23/12/2008
"Un mur peut se sauter, mais comment s'évader de soi ? "
Un peu avant ses dix-huit ans, la narratrice apprend qu'elle ne s'appelle pas Iréna Golebiowska mais qu'elle est née Estera Sternchuss dans le ghetto de Varsovie.Première scission. En outre, elle découvre que Zofia Lass s'est approprié le manuscrit de sa mère, Un mur entre nous,devenu un best-seller mondial.
Dès lors, Iréna n'aura de cesse de mettre au point sa vengeance...
Plus que le récit d'une quête obsessionnelle, le roman de Tecia Werbowski est celui d'une quête de soi. Refoulant son identité juive , "J'étais convaincue qu'être juif vous donne le choix entre deux éventualités. S'affirmer comme Rubinstein et Romain Gary. Ou alors, rester tranquille dans son coin et ne pas se montrer différent des autres." Pour mener cette "double vie", Irena fuira jusqu'au Canada, jusqu'à ce quelle se rende compte que"depuis mon émigration, j'avais muré mes souvenirs et que je m'étais condamnée au ghetto du silence. C'est le moment du dégel pour les sentiments enfouis dans mon congélateur canadien." Le mur s'est donc d'une certaine façon matérialisé en elle.
Avec une langue sobre et âpre,en quelques courts chapitres (58 pages en tout !) allant droit au but, comme écrit dans l'urgence, Tecia Werbowski nous fait partager de manière efficace cette double recherche qui mènera enfin la narratrice vers l'apaisement. A tenter absolument.
L'avis de Lily
Celui de Sylvie.
Et de Michel.
Tecia Werbowski .Le mur entre nous. 58 pages. les Allusifs.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : le mur entre nous, tecia werbowski, ghetto de varsovie, vengeance, secret, pologne, canada
21/12/2008
"Elle a encore mis son grain de sel dans mon autobiographie."
"J'aimerais qu'on m'explique. Comment se fait-il que, lorqu'un couple se défait, tout ce que l'on aimait dans la relation disparaisse instantanément comme par magie, alors que toutes les petites choses que l'on détestait secrètement continuent de vous hanter après ? "Hé oui, il ne comprend pas Oliver et pour s'y retrouver il noircit du papier et cache ses mémoires dans une taie d'oreiller de marque Victoria Plum (d'où le titre français, Les confessions de Victoria Plum qui n'a rien à voir avec l'original : Taking the Devil's advice.) Evidemment, son ex-femme, Constance va trouver les dits feuillets( parce que ce qu'il a oublié de nous dire ce cher Oliver ,entre deux lamentations sur son sort, c'est qu'il habite encore chez son ex) et elle va se glisser dans l'autobiographie d'Oliver nous proposer sa version des faits...
Comme souvent chez Anne Fine, le jardin joue un rôle important et pas seulement parce que l'héroïne, Constance a pour amant un jardinier (Hello ,Lady Chatterley!), il est souvent un exutoire pour échapper à la tension ambiante (dans un autre roman d'Anne Fine, l'héroïne, à chaque contrariété passe ses nerfs en arrachant des plantes !)
Mensonges ? Vérités ? Au lecteur de se faire sa propre opinion entre deux sourires car ce roman si délicieusement british est férocement drôle. Ma première rencontre avec cette auteure et aussitôt le sentiment de faire une rencontre importante ! (1993 déjà !)
Ps:quelqu'un qui trouve important d'établir une distinction entre "pierre" et "caillou" ne peut qu'être mon amie.
Pour toutes ces raisons, allez vite fouiller dans les médiathèques et les bouquineries pour dénicher ce petit chef doeuvre !
Anne Fine. Les confessions de Victoria Plum. 273 pages en édition originale (éditions de l'Olivier). A trouver aussi chez Points -Seuil.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : anne fine, les confessions de victoria plum, couple, humour, férocité
20/12/2008
"comment une chose pareille peut-elle arriver à quelqu'un avant même qu'il ait eu le temps de devenir un homme ? "
D'abord une couverture assez atroce : j'ai, dans un premier temps, cru voir une déjection canine, (change tes lunettes, Cathulu !) avant de me rendre compte qu'il s'agissait d'un char qui avait fondu ! Ensuite, le titre: La route des ossements.Va savoir pourquoi je me dis qu'il doit s'agir de la guerre en Irak. Tout cela n'est pas folichon mais bon, le nom de l'auteure, Anne Fine, emporte mes dernières hésitations et je lis la 4 ème de couv' : visiblement il s'agit de tout autre chose puisque même si le contexte n'est pas donné comme clairement historique, les mots "Glorieuse Révolution" et "Tsar" ainsi que le prénom du jeune héros , Youri, éclairent enfin les choses. Je ne suis pas trop portée sur les ouvrages historiques , mais tant pis je me lance...
