21/09/2017
Le couple d'à côté
"Le crime n'est pas son truc, visiblement,et pourtant il s'enfonce encore, il persiste à creuser."
Quoi de plus d'anxiogène que l'enlèvement d'une adorable petite fille de six mois ? Quoi de plus culpabilisant pour les parents que, la baby-sitter leur ayant faut faux-bond au dernier moment, de s'être rendus malgré tout à l’invitation de leurs voisins, sans leur bébé ? Visiblement le fait d'aller la voir toutes les demi-heures et la surveillance du baby-phone n'auront pas été suffisants.
Ravagés par la douleur, Marco et Anne voient débarquer dans leur maison si cossue la police qui ne va pas tarder à révéler bien des fêlures et des mensonges...
Avocate dans une première vie, Shari Lapena nous offre ici une intrigue riche en rebondissements et manipulations qui tiennent en haleine le lecteur, mais le laissent aussi un peu dubitatif. à trop vouloir montrer son savoir-faire narratif, le récit perd un peu en émotion.
En outre,les personnages frôlent la caricature, le style est à l'emporte pièces et les dialogues sonnent souvent faux. Autant de défauts expliquant mon jugement en demi-teintes. Un roman trop formaté à mon goût.
Le couple d'à côté, Shari Lapena, traduit de l'anglais (Canada) par Valérie Le Pouhinec, Presses de la cité 2017.
Déjà paru chez France Loisirs.
Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.
06:00 Publié dans rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : shari lapena, policier, suspense
13/09/2017
Inavouable
" -Je trouverai bien une idée quand j y serai, dit- il à voix haute prouvant par la même occasion qu il était le digne héritier de la tradition insurrectionnelle polonaise."
Quel est le rapport entre le premier attentat terroriste sur le sol polonais, le vol organisé d’œuvres d'art durant la Seconde Guerre Mondiale et une incroyable histoire d'espionnage ? C'est ce que vont devoir découvrir la cheffe du département de recouvrement de biens culturels polonais, un marchand d'art qui fut l'amoureux de la susnommée, un officier de services secrets polonais fraîchement retraité (mais qui a encore de très jolis restes) et une voleuse d’œuvres d'art.
Un drôle d'attelage donc, une sorte de Quatre Fantastiques, la référence est clairement donnée dans le texte, qui vont devoir conjuguer leurs talents pour faire face à de multiples rebondissements qui tiennent le lecteur en haleine.
Plus qu'un roman policier, nous sommes ici face à un roman d'aventures façon Indiana Jones, qui joue avec dextérité de tous les ingrédients requis: aspect bon enfant, violence, suspense, sentiments, le tout ponctué d’autodérision quant à la Pologne et ses usages. N'était une histoire d'espionnage tendance complotiste, j'aurais totalement adhéré à ce pavé de 591 pages qui se dévore d'une traite.
Inavouable de Zygmunt MILOSZEWSKI traduit du polonais par Kamil BARBARSKI Éditions Fleuve noir 2017
Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.
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09/09/2017
Le choix de Betty...en poche
"Personne ne me prendrait pour la linguiste, la sociologue et l’experte en chiffrage que je suis et tout ça après avoir connu les Camps. Il me manque quelque chose. Je suis vide."
Le premier volume de la trilogie des Orphelins du Raj, le Maître des apparences, (voir ci-dessous)) était consacré au Juge Filth. Cette fois, c'est son épouse qui devient le principal personnage du roman et les faits sont racontés selon son point de vue. Pas de redites, mais un éclairage à la fois pudique et intense qui nous montre sous un autre jour celle qui , à la fin de sa vie, apparaissait comme une dame bien sous tous rapports alors qu'elle avait connu bien des épreuves et des tourments, tiraillée entre son amour pour Filth et son attirance pour son adversaire de toujours, Veneering.
Le personnage de Betty gagne ainsi en épaisseur, sans pour autant qu'on en ait fait le tour. Quant à son mari, après le décès de son épouse, nous verrons qu'il n’était pas aussi inattentif que Betty le croyait...
Quel plaisir de lire, quelques mois après le premier volume, ce nouveau roman de Jane Gardam ! Cette trilogie est un pur régal tant du point de vue de l' écriture que du point de vue romanesque ! Aventures, personnages aux destins hors-normes, le tout sans pour autant tomber dans le sentimentalisme ou l'excès.
