26/09/2016
Ne mords pas la main qui te nourrit
"Je pense avoir mis en évidence un lien statistique entre le don de soi excessif et la victimologie en rassemblant un échantillon de femmes accomplies, intelligentes et dévouées, qui deviennent la proie de prédateurs sociaux à cause, justement, de leur empathie."
Morgan, trentenaire préparant une thèse en victimologie, rentre à son appartement de Brooklyn et découvre, horrifiée, le cadavre de son fiancé canadien, Bennett. Les coupables?Tout désigne les trois chiens de Morgan, deux pitbulls et une chienne Montagne de Pyrénées.
Rapidement, la jeune femme va découvrir que son amant n'était pas celui qu'il prétendait. Elle va donc mener l'enquête, tout en essayant de sauver ses chiens, dont elle est persuadée qu'ils sont innocents.
Je ne vous cacherai pas que le leitmotiv "Nous en connaissons pas nos proches" aurait plutôt tendance à me faire fuir, tant il est utilisé dans ce type d'ouvrage. Seul le nom de Amy Hempel, nouvelliste chaudement recommandée par Véronique Ovaldé, et le thème des chiens m'a décidée à emprunter ce roman.
Grand bien m'en a pris car une fois en main, je ne l'ai plus lâché !
L’héroïne, Morgan est bien parfois exaspérante de naïveté, il n'en reste pas moins qu'on apprend plein d'informations sur la psychologie et la manière dont les chiens sont traités dans le système judiciaire américain.
L'intrigue est bien ficelée et ce n'est qu'après coup qu'on s'aperçoit de quelques incohérences, mais en attendant le contrat du page turner a été rempli.
à noter, la présence brève, mais très drôle d'un beagle...
Ne mords pas la main qui te nourrit, A.J Rich, Mazarine 2016, traduit de l'anglais (E-U) par Stéphane Carn, 358 pages haletantes.
Déniché à la médiathèque.
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23/09/2016
Album...en poche
"Un matin, je me réveillai avec mes premières règles dans ma culotte. Je décidai de faire comme si je n'avais rien remarqué, car il y a des limites à ce dont on peut s'accommoder à la fois, et je descendis à la cuisine d'une humeur de chien."
J'avais manqué cet Album de Gudrùun Eva Minervudottir (dont j'avais beaucoup aimé le recueil de nouvelles Quand il te regarde tu es la vierge Marie clic) et j'ai sauté dessus à sa sortie en poche.
Placé sous le signe de la brièveté, tant par le nombre de pages (112 ) que par les chapitres très courts, ce texte est aussi le royaume de l'ellipse. Pourtant on se retrouve très bien dans ce récit autobiographique de l'enfance de Minervudottir. L'autrice a raison de faire confiance à son lecteur,qui comble les trous ,et savoure d'autant plus le style imagé et plein d'énergie de ce récit hors-normes.
Que la narratrice tricote "des foulards blindés, les mailles devenant sans cesse plus petites et plus serrées jusqu'à faire grincer les aiguilles et demander beaucoup d'efforts pour passer de l'une à l'autre", grimpe à cru sur un cheval (un pur joyau que ce texte ) et le fasse obéir "par la pensée", elle n'est jamais dupe des pièges de la mémoire et n'embellit pas" la péquenaude" qui n'avait pas "l'usage du monde".
S'opèrent ainsi de singuliers virages qui minent le récit autobiographique et l'éloigne de toute tentation de mièvrerie. J'ai adoré !
Traduction de l'islandais, toujours aussi réussie de Catherine Eyjolfsson.
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19/09/2016
Une famille passagère
"Je l'avais emmené avec moi pour donner quelque chose à aimer à l’amour qui était en moi."
Profitant d'un moment d'inattention des parents, une femme, la narratrice, enlève un bébé dans la station balnéaire de Margate en septembre 1938. L'acte ,qui paraît d'abord impulsif, s'avère en fait clairement préparé.
De la voleuse d'enfants, nous ne connaîtrons jamais l'identité, tout au plus glanerons-nous au fil du texte quelques informations , très lacunaires, sur son passé.
Visiblement perturbée, alternant périodes de lucidité, réflexions pragmatiques et obsession délirante, cette femme nous entraîne dans une vison très dérangeante de la famille et de la maternité. On frémit de la voir observer calmement la mère de l'enfant, éplorée, on a le cœur qui bat quand elle abandonne le petit qui l'encombre pour aller au cinéma, son seul plaisir apparemment.
Dans une prose à la fois poétique et précise, Gerard Donovan nous emporte dans un univers troublé et fascinant. Du grand art.
Une famille passagère, Gerard Donovan, traduit de l'anglais par Georges-Michel Sarotte, seuil 20156, 191 pages troublantes.
Du même auteur : Julius Winsome, clic.
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17/09/2016
Delivrances...en poche
"Mais cela nécessiterait du courage, chose que, puisqu'elle réussissait dans son métier, elle croyait posséder en abondance .ça et une beauté exotique."