Mal m'en a pris : lourd, pesant, ce récit qui ne se décide pas à choisir entre traiter de la révolution bolchévique et du système communiste mis en place en URSS de manière claire et précise et vouloir traiter de la tyrannie en général m'a très rapidement ennuyée. Anne Fine ne gagne rien à vouloir se montrer didactique.
Vite oublions cet échec et(re) plongeons-nous avec délices dans ceci ou bien faisons connaissance avec une oeuvre plus ancienne et cette fois destinée davantage aux adultes (et ceci dès demain, si tout va bien ! )
08:05 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : anne fine, la routes des ossments, révolution russe, révolte, tyrannie
18/12/2008
"Le dernier lauréat du Booker écriture rapide a été disqualifié après avoir été contrôlé positif à la cartlandromine."
"Eh bien, ce matin, j'étais sur les traces d'un animal mythologique en suivant la piste des tartes à la crème à travers l'Ouest, et cet après-midi, un croiseur cuirassé du XXVIème siècle atterrit dans le Nebraska. Vous en trouvez pas ça insensé, vous ? "Non, puisque celle qui s'exprime ainsi c'est la fameuse Ospec Thursday Next qui va (un peu) raccrocher les crampons et quitter le monde agité de la fiction pour rentrer chez sa mère, le petit Friday sous le bras. Elle trouvera également sa grand-mère qui ne pourra mourir qu'après avoir lu les 10 classiques les plus ennuyeux...
Evidemment, entre deux tranches de battenberg cake, un duel entre cow-boys, une apparition de Saint (pas si saint que ça d'ailleurs...), un dictateur qui veut détruire tous les livres danois et une partie (cruciale pour le sort de l'humanité) de croquet , jeu beaucoup plus percutant qu'on pourrait le croire, Thurday devra aussi essayer de récupérer son mari, tout en essayant de supporter les tergiversations du véritable Hamlet...Mine de rien l'auteur nous alerte sur certains dangers, hélas toujours d'actualité, et ce n'est pas pour gâcher notre plaisir, loin s'en faut.
J'ai retrouvé, après la petite baisse de régime du volume précédent, le monde foufoufou de Jasper Fforde avec un plaisir sans égal. Inventivité, rythme trépidant, on ne s'ennuie pas une minute ! Mention spéciale pour les fac-similés d'articles ouvrant chaque chapitre.
Sauvez Hamlet ! Jasper Fforde.10/18 .471 pages trépidantes !
L'avis de Chiffonnette. (descendre jusqu'au 2 décembre )
Celui de Karine
N'hésitez pas à signaler vos billets, que je les mette en liens !
06:04 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : sauvez hamlet, jasper fforde, thursday next, battenberg cake, humour
16/12/2008
"Avec du pèze, je serais carrément dangereux."
London boulevard, pastiche du film de Billy Wilder, Sunset Boulevard, met en scène un homme qui sort de prison et qui, malgré quelques accrocs, essaie de se tenir du bon côté de la loi. Flanqué d'une soeur déjantée et d'une patronne , ancienne star du théâtre qui vit dans un univers totalement protégé et factice, il a fort à faire pour satisfaire ces deux femmes jusqu'au jour où la machine va s'emballer...
"Il peut arriver que ce qu'on a pris pour un minuscule événement isolé déclenche une série d'événements qu'on n'aurait même jamais imaginés. Nous croyons faire des choix, alors qu'en réalité nous ne faisons qu'assembler des bribes de conclusions préfabriquées." Nous ne pourrons pas dire que nous n'étions pas prévenus mais tout l'art de Ken Bruen est de nous plonger dans un univers confortable, dans la mesure où nous retrouvons des figures déjà rencontrées :le repris de justice qui sort de prison, le vendeur de journaux aux pieds froids (même pas le temps de lui acheter de chaussettes rouges comme ici) et paf, au moment où nous sommes bien anesthésiés, Bruen nous envoie un uppercut (ou pire).
Musiques de jazz, palanquées de références de romans policiers-nous croiserons même James Ellroy venu faire une lecture de son dernier roman- accompagnent le héros dans sa quête d'un univers un peu plus chaleureux, même s'il feint de de ne pas y attacher d'importance...
Le style est incisif, efficace et rapide. Ce roman se dévore et vous remet le pied à la lecture !
Trouvé à la médiathèque...