On vit avec les personnages, on connaît tour à tour la chaleur de l'Orient et l’humidité britannique et l'on attend avec impatience de les retrouver dans le prochain opus.
-"Toute ma vie, Tansy, depuis ma petite enfance, les gens que j’aimais ou qui s'occupaient de moi m'ont quitté, largué, ou ont été emportés par la mort. Je veux savoir pourquoi."
Né en Malaisie, sir Edward Feathers, plus connu sous le nom de Filth, avocat international renommé travaillant à Hong Kong , rentre dans la mère patrie avec sa femme Betty, pour profiter de sa retraite.
Tous deux sont des "enfants du Raj", c'est à dire de l'Empire britannique, nés en Asie mais envoyés dès leur plus tendre enfance dans des familles d’accueil, plus ou moins tendres, puis dans des internats pour être éduqués en Angleterre.
Pas question à l'époque de se plaindre de mauvais traitements et encore moins du fait que votre famille vous traite avec une désinvolture frisant l'indifférence coupable.
Entremêlant les époques, Jane Gardam brosse le portrait éclaté d'un homme aux multiples facettes, qui" s 'est fabriqué ce moi acerbe et impeccable"marqué par un événement traumatique qui ne sera explicité qu'à la toute fin du roman.Bien loin d'avoir mené" une longue vie calme et lisse",comme le croient ceux qui le nomment "le Vieux Filth" l'octogénaire a connu une existence pleine de péripéties, digne d'un roman de Kipling, auteur dont l'ombre plane sur ce roman
.Les secrets enfouis, tout comme un collier de perles dont il faut taire l'origine, réapparaissent au détour d'une phrase et éclairent d'une nouveau jour cette vie tout sauf ennuyeuse.
Si Filth n'écrira aucune ligne de ses mémoires, il entreprendra un voyage qui tournera à l’épopée tragi-comique pour renouer avec les témoins d'un passé dont il sent qu'il ne peut faire l'économie.
Un roman à la construction impeccable, au début un peu lent, mais qui captive de bout en bout et se révèle plein d'émotions et de surprises car tout est vu du point de vue d'un personnage atypique.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jane gardam
07/09/2017
Kentucky song...en poche
"Susanna était la personne la plus malheureuse de son entourage, et peut être le malheur était-il normal, peut être était-ce ce dont le reste du monde se contentait. Ronnie en voulait plus."
Roma, une petite ville du Kentucky. Tranquille, jusqu'à ce que ce que Ronnie, jeune femme aimant profiter de la vie à sa manière, disparaisse.
La première à donner l'alerte est sa sœur cadette, Susanna, qui mène une vie bien rangée de professeure et de mère de famille. Mais tous ceux qui, de près ou de loin, ont croisé la route de Ronnie, vont voir leur existence bouleversée par cette disparition.
Le roman de Holly Goddard Jones confirme tout le bien que j'écrivais déjà concernant ses nouvelles (clic): l'observation fine et précise des plus légères variations psychologiques de ses personnages, qui, quel que soient leur âge ou leur situation social nous deviennent très rapidement proches et le style, élégant et précis. Les plus légers relents de racisme ou de "conscience de ses privilèges" sont captés par la romancière.
Quant à la structure du récit, elle est riche en manipulations , alternant thriller psychologique et suspense policier, nous ménageant de nombreux rebondissements subtils et parfaitement amenés. Les 478 pages se tournent quasi toutes seules et sont riches en émotions. Un pur bonheur de lecture !
Kentucky song, Holly Goddard Jones, traduit de l'anglais par Hélène Fournier
05:50 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : holly goddard jones
06/09/2017
Mischling
"Il avait essayé de faire de nous des monstres. Mais, finalement, il était son propre défigurement."
Pearl et Stasha, douze ans, sontjumelles et, selon la législation en vigueur sous le IIIème Reich , elles sont aussi Mischling, ( d'ascendance partiellement non-allemande , c'est-à-dire, dans la plupart des cas, juive).
Cette double particularité fait qu'une fois déportées à Auschwitz, à l'automne 1944, en compagnie de leur mère et de leur grand-père, elles seront sélectionnées pour intégrer le "zoo humain" du Dr Mengele.
Sous des dehors extrêmement policés et souriants, celui qui se fait appeler par ses cobayes "Oncle" va, alors que l'armée soviétique est sur le points d'arriver au camp, séparer les jumelles et prendre la fuite.