De Lula Anne à la peau beaucoup trop noire pour sa mère, "sa couleur est une croix qu'elle portera toujours." , à Bride, la jeune femme qui ne porte que du blanc, et dont la peau "rappelle la crème fouettée et le soufflé au chocolat" a su tracer son chemin dans la société américaine et se réinventer.
Tout semble lui réussir, elle évolue dans l'univers de la beauté et enchaîne les succès jusqu’à ce que la mécanique se grippe : Brooker la quitte sans un mot et elle se fait rosser par une femme qu'elle entend aider.
Commence alors une ultime métamorphose où le corps de Bride régressera vers l'enfance, une touche de "fantastique" de l'ordre du symbolique qui ne m'a pas tout à fait convaincue, et partira à la recherche de celui qui l'a abandonnée.
Racisme, pédophilie mais aussi résilience, sont les thèmes de ce court roman choral qui nous donne à voir sous plusieurs angles le personnage de Bride. Un roman fluide et prenant qui marque ma rencontre -réussie- avec cette auteure partout célébrée.
J’avoue préférer le titre américain"God Help the Child" (que Dieu aide l'enfant), bénédiction qui clôture ce roman.
10/18, 2016.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : toni morrison
08/09/2016
La fille du train...en poche
"Pour la première fois depuis bien longtemps, je m'intéresse à autre chose qu' à mon propre malheur. J'ai un but.Ou, en tout cas, une distraction."
Par la fenêtre de son train de banlieue du matin, ou du soir, Rachel observe les habitants d'une maison située en bord de voie. Un couple idéal à ses yeux, une vie parfaite qui s'offre comme un contrepoint à celle qu'elle connaît.
Mais un jour, une scène vient troubler la belle harmonie et Rachel apprend quelques jours plus tard que la si jolie jeune femme de la maison a disparu. Elle décide alors de s'immiscer dans cet univers qui fut naguère le sien...
C'est sur la foi d'une critique de Telerama (qui en disait beaucoup moins que la quatrième de couv') que j'ai commencé la lecture de ce thriller psychologique. J'ai aussitôt été happée et par les personnages (trois femmes prennent la parole ) et par le récit qui opère un virage à 180° dans le dernier tiers. Les informations sur la narratrice principale sont distillées au compte-gouttes , estompant ainsi le côté pathétique de sa situation.
Ce voyeurisme banal, qui n'a pas saisi au vol des scènes de vie au cours d'un voyage en train ?, est exploitée pleinement par Paula Hawkins qui ferre d'emblée son lecteur et ne le lâche plus ! Voilà longtemps que je n'avais dévoré un thriller avec autant d'appétit !
La fille du train, Paula Hawkins, traduit de l'anglais par Corinne Daniellot, Sonatine 2015, 379 pages à dévorer, par forcément dans les transports en commun, de crainte de louper son arrêt ! Pocket 2016
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : paula hawkins
04/09/2016
Une comédie des erreurs
"(C'était une pratique admise que de laisser son mari camper en été près d'une source de vin doux et de steaks périmés, à condition d'aller le chercher avant l'hiver.)"
Virginie, milieu des années 60 . Peggy, jeune étudiante, s'amourache de son professeur de poésie. Classique me direz-vous .Sauf que tous deux sont homosexuels. Dix ans et deux enfants plus tard, Peggy plaque son mari et son fils, s'enfuit avec sa fille. Pour échapper à d'éventuelles recherches, par un tour de passe-passe administratif, Peggy et Mireille endossent l'identité de noires, ce qui est possible à l'époque pour peu qu'on ait une goutte de sang noir.La petite fille, blonde, ne remet pas en question son identité, pas plus que la société , dans laquelle évoluent les deux femmes, car le racisme est encore latent.
Évidemment, les chemins des membres de cette famille atypique finiront bien par se croiser à nouveau...
Roman de l’ambivalence et de l'identité, raciale et sexuelle,Une comédie des erreurs est un texte en roue libre où l'autrice se lâche avec un bonheur évident. Humour vachard, écriture brillante, font de ce roman un pur moment de jubilation ! à découvrir sans plus tarder !
Une comédie des erreurs – Neil Zink
Seuil, 2016, 303 pages
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charles Recoursé (Mislaid 2015)
Cuné et Papillon ont été séduites elles aussi !
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : nell zink
02/09/2016
Amelia...en poche
Quand Kate arrive en pleine journée au lycée de sa fille, il est trop tard: Amelia a sauté du toit .Pourtant rien ne semblait prédisposer cette élève intelligente et mature qui entretenait d’excellentes relations avec sa mère qui l'élevait seule à commettre un tel acte.
Alors qu'elle tente d'accepter la situation, Kate reçoit un SMS affirmant qu'Amelia n'a pas sauté.
Commence alors une exploration de l'univers de la jeune fille pleine de rebondissements et de révélations pour le moins surprenantes.
