20/04/2016
La fille du froid
"Ma vie est légère et rangée désormais, comme un sac à dos qui ne contient que le strict nécessaire."
Expérimentant la notion de coïncidences, Katherine Carlyle, après le décès prématuré de sa mère, se lance dans un voyage qui la mènera, au gré de ses rencontres, toujours plus au Nord, toujours plus vers le froid.
En effet, embryon congelé durant huit ans ,avant d'être implanté dans le giron maternel, la jeune femme de dix-neuf ans est persuadée garder des réminiscences de cette période de sa vie.
C'est le postulat de départ qui m'a intéressée dans ce roman, mais malgré les nombreux passages soulignés, les évocations plus que réussies des atmosphères et des villes traversées, je suis un peu restée extérieure au récit de cette quête de l'essentiel, de l'épure. Le tout restant un peu trop froid, peut être...
La fille du froid, Rupert Thomson, traduit de l’anglais par Sophie Aslanides, Éditions Denoël 2016, 371 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rupert thomson
18/04/2016
L'heure d'or
"La vie ne dépend peut être pas de toutes les décisions qu'on prend. Il y a tout un monde autour de nous. Nous nous faisons pousser, bousculer, que nous le voulions ou non. Nous sommes peut être comme des feuilles qui virevoltent au gré du vent. Nous allons là où on nous envoie."
Un été chaud dans le Sud de l'Angleterre (on ne ricane pas), un paysage champêtre et un couple de quinquagénaires, Henry et Laura, qui décide d'organiser un dîner samedi en huit pour réunir voisins et amis. Les invitations sont lancées mais les remous, les interrogations et les remises en question des uns et des autres vont peut être faire capoter l'harmonie dont rêve Laura.
Comme dans les précédents romans de William Nicholson, nous trouvons une galerie de portraits plus vrais que nature,(de l'adolescente qui s’amourache d'un garçon fascinant ,mais sans doute nocif , à la trentenaire qui freine des quatre fers à l'idée de s'engager, en passant par le sexagénaire qui veut changer de vie) mais toujours emplis de bienveillance.
Les rebondissements de l'intrigue sont plus liés à l'évolution psychologique des personnages et elle se fait tout en finesse. Ainsi on sent que l'auteur a autant de compassion pour la vieille mère tyrannique que pour la fille tyrannisée et il parvient à nous brosser de l'une comme l'autre des portraits nuancés. Quant au scénariste ulcéré qui découvre inopinément que son scénario est retravaillé par un autre, la confrontation avec son rival prendra une tournure beaucoup plus enrichissante que prévue.
Tous nous deviennent proches et l'on se sent plein de gratitude à l'idée d'avoir partagé ce repas. Un bon gros roman confortable comme on les adore !
L'heure d'or, William Nicholson, traduit de l’anglais par Anne Hervouët, éditions de Fallois 2016, 411 pages piquetées de marque-pages.
L'heure d'or est celle qui précède le coucher du soleil et qui donne une lumière très particulière.
Du même auteur: clic et reclic ,
Les romans peuvent se lire indépendamment .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : william nicholson
14/04/2016
Americanah...en poche
"Alexa et tous les autres invités, peut être même Georgina, comprenaient tous la fuite devant la guerre , devant la pauvreté qui broyait l'âme humaine, mais ils étaient incapables de comprendre le besoin d’échapper à la léthargie pesante du manque de choix."
Parcours surprenant que celui d 'Ifemu : alors que de nombreux africains rêvent d'aller aux États-Unis, après quinze ans passés dans ce pays, elle rentre chez elle à Lagos.
Si j'ai beaucoup aimé le parcours social de cette héroïne, sa lutte pour se faire une place en Amérique, son regard sur la société américaine, sa langue (bravo à la traductrice) que j'entendais chanter à mes oreilles avec ses interjections ponctuant chaque fin de phrase, son retour et son ascension sociale au Nigeria, j'ai moins été convaincue par plusieurs éléments.
D'abord par les son blog, à l'écriture simpliste, même si les fait détaillés sont intéressants. Ensuite son parcours amoureux aux États-Unis où elle semble juste collectionner des spécimens lui permettant d’étudier un large éventail de cas de figures. Quant à son amour de jeunesse, inversement on frôle le sirupeux. Mais bon, je ne suis pas une grande sentimentale !
Il n'en reste pas moins que , nonobstant ces quelques petites réserves, j'ai beaucoup aimé ce récit et les descriptions particulièrement vivantes et bien croquées de la vie quotidienne,tant aux États-Unis qu'en Afrique.
"
06:04 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : chimamanda ngozi adichie
09/04/2016
L'effet Rosie/Le théorème de la cigogne/Comment devenir le père idéal...en poche
Trois titres pour un roman...
"- Je laisserai la thalidomide dans le placard.
-Tu as de la thalidomide ?
-C'est une blague, Don, une blague."
"-Nous sommes enceints, a-t-elle dit." Et Don de commencer à tout prévoir en bon planificateur qu'il est , pour pallier à la désorganisation chronique de Rosie.
