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27/05/2019

Une fille formidable

"- Une cuillerée de brandy lui ferait peut-être du bien, dit Robert. S'adonner à la lubricité est extrêmement débilitant à son âge."

Junon, dix-sept ans, fraîchement déniaisée par deux cousins dont elle est amoureuse , mais pour qui elle fait partie des meubles, comme l’indique le titre original, fuit tout à la fois le blitz de Londres et un éventuel départ pour le Canada où elle est supposée rejoindre sa mère.mary wesley
Des circonstances un peu rocambolesques l'amènent donc en Cornouailles où elle se fraie vite une place au sein d'un domaine agricole. Là, Robert Copplestone, le maître des lieux,  va lui proposer de l'héberger jusqu'à la fin de la guerre et la prendra même en charge quand la jeune fille se découvrira enceinte.
Si Junon est extrêmement naïve par certains côtés, être élevée par une mère pudibonde et mal aimante ne facilite guère les choses, elle est cependant très débrouillarde et vive. Mary Wesley, qui se soucie comme d'une guigne des conventions et de la morale, lui laissera même le mot de la fin , manière de prendre sa revanche sur l'un de ceux qui l’avait traitée avec désinvolture.
L'auteure en profite aussi pour égratigner au passage la société de son époque et mène tambour battant une comédie dont les personnages sont hauts en couleurs. Un plaisir à ne pas se refuser !

Traduit de l’anglais par Sylviane Lamoine, éditions Héloïse d'Ormesson 2019, 346 pages pleines d'entrain.

24/05/2019

La nouvelle vie de Kate Reddy...en poche

"Hélas, s'il y a un cadeau qu'on ne peut offrir à ses enfants, c'est la perspective."

Nous avions connu Kate jonglant entre son boulot très prenant à la City, son mari et ses enfants (Mais comment fait-elle ?), nous la retrouvons quelques années plus tard, flirtant dangereusement avec la cinquantaine.
Dotée d'une maison pleine de charmes et de réparations nécessaires en pagaille, d'un mari en pleine crise de milieu de vie (façon vélo et méditation), d'ados accro aux réseaux sociaux ou aux jeux vidéo, sans compter les (beaux)-parents qui commencent à cumuler les ennuis de santé, Kate a toujours aussi fort à faire.
Mais l'argent venant à manquer, il faut qu'elle retrouve un emploi tout en affrontant une péri-ménopause tout sauf agréable.allison pearson
A la fois drôle et percutante dans son analyse de la situation faite aux femmes de son âge sur le marché du travail, Kate c'est nous en mieux.
Pleine de bon sens, n'hésitant pas parfois à appeler un chat un chat et à évoquer sans fard les inconvénients de la ménopause, façon Whoopi Goldberg citée en exergue ("Personne ne vous prévient que vous allez vous déplumer du pubis."), elle sait aussi se montrer émouvante.
On rit, on applaudit mentalement à certaines de ses analyses et on a aussi parfois le cœur serré. Bref, on trouve ici tous les ingrédients d'un excellent roman qui sait nous divertir sans pour autant tomber dans la facilité.

17/05/2019

Mrs Hemingway...en poche

"Quel charme ! Quel magnétisme ! les femmes se jettent des balcons, le suivent à la guerre et détournent le regard le temps d'une liaison parce qu'un mariage à trois vaut mieux que d'être seule."

Il n'y aura pas eu une mais quatre Mrs Hemingway, l'auteur du Vieil homme et la mer * ayant enchaîné les mariages, comme si lui non plus ne supportait pas d'être seul. Fait qui mérite d'être noté d'ailleurs, il était  systématiquement encore marié quand il envisageait d'en épouser une autre, dans une transition sans faille.
Même si nous le suivons des années 20 aux années 60, Naomi Wood a choisi de la faire en donnant la parole successivement à Hadley,la tendre, Fife,la déterminée, Martha ,l'indépendante et enfin à celle qui le découvrira suicidé, Mary.naomi wood
La première partie du roman est peut être la plus intense, qui voit Hadley, au cours d'un été caniculaire à Antibes, choisir délibérément d'inviter son amie Fife, qu’elle soupçonne d'avoir des vues sur Hemingway. Stratégie qui s'avérera perdante mais que Naomi Wood décrit avec délectation, inversant parfois les rôles et donnant ensuite le point de vue de la rivale.
Le risque était double : se répéter et alourdir le récit des informations glanées au cours des recherches effectuées. Le défi a été remporté haut la main car Naomi Wood possède une écriture précise, imagée et analyse la psychologie de ses personnages avec empathie. Ce n'est ni un portrait à charge, ni à décharge mais un kaléidoscope où se révèle la complexité du romancier  américain à travers le regard de ses épouses. Un  grand coup de cœur et un roman que j'avais hâte de retrouver !

