06/09/2008
Dix mille bombes
"Les bombes pleuvaient. Les guerriers se battaient, nos ordures s'entassaient au coin des rues. Chats et chiens , gavés, grossissaient de jour en jour. Les riches en partance pour la France lâchaient leurs bêtes dans la jungle urbaine : toutous orphelins, bichons de luxe dressés à être propres, bassets portant prénoms français et noeud papillon rouge, caniches frisés au pedigree impeccable, cabots chinois ou génétiquement modifoés, clébards incestueux agglutinés en bandes qui couraient les rues par dizaines, unis sous le commandement d'un bâtard charismatique à trois pattes. La meute de chiens la plus chère du monde errait dans Beyrouth, courait sur la terre, hurlait à la lune énorme et dévorait des montagne de déchets à tous les coins de rue." Le décor est planté : Beyrouth durant la guerre du Liban, début des années 80, une ville d 'apocalypse où on tire en l'air pour se frayer un passage dans les rues ou se faire une place à la station-service.
Dans cette ville en ruines mais toujours palpitante de vie deux amis, comme deux frères: Bassam qui rêve de partir à l'étranger et Georges qui lui se sent attiré par la milice chrétienne et sa violence.
Une fraude dans un casino aux mains de ce groupe armé va précipiter les événements et décider du destin des deux garçons...
Rawi Hage, avec De Niro's game, titre faisant allusion au jeu de la roulette russe dans Voyage au bout de l'enfer nous livre un premier roman saisissant. Une plongée dans un monde où régne la violence , violence dans laquelle certains se vautrent mais que le narrateur, Bassam, utilise avec un certain détachement, outil nécessaire pour sauver sa peau. Bassam ne pose pas des mots sur ses sentiments juste des actes. Il ne joue pas au héros, il veut juste s'en sortir et ,quand la situation devient insupportable , il se raccroche aux mots et à des visions oniriques et poétiques, de longs flots inspirés qui charrient la boue et les étoiles. Cette opposition donne encore plus de force à des scènes qui sans quoi pourraient être insoutenables, comme la séance de torture qu'il subit. Le récit quant à lui est très structuré et culmine dans une séance d'explication finale qui éclaire d'un jour nouveau tout le roman. Un style inspiré et puissant qui m'a fait apprécier ce qui n'est pas d'ordinaire ma tasse de thé.
Merci à Violaine de Chez les filles et aux éditions Denoël pour cette découverte.
07:50 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : de niro's game, raxi hage, beyrouth, liban
05/09/2008
séance de rattrapage
06:03 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature anglaise, femmes, rachel cusk, arlington park
02/09/2008
"C'est une maison dont l'aspect change selon nos besoins."
Cette maison, c'est La maison des temps rompus. Une maison comme un havre . Pour s'y blottir, s'y reconstruire. Voici ce que nous découvrons dans la première partie du roman de Pascale Quiviger. Puis, alors que nous étions confortablement lovés dans cette villa de bord de mer, nous embarquons brusquement dans d'autres récits qui vont patiemment tisser des liens entre passé et présent, réel et imaginaire. La maison va se peupler de voix féminines. Des femmes qui s'aiment d'amour ou d'amitié , qui sont traversées par le flux de la vie et celui de la mort.
"J'écris pour mes femmes aimées, celles qui participent sans bruit à la transmission de menus savoirs à propos du courage et de la lenteur des nuits, de l'étroitesse des jours, de leur lumière. Elles sont présentes ou absentes de la même manière, celle de l'eau, du lait ou de la chouette, celle des horloges. Chacune existe dans un corps temporel où peut se glisser la naissance ou la mort qu'elle contient."
Une écriture au plus près des sensations, qui parfois m'a rappelée celle de Chantal Chawaf par sa poésie et sa densité. Un livre qui reste longtemps en mémoire.
Merci à Cuné pour l'envoi.
L'avis de Clarabel , celui de Joëlle.
Pas de photo de la couv' ,vraiment trop moche, ce qui est un scandale !
06:05 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maison, femmes
29/08/2008
Du mou dans les genoux ?
Harry Bosch a un peu plus de cheveux gris mais il écoute toujours du jazz et possède toujours dans la mémoire de son téléphone le numéro de son ex, l'agent special du FBI, Rachel Walling.ça tombe bien car dans A Genoux, les deux anciens amants/ennemis vont se retrouver côte à côte pour élucider un meurtre qui très vite se révèle lié à la disparition de matières radioactives susceptibles d'intéresser des terroristes (suivez mon regard, roman post 11 septembre).
A partir de là, on retrouve les bonnes vieilles habitudes : Harry se dépatouille (un peu) contre ses supérieurs, beaucoup contre le FBi, trace son propre chemin...
ça roule tout seul, les retrouvailles sont agréables mais sentent un peu le formaté (très rapidement j'avais repéré le véritable mobile...).
Pour les inconditionnels de Connelly.
