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07/01/2022

Encabanée...en poche

"Incarner la femme au foyer au sein d'une forêt glaciale demeure, pour moi, l'acte le plus féministe que je puisse commettre, car c'est suivre mon instinct de femelle et me dessiner dans la neige et l'encre les étapes de mon affranchissement ."

Quel beau mot que cet Encabanée qui donne son titre au roman ! Évoquant tout à la fois le refuge et la prison, fleurant bon la langue québécoise, il était juste parfait pour ce roman inspiré par le journal intime de l'autrice, enfermée dix jours  dans son petit refuge du Bas-Saint-Laurent à cause d’une vague de froid .41sDkKggumL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpg
Ici la narratrice , choisit de quitter une vie confortable pour s'acheter une cabane et un terrain à Kamouraska , dans une nature à peine troublée par le bruit de trains. Elle veut mener une vie plus frugale, plus proche de la nature , lire de la poésie et écrire. Il lui faudra aussi s'atteler à l'entretien de son poêle pour faire face à un hiver particulièrement rude. Pas de réseau pour le téléphone portable, tout peut donc devenir dangereux.
J'ai tout aimé dans ce roman, la langue, la démarche et la narration qui fait la part belle au romanesque et au corps ,avec l'irruption d'un intrus qui permettra de satisfaire les désirs charnels de notre narratrice.
Un grand coup de cœur pour ce roman qui peint et défend la nature  canadienne avec brio et nous propose un point de vue féminin et féministe sur une expérience plus  souvent racontée au masculin.

04/01/2022

Legoûtdesgarçons #NetGalleyFrance !

"Nous avons reçu trop tôt un pouvoir dont nous ne mesurons pas l'ampleur, semblables en cela à ces jeunes monarques propulsés sur le trône à la mort du père. On les place sous tutelle pour éviter qu'il ne se brûlent le royaume en une seule nuit. Nous, nous sommes seules avec notre trésor. "

La narratrice , qui a treize ans, fréquente un lycée catholique d'une ville jamais nommée (mais qu'on devine être Beyrouth ) et, tout comme ses camarades de classe ,elle ne pense qu'à ça . Le sexe des garçons. "Nous en parlions sans honte: nous voulions d'un désir qui fasse perdre le contrôle." Elle et ses amies en parlent crûment, expérimentent, jaugent, se montrent parfois cruelles, même entre elles. Les amitiés se nouent, se dénouent au gré des  fascinations et des intrigues. C'est tout un microcosme qui se montre à nous et que la narratrice analyse avec lucidité, "Il y a des bonnes et des mauvaises façons d'être une jeune fille" pointant les injonctions faites aux  femmes en devenir : "Ce n'est que sur ces deux registres qu'il convient d'être une jeune fille. Réticente ou délicieuse. Jamais enflammée."joy majdalani
En lisant, que dis-je, en dévorant ce premier roman saturé de désir, saturé d'énergie, je n’ai pu m'empêcher de penser à une écrivaine aujourd’hui tombée dans l'oubli, mais qui avait fait une entrée fracassante en littérature , Muriel Cerf, en particulier  à son roman Les rois et les voleurs.
La même vitalité, la même liberté, l'aisance dans l'écriture et la finesse de l'analyse de l'adolescence , voilà qui augure bien de l'avenir pour Joy Majdalani.

Grasset 2022 joy majdalani

29/12/2021

La maison où je suis mort autrefois...en poche

"C'est bien grâce à l'existence de cette maison que Sayaka avait appris la vérité. Elle savait maintenant qui elle était. Que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, c'était difficile dire. "

C'est à un étrange séjour de deux jours dans une maison isolée que nous convie Keigo Higashino. Une maison où deux anciens amants se rendent pour éclaircir tout à la fois l'espèrent-ils le fait que la jeune femme, Sayaka,  n'ait aucun souvenir de sa tendre enfance et peut-être aussi le fait qu'elle soit devenue, selon ses propres dires, une mère maltraitante pour sa fille. keigo higashino
La maison se révèlera être un dispositif temporel et mémoriel où les deux héros se livreront  à une recherche à la fois intellectuelle et émotionnelle.
Si les thèmes de la mémoire, des secrets , sont omniprésents dans le roman , il y est aussi beaucoup question de la désinvolture (et de l’égoïsme) avec laquelle des adultes disposent des enfants.
Une première incursion pour moi dans l'univers de cet auteur et ce ne sera sans doute pas la dernière, tant j'ai apprécié l'atmosphère étrange et prenante de ce roman .

