01/06/2020
#Gray#NetGalleyFrance
"Tel était son secret: son for intérieur ressemblait à la maison de Kenny. Rien n'y avait de place attirée. Rien n'allait à la poubelle. Voilà pourquoi il régnait un tel ordre sur son bureau. Ce soin maniaque obligeait le fouillis à rester à l'intérieur."
Un étudiant de Cambridge, féru d'escalade urbaine, a fait une chute mortelle. Suicide, accident ou meurtre ? Augustus Huff, enseignant et tuteur de la victime mène l'enquête car quelques détails troublants ont attiré son attention.
Lui, le trentenaire hyper ordonné (et souffrant de quelques Trouble Obsessionnels Compulsifs), hérite en outre provisoirement du perroquet gris de la victime. Gray, volatile entraîné, intelligent qui, aussi bien par ses remarques impertinentes et intempestives, que par sa manière peu orthodoxe de manger, va semer le chaos dans la vie d'Augustus.
Le contraste entre les deux héros et l'écriture enjouée de Leonie Swann font de cette enquête bon enfant un pur délice et l'on prend un grand plaisir à suivre "les méandres de l'esprit" de l'enquêteur improvisé. Un roman de pur divertissement qui se dévore le sourire aux lèvres. L'autrice de Qui a tué Glenn ? renoue avec ses thèmes de prédilection et met également en garde contre la tentation d'adopter un tel volatile.
Éditions Nil 2020, traduit de l'allemand par
De la même autrice: clic. (vient de ressortir en poche)
06:00 Publié dans Humour, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : leonie swann
28/05/2020
Une maison parmi les arbres ...en poche
"- C'est la raison pour laquelle cette histoire s'adresse à des enfants plus âgés. Des enfants qui ne sont plus vraiment des enfants. Qui comprennent ce qu'ils voient aux informations . Et au cas où vous l'auriez oublié , les adolescents ont, de façon innée des pensées sombres qu'ils ont tendance à garder pour eux. Ils se régalent de désastres fictifs. Il y a une espèce de réconfort à voir le monde brûler dans un livre. Un livre, comme un fourneau, peut être refermé, le feu contenu."
Quand Morty Lear, célèbre auteur de livres pour enfants, décède accidentellement, , son assistante , confidente et amie Tomasina Daulair découvre qu'elle hérite non seulement de sa Maison parmi les arbres, mais aussi de la gestion de son œuvre.
Elle qui a consacré toute sa vie à faciliter celle de son employeur va aussi devoir faire face à ceux qui veulent s’approprier , en toute bonne foi ou pas, une parcelle de l'oeuvre de Lear: que ce soit le célèbre acteur engagé pour incarner l'auteur dans un biopic, la conservatrice de musée à qui étaient promis des documents en vue d'une exposition ou le propre frère de Tomasina qui s'estime lésé par l'auteur.
Les surprises vont se succéder sous la plume à la fois tendre et ironique de Julia Glass qui excelle à relater tout en nuances les fêlures et les blessures infimes en apparence mais qui marquent toute une existence. Toute une galerie de personnages plus vrais que nature , avec leurs petitesses et leurs grandeurs, se déroule sous nos yeux. Un grand coup de cœur.
Gallmeister , traduit de l’américain par Josette Chicheportiche.
L’éditeur précise que Julia Glass s'est inspiré de la vie de Maurice Sendak (Max et les maximonstres.)
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : julia glass
23/05/2020
De toutes les nuits, les amants
"Tristesse ou joie, rien ne nous est propre, nos émotions sont celles que quelqu'un quelque part a déjà ressenties et que nous ne faisons que mimer."
Scrupuleuse dans son travail de correctrice, Fuyuko, jeune femme de trente quatre ans , vit dans une solitude extrême. Très introvertie, elle ne peut concevoir d'établir des interactions avec les autres sans auparavant consommer d'alcool , pour se donner un peu confiance en elle.