Merci à Cath et à Ch'ti31 pour le prêt!
L'avis de Cathe.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : harry bosch, a genoux, michael connelly
28/08/2008
Rambo poète?
Il n'a pas l'air commode sur la photo de 4 ème de couverture, Howard Mac Cord. Et le héros de L'homme qui marchait sur la lune non plus.
La" lune" est une "montagne de nulle part. Elle est délaissée par ceux qui y vivent à portée de vue, comme par ceux qui,à différents moments, peuvent être fascinés par son isolement et sa difficulté.(...) ses charmes (...) ne sont pas évidents et ne se dévoilent qu'à de rares marginaux."
Embarqué à la suite du narrateur dans une balade dans cette montagne en plein coeur du Nevada, le lecteur se dit d'abord qu'il va se régaler d'une ode à la nature, lyrisme et petits oiseaux à la clé.Que nenni !Il part surtout à la découverte progressive d'une personnalité hors du commun, au passé plein de violences et qui a une drôle de façon d'engager la conversation avec celui qui, on le découvre progressivement, le poursuit...
Epris de liberté, le narrateur se définit comme bougon, loin des montagnes et "[il ] ne tolère pas facilement la présence d'une barrière entre [lui] et la courbe infinie de l'univers." Nous avons ici un homme qui "maîtrise la monotonie", maîtrise de soi acquise par le tir ,et cette tension se , retrouve également dans la narration car petit à petit c'est dans un récit entremêlé de souvenirs réels ou imaginaires que le narrateur se dévoile et nous ne le lâchons plus, estomaqué par des découvertes que je vous laisse le plaisir de lire. Noces d'une nature âpre et d'un marcheur-escaladeur , "une constante en mouvement, jamais vraiment évident à définir par l'observation."
Le rythme s'accélère à la fin et le roman se termine sur les chapeaux de roues. Vous restez le souffle coupé.
Même si on peut rester dubitatif par rapport à certaines idées exprimées par le personnage, mais qui sont forcément en adéquation avec sa logique particulière, on ne peut qu'être séduit par ce texte qui rudoie le lecteur, le happe et le fascine.
Merci à Cuné pour l'envoi.
07:05 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : nature, suspense, l'homme qui marchait sur la lune, howward mccord
25/08/2008
"Une coïncidence n'est qu'une explication qui attend son heure."
"Autrefois", un famille d'artistes à laquelle on s'attache immédiatement ,une route de campagne sur laquelle cheminent une mère, ses deux filles, le bébé et un chien, puis un crime horrible et soudain. Une seule survivante.
"Aujourd'hui", à Edimbourg, la jeune Reggie, que la vie n'a pas épargnée, semble être la seule à s'inquiéter de la disparition du docteur Hunter pour laquelle elle travaille en tant que nounou.Sa route, après bien des péripéties, va croiser celle de l'inspecteur en chef Louise Monroe , à qui elle permettra de retrouver ce bon vieux Jackson Brodie , détective à la retraite mais toujours prêt à aider les femmes en détresse, devenu ici une sorte de nouvel Ulysse qui ne parvient pas à retourner chez lui.
Progressivement, le lecteur, un peu désarçonné, établit le lien entre le passé et le présent. Un présent qui va s'avérer riche de personnages malmenés par la vie mais toujours prêts à relever le défi de continuer, quitte à se créer des illusions de bonheur.
Ce livre est une totale réussite. L'intrigue policière, ou plutôt les différentes intrigues qui s'y donnent à voir ne sont qu'une toile de fond qui fournissent à Kate Atkinson, l'occasion d'une réflexion sur le destin ,"Ce n'est pas parce qu'il vous est arrivé quelque chose d'horrible une fois que ça ne peut pas se reproduire."est un leitmotiv du roman, mais les personnages sur lesquels le destin semble s'acharner ne sont pas pitoyables, bien au contraire. Avec un humour ravageur, politesse du désespoir comme chacun le sait, ils combattent avec obstination et même s'ils pourraient se demander A quand les bonnes nouvelles ? , chacun d'entre eux témoigne de sa foi en la vie mais pas nécessairement en l'humanité...
Que ce soit les personnages principaux ou les secondaires, tous sont traités avec une grande pertinence psychologique, on s'enthousiasme à leur suite, on rit, on pleure (pour de vrai, ce qui ne m'était pas arrivé depuis belle lurette avec un livre), on est chahuté par ce roman à la Dickens, riche et foisonnant de vie.
Kate Atkinson nous manipule avec dextérité et on en redemande tant son style est fluide et pétillant.
Presque à chaque page, j'ai glissé un marque-pages, ce livre en est sorti tout hérissé et moi toute chamboulée comme je ne l'avais pas été depuis longtemps. J'ai eu envie de me glisser à l'intérieur de cet univers , même en tant que plante verte, pour en profiter encore plus. Je n'ai qu'une hâte, lire la suite car, on le sent bien, certains personnages ne demandent qu'à revenir !