12/05/2019

L'été dernier à Syracuse

"Deviner le fragilité d'une femme et s'y intéresser, c'est ma technique."

Un couple d'intellos dans la force de l'âge et un couple plus jeune de leurs connaissance, accompagné de leur très jolie pré-ado partent ensemble en vacances en Italie . Ils termineront leur périple à Syracuse.
Dans leurs valises, ils emmènent qui un manuscrit prétendument à finir, qui bien des interrogations, quelques secrets et surtout beaucoup de névroses. Le soleil, la chaleur, le fait d'être des Américains en voyage en Europe aussi,  ajoutés à tous ces non-dits vont former un cocktail détonnant pour le plus grand plaisir du lecteur qui, au fil des narrations alternées de ce roman choral, mesure l'ampleur du drame à venir.delia ephron
Roman commencé de manière plutôt légère, l'été dernier à Syracuse prend, au fil des pages , une tonalité plus dramatique et, s'il n'évite pas quelques invraisemblances dans la dernière partie, constitue un excellent roman à glisser dans sa valise cet été, quelle que soit notre destination.

11/05/2019

La fille de la supérette/kombini...en poche

"Ainsi donc le corps, éprouvé par le travail physique, finit par ne plus être "utile". Peu importent le sérieux et l'ardeur que je mets à l'ouvrage, avec les ans, moi aussi, je suis sans doute condamnée à devenir un produit inutile dans cette supérette."

Depuis l'enfance, Keiko a conscience de sa singularité dans la société nipponne où elle est née. Pragmatique à l'excès, elle décide ainsi de séparer à coups de pelle deux enfants qui se battent à l'école primaire, au grand dam des adultes présents, bien évidemment ;(scène qui m'a fait hurler de rire , tant le contraste est grand entre le problème posé et la manière dont il est résolu !).sayaka murata
Intelligente, Keiko met en place très tôt des stratégies pour passer inaperçue (tant au niveau du langage que de l’habillement) et ne plus attirer l’attention sur elle.
Décrochant dans un job d'étudiant dans une kombini, supérette ouverte 24 h sur 24 , 365 jours par an, Keiko connaît enfin le bonheur, tant l'univers organisé de façons quasi militaire correspond à ses aspirations. Diplômée de l'université, elle ne postule pourtant pas à un autre emploi, au grand désespoir de ses parents, qui rêvent de la voir mariée et mère de famille.
L'arrivée au kombini d'un jeune homme atypique va peut être changer la donne.
Quel régal que ces 143 pages constellées de marque-pages ! De manière parfois crue, l'auteure se livre ici à une critique en règle de la société japonaise et de ses diktats. L'humour noir, hyper transgressif, qui apparaît par petites touches, la fin,glaçante, font en outre de ce roman une lecture hautement réjouissante.
Et zou sur l'étagère des indispensables !

Traduit du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon

10/05/2019

Le dernier amour de Baba Dounia

"Parce que s'il y a bien une chose que nous n'avons pas à craindre , ici, ce sont les épidémies qui touchent le reste du monde."

Elle ne rajeunit pas Baba Dounia. C'est vrai, comme elle le dit volontiers: "Je n'ai plus quatre-vingt deux ans.". Pourtant elle a été la première à revenir s’installer, seule, dans cette zone proche d'une centrale nucléaire qui a explosé,zone où  des scientifiques viennent juste effectuer des prélèvements.
Là, elle entretient des rapports épisodiques avec les quelques habitants qui l'ont suivie, l'instaurant presque malgré elle, personne référente de cette communauté qui n'en est pas vraiment une.
Par son optimisme, elle force l'admiration Baba Dounia et devient même , sans presque s'en rendre compte une personnalité connue au-delà des frontières.alina bronsky
Le contraste est saisissant entre ce qu'on attendrait d'une telle situation, dramatique au possible, et la manière, pleine de tendresse et d’humour dont la traite l'auteure, sans aucun pathos.
On aimerait bien ressembler à Baba Dounia quand on aura atteint son âge, sans forcément habiter au même endroit !

Actes Sud 2019, traduit  de l'allemand par Isabelle Liber.

De la même auteure : clic. (vient  de sortir en poche, chez Babel)

Cuné a adoré.

Merci Clara !

09/05/2019

L'encre vive

"Car son expérience l'amenait aujourd'hui à reconnaître que ce qu'elle avait considéré jusque_là comme allant de soi, une position sociale, n'était jamais définitivement acquis."