Elle réussira néanmoins à tisser des ébauches de liens avec un professeur de physique, avec qui elle s'entretient de la lumière, mais également avec une jeune femme qui semble être son exact opposé : Hijiri, une éditrice qui lui confie du travail.
Amateur de rebondissements, passez votre chemin car ici il semble ne se passer presque rien dans ce roman , mais ce presque rien est très évocateur de ce qui fait les forces et les faiblesses de Fuyuko. On est ému par cette jeune femme qui se tient au bord du monde .Un texte d'une infinie douceur. 279 pages
Traduit du japonais par Patrick Honnoré. Babel 2020
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mieko kawakami
14/05/2020
Vies de chien ...en poche
"C'est souvent le point de rupture d'ailleurs : quand on se sent mal et que, soudain, se dévoile à nos yeux une secousse positive, on s'effondre."
En exergue de ce feel good book, une citation d'Alphonse de Lamartine, programmatique : "On n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n'en pas."
Et, en effet, c'est ce que va montrer ce roman, pétri de bons sentiments, en suivant deux parcours qui vont bientôt se croiser: celui de Tom, bouledogue français, confié à la SPA et celui de Maël jeune garçon de quatorze ans confié à une famille d'accueil chaleureuse, les Lion, qui ont eux- mêmes un fils du même âge : Pierre.
Le fait que Tom soit un des narrateurs du roman (les autres chapitres, consacrés aux différents personnages sont pris en charge par un narrateur omniscient) confère au texte un aspect à la fois naïf et espiègle, où l'on voit que le petit chien a plus d'un tour dans son sac pour se faire aimer, mais aussi pour prendre en charge, entant qu'"éponge émotionnelle" les états d'âme de ses deux jeunes maîtres.
Pas facile en effet pour les deux adolescents, très différents, de cohabiter et de faire face aux multiples aléas de la vie.
Prônant l'optimisme et la solidarité, ce roman, à l'écriture simple, où de jolies inventions côtoient parfois des tournures qui m'ont paru plus problématiques (dommage), offre aussi une présentation pleine d'humanité de l'univers de la SPA (organisme dont il est mentionné que nous le soutenons par l'achat de ce livre).
L'univers adolescent est dépeint de manière très crédible et , à l'instar de certains films, les dernières pages du livre nous proposent un "ce qu'ils sont devenus" qui nous tient au courant du destin des personnages secondaires, humains ou non. Un roman qui donne le sourire.
Laura Trompette, Éditions Pygmalion 2019, 430 pages où se faufile même une vieille chienne Beagle, en rôle secondaire.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : laura trompette
04/05/2020
Le chant de la pluie
"Le chant de la pluie est notre hymne national, nos passe-temps sont l'ennui et la boisson."
Martha, anglaise pur jus, se réfugie dans le cottage de son irlandais de mari, brutalement décédé, pour faire le point. Là, sur la côte ouest de l'Irlande, non loin des îles Skellig, elle laisse la porte ouverte, au sens propre et au sens figuré, tout à la fois aux souvenirs et aux gens du cru.
Dans cette nature sauvage, qu'un promoteur veut exploiter, Martha pourra peut-être tenir une promesse fait vingt ans plus tôt.
Offrant de magnifiques portraits de femme et d'îles, Le chant de la pluie dégage un vrai charme, même si l'aspect vachard de quelques réflexions aurait pu être davantage exploité. Martha m'a parue attachante et j'ai regretté que l'intrigue liée à l'exploitation envisagée de ce paysage grandiose se résolve aussi facilement. Un bon moment de lecture néanmoins.
Traduit de l'anglais par Antoine Bargel
Mercure de France 2020
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : sue hubbard
27/04/2020
#Île #NetGalleyFrance
"Les migrations durent trois générations. La première génération ressent la détresse et porte la volonté, la dureté : une lourde pierre qui se déplace à l'aide de sa propre force. Et tout ce que ça a d'insondable."
D'un père danois et d 'une mère féroïenne, la narratrice, une jeune femme part sur la trace de sa lignée maternelle aux iles Féroé.