London Boulevard. ken Bruen. Fayard noir. Mars 2008. 332 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : ken bruen, sunset boulevard, manipulations
15/12/2008
"Delia :0, la mort :1."
Delia est , de son propre aveu une "plumitive commerciale",férue de mots, lectrice compulsive , qui écrit des guides pratiques et répond aux questions des lecteurs d'un journal gratuit ,avec une verve souvent féroce. Elle est aussi extrêmement pragmatique, une façon comme une autre de lutter contre le désordre du monde, un monde où une femme d'une quarantaine d'années, mère de deux petites filles, atteinte d'un cancer, n'a plus que quelques semaines à vivre. Cette femme, évidemment, c'est elle et Debra va se lancer résolument d'une part dans la rédaction d' un Guide du bien mourir, d'autre part remplir ce qu"elle appelle "les pointillés de son passé".
Alternant trois périodes de la vie de Délia, ce roman se déroulant sous le chaud soleil australien, avait tout pour être une immonde "soupe" larmoyante et déprimante. Il n'en est rien car Debra Adelaïde sait ménager suspense et péripéties tout en tenant les bons sentiments convenus à distance. Son héroïne est pleine d'énergie,de malice,mais elle est aussi aussi faillible,pleine de culpablité, humaine donc, et sa démarche analytique de la mort ne nous vaut ni apitoiement sur elle même ni "gestion" à tout prix des sentiments. Cependant, il m'a fallu passer outre un épisode suscitant inutilement un haut-le coeur- ainsi qu'un autre totalement impossible -et heureusement ! - en France. Ces deux restrictions mises à part, Le guide du bien mourir est, paradoxalement, un roman qui fait du bien...Apaisant.
Ps: des maladresses de traduction nuisent parfois à la fluidité du texte...
06:19 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : debra adelaïde, le guide du bien mourir, cancer, mort
08/12/2008
"Le mot est venu à mon secours ,comme l'ont toujours fait les mots.'
Abigail et Dorcas sont jumelles mais ne se ressemblent en rien, tant au physique qu'au moral. Dorcas, la plus intello des deux, affirme qu'elles se sont partagé le monde : "Sacré et profane. Spirituel et physique. Esprit et corps." Abigail, la plus charnelle des deux ,est accusée d'avoir assassiné son second mari et, tout en se préparant à affronter le cyclone Pandora (!), Dorcas commence la lecture du livre consacré à sa soeur, se chargeant de rectifier au passage ,de manière sarcastique mais lucide, les erreurs qu'il contient...
Dorcas, bibliothécaire de son état, fustige au passage les pratiques du tout petit cercle littéraire dans lequel elle a été amenée à évoluer malgré elle.
Malgré sa raideur apparente, Dorcas, par son humour inflexible, nous devient vite sympathique et le personnage d'Abigail se révèle à l'usage beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.Ellen'est en aucun cas la Belle Idiote que l'on pourrait croire : "Ma soeur n'est qu'une je -m'en-foutiste paresseuse. mais one la lui fait pas." Même si au début du texte Dorcas affirme "J'ai une meilleure compréhension des chats, des moteurs à explosion et des Iraniens que d'Abigail, ma soeur jumelle.", remonter le temps, revenir aux origines du drame, va lui permettre de se rendre compte qu'elle est beaucoup plus proche de sa jumelle qu'elle ne le croyait.
Dominé par la figure du cercle, truffé de références mythologiques, Gloire, honneur et mauvais temps, de Jincy Willett est un petit chef d'oeuvre d'humour souvent noir (le récit en deux phrases de l'assassinat du mari m'a fait hurler de rire !), même si le comportement autodestructeur d'Abigail(heureusement passager !) est assez pénible à supporter, non pas qu'il soit décrit de manière complaisante mais voir une femme s'abaisser ainsi est assez perturbant. Tissant des liens entre fiction et "réalité", Dorcas qui entretient avec les mots, sous toutes leurs formes, y compris les graffitis, des relations étroites ne peut que plaire à toutes les lectrices compulsives !
Quelques longueurs, contrebalancées par l'humour constant.
Gloire, honneur et mauvais temps. Jincy Willet. 10/18 . 412 pages
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : jumelles, livres, jincy willett, glore honneur et mauvais temps, écriture, perversité, relation hommes femmes mode d'emploi
03/12/2008
"Mais on ne choisit pas toujours ce qui nous attend au bout du chemin."
Envoyée pour un court séjour en Angleterre chez ses cousins, Elisabeth va se retrouver coincée dans ce pays par une guerre bizarre qui va soudain se déclencher. Ce sera l'occasion pour elle d'expérimenter toute une gamme de sentiments et de connaître une série d'aventures qui vont bouleverser sa vie...