28/12/2021

Poupée volée...en poche

"Tout ce qu'on fait et tout ce qu'on dit aux enfants dans le secret des maisons !"

Sur la plage, petit théâtre social, une famille élargie et bruyante semble fasciner la narratrice, Leda, universitaire en vacances studieuses. Une jeune femme, Nina, et sa fille, Elena, attirent tout particulièrement son attention, appliquées qu'elles sont à mettre en scène leur lien, la fillette reproduisant cette relation maternelle avec avec sa poupée. elena ferrante
Sur une impulsion, Leda vole le jouet, plongeant toute la famille dans l'effervescence.
Dans ce court roman, Elena Ferrante analyse avec acuité les liens mère-fille à différentes échelles et sans angélisme, n'hésitant pas à souligner toute leur ambivalence , voire leur cruauté. Elle souligne aussi les difficultés que rencontrent beaucoup de femmes du fait des injonctions sociales et/ou de difficultés psychologiques à assumer leur place de mère telle que souhaitée traditionnellement.  Concilier travail épanouissant et maternité n'est pas évident et il sera toujours beaucoup plus pardonné aux hommes qu'aux femmes dans ce domaine semble dire l'autrice.
Pour autant, aucun manichéisme dans ce roman qui fait aussi la part belle aux personnages secondaires, observés et croqués avec maestria mais qui sait aussi conserver sa part de mystère et d’étrangeté.  Une réussite !

Extrait de ma Pal quand j'ai appris son adaptation cinématographique (diffusé sur Netflix le 30 décembre).

Traduit de l'italien par Elsa Damien

29/11/2021

L'énigmatique Madame Dixon

"Les gens pensent qu’ils veulent la vérité mais ils sont toujours déçus. C’est invariablement moins excitant que le mystère. "

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Un prologue énigmatique, qui évoque d'emblée la problématique de l’identité, un début de roman d'apprentissage mettant en scène une jeune femme qui veut intégrer le monde de l'édition à New-York, mais qui surtout veut devenir une écrivaine, Alexandra  Andrews semble placer son roman sur des rails bien calibrés. Mais bientôt tout dérape et l'apprentie écrivaine se révèle bien moins lisse qu'il n'y paraissait.
Le trouble s'accentue quand elle va devenir l'assistante de Madame Dixon, écrivaine à succès qui ne se montre jamais dans les médias et dont seule l'agente connaît le vrai nom. Un voyage au Maroc verra se mettre en place un traquenard et ses nombreux rebondissements.
Personnages cyniques, qui révèlent, mine de rien et avec désinvolture leur plus noir secret, apprentie écrivaine sans scrupule, tout est ici un pur régal pour qui aime les intrigues tordues à souhait.Un bon moment de lecture.

 

les escales 2021, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Maillet.

23/11/2021

#Doubleaveugle #NetGalleyFrance !

"Il était tellement soulagé d'avoir un malheur ordinaire que , parfois, il aurait voulu le dire au monde entier, comme ces personnages dans les comédies musicales qui se lèvent et se mettent à chanter pour que tout le bus entende."