Mais si Don est imbattable sur alimentation d'une femme enceinte, l'évolution du fœtus, pas sûr qu'il soit capable d'établie une relation interpersonnelle avec le bébé à venir, la faute à son syndrome d'Asperger.
Si l'aspect loufoque est moins présent que dans le premier volume (lecture non indispensable pour la compréhension mais ce serait dommage de s'en priver), Don, à force de cachotteries pour éviter de stresser Rosie, va se fourrer dans de beaux guêpiers dont il parvient toujours à se tirer in extremis avec des moyens bien à lui ! Scènes d'anthologie à foison (entraînement à l'accouchement, voyage en avion, choix du prénom...) !
Si la tonalité est parfois un peu plus sombre, on passe un excellent moment de lecture avec Don,Rosie et leurs amis !
Graeme Simsion, Pocket 2016.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : graeme simsion
06/04/2016
Murmures dans un mégaphone
"Un homme levant une tasse devant lui et servant un deuxième thé à une femme qu'il vient tout juste de rencontrer. Une femme qui s'est aventurée à l'extérieur après trois ans d'emprisonnement volontaire. Un homme dont les pensées rationnelles ont été suspendues tels des draps lavés de frais, gonflés par le vent, rien que cela, gonflés par le vent."
Cela pourrait être une accumulation de personnages plus ou moins gentiment dysfonctionnels.Jugez un peu: Myriam , trente-cinq ans ,vient juste de décider de quitter la maison où elle a vécu volontairement recluse. Ralph, le jour se son anniversaire, quitte sa femme car "S'il existait un Oscar du déni, Sadie l'emporterait chaque année.Une experte, une professionnelle." De plus, cette dernière étale en direct sur les réseaux sociaux le naufrage de leur mariage...Exit donc Sandy et direction les bois où, bien évidemment, Ralph rencontre Myriam. Sortez les violons, préparez la guimauve ? Que nenni !
Rachel Elliott, dont c'est ici le premier roman, est aussi psychothérapeute (comme Ralph, tiens...) et son empathie pour ses personnages ne l'empêche pas d'éviter les clichés du genre. Avec délicatesse, finesse et précision, elle peint les errements de ces personnages avec beaucoup d'humour. Elle ne juge jamais leur léger décalage , les accompagne dans leur quête d'une vie meilleure avec empathie et nous fait entendre leur Murmures dans un mégaphone ,les rendant sacrément vivants aux yeux du lecteur.
La fin, apaisée, évite cependant le happy end à tout prix et c'est avec un sourire aux lèvres que l'on referme ce formidable roman. Un grand coup de cœur !
Comme l'écrit Véronique Ovaldé sur le bandeau de ce roman : "Ne sous-estimez pas le mystérieux pouvoir de ce livre."
Murmures dans un mégaphone, Rachel Elliott, magnifiquement traduit de l’anglais par Mathilde Bach, Rivages 2016,444 pages qui réenchantent le quotidien !
06:02 Publié dans Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : rachel elliott
30/03/2016
Tout ce qu'on ne s'est jamais dit
"que l'attention était accompagnée d'attentes qui -comme la neige- s'abattaient et s'accumulaient et vous broyaient sous leur poids."
Le 3 mais 1977 Lydia, jeune lycéenne promise à un bel avenir disparaît. Son corps sera retrouvé quelques jours plus tard.Lydia s'est noyée.
Remontant le fil du temps le roman dévoile peu à peu l'univers clos dans lequel évoluait la jeune fille, du fait de ses origines (elle est issue d'un mariage qu'à l'époque on appelle encore interracial et son frère et elle sont les deux seuls "orientaux" de leur établissement scolaire, ce qui suscite sinon la réprobation du moins une curiosité malsaine) et de sa place dans la constellation familiale. Enfant préférée, elle porte aussi le poids des attentes de ses parents, sans susciter pour autant la jalousie du reste de la fratrie.
Partant d'un motif récurent dans les romans à suspense "nous ne connaissons pas vraiment nos proches", Celeste Ng dans ce premier roman évite tous les écueils du genre et se penche davantage sur l'aspect psychologique. Son style fluide, ses fausses pistes, font de ce texte une lecture agréable et prenante même si le tout reste un peu trop lisse.
Le billet tentateur de Clara.
Éditions Sonatine 2016 - Traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau - 278 pages qu'on ne lâche pas !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : celeste ng
26/03/2016
La femme d'en haut...en poche
"Les gens n'ont pas envie de s'inquiéter pour la Femme d'En Haut. Elle est fiable, organisée, sans histoires."
L'arrivée d'une jeune élève d'origine étrangère, Reza, dans sa classe de primaire ,va bouleverser la vie bien rangée de Nora.
Abordant bientôt les rives de la quarantaine, cette institutrice modèle prend en effet conscience au contact de la famille de Reza de tout ce à quoi elle a renoncé: ambition artistique, maternité, amour; en bref, la vie et son intensité. Nora tombe pour ainsi dire amoureuse à titres divers de Sirena, la mère de l'enfant, une artiste en passe d'être mondialement reconnue, de son époux, Skandar et bien sûr de Reza, qu'elle va chérir. Renouant avec une pratique artistique aux côtés de Sirena , Nora se prend à espérer d'une autre vie.
