17/09/2016
Delivrances...en poche
"Mais cela nécessiterait du courage, chose que, puisqu'elle réussissait dans son métier, elle croyait posséder en abondance .ça et une beauté exotique."
De Lula Anne à la peau beaucoup trop noire pour sa mère, "sa couleur est une croix qu'elle portera toujours." , à Bride, la jeune femme qui ne porte que du blanc, et dont la peau "rappelle la crème fouettée et le soufflé au chocolat" a su tracer son chemin dans la société américaine et se réinventer.
Tout semble lui réussir, elle évolue dans l'univers de la beauté et enchaîne les succès jusqu’à ce que la mécanique se grippe : Brooker la quitte sans un mot et elle se fait rosser par une femme qu'elle entend aider.
Commence alors une ultime métamorphose où le corps de Bride régressera vers l'enfance, une touche de "fantastique" de l'ordre du symbolique qui ne m'a pas tout à fait convaincue, et partira à la recherche de celui qui l'a abandonnée.
Racisme, pédophilie mais aussi résilience, sont les thèmes de ce court roman choral qui nous donne à voir sous plusieurs angles le personnage de Bride. Un roman fluide et prenant qui marque ma rencontre -réussie- avec cette auteure partout célébrée.
J’avoue préférer le titre américain"God Help the Child" (que Dieu aide l'enfant), bénédiction qui clôture ce roman.
10/18, 2016.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : toni morrison
08/09/2016
La fille du train...en poche
"Pour la première fois depuis bien longtemps, je m'intéresse à autre chose qu' à mon propre malheur. J'ai un but.Ou, en tout cas, une distraction."
Par la fenêtre de son train de banlieue du matin, ou du soir, Rachel observe les habitants d'une maison située en bord de voie. Un couple idéal à ses yeux, une vie parfaite qui s'offre comme un contrepoint à celle qu'elle connaît.
Mais un jour, une scène vient troubler la belle harmonie et Rachel apprend quelques jours plus tard que la si jolie jeune femme de la maison a disparu. Elle décide alors de s'immiscer dans cet univers qui fut naguère le sien...
C'est sur la foi d'une critique de Telerama (qui en disait beaucoup moins que la quatrième de couv') que j'ai commencé la lecture de ce thriller psychologique. J'ai aussitôt été happée et par les personnages (trois femmes prennent la parole ) et par le récit qui opère un virage à 180° dans le dernier tiers. Les informations sur la narratrice principale sont distillées au compte-gouttes , estompant ainsi le côté pathétique de sa situation.
Ce voyeurisme banal, qui n'a pas saisi au vol des scènes de vie au cours d'un voyage en train ?, est exploitée pleinement par Paula Hawkins qui ferre d'emblée son lecteur et ne le lâche plus ! Voilà longtemps que je n'avais dévoré un thriller avec autant d'appétit !
La fille du train, Paula Hawkins, traduit de l'anglais par Corinne Daniellot, Sonatine 2015, 379 pages à dévorer, par forcément dans les transports en commun, de crainte de louper son arrêt ! Pocket 2016
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : paula hawkins
04/09/2016
Une comédie des erreurs
"(C'était une pratique admise que de laisser son mari camper en été près d'une source de vin doux et de steaks périmés, à condition d'aller le chercher avant l'hiver.)"
Virginie, milieu des années 60 . Peggy, jeune étudiante, s'amourache de son professeur de poésie. Classique me direz-vous .Sauf que tous deux sont homosexuels. Dix ans et deux enfants plus tard, Peggy plaque son mari et son fils, s'enfuit avec sa fille. Pour échapper à d'éventuelles recherches, par un tour de passe-passe administratif, Peggy et Mireille endossent l'identité de noires, ce qui est possible à l'époque pour peu qu'on ait une goutte de sang noir.La petite fille, blonde, ne remet pas en question son identité, pas plus que la société , dans laquelle évoluent les deux femmes, car le racisme est encore latent.
Évidemment, les chemins des membres de cette famille atypique finiront bien par se croiser à nouveau...