Embarquer dans ce roman difficile à résumer de Edward St Aubyn, c'est comme se lancer dans des rapides qui vous feront connaître des sensations fortes, tantôt dramatiques, tantôt drolatiques à souhait mais dirigé par un capitaine qui a la main sûre et ne vous perdra jamais en route. CVT_Double-aveugle_1550.jpg
Disons que ce texte brasse des thèmes comme l'amour,les liens familiaux,  l'écologie, la génétique, les nouvelles technologies , sans oublier la psychanalyse, que ses personnages (des trentenaires) sont ultra crédibles et formidablement attachants par leur complexité et leurs failles (l’auteur se glisse dans la peau d'un jeune homme souffrant de troubles psychiatriques avec une virtuosité remarquable).
Les fêtes sont l'occasion de moments hauts en couleurs mais l'émotion n'est jamais loin et la description d'une rencontre magique et du sauvetage d' un animal coincé dans un grillage restera longtemps dans ma mémoire. La fin ouverte nous laisse espérer une suite...Du grand art !

Et zou sur l'étagère des indispensables.

 

Grasset 2021

Traduit de l’anglais par David Fauquemberg.edward st aubyn

23/10/2021

Automne...en poche

"Il faut toujours être en train de lire, dit-il. Même quand on ne lit pas réellement. Sinon, comment lirions-nous le monde ?  Considère ça comme une constante."

Automne, premier volume d'une tétralogie dont le deuxième volume est déjà paru en Grande-Bretagne, raconte l'amitié improbable entre Daniel, féru d'art et Elisabeth, jeune femme qui vient faire la lecture au centenaire dans sa maison de retraite41OsdwWS6kL._SX307_BO1,204,203,200_.jpg
Leur lien, quasi filial, est né quand Daniel était le voisin de la jeune Elisabeth. Lors de leurs promenades, Daniel , par petites touches,a su éveiller sa curiosité sur le monde de l'art et ,des années plus tard Élisabeth deviendra une spécialiste de la seule femme représentante du pop Art anglais, Pauline Boty.
Le roman, à l'écriture poétique, explore les thèmes du temps et des saisons, sur fond de Brexit, glisse avec subtilité d'une époque à une autre, suggérant au passage, par des détails du quotidien, que la Grande-Bretagne se rapproche de plus en plus de certains des ouvrages que lit Elisabeth (Le Meilleur Des Mondes, par exemple). Nos démocraties sont en danger, mais comme la mère de l'héroïne, rien ne nous empêche de manifester notre désapprobation par des actes symboliques. Un roman que j'ai savouré

21/10/2021

Ma sombre Vanessa...en poche

"Ce n'est rien. C'est normal. Toutes les femmes intéressantes ont eu des amants plus âgés qu'elles dans leur jeunesse. C'est un rite de passage. A l'entrée, vous êtes une fille, et à la sortie, vous n'êtes pas tout à fait une femme, mais vous en en rapprochez.Vous êtes une fille plus consciente d'elle-même et de son pouvoir."

Vanessa, en 2017, est rattrapée par son passé via la déferlante MeeToo. Contactée par une journaliste et par une élève abusée par le professeur Strane, la jeune femme refuse pourtant de se considérer comme victime d'un prédateur qui aurait abusé de son autorité sur l'adolescente qu'elle était dix-sept ans plus tôt.
Non, elle considère la relation qui a commencé quand elle avait quinze ans comme une exceptionnelle histoire d'amour entre deux être très sombres et au mieux, reconnait-elle que Strane est éphébophile, mais en aucun cas pédophile.lle n'a pas perdu le lien avec cet homme qui l'a valorisée, qui a su amadouer  cette étudiante douée à coups de lectures orientées ( Nabokov, bien évidemment), mais qui s'est aussi montré lâche et manipulateur. 41akLfBa9rS._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpg
Alternant les époques, Kate Elizabeth Russell fouille avec une précision chirurgicale les rouages faussés de cette relation et nous donne à voir le déni dans lequel se débat Vanessa , dont la vie ne correspond en rien à ce qu'elle aurait pu en attendre.
Les rebondissements se succèdent , sans jamais rien d'artificiel, les multiples facettes, souvent contradictoires de l'héroïne se donnent à voir et l'on est fasciné par une telle maitrise dans l'écriture et la construction de ce premier roman.  à lire absolument.

