27/08/2024
Un jour d'avril
"Les relations avec les parents des amis de vos enfants peuvent ressembler à celles qu'entretiennent des ducs et duchesses rivaux, forcés de se montrer courtois pour la seule et unique raison qu'ils appartiennent à la même maison souveraine."
A un an d'intervalle à chaque fois, nous retrouvons les personnages de ce roman un 5 avril. Un an avant le COVID, pendant,après. Habitant à Brooklyn, ils frôlent la quarantaine et sont à une étape charnière de leur vie. Dan, espère effectuer son retour sur scène et retrouver le quart d’heure de gloire éphémère qu'il avait connu. Il quittera ainsi son rôle de père au foyer auprès de Nathan et Violet Son épouse Isabel , tente de préserver son emploi dans le journalisme et constate que son mariage s'effiloche doucement. Quant à son frère, il va devoir quitter la chambre qu'il occupe dans la maison de sa sœur et remettre en question son emploi d’enseignant. Derniers éléments de cette constellation familiale atypique, le frère de Dan ,Garth,qui a permis à une amie lesbienne de longue date de concrétiser son désir d'enfant.
Les enfants sont finalement ici les éléments les plus intéressants car les plus finement observés. Les autres personnages pâtissent eux d'un manque d'intensité dans la narration, mais il est vrai que l'auteur peint ici un monde en pleine déliquescence ...
le Seuil 2024, traduit de l’anglais (E-U) par David Fauquemberg
11:30 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : michael cunningham
26/08/2024
Alors c'est bien
"Face aux caprices de l'inconnu, nous tentons à l'aveuglette de faire de notre existence le meilleur film possible. pendant que nous sommes occupés à soigner le scénario, le décor et les accessoires, nous gagnons quelques instants de légèreté. Comment faire autrement ? "
Avec ce texte, Clémentine Mélois a entrepris de préserver les souvenirs liés à la vie et à la mort de son père, Bernard Mélois, sculpteur poétique, anarchiste, anticapitaliste, amoureux éperdu de sa femme (et de ses filles).
Beaucoup d'émotion, mais aussi d'humour , dans ce récit où se tissent le récit de l'enterrement "pharaonique" où mère et filles s'attachent aux plus petits détails pour faire de cette cérémonie un acte d'amour le plus fidèle possible aux volontés de Bernard Mélois qui n'appréhendait pas son décès et l'avait préparé depuis longtemps.
Un sacré personnage ce Bernard Mélois, dont Dali disait : "Mélois, qui fait des sculptures avec des seaux à caca. ", comprendre des objets émaillés que toute la famille allait récupérer dans des décharges. Sa fille lui rend ici un hommage plein de tendresse, sans cacher pour autant les défauts de celui qui, plein de fièvre créatrice, n'hésitait pas à empiéter sur les créations de ses filles !
Nous serons toutes et tous confrontés à cette situation (où l'avons déjà été) et je trouve que en dehors de ses qualités littéraires évidentes et très grandes, ce récit permet aussi de mettre en avant le déni auquel nous risquons d'être confrontés et d'en comprendre les motivations.
Ainsi l'autrice reconnaît-elle tenir "le réel à distance et pratique(r) une forme de judo existentiel où l'on se sert de la force de l'adversaire pour le renverser (même s'il est le plus costaud) Bien stable sur mes appuis, je transforme mon angoisse en action et, d'un geste souple, je fais basculer le chagrin sur le tatami de la vie".
Elle rappelle enfin que "Ceux qu'on aime souffrent et meurent , et on se surprend à rire encore . Le champ de lin n'a rien perdu de sa beauté, la clématite sauvage croule sous les fleurs. [...] Malgré tout. "
Un roman qui file, bien évidemment sur l'étagère des indispensables.
L’arbalète Gallimard 2024.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : clémentine mélois
21/08/2024
#Ilneigesurlepianiste #NetGalleyFrance !
"Et j'aimais bien m'expérimenter dans l’œil du renard en tant que maison dont un bras sort à la tombée de la nuit pour déposer sur un plat des reliefs de repas, une sorte de maison débordante de délices ou de compost à prodiges. "
Grâce à la neige, une femme âgée retient dans sa maison, isolée en forêt, un pianiste très beau et bien plus jeune qu'elle. Parallèlement, elle nourrit un renard , témoin de la Nature qui parvient tant bien que mal à survivre.
Beauté de la musique, beauté du renard qui se joue des dangers dans un monde au bord de la destruction. Deux formes d'amour aussi, pour effacer les frontières entre les êtres et une écriture magnifique pour dépeindre tout cela.
Si l'ossature de ce roman peut paraître bien légère, elle est compensée par l'art poétique de Claudie Hunziger qui nous enchante et nous emporte. Un grand coup de cœur.
Grasset 2024.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : claudie hunziger
19/08/2024
Le bleu n'abîme pas
"La carte de ton corps; la carte du monde.
Dans le regard des autres, tes yeux bleus de Russie, de Roumanie ou de France. Tes cheveux, un mélange de la France et du Niger. Tes fesses hautes, tes hanches pleines du Niger. Ton histoire, leur histoire à eux, Inna, Abba, Vito et Danièle, pour dire ton anatomie, pour expliquer le désir qui monte. "
Avant la narratrice était fière d'être, au vu de son histoire familiale, à la croisée de plusieurs continents .Mais être une métisse, pour certains, engendre obligatoirement la question des origines, voire suppose des préjugés sexistes : "Les métisses, ça m'excite, il a dit. "
Premier roman, qu'on devine autobiographique, Le bleu n'abîme pas , revient, sous une forme éclatée, sur ces problématiques dans une langue très, voire trop travaillée. L'émotion ne passe pas pas et l'ennui surgit beaucoup trop vite, malgré l'intérêt des thématiques. Dommage.
Le Seuil 2024.
Merci à l'éditeur et à Babelio .
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (0)