Premier roman de Meg Rosoff Maintenant , c'est ma vie déroute dans un premier temps le lecteur qui se croit d'abord embarqué dans un récit classique de citadine fille unique découvrant la vie rurale au sein d'une famille nombreuse, famille où d'ailleurs les enfants prennent la place des adultes peu présents. Mais très vite le récit plonge brutalement dans une réalité totalement différente et tout est chamboulé. Ces virages à 180 degrés ainsi que les ruptures brusques du récit, les ellipses nous permettant de reconstituer à demi-mots le passé de l'héroïne ,montrent la virtuosité narrative de l'auteure qui conduit de main de maître son roman.
Quelques indices (téléphone portable , emails, d'ailleurs vite obsolètes) nous permettent de situer un peu cette guerre qui présente une intemporalité symbolique. Tout comme le voyage que devra accomplir l'héroïne pour se retrouver. Meg Rosoff puise aux sources des romans classiques de formation mais elle renouvelle le genre avec une maestria époustouflante !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : roman de formation, guerre, amitié, meg rosoff, maintenant c'est ma vie
02/12/2008
"I ken his faither" (je connais son père)
Ah que ça fait du bien de retrouver des personnages aussi plaisants que ceux d'Edimbourg Express ! Nous sommes tout de suite en territoire connu et même si nous les avons quittés depuis plusieurs mois, ils nous redeviennent presque immédiatement familiers.
Alexander McCall Smith a le chic pour se glisser aussi bien dans la tête d'un petit garçon qui pour sa mère est "le projet Bertie" avant d'être un enfant ou dans celle d'un tenancière de bar philosophe à ses heures , un peu comme l'héroïne de Muriel Barbery.
Nous dégustons un verre de Petrus ou assistons à un pique-nique nudiste, ce qui ,en Ecosse relève du stoïcisme il faut bien l'avouer , ou participons aux retrouvailles de pères et de fils...
Les péripéties ne manquent pas, et même si le roman est bon enfant, elles ne sont pas toujours dénuées de violence( un mollet sera mordu et un coup de boule donné) .On attend déjà le sourire aux lèvre la suite des aventures des habitants du 44 Scotland Street . Un roman confortable comme on les aime!
Un grand merci à Florinette pour le prêt !
Alexander McCall Smith. Edimbourgh Express.430 pages. 10/18
L'avis de Clarabel.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : humour, pique-nique nudiste, écosse, mccall smith, edimbourg express
24/11/2008
"Il voulait savoir comment elle fonctionnait."
Envie de vous (re) plonger dans les sixties ? Alors vite précipitez-vous sur La femme comestible de la candienne anglophone Margaret Atwood !"69 année érotique" nous susurrait alors Jane B., mais rien de tel dans ce roman où les femmes portent encore des gaines , même si elles n'ont pas de problèmes de poids, engoncées qu'elles sont dans un moralisme dévastateur ; une époque où la pilule est autorisée mais soupçonnée par certaines de modifer leur personnalité et où des propriétaires d'appartement veillent farouchement sur la bonne moralité de leurs locataires femelles.
Se marier et enchaîner les grossesses ? faire un enfant toute seule ? En tout cas certainement pas devenir une de ces vierges en col blanc avec lesquelles elle travaille ! Irrésolue, Marian a parfois des réactions impulsives qui traduisent son mal-être, mais tout va s'accélérer quand ses fiançailles avec Peter vont devenir officielles. La jeune femme va rejeter la nourriture , non pas parce qu'elle se trouve trop grosse, mais par un rejet beaucoup plus viscéral que cela ,rejet qu'elle ne contrôle d'ailleurs pas.
La première partie du roman , je l'ai d'abord envisagée un peu à la manière d'un document sociologique mais très vite Marian et tous les gens qui gravitent autour d'elle me sont devenus familiers.
La construction du roman, en parfaite adéquation avec l'évolution de la jeune femme , m'a séduite et j'ai particulièrement apprécié l'humour décapant de Margaret Atwood( après cette lecture, vous n'envisagerez plus votre passage chez le coiffeur de la même façon, je vous le garantis ! ).
Un roman que j'ai dévoré le sourire aux lèvres car hommes et femmes y sont croqués sans façons, avec un humour corrosif et efficace.
La femme comestible. Magaret Atwood.521 pages . Editions Robert Laffont, collection Pavillons poche.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : la femmecomestible, margarte atwood, sixties, femmes, humour pétillant, ah que j'ai souri !, quête d'identité