D'une île à l'autre, d'une époque à l’autre, elle entremêle les récits et tisse ainsi une mini saga puissamment poétique , où la nature est personnifiée, voire habitée par des trolls dont il faut bien s'accommoder puisqu'ils résistent même aux bâtons de dynamite...
Elle scrute le passé à l'aide d'histoires courtes, qui parfois croisent la grande Histoire, et évoque avec précision des personnages qui ont fait le choix de quitter leur pays, quoi qu'il leur en coûte. L'humour n'est pas absent, "Elle s'était noyée, Jegvan s'en était abstenu." et les portraits sont brossés avec beaucoup de véracité et sonnent très justes.
La langue est juste magnifique et l'on comprend que Jón Kalman Stefánsson ait écrit tout le bien qu'il pensait de ce premier roman. Une autrice à suivre absolument.
Grasset 2020,Traduit du danois par Andreas Saint Bonnet.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : siri ranva hjelm jacobsen
21/04/2020
L'île...en poche
"Ce blondinet rustaud est le thermomètre de cuisson de ta chère Elin. Elle le plonge régulièrement dans sa confiture pour prendre la température de la nation , et quand les gens seront suffisamment habitués aux manières brutales de sa petite ordure blonde, , elle passera à l'action. Cela s'appelle du fascisme, mon cher Hjalti."
L’Islande est soudainement totalement coupée du monde extérieur. Plus personne ne peut y entrer ni en sortir. Aucune information sur le monde extérieur. Existe-t-il encore d’ailleurs ?
Les familles, les amis sont sans nouvelles de l’étranger.
Face à cette situation inédite, une jeune ministre , Elin, prend les choses en mains et utilise les "bonnes " vieilles recettes qui ont fait leurs preuves pour établir un régime, qui sous des dehors riants, n'est rien moins que fasciste.
Propagande vantant un passé soigneusement toiletté, exaltation du patriotisme, xénophobie, utilisation d'experts dont on évacue certaines affirmations gênantes (il n'y aura pas à manger pour tout le monde), tout ceci entraîne évidemment l'apparition de la violence dont le pouvoir use avec habileté.
Récit polyphonique, L'île nous présente plusieurs points de vue qui permettent d'envisager un panorama suffisamment large de la société. Si la violence est présente, elle est plutôt suggérée mais la tension n'en est que plus intense. Un roman anxiogène qui résonne particulièrement ce moment.
Disponible à prix réduit en version numérique, ce roman attendait son heure dans ma Pal.
Gaïa 2019 traduit de l'islandais par Eric Boury.
Cuné adore aussi : clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sigridur hagalin bjornsdottir
15/04/2020
#Lerougenestplusunecouleur #NetGalleyFrance
"Il y avait tant de choses que Max ignorait: ce que c'était que d'avoir des poids invisibles aux chevilles, un brouillard dans la tête, un fardeau sur la poitrine."
Premier roman, Le rouge n'est plus une couleur relate une amitié entre une jeune fille de milieu modeste, Kate, et un jeune privilégié, Max ,dans la Grande -Bretagne contemporaine. Il raconte également le viol dévastateur dont Kate sera victime par un membre de la famille de Max.
Si les personnages sont bien campés, les différences sociales et psychologiques bien brossées, l'intrigue bien menée, l'autrice n'a pas su, à mon avis, équilibrer son récit en laissant une part congrue à ce qui se voulait le thème principal de ce roman: le viol et ses conséquences psychologiques, tant sur la victime que dans son entourage.
Traduit de l’anglais par Jakuta Alikavazovic
Grasset 2020
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rosie price
14/04/2020
Après la fin
"Nous dépendons donc en partie de la gentillesse de parfaits inconnus, nous faisons confiance au monde. C'est comme ça que ça marche."
Rien de ce que nous croyons normal, permanent, acquis, ne l'est. Et le malaise durant lequel le cœur et les poumons de Miriam , 15 ans, cessent de fonctionner, vont le rappeler cruellement à sa famille.
