma rencontre -réussie- avec cette auteure partout célébrée.
J’avoue préférer le titre américain"God Help the Child" (que Dieu aide l'enfant), bénédiction qui clôture ce roman.
Délivrances, traduit de l’anglais (E-U) par Christine Laferrière, Christian Bourgois 2015.
06:00 Publié dans rentrée 2015, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : toni morrison
18/09/2015
L'ange de l'oubli
"Entre l'histoire officielle de l'Autriche telle qu'elle est proclamée et l'histoire effective s'étend un no man's land où il y a de quoi se perdre. Je me vois aller et venir entre une petite cave sombre et oubliée de la maison d'Autriche et ses vastes espaces clairs et richement décorés."
Dans les montagnes de Carinthie, à la frontière entre la Slovénie et l'Autriche, la minorité Slovène subit toujours le poids de la Seconde guerre mondiale qui a vu déporter les membres de cette minorité dans les camps nazis.
Entre une grand-mère survivante du camp de Ravensbrück et un père marqué par son engagement chez les Partisans (comprendre les résistants) la narratrice grandit et atteint l’âge adulte, comblant petit à petit les silences.
La forêt, les déplacements occupent une place cruciale dans ce récit de formation où la langue est elle aussi un marqueur essentiel. Se tournant vers le théâtre, la poésie, la narratrice s'affranchit peu à peu de ce passé de cet "enfermement dans son propre corps dont le métabolisme enferme le passé comme un microbe de la mémoire, un microbe vivant qui en certaines occasions prend possession de la personne, l'envahit et la scinde de tout le présent." pour trouver sa propre voie.
Un roman à la langue poétique et sensible qui m'a fait découvrir tout un pan de l'Histoire que j'ignorais totalement. Une lecture parfois exigeante, de nombreuses ellipses (on découvre au détour d'une phrase que l'héroïne a des frères et sœurs) mais très émouvante, sans jamais tomber dans le pathos.
L'ange de l'oubli, Maja Haderlap, traduit de l'allemand (Autriche) par Bernard Banoun,Métaillier 2015.
L'avis d'Hélène.
06:00 Publié dans rentrée 2015, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : maja haderlap
16/09/2015
La défense
Les romans ayant pour thème un procès, surtout aux États-Unis, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé.
Je les trouve trop pinailleurs et leur fonctionnement, à mille lieues des procès français, me laissent souvent avec un sentiment d’insatisfaction quant au triomphe , sinon de la vérité, du moins d'une certaine justice.
Rien de tel dans le très musclé, tonique et intelligent, premier roman de Steve Cavanagh, La défense.
Sur un canevas assez classique, un avocat est contraint de défendre le chef de la mafia russe locale.L'enlèvement de sa fille et une ceinture d'explosifs devraient l'encourager à se montrer persuasif et efficace.
Mission impossible ? Pas pour Eddie qui avant de devenir avocat était un escroc patenté , débrouillard et futé.
On sent l'auteur très à l'aise dans son récit dont il maitrise à la fois le rythme et les rebondissements. Pas de jargon, de l'efficacité et du punch, que demander de plus ?
La défense, Steve Cavanagh, traduit de l'anglais (iralnade) par Benoît Domis, Bragelonne 2015, 379 pages qui font le job.
06:00 Publié dans rentrée 2015, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : steve cavanagh