Marie King, cinquante-neuf ans, a élevé trois enfants, maintenant grands ,et après son divorce, se retrouve seule avec son  vieux chat dans ce qui était la maison familiale. Elle s'occupe de son immense jardin , boit un peu trop et dépense comme au temps de sa vie confortable, même si elle n'en a plus vraiment les moyens.
Un jour ,sur une impulsion, elle se fait faire un tatouage et c'est tout un monde qui s'offre alors à elle, au grand dam de ses enfants.fiona mcgregor
C'est donc par le biais d'une artiste tatoueuse, qui deviendra une amie, voire une guide, que Marie va peu à peu reprendre le contrôle de son existence et affronter les épreuves qui l'attendent.
L'encre vive est rempli de fleurs, d'arbres et de plantes qui semblent s'évader du jardin de Marie pour venir s'inscrire dans sa peau de manière irréversible, alors même que notre héroïne va devoir accepter progressivement toute une série de pertes.
Marie prend aussi progressivement conscience de son aveuglement volontaire concernant ses prétendus amis et va nouer des liens plus intenses avec des gens de milieux bien différents.
Alternant les points de vue, l'auteure ne perd pourtant jamais son lecteur qui dévore, presque sans s’en-rendre compte les 537 pages de ce magnifique portrait de femme, pages bruissantes de marque-pages.

Et zou, sur l’étagère des indispensables !

Actes Sud 2019, traduit de l'anglais (Australie) par Isabelle Mailler.

Cuné a adoré.

Clara a beaucoup aimé aussi.

 

 

 

 

06/05/2019

#LaDanseDuTemps #NetGalleyFrance

"Elle avait éprouvé la même chose durant son enfance; elle avait l'impression d'être une adulte responsable dans le corps d'une petite fille."

Entre un père très (trop) doux et une mère psychiquement instable, Willa a très jeune fait le choix d'être pacifique.
Son existence sera donc une suite de renoncements apparents jusqu'à ce que la soixantaine atteinte, Willa qui devenue veuve s'est remariée et a deux grands fils qui entretiennent avec elle des liens sporadiques, reçoive un jour un coup de fil.anne tyler
Une très ancienne petite amie de son fils a besoin de son aide pour s'occuper temporairement de celle qui aurait pu être sa petite fille. Voyant là l’occasion de se rendre utile, Willa quitte sa vie confortable et va découvrir une toute autre vie à Baltimore, au grand dam de son mari qui entend bien que l’expérience ne s'éternise pas.
Choisissant des moments marquants de l'existence de cette femme, Anne Tyler choisit la toute fin de son roman pour lui impulser une soudaine embardée, montrant ainsi que rien n'est irrémédiable.
Un roman confortable qui peut parfois agacer mais qui ne fait pas pour autant la part belle aux bons sentiments.

04/05/2019

Ponti

"Amisa considéra son nouveau mari. Elle n'arrivait pas à l'imaginer au-delà de trente ans, pas plus qu'elle-même d'ailleurs. La jeunesse semblait infinie, surabondante et nécessaire, comme un distributeur de mouchoirs inépuisable."

Dans ce premier roman, Sharlene Teo entrecroise les récits et les vies de trois femmes à Singapour : Amisa, jeune fille pauvre dont la beauté l'a amenée à incarner l'héroïne d'une série de films d'horreur devenus cultes qui vit  maintenant recluse; sa fille, Szu, sorte de vilain petit canard, confite dans l'admiration d'une mère qui la supporte à peine et Circé, l'exact opposé de la précédente, adolescente bien dans sa peau.
Les deux jeunes filles vont nouer une amitié intense, même si tout semble les opposer.sharlene teo
Devenues adultes, elles vont se recroiser et , pour Circé, ce sera l'occasion de revenir sur la manière dont tout s'est soudain brisé.
 Sharlene Teo dépeint à merveille l’atmosphère de Singapour et la manière subtile dont peut se déliter une amitié ,mais le roman perd en intensité dramatique dans sa dernière partie et c'est dommage. Une auteure à suivre néanmoins.

Traduit de l’anglais (Singapour) par Mathilde Bach, Buchet-Chastel 2019.

Cuné a adoré.

02/05/2019

En lieu sûr...en poche

"La jeunesse, ça n' a rien à voir avec l'âge chronologique. La jeunesse, ce sont les périodes d'espérance et de bonheur."

Deux couples, devenus amis dans les années trente, se retrouvent à l’occasion d'un anniversaire, alors qu’ils ont atteint l'âge de la retraite. Ces retrouvailles sont l'occasion de retours en arrière et d'analyses fouillées des liens complexes qui les unissent.wallace stegner
Les épreuves ne leur ont pas été épargnées, et ce qui aurait pu les séparer, à savoir les différences sociales, sont ici traitées avec finesse.
D'inspiration autobiographique, ce roman traite de l'amitié avec justesse et sans manichéisme. Les personnages sont envisagés dans leur complexité et leur évolution au fil du temps est passionnante.
Un roman autour duquel je tournais depuis longtemps et que j'ai enfin pris le temps de savourer.

Traduit de l’américain par Eric Chédaille, Gallmeister Totem 2017. 414 pages.