Réanimée et confinée à l’hôpital le temps de faire des examens et de la surveiller , c'est toute la constellation familiale qui va devoir se réorganiser et apprendre à vivre avec le risque et l' impermanence.
Racontée du point de vue d'un père au foyer, historien universitaire éternellement en CDD, l’histoire est à la fois chaleureuse et angoissante.
Chaleureuse car c'est toute la vie quotidienne avec ses microfailles entre les membres du couple atypique (elle, médecin qui bosse 60 h par semaine auprès de patients défavorisés , soupçonnée par son mari d'étirer volontairement ses journées de travail, mais tiraillée par la culpabilité de ne pas s'occuper suffisamment de ses filles, lui qui assure le quotidien en ayant la sensation de s'éloigner de son épouse ), sans oublier la cadette qui veut à tout prix attirer l'attention, qui est brossée avec empathie.
Angoissante car rien ne sera plus jamais comme avant, mais qu'il faut faire avec.
Un roman commandé immédiatement après avoir lu Dans la lande immobile (clic) de la même autrice et dont de nombreuses phrases ont résonné particulièrement en accord avec notre situation actuelle.
Cuné l'a beaucoup aimé également: clic.
"Les livres importants étaient trop exigeants et les livres insignifiants semblaient trop futiles pour la nouvelle réalité, dans laquelle la mort se tenait en embuscade dans tous les recoins et venait respirer au-dessus de mon épaule dès que j'en détournais les yeux."
"Pourvu qu’on oublie. Quel gâchis de voir que les choses qu’on apprend en temps de crise sont déjà écrites en toutes lettres sur des aimants à frigo et des cartes de vœux : profitez de l’instant présent, savourez chaque moment, exprimez votre amour – pourvu qu’on vive assez longtemps pour mépriser à nouveau ces clichés, pourvu qu’on guérisse suffisamment pour considérer le ciel, l’eau et la lumière comme acquis, parce qu’être aveuglément reconnaissant d’avoir des poumons et un coeur qui fonctionnent ne met pas notre intelligence à contribution."
"...c'est simplement le fait de sortir de la maison qui semble, de façon inexplicable, plus compliqué que de planifier l'invasion d'un petit pays."
"Après quarante-huit heures de confinement, l'odeur du vent et l'idée de conduire une voiture ont quelque chose d'exotique."
"La patience, ai-je eu envie de lui dire, comme les autres vertus, est principalement une question d'habitude."
"Tout ne va pas bien, mais il y a de la beauté. Nous avons à notre disposition des outils pour dire que ça ne va pas, qu'il y a la mort, la souffrance, le mal et ces outils sont les mêmes depuis des centaines d'années. La pierre de construction. Le verre. Le fil qu'on tisse.
Les mots."
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sarah moss
10/04/2020
#LesOmbresdelatoile #NetGalleyFrance
"Toujours commencer la journée par un acte criminel, c’est ma philosophie."
L'un est un ancien journaliste d'investigation qui a commis une énorme bourde le décrédibilisant. L'autre ne peut aller à l'université et exploiter ses dons en informatique car sa mère est en prison. Tous deux victimes de chantage, ils vont devoir unir leurs capacités, l'un dans la "vraie" vie, l'autre sur la Toile pour venir à bout d'ennemis particulièrement machiavéliques.
Sur un schéma en apparence classique (les deux héros que tout oppose), Chris Brookmyre bâtit un scénario retors, multipliant les rebondissements et exploitant les thèmes de l'espionnage industriel et des hackers sans jamais perdre son lecteur en route, même quand il est une quiche en informatique comme moi.
Ses personnages sont pleins de vie, d'humour et l 'évolution de leurs sentiments n'est jamais sacrifiée sur l'autel de l'efficacité. A noter qu'un chapitre est intitulé "Confinement" mais que la situation en question est encore pire que ce que nous vivons actuellement.
544 pages qui se dévorent à toute allure !
Métailié 2020 , traduit de l'anglais (Écosse) par David Fauquemberg, dispo en numérique.
Du même auteur : clic
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : chris brookmyre