Roman de l’ambivalence et de l'identité, raciale et sexuelle,Une comédie des erreurs est un texte en roue libre où l'autrice se lâche avec un bonheur évident. Humour vachard, écriture brillante, font de ce roman un pur moment de jubilation ! à découvrir sans plus tarder !
Une comédie des erreurs – Neil Zink
Seuil, 2016, 303 pages
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charles Recoursé (Mislaid 2015)
Cuné et Papillon ont été séduites elles aussi !
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : nell zink
02/09/2016
Amelia...en poche
Quand Kate arrive en pleine journée au lycée de sa fille, il est trop tard: Amelia a sauté du toit .Pourtant rien ne semblait prédisposer cette élève intelligente et mature qui entretenait d’excellentes relations avec sa mère qui l'élevait seule à commettre un tel acte.
Alors qu'elle tente d'accepter la situation, Kate reçoit un SMS affirmant qu'Amelia n'a pas sauté.
Commence alors une exploration de l'univers de la jeune fille pleine de rebondissements et de révélations pour le moins surprenantes.
Pourquoi le cacher ? J'ai dévoré d'une traite ce roman hautement addictif , même si j'étais bien consciente qu'il fonctionnait sur des ressorts plutôt classiques (connaissons-nous vraiment nos proches ? l'amour d'une mère pour sa fille unique ). Classiques mais efficaces car, tout en variant les points de vue et les supports (textos, mails, conversations téléphoniques...) Kimberly McCreight sait raconter une histoire. Elle nous entraîne sur de fausses pistes, tout en dévoilant le petit monde pervers et hypocrite d'un établissement scolaire chic. Oui, le monde des ados est cruel et celui des adultes n'a rien à lui envier.
Si certains ressorts narratifs apparaissent a posteriori un peu outrés, il n'en reste pas moins que j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce bon gros pavé de 523 pages où je ne me suis pas ennuyée une minute !
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : kimberly mc creight
30/08/2016
La fille qui cherchait son chien (et trouva l'amour)...en poche
"C'était ça, l'effet que me faisaient les promenades avec Toby- elles gommaient les faux plis de la journée."
Maggie, thérapeute pour" les personnes qui ont perdu leur compagnon à quatre pattes" officie depuis peu à San Francisco. Très vite, nous comprenons que cette psy possède quelques phobies pour le moins handicapantes, faiblesses dont elle saura néanmoins tirer parti pour aider Anya qui sillonne la ville pour retrouver son chien.
En chemin, bien sûr, ces deux jeunes femmes rencontreront l'amuuur, romance oblige.
Bon, je me moque un tout petit peu mais j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman chaleureux , bien écrit et qui plaira à tous les amoureux des chiens. Les personnages sont attachants, les chiens croqués à la perfection, et n'était une intrigue secondaire quelque peu tirée par les cheveux, deux métaphore lourdaudes car traduites littéralement, le bonheur serait total. Malgré ces petits bémols, je n'ai pas lésiné à coller de nombreux marque-pages tout au long de ces 310 pages ,dévorées d'une traite. Une douceur dont il ne faut pas se priver !
La fille qui cherchait son chien (et trouva l'amour), Meg Donohue, traduit de l'américain par Jeanne Deschamps, Mosaïc poche 2016
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : meg donohue, chiens
29/08/2016
Les vies de papier
"La littérature est mon bac à sable. J'y joue, j'y construis mes forts et mes châteaux, j'y passe un temps merveilleux. C'est le monde à l'extérieur de mon bac à sable qui me pose problème."
Quel personnage, Aaliya Saleh ! Mariée à seize ans, répudiée presque aussitôt, cette Beyrouthine a passé presque toute sa vie au milieu des livres, s'affranchissant ainsi des carcans que voulaient lui imposer sa famille et la société libanaise d'alors. Âgée de 72 ans, elle s'apprête à commencer l'année par son petit rituel de traduction en arabe d'un roman original, "ayant une voix atypique". Elle n'a pas encore arrêté son choix et revient sur son passé, ses lectures, sa famille avec une impertinence et une autodérision réjouissantes: "Moi, j'ai commencé par Crime, le roman qui me convenait.Appelez-moi Boucle d'or."