Ses jeunes héroïnes utilisent le filtre de la fiction, de l'imaginaire pour survivre aux cruautés innommables qui leur sont infligées et aussi, tentent de manipuler avec leurs faibles ressources, cet "Oncle" monstrueux. Mais c'est surtout le lien indéfectible unissant les jumelles qui leur permet d’affronter le pire.
Alternant les points de vue des adolescentes, le roman relate tout autant la vie dans le camp que le chaos de l'immédiat après-guerre et en cela je l'ai trouvé extrêmement intéressant. Se basant sur une importante documentation , Affinty K réussit le pari d'une fiction à la fois crédible et déchirante, soulignant l'absurdité monstrueuse par exemple d'un match de football opposant détenus faméliques et gardiens, tandis que sur le bord du terrain pique-niquent sans vergogne les familles des dits gardiens.
Un roman que j'appréhendais vraiment de lire mais qui file directement, vu sa force, sur l'étagère des indispensables.
Mischling, Affinity K, traduit de l'anglais (E-U) par Patrice Repusseau, Actes Sud 2017, 362 pages piquetées de marque-pages
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : affinity k
04/09/2017
Vous n'êtes pas venus au monde pour rester seuls
"Je suis persuadé que si on arrête de raconter des histoires, on arrête aussi de vivre."
Le 29 juillet 2011, Sella observe ses voisins sous le choc de la mort de leur fille lors de la tuerie perpétrée par Anders Breivik sur l’île d’Utøya où soixante-neuf personnes, des jeunes pour la plupart, furent abattues.
Comment manifester sa compassion? Comment ne pas paraître intrusif, voyeur ?
Au fil des chapitres, alternant passé et présent, nous découvrirons que Sella et son mari ont eux aussi dû affronter un deuil personnel.
Deuil collectif, deuil personnel, comment faire face, comment commémorer ou non, comment être solidaire de la douleur des autres en trouvant la bonne distance ? Autant de questions que pose ce roman au rythme lent et tout en retenue.
Vous n'êtes pas venus au monde pour rester seuls, Eiving Hofstad Evjemon, traduit du norvégien par Terje Sinding, grasset 2017.
06:00 Publié dans rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : eiving hofstad evjemon
03/09/2017
Les vies de papier...en poche
"La littérature est mon bac à sable. J'y joue, j'y construis mes forts et mes châteaux, j'y passe un temps merveilleux. C'est le monde à l'extérieur de mon bac à sable qui me pose problème."
Quel personnage, Aaliya Saleh ! Mariée à seize ans, répudiée presque aussitôt, cette Beyrouthine a passé presque toute sa vie au milieu des livres, s'affranchissant ainsi des carcans que voulaient lui imposer sa famille et la société libanaise d'alors. Âgée de 72 ans, elle s'apprête à commencer l'année par son petit rituel de traduction en arabe d'un roman original, "ayant une voix atypique". Elle n'a pas encore arrêté son choix et revient sur son passé, ses lectures, sa famille avec une impertinence et une autodérision réjouissantes: "Moi, j'ai commencé par Crime, le roman qui me convenait.Appelez-moi Boucle d'or."
Beyrouth, où elle habite depuis toujours, est elle aussi un personnage à part entière, qu'elle dépeint avec amour et lucidité: "Beyrouth est l'Elizabeth Taylor des villes: démentes, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame."
Sans s'attarder sur les années de guerre, qu'elle condense en quelques épisodes révélateurs et réflexions irrévérencieuses, elle émaille ses pensées de références littéraires et philosophiques, n"hésitant pas à interpeller les romanciers: "Chers auteurs contemporains, à cause de vous, je me sens inadaptée, car ma vie n'est pas aussi limpide et concise que vos histoires."
Le processus de la traduction est lui aussi interrogé de manière pour le moins originale.
On entre de plain-pied dans l'univers de cette femme et on passe un moment formidable en compagnie d'Aalyia et de ses voisines,elles aussi hautes en couleurs, tout au long de ces 304 pages !
Les vies de papier, de Rabih ALAMEDDINE , traduit de l'anglais par Nicolas RICHARD, Les Escales 2016.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : rabih alameddine
01/09/2017
La rivière
"Nous promenons notre cœur aux mauvais endroits. Je m'en suis avisée au bord de chaque fleuve, et tout particulièrement de l'Oder."
