19/08/2009
Le voyage vers l'enfant
A lire la quatrième de couv' on est déjà surpris: au lieu de continuer sur la lancée de ses précédents romans Le bateau du soir, les invités de l'île* qui, à travers les différents locataires d'une même maison de vacances, peignaient autant de portraits sensibles ayant comme point commun ce lieu un peu magique qu'est un île, Vonne van der Meer semble opérer ici un virage à 180 °.L'île nous ne la trouverons qu'au début et à la fin du texte, entre temps les personnages auront fait un grand voyage au Pérou pour aller chercher un enfant à adopter. Voyage qui bouleversera entièrement leur vie.
Impossible de révéler pourquoi sans faire perdre toute sa force dérangeante au roman. Alors oui, c'est choquant, perturbant ce que nous raconte l'auteure mais simultanément bouleversant car Vonne van der Meer excelle à décrire les sensations et les sentiments de ses personnages, les plus troubles soient-ils.
Impossible de dire si j'ai aimé ou non ce roman car il a remué en moi trop d'émotions contradictoires.
Le voyage vers l'enfant, Vonne van der Meer,Editions Héloïse d'Ormesson 172 pages inconfortables.Parution le 20 août.
Un grand merci à Clarabel pour le prêt !
*parus en poche chez 10/18
06:02 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : vonne van der meer, adoption, pérou
18/08/2009
La peine du menuisier
"Le Menuisier ne parlait pas."
Le Menuisier, nous l'apprendrons au fur et à mesure du récit, c'est le père de la narratrice, cette enfant née tardivement au sein d'un foyer où l'amour circule mais pas forcément les mots. Nous sommes dans les années cinquante, en Bretagne , dans une famille modeste , où la mort est toujours présente , que ce soit par les photos des disparus ,la proximité du cimetière ou les décès que l'on ne cache pas aux enfants.
La narratrice, devenue adulte et ayant réussi à devenir professeur, ce qui la place un peu en porte -à- faux par rapport à ses origines, ressent toujours un profond malaise par rapport à celui qu'elle ne désigne que par sa fonction, comme si elle voulait le tenir à distance. Pourquoi ?
Elle sent confusément qu'elle appartient à un lieu "où je n'ai pas vécu mais dont l'histoire circule ne moi, dans ce corps exhibé, élastique et souple, insolent de jeunesse et de fraîcheur." mais également qu'un secret pèse sur la famille paternelle, empesant leurs relations. Il lui faudra beaucoup de temps pour remonter au jour cette hstoire familale dont elle est prisonnière car "Nous ne sommes pas seulement les héritiers d'un patrimoine génétique, mais d'un nombre infini d'émotions transmises à notre insu dans une absence de mots, et plus fortes que les mots."
En phrases sobres, comme gravées dans le granite breton, Marie Le Gall nous emprisonne dans cette atmosphère étrange et envoûtante. On pense parfois au roman d'Annie Ernaux, La place, pour ce qui est du décalage entre la modestie des origines et l'ascension sociale de la jeune femme mais Marie Le Gall privilégie davantage cette recherche obstinée et patiente du secret familial afin d ecomprendre La peine du Menuisier., qui est aussi la sienne.Un premier roman lent et fascinant. Une langue superbe.
La peine du menuisier, Marie Le Gall, editions Phébus,282 pages denses et graves.
Sortie le 20 août .
Merci Cuné !
Le très joli billet que Cuné lui a consacré.
06:05 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : marie le gall, premier roman, bretagne, relation père fille, secret familial
17/08/2009
Terre des affranchis
Cette Terre des affranchis est d'abord un lieu , un village roumain près d'une forêt et d'un lac, lac dont on a tenté de masquer l'histoire en le renommant . De fosse aux Turcs il est ainsi devenu Fosse aux lions mais n'en a perdu pour autant son caractère inquiétant.
Seul Victor, dès l'enfance , a toujours eu l'impression que le lac le protégeait. Etrange affinité qui se poursuivra tout au long de la spirale criminelle qui emportera le bûcheron et contre laquelle les mots interdits-nous sommes sous Ceaucescu- qu'il recopie en guise de rédemption ne seront sans doute pas suffisants...