Beyrouth, où elle habite depuis toujours, est elle aussi un personnage à part entière, qu'elle dépeint avec amour et lucidité: "Beyrouth est l'Elizabeth Taylor des villes: démentes, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame."
Sans s'attarder sur les années de guerre, qu'elle condense en quelques épisodes révélateurs et réflexions irrévérencieuses, elle émaille ses pensées de références littéraires et philosophiques, n"hésitant pas à interpeller les romanciers: "Chers auteurs contemporains, à cause de vous, je me sens inadaptée, car ma vie n'est pas aussi limpide et concise que vos histoires."
Le processus de la traduction est lui aussi interrogé de manière pour le moins originale.
On entre de plain-pied dans l'univers de cette femme et on passe un moment formidable en compagnie d'Aalyia et de ses voisines,elles aussi hautes en couleurs, tout au long de ces 304 pages !
Les vies de papier, de Rabih ALAMEDDINE , traduit de l'anglais par Nicolas RICHARD, Les Escales 2016.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : rabih alameddine
27/08/2016
Sans voix...en poche
"Et elle se demanda pourquoi un livre devrait remporter ce foutu prix auquel elle participait à moins d'avoir une chance de faire comme la pièce de Shakespeare à l'instant : revenir à la mémoire d'une personne lorsqu'elle voulait pleurer mais n'y arrivait pas , ou voulait réfléchir mais ne réussissait pas à penser clairement, ou voulait rire mais ne voyait aucun motif de gaieté."
Bienvenue dans l'univers absurde d’attribution des prix littéraires anglais ! Là, tout n'est que chaos et tractations, passe-droits, égos surdimensionnés et discours amphigouriques. On y croisera un livre de cuisine indienne promu au grade de roman, un ou deux plagiats, des romans écossais sans oublier tout le monde de l'édition et des auteurs , plus vrais que nature !
Ce roman débridé cavale à toute allure , multipliant les coups de griffes mais avec une certaine tendresse au demeurant pour ceux qui défendent, malgré tout, cet univers du livre. Une satire qui, bien évidemment, ne pourrait s'appliquer au monde des lettres françaises
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4)
26/08/2016
Un travail comme un autre
"S'il avait changé le cours de sa vie, puisant sa force en sa femme et en son fils plutôt qu'en du courant électrique, alors son passé aurait fini par se taire complètement [...]"
Alabama, années 20. Roscoe T Martin a épousé Marie qui ne vit que pour sa ferme. Lui, son univers c'est l’électricité et, pour concilier ces deux univers antagonistes et sauver la propriété, Roscoe va détourner du courant électrique, sans en parler à son épouse.
Malheureusement, ce branchement sauvage va coûter la vie à un employé de la compagnie officielle. Dans sa chute Roscoe entraînera Moa, l'employé Noir qui l'a aidé.
Placé sous le signe du secret, le premier roman de Virginia Reeves nous dépeint avec force et âpreté l'univers carcéral ,où les détenus Noirs connaissent un sort encore plus affreux que les Blancs, vendus à des compagnies minières par L’État. C'est aussi le lent délitement d'un couple, où les fissures deviennent des gouffres et où l'épouse a, par ses choix et son attitude, sa "cellule d'isolement qu'elle s'était fabriquée elle-même" alors que son époux parvient à faire survivre un peu d'humanité, même dans les moments les plus sombres.
Un premier roman saisissant et fort.
Un travail comme un autre, Virginia reeves, Stock 2016, traduit de l'anglais (E-U) par Carine Chichereau.
25/08/2016
M pour Mabel
"L'autour était un feu qui dévorait ma douleur. Il ne pouvait y avoir en elle ni regrets ni deuil. Ni passé ni avenir. Elle ne vivait que dans l'instant présent et c'était mon refuge."