Récit a posteriori dont la narratrice est Nora, cette Femme d'En Haut,"invisible durant des décennies" , le roman de Claire Messud scrute avec précision les moindres remous intérieurs de cette femme qui a soif de vivre et qu'anime une colère monstrueuse.Ce texte à la structure circulaire, qui peut se lire comme la réponse de Nora à la trahison inévitable et extrême, souffre de quelques longueurs, comme souvent chez Claire Messud ,mais j'ai néanmoins pris beaucoup de plaisir à entrer dans l'univers de Nora, femme frustrée, bridée ,mais jamais caricaturale.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : claire messud
24/03/2016
Le lagon noir
"Deux univers se rencontraient sur cette lande. Deux univers qu'Erlendur pensait inconciliables."
En pleine guerre froide , la base américaine de Keflavik en Islande est un emplacement stratégique important. Mais les relations entre autochtones et soldats US ne vont pas toujours de soi. Aussi quand un technicien, qui travaillait pour le compte des américains, est retrouvé mort dans Le lagon noir , l'enquête menée par Erlendur, alors jeune policier, s'avère particulièrement malaisée.
D'autant, qu'en parallèle, Endurable enquête sur la disparition d'une jeune fille,un cold case remontant à 25 ans.
On retrouve ici les thèmes chers à Arnaldur Indridason et son rythme toujours aussi lent , mais efficace. La description, nuancée des relations entre islandais et américains est particulièrement intéressante, le roman se lit d'une traite avec le confort habituel mais sans une once de nouveauté pour emporter totalement l'adhésion.
Les avis plus enthousiastes de Clara,d'Aifelle et de Keisha.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : arnaldur indridason
15/03/2016
Sans oublier la baleine
"Les courbatures qui continuaient de meurtrir ses membres évoluaient en une douleur d'une espèce différente-une sourde nostalgie de la beauté du monde, du bleu tendre du ciel, du gris minéral de l'eau, des verts délicats des prairies."
Joe Haak a filé d'une traite de la City jusqu'à un petit village de Cornouailles où son sauvetage par une baleine providentielle a fait de lui le héros en devenir d'une légende locale.
Pourtant tout semblait opposer ce jeune prévisionniste, officiant pour les traders londoniens, aux 307 habitants de ce paisible village de pêcheurs, francs du collier et si pittoresques, comme sortis d'un roman d'Agatha Christie. Une auteure appréciée par Joe pour leur goût commun de relier des faits entre eux et d'en tirer des déductions.
Mais, ce "choc des cultures" va vite devenir une " fable survivaliste" dont John Ironmonger va détourner tous les poncifs. C'est en effet une vision optimiste que nous offre ici l'auteur de Sans oublier la baleine.
Un roman réconfortant, plein de chaleur humaine, où rien ne se passe comme prévu, où le danger le plus banalisé peut devenir le pire et où la solidarité l'emporte sur l’égoïsme, le tout sans tomber dans un angélisme outrancier. Bien au contraire, l'auteur se fonde sur des faits réels, des théories prévisionnistes, le tout relevé par son grand art de conteur .
On n'oubliera pas de sitôt John, Polly, Aminata et les autres, Sans oublier la baleine, bien sûr !
Du même auteur, vient de sortir en poche: clic.
Sans oublier la baleine, J.W. Ironmonger, très subtilement traduit par Christine Barbaste, Stock 2016, un petit délice à ne pas rater !
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : j.w ironmonger
08/03/2016
Quatuor
"Nous avançons tous les deux le long de l'abîme comme si tout allait bien, pensa Jochem."
Quatre amis de longue date, évoluant dans le domaine de la culture et de la santé, se réunissent régulièrement pour pratiquer la musique en amateur, histoire d'évacuer le stress de leur travail ou de leur situation personnelle compliquée.
Mais l'irruption dans le dernier tiers du livre d'un élément perturbateur, assez prévisible, va remettre en question cette belle harmonie.
La quatrième de couverture nous précise que nous sommes "dans un avenir proche", "dans une ville, jamais nommée qui ressemble à Amsterdam". Si Anna Enquist nous avait habitués à une peinture psychologique très fine, que l'on retrouve avec plaisir ici, cette volonté de pousser le curseur vers un avenir juste un peu plus lointain n'a en vérité pas grand intérêt. Seule la paranoïa d'un vieil homme, pouvant être mise d'ailleurs plus sur le compte d'une inquiétude bien légitime sur la crainte d'être promis à une mort accélérée s'il quitte sa maison, plutôt que sur la volonté délibérée des autorités compétentes peut nous faire croire à cette volonté d'anticipation modérée.
Quant au "suspense", il n'a guère d’utilité...
Bilan en demi-teintes donc et une légère déception pour une auteure dont j'ai lu tous les romans et nouvelles traduits en français.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : anna enquist