Premier roman écrit directement en français par Liliana Lazar née en Moldavie roumaine, Terre des affranchis, est un roman intéressant à plus d'un titre car l'histoire de la Roumanie ne nous est connue que dans les grandes lignes. Pas de récit politique à proprement parler, les habitants de ce village sont davantage précocupés par la volonté de survivre mais aussi de pouvoir pratiquer leurs rites orthodoxes. En effet, comme nous le montre très bien l'auteure, religion et politique entretiennent ici des rapports ambigus et inextricables. Quant à son héros, son destin de criminel peut être mis en parallèlle avec celui du peuple roumain,"qui après s'être corrompu avec le communisme, cherchait lui aussi sa repentance."
On reprochera peut être un aspect trop "mécanique" à cette spirale criminelle qui entraîne Victor ainsi qu'une certaine raideur dans l'écriture mais Liliana Lazar a su créer une atmosphère inquiétante et lourde, aussi sombre que les forêts qu'elle décrit. Une auteure à suivre.
Terre des affranchis, Liliana Lazar, Editions Gaïa, 198 pages prenantes. Sortie le 19 août.
A noter que les éditions Gaïa ont changé de format (et de couleurs de pages !)
Pour entendre l'auteur parler de son livre, c'est ici,
Pour entendre le premier chapitre du livre, c'est ici .
Merci Esmeraldae !
06:03 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : liliana lazar, roumanie, spirale criminelle
16/08/2009
Comme la grenouille sur son nénuphar
"ô Gravité où est ton hameçon, ton fil, le plomb au bas de ta ligne ? "
Pas de doute: "les Parques se plaisent à venir cracher dans ton potage", Gwendolyn! Tu n'as plus qu'à "enfiler ton soutien-gorge pare-balles" pour affronter ce qui risque d'être le plus long et le plus éprouvant week-end pour la trader de Seattle que tu es !
Jugez en un peu: les cours de la Bourse s'effondrent et avec eux tes rêves d'ascension sociale, le singe kleptomane de ton petit ami s'enfuit ,ta meilleure amie disparaît... Mais heureusement dans toute cette pagaille apparaît Diamond, un broker de retour de Tombouctou, charmeur en diable (ou baratineur de génie ) qui va te mettre "au défi de t'intégrer dans quelque chose qui t'es totalement étranger, de sortir du domaine de tes attentes habituelles", bref de jeter un grand coup de pied au Rêve Américain, "de sortir de cette transe où ne comptent que les biens matériels".
Une ville, Seattle où les rayons de soleil "se comportent en touristes" (et qui nous donne l'occasion de superbes descriptions de la pluie entre deux péripéties ), une ville où galope notre héroïne , tiraillée entre la recherche de la satisfaction immédiate et le grand saut dans l'Inconnu, un monde où l'on s'inquiète de la disparition des grenouilles, où l'on croise un médecin japonais qui aurait découvert un remède au cancer mais un monde aussi où l'on peut prendre le temps de s'envoyer en l'air et de vivre une histoire d'amour à la fois débridée et tendre.
Pas de temps morts, tant au niveau du récit que du style , corrosif, plein d'humour et d'inventivité, les métaphores, les comparaisons, mon péché mignon, sont follement réjouissantes, : "Contrairement à l'Américain moyen, elle a une capacité d'attention qui dépasse en durée un orgasme de Mormon", et on sourit tout le temps de la lecture, en se laissant prendre au piège du baratin allumé de Diamond.
Comme la grenouille sur son nénuphar nous fait entrer dans ce monde fou fou fou (qui est le nôtre ) et nous ne lâchons pas une minute ce roman car il y a plus d'imagination dans une phrase de Tom Robbins que dans l'oeuvre complète de n'importe quel écrivaillon français.
Comme la grenouille sur son nénuphar (Half Asleep in Frog Pajamas, 1994) traduit (avec virtuosité ) de l'américain par François Happe, Editions Gallmeister mai 2009, 419 pages dont la subversion réjouissante est toujours d'actualité!
Et dire qu'il vous faudra attendre le 20 août pour dévorer ce livre jubilatoire...
Le site de l'éditeur où vous purrez lire un extrait.
Ps :Tom Robbins nous avait déjà montré toute son inventivité réjouissante il y a quelques années avec Même les cow-girls ont du vague à l'âme, adapté au cinéma , avec entre autres, Uma Thurman.
06:00 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : tom robbins, mon livre de la rentrée 2009 !