Pourquoi le cacher ? J'ai dévoré d'une traite ce roman hautement addictif , même si j'étais bien consciente qu'il fonctionnait sur des ressorts plutôt classiques (connaissons-nous vraiment nos proches ? l'amour d'une mère pour sa fille unique ). Classiques mais efficaces car, tout en variant les points de vue et les supports (textos, mails, conversations téléphoniques...) Kimberly McCreight sait raconter une histoire. Elle nous entraîne sur de fausses pistes, tout en dévoilant le petit monde pervers et hypocrite d'un établissement scolaire chic. Oui, le monde des ados est cruel et celui des adultes n'a rien à lui envier.
Si certains ressorts narratifs apparaissent a posteriori un peu outrés, il n'en reste pas moins que j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce bon gros pavé de 523 pages où je ne me suis pas ennuyée une minute !
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30/08/2016
La fille qui cherchait son chien (et trouva l'amour)...en poche
"C'était ça, l'effet que me faisaient les promenades avec Toby- elles gommaient les faux plis de la journée."
Maggie, thérapeute pour" les personnes qui ont perdu leur compagnon à quatre pattes" officie depuis peu à San Francisco. Très vite, nous comprenons que cette psy possède quelques phobies pour le moins handicapantes, faiblesses dont elle saura néanmoins tirer parti pour aider Anya qui sillonne la ville pour retrouver son chien.
En chemin, bien sûr, ces deux jeunes femmes rencontreront l'amuuur, romance oblige.
Bon, je me moque un tout petit peu mais j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman chaleureux , bien écrit et qui plaira à tous les amoureux des chiens. Les personnages sont attachants, les chiens croqués à la perfection, et n'était une intrigue secondaire quelque peu tirée par les cheveux, deux métaphore lourdaudes car traduites littéralement, le bonheur serait total. Malgré ces petits bémols, je n'ai pas lésiné à coller de nombreux marque-pages tout au long de ces 310 pages ,dévorées d'une traite. Une douceur dont il ne faut pas se priver !
La fille qui cherchait son chien (et trouva l'amour), Meg Donohue, traduit de l'américain par Jeanne Deschamps, Mosaïc poche 2016
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29/08/2016
Les vies de papier
"La littérature est mon bac à sable. J'y joue, j'y construis mes forts et mes châteaux, j'y passe un temps merveilleux. C'est le monde à l'extérieur de mon bac à sable qui me pose problème."
Quel personnage, Aaliya Saleh ! Mariée à seize ans, répudiée presque aussitôt, cette Beyrouthine a passé presque toute sa vie au milieu des livres, s'affranchissant ainsi des carcans que voulaient lui imposer sa famille et la société libanaise d'alors. Âgée de 72 ans, elle s'apprête à commencer l'année par son petit rituel de traduction en arabe d'un roman original, "ayant une voix atypique". Elle n'a pas encore arrêté son choix et revient sur son passé, ses lectures, sa famille avec une impertinence et une autodérision réjouissantes: "Moi, j'ai commencé par Crime, le roman qui me convenait.Appelez-moi Boucle d'or."
Beyrouth, où elle habite depuis toujours, est elle aussi un personnage à part entière, qu'elle dépeint avec amour et lucidité: "Beyrouth est l'Elizabeth Taylor des villes: démentes, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame."
Sans s'attarder sur les années de guerre, qu'elle condense en quelques épisodes révélateurs et réflexions irrévérencieuses, elle émaille ses pensées de références littéraires et philosophiques, n"hésitant pas à interpeller les romanciers: "Chers auteurs contemporains, à cause de vous, je me sens inadaptée, car ma vie n'est pas aussi limpide et concise que vos histoires."
Le processus de la traduction est lui aussi interrogé de manière pour le moins originale.
On entre de plain-pied dans l'univers de cette femme et on passe un moment formidable en compagnie d'Aalyia et de ses voisines,elles aussi hautes en couleurs, tout au long de ces 304 pages !
Les vies de papier, de Rabih ALAMEDDINE , traduit de l'anglais par Nicolas RICHARD, Les Escales 2016.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : rabih alameddine
27/08/2016
Sans voix...en poche
"Et elle se demanda pourquoi un livre devrait remporter ce foutu prix auquel elle participait à moins d'avoir une chance de faire comme la pièce de Shakespeare à l'instant : revenir à la mémoire d'une personne lorsqu'elle voulait pleurer mais n'y arrivait pas , ou voulait réfléchir mais ne réussissait pas à penser clairement, ou voulait rire mais ne voyait aucun motif de gaieté."
Bienvenue dans l'univers absurde d’attribution des prix littéraires anglais ! Là, tout n'est que chaos et tractations, passe-droits, égos surdimensionnés et discours amphigouriques. On y croisera un livre de cuisine indienne promu au grade de roman, un ou deux plagiats, des romans écossais sans oublier tout le monde de l'édition et des auteurs , plus vrais que nature !
Ce roman débridé cavale à toute allure , multipliant les coups de griffes mais avec une certaine tendresse au demeurant pour ceux qui défendent, malgré tout, cet univers du livre. Une satire qui, bien évidemment, ne pourrait s'appliquer au monde des lettres françaises
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4)