à la mort subite ,et d'autant plus douloureuse, de son père Helen Macdonald plonge sans s'en rendre compte dans la dépression.
Passionnée depuis l'enfance par la fauconnerie, elle décide alors d'apprivoiser un autour, rapace particulièrement rétif, qui ne l'avais jamais attirée auparavant. Mais le monde a changé et elle aussi.
Commence alors la quête de l'oiseau, puis un enfermement chez elle pour habituer petit à petit l'oiseau à son nouvel environnement. Et là un phénomène étrange survient :"à mesure que Mabel s'apprivoisait, je devenais sauvage." Une transformation "sous l'effet du deuil, du dressage et d'une dépossession de" moi-même." dont l'auteure finira par prendre conscience qu'il est nocif mais qu'elle a ressenti comme nécessaire et bénéfique. Étape après étape nous suivons donc l'éducation de cet oiseau et le retour vers les humains, la disparition de la terreur de Helen Mc Donald.
Écrit plusieurs années après les événements, M pour Mabel est un récit émouvant mais avec le recul nécessaire pour que l'auteure analyse avec lucidité les états par lesquels elle est passée. Son écriture, précise et parfois poétique, nous fait partager de très beaux moments comme la rencontre avec celle qu'elle va appeler Mabel, ses balades dans la campagne et toute la gamme d’émotions par laquelle elle passe. Un récit lumineux et constellé de marque-pages ! Un grand coup de cœur !
M pour Mabel,Helen Macdonald, traduit de l’anglais par Marie-Anne de Béru, Fleuve 2016, 400 pages addictives.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : autour, deuil, helen macdonald
24/08/2016
Station eleven
"Ce qui a été perdu lors du cataclysme: presque tout, presque tous. Mais il reste encore tant de beauté: le crépuscule dans ce monde transformé, une représentation du Songe d'une nuit d'été sur un parking, dans la localité mystérieusement baptisée St Deborah by the Water, avec le lac Michigan qui brille à cinq cents mètres de là."
Un acteur s'effondre sur scène en pleine représentation du Roi Lear, à Toronto. Le point de bascule vers un monde qui ne sera peut être plus jamais le même. En effet, une pandémie ravage le globe et, en très peu de temps, la civilisation s'effondre.
Récit post-apocalyptique, Station Eleven se concentre surtout sur la volonté d'une poignée d'hommes et de femmes de faire perdurer l'art et la culture, en jouant du Shakespeare ou du Beethoven. Cette compagnie itinérante, qui se déplace dans la région des Grands Lacs ,est ainsi à même de constater les changements qui s'opèrent au fil du temps. Si la violence est présente, elle n'est jamais centrale, l'auteure préférant souvent la suggérer et se pencher plutôt sur la manière dont certains s'autoproclament prophète , pour mieux abuser de la crédulité des autres.
C'est un sacré défi que s'est lancé Emily St John Mandel, choisissant d'entrelacer- de main de maître- les destins de différents personnages, sur des décennies ,sans jamais nous perdre en route. Le souvenir est en effet un thème qui court tout au long de ce roman, l'humanité se scindant en deux groupes: ceux qui se souviennent des objets et de la société d'avant et les autres. Faisant le lien entre les deux, comme un fil rouge tout au long du texte, cette BD qui donne son titre au roman et un musée,fabuleux ou réel.
Je n'attendais pas Emily St John Mandel dans ce type de texte et c'est sur la seule foi de son nom que j'ai lu ce roman qui m'a emballée. Étant une petite nature- je n'ai toujours pas ouvert La route- j'avançais avec précautions, les récits post-apocalyptiques faisant en général la part belle à la violence. Tel n'est pas le cas ici où se donnent surtout à lire des émotions, par le biais de personnages qui nous deviennent vite familiers, dont les préoccupations pourraient être les nôtres. Un grand coup de coeur !
D'Emily St John Mandel : clic
Station Eleven, Emily St John Mandel, traduit de l'anglais (Canada) par Gérard de Chergé, Rivages 2016, 475 pages captivantes.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : emily st. john mandel