Une femme s'installe "dans un appartement sommairement agencé où [elle]allait poser [sa]vie pour un temps."dans la banlieue de Londres, près d'une rivière.
D'elle, nous ne connaîtrons pas grand chose, ni son nom, ni son âge.Elle semble être dans un entre-deux à la fois temporel et spatial, à la marge de la ville, côtoyant des gens à peine insérés dans la société. Elle arpente la campagne, photographiant à l'aide d'un appareil instantané, suivant les rivières; pérégrinations où lui reviennent parfois des souvenirs, tous liés à des cours d'eau étrangers, en Italie, en Inde , en Israël, dans les pays de l'Est de l'Europe.
Fleuve frontières, fleuves abolissant les frontières entre l'eau douce et la mer," fleuve infusé de morts"(le Gange), elle les décrit avec une extrême précision, empreinte de poésie.
Quelques rencontres fugitives, quelques évocations oniriques , facétieuses ou dramatiques de scènes urbaines ou de nature, apparitions fantasmatiques (le Roi des Corbeaux), créent un climat étrange et fascinant où revivent parfois certaines activités économiques du passé.
Cela donne un texte au rythme lent, à la langue exceptionnelle (bravo au traducteur), qui peut parfois perdre son lecteur, mais qui offrira à qui acceptera de se laisser envoûter une magnifique expérience de lecture.
Merci à Babelio et à Gallimard.
La rivière, Esther Kinsky, traduit de allemand par Olivier Le Lay, Gallimard 2017, 391 pages piquetées de marque-pages.
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31/08/2017
La maison des Turner
"La maison de Yarrow Street c'était leur mascotte sédentaire, et ses façades délabrées, les armoiries des Turner."
Viola la matriarche des Turner (13 enfants, une flopée de petits enfants et arrière petits-enfants) voit sa santé décliner et l'aîné de ses fils, Charles dit Cha-Cha rassemble la famille pour décider du sort de la maison familiale. Las, nous sommes à Detroit, la crise des subprimes a sévi, la maison ne vaut plus rien mais les avis sont partagés car certains sont très attachés à cette habitation où il sont tous grandi.
Une vingtaine d'années sépare l'aîné des enfants de la petite dernière, Leah,et ce sont surtout à ces deux personnages que va s'attacher le récit .Alternant passé et présent, nous découvrons aussi au passage des épisodes marquants de la vie du patriarche, décédé bien avant la réunion familiale, qui a su quitter sa campagne pour venir s'installer en ville.
De 1944 à 2008, c'est donc la vie, les épreuves, les joies de toute une famille noire que nous découvrons par le biais de personnages attachants qui ont su me séduire même si je ne suis pas une fan absolue de sagas familiales. Un grand plaisir de lecture à ne pas manquer.
La maison des Turner de Angela Flournoy , traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut, Éditions Les Escales 2017.
05:58 Publié dans rentrée 2017, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : angela flournoy
29/08/2017
Le coeur battant de nos mères
"Chez elle, la perte était omniprésente, elle avait du mal à voir au-delà, c'était comme essayer de regarder par une fenêtre couverte d'empreintes de doigts. Elle se sentirait toujours prisonnière derrière cette vitre placée entre elle et le monde. Au moins à Ann Arbor, la vitre était plus propre."
à dix-sept ans, Nadia perd sa mère et tombe enceinte du fils du pasteur. La jeune fille, issue d'une communauté noire et religieuse, promise à un bel avenir universitaire, choisit d'avorter.
Cette décision n,traînera de multiples conséquences, à court mais aussi à long terme.
Comme un chœur antique, les femmes du Cénacle, association religieuse de femmes plus anciennes, plus expérimentées, commentent en contrepoint la trajectoire de Nadia, celle de Luke, son ancien amant et celle d' Aubrey, sa meilleure amie.
Le roman ne s'attarde pas outre mesure sur le parcours universitaire de Nadia, mais davantage sur son émancipation, dont il n'est qu'une étape. La jeune femme refuse ainsi de s'impliquer dans toutes ses relations affectives, tant avec des Blancs qu’avec des Noirs. Elle souligne aussi au passage le racisme subtil, qui pourrait presque passer inaperçu, dont sa communauté est victime. Un roman prenant qui propose un point de vue original et rare.
Le coeur battant de nos mères, Brit Bennett, traduit de l’anglais (E-U) par la talentueux Jean Esch, Autrement 2017, 336 pages.
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