Les choses s'arrangent mais ça ne va pas mieux, c'est ici!
06:06 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (24)
22/08/2008
Huis-Clos
Drame en trois actes. D'abord la mort du père, cataclysme pour la narratrice car "Je n'existais que par tes yeux. Seule, je n'étais personne,je n'étais pas au monde."
Le père, un monstre de psychorigidité. Un monstre tout court qu'une fois mort la fille peut "retravaill[er] à [son] désir."
Ensuite la mère ,auprès de qui la narratrice vient chercher une parcelle d'attention mais "Dès avant ma naissance, sa vocation de mère s'est bloquée sur le seuil." Simple constat qui n'est pas remis en cause.
Pas de tentative d'explication non plus pour l'attitude de l'amoureux , qui , prenant le relais du père la "démolit sans témoin(...) Tout le samedi, tout le dimanche, je coopère à ma mise à mort, j'appartiens aux banderilles, au poignard, à l'estoc, je suis au centre de l'arène et il n'y a pas de spectateurs."
L'important est de préserver les apparences d'où le titre: Ma robe n'est pas froissée.
On sort du roman de Corinne Hoex le souffle court.Sans pathos, en une centaine de pages denses et âpres, l'auteure nous laisse estomaqué par cette entreprise de démolition systématique d'un être humain.Juste le temps de souffler un peu sur une de ces longues plages de Belgique. Un livre puissant et dérangeant.
Merci à Mous pour cette découverte.
06:21 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (22)
14/08/2008
La haine dans la peau
Revenue dans la ville de son enfance pour mener une enquête journalistique sur des disparitions d’enfants, Camille va devoir renouer avec un lourd passé qui s’inscrit encore sur sa peau…
Plus que l’intrigue elle-même, qui noue le thème des scarifications à un autre que l’on devine très rapidement, j’ai aimé dans ce roman l’atmosphère de violence feutrée que l’auteure arrive à créer. Les adolescentes de cette petite ville donnent le frisson tant leur comportement, apparemment parfaitement toléré par la communauté, est cynique. J’ai parfois pensé à un excellent roman de Joyce Carol Oates Nous étions les Mullvaney qui approfondit l’un des thèmes qui n’est ici qu’effleuré.
L’histoire d’amour est un peu convenue mais j’ai passé un bon moment délicieusement glauque !
Ps :La couv’, plus le résumé et vous avez déjà les trois quarts du roman. Il ne vous reste plus qu’à trouver le nom de l’assassin en lisant l’épilogue et l’affaire est dans le sac : vous avez économisé six euros cinquante !
Trêve de plaisanterie, Sur ma peau deGillian Flyn ne révolutionnera pas l’histoire de la littérature policière mais il méritait mieux qu’un traitement aussi désinvolte.
06:08 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15)
11/08/2008
"Et dix jours avant Noël,je l'ai perdue."
"Et donc, une petite fille de huit ans peut-elle être amoureuse ? C'est une vraie question. Qui peut le dire ? à cet âge-là, l'amour est un petit mot si simple. On l'a sur le bout de la langue. On n'a aucune idée de son pouvoir, de ses aspérités, ou du prix à payer. Il est facile de se moquer d'une petite fille qui déclare être amoureuse- et pourtant je le déclarais." Celle qui parle ainsi c'est Eve. Recueillie par ses grands-parents après la mort soudaine de sa mère, la petite fille rousse doit affronter la méfiance des enfants du village Gallois et tenter de retrouver le fil de ses origines. En parallèle, la disparition d'une fillette vient semer la suspicion et jeter le trouble parmi les villageois. Premier roman de Susan Fletcher , la fille de l'Irlandais, couronné par deux prix littéraires en Grande-Bretagne , alterne la voix d'Eve enfant et d' Eve adulte.Sur une trame assez classique, recherche des origines,affrontement de l'hostilité d'un groupe par un individu isolé mais non sans ressources (plus d'une personne en feront les frais !), la disparition d'un enfant vient jeter une ombre . J'avoue être un peu restée sur ma faim car le superbe style de Susan Fletcher que j'avais admiré dans Avis de tempête ne trouve pas ici sa pleine mesure. Un bon moment de lecture néanmoins.
06:09 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10)
08/08/2008
Abandon...
La nouvelle amie, d'après sa couverture et sa mise en bouche, avait tout pour me séduire : l'irruption dans une bourgade frileuse et figée de Nouvelle-Zélande d'une jeune femme vient tout bouleverser et en particulier les ados. Un soupçon de perversité pour assaisonner le tout et ...rien. Emily Perkins met un temps infini à nous raconter l'ennui de cette ville écrasée par la chaleur. Ses personnages sont mous comme de vieux biscuits oubliés et je n'ai pas résisté plus longtemps que la 100ème page. Soporifique en diable. Clarabel l'a lu aussi (fichu canalblog qui ne donne pas de possibilité de créer des liens...)
06:04 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13)