Traduit de l'anglais par Caroline Bouet, Les Escales 2020, 442 pages constellées de marque-pages.

11/10/2021

La vérité sur la lumière

"Le plus difficile, c'est de s'habituer à la lumière."

Avec ses parents qui dirigent des pompes funèbres, sa sœur, météorologue et elle-même, Dyja, qui est sage-femme, on peut dire que chacun des membres de cette famille s'occupe de chacune des étapes de la vie humaine, de la lumière à l'obscurité, en passant par quelques aléas climatiques.audur ava olafsdottir
Dyja, issue d'une longue lignée de sage-femmes, ou "Mères de la Lumière", a hérité de sa grand-tante une moitié d'appartement, toujours dans son jus, ainsi que des articles rédigés par cette écologiste avant-gardiste. Elle y réfléchit aussi sur le sens de la vie et plus particulièrement sur le thème de la lumière qui court tout au long de ce texte.

Souvent poétique, parfois philosophique, ce texte d'Audur Ava Olafsdottir fait la part belle aux ellipses narratives, laissant aux lectrices et lecteurs le soin de combler les vides et d’imaginer des scènes souvent remplies d'émotion. On s'attache aux personnages, ainsi qu'aux paysages islandais, à la météo souvent changeante de cette île où un touriste australien est venu, je cite "ruminer". Il faut laisser infuser ce texte parfois frustrant ou déroutant mais souvent aussi un peu magique.

 

Traduit de l’islandais par Eric Boury. Zulma 2021

08/10/2021

ce qu'elles disent ...en poche

"Nous sommes des femmes sans voix, répond Ona avec calme. nus sommes des femmes en dehors du temps et de l'espace, privées de la langue du pays dans lequel nous vivons. Nous sommes des mennonites apatrides. Nous n'avons nulle par où aller. Les animaux de Molotschna sont plus en sécurité que les femmes dans leurs foyers. Nous, femmes, avons toutes des rêves donc, oui, bien sûr, nous sommes des rêveuses."

1 Ne rien faire.2 Rester et se battre. 3 Partir. Telles sont les solutions qui  s'offrent aux femmes , parfois très jeunes, qui ont été violées et rouées de coups durant plusieurs années dans une communauté mennonite en Bolivie.
Le diable est-il le responsable ?,comme l'affirme l'évêque Peters. La vérité finit par éclater: ce sont des hommes de la communauté qui, usant d'un anesthésiant en pulvérisateur ,abusent de celles qu'ils côtoient au quotidi

Analphabètes, totalement coupées du monde extérieur, les femmes se réunissent et choisissent comme rédacteur du procès-verbal de cette assemblée August Epp, qui vient de réintégrer la collectivité.
Pied à pied, se construit une réflexion féministe universelle qui déborde du cadre de ce groupe de femmes pour englober toutes celles qu'on maintient volontairement dans l'ignorance et la servitude, que ce soit par le biais d'une quelconque religion ou par le truchement de biens commodes traditions.
Se dessinent aussi au fur et à mesure les personnalités de ces femmes, riches d'humanité et d'intelligence laissée en jachère. Le roman traduit au plus près leurs aspirations ,"Nous voulons pouvoir penser", leurs déchirements aussi (faut-il emmener si elles  partent les enfants mâles et si oui jusqu'à quel âge ?), sans pour autant négliger l'aspect romanesque, tendu par une romance en sourdine, ainsi que par un vrai suspense.41PdV-XfgiS._SX307_BO1,204,203,200_.jpg
Inspiré de faits réels, écrit par une femme née dans une communauté mennonite canadienne, ce roman, bouleversant, piqueté de marque-pages, file à toute allure sur l'étagère des indispensables.

Traduit de l'anglais (Canada) par Lori saint-Martin et Paul Gagne, Éditions Buchet-Chastel , 225pages qui se tournent toutes seules ou presque.