07/03/2010
Court noir, sans sucre (nouvelle édition, revue et augmentée)
Trop souvent les recueils de nouvelles sont une sorte de fourre-tout sans unité. Tel n'est pas le cas dans Court, noir, sans sucre d'Emmanuelle Urien (un excellent titre et une très jolie couverture , de la belle ouvrage pour cette rédition , revue et augmentée de deux nouveaux textes)
Thèmes récurrents donc dans ces textes sombres mais pas sordides: la souffrance, le deuil; la faille cachée dans chacun des personnages fait résonner en nous des échos tus ou présents.
Traitement différent pourtant car en lisant ces textes les uns après les autres, j'ai trouvé qu'il y avait une montée dans l'intensité de l'expression des émotions. Dans les premières histoires, en effet, l'écriture est presque aseptisée, les narrateurs tiennent leur douleur à distance et ne la révèlent que dans la chute de la nouvelle.Plus on avance dans le recueil et plus l'auteure montre sa compassion , sans mièvrerie aucune (voir le titre !).
"Tristesse limitée" qui met aux prises un employé d'une administration chargé de traiter les dossiers des demandeurs d'emploi m'a particulèrement enthousiasmée par sa double chute jubilatoire ...Quant au texte intitulé "le chemin à l'envers", vous ne pourrez pas le lire sans avoir le coeur serré...Les deux nouvelles nouvelles s'inscrivent parfaitement dans cette continuité et ne déparent pas l'ensemble.
Même si comme moi vous n'aimez pas le café, vous vous régalerez !
Emmanuelle Urien, Court, noir, sans sucre, Editions Quadrature, 113 pages.(Nouvelle édition, augmentée).
L'avis de Pagesapages
Celui de Sylire qui vous enverra vers d'autres billets...
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : emmanuelle urien
24/02/2010
Heureuse ou presque
Les héroïnes de Heureuse ou presque se marient- ou pas-, ont souvent une soeur jumelle, jalousent leur fille trop belle, ne ressentent aucun amour pour leur nouveau-né, bref explorent toute la palette-parfois dérangeante- des sentiments de la sphère féminine. On a parfois l'impression de feuilleter un catalogue ou de regarder tourner un manège sans rien pour retenir notre attention car le style est très plat et, aussitôt lues ,ces 94 pages ont été aussi vite oubliées. Reste une appétissante couverture.
06:04 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : isabelle lortholary, femmes, gemellité, schtroumpf grognon le retour
17/11/2009
J'écris pour mon chien
"On pardonne aux animaux ce qu'on ne pardonne plus aux hommes."
Parce qu 'ils ont une vie de chien, même s'ils se donnent un mal de chien pour s'en sortir ou juste marquer une pause, les héros de Natacha Andriamirado cherchent auprès des canidés l'amour et l'attention qui leur sont refusés par les humains.
Le chien comme pansement des peines d'amour, mouais...
L'auteure se montre beaucoup plus convaincante quand elle s'essaie à l'humour grinçant, ainsi la nouvelle "le cadeau", à faire lire d'urgence aux enfants et petits-enfants de veuve pas si éplorée que ça...Quant au "Paufcon", il n'est pas forcément celui qu'on croit...
Rien de follement original donc mais il y a dans ces dix nouvelles très courtes un rythme musical, phrases reprises, rimes qui chantent à nos oreilles, qui font que malgré certaines facilités, qui auraient pu être évitées, on retiendra quelques jolis passages: "Je pourrai manger à ma faim sans paraître gourmande, je pourrai rire à gorge déployée sans craindre des remontrances. Je pourrai me rouler dans la boue sans avoir à me laver, être sale , avoir les ongles noirs, me fermer à l'impeccable."
On aurait aimé écrire que ce recueil avait du chien, à tout le moins, ce n'est pas de la bouillie pour les chats !
J'attends donc avec curiosité et espoir le prochain titre de cette auteure.
J'écris pour mon chien (mais pas que!) Natacha Andriamirado, Editions Maurice Nadeau, 63 pages qui ne nous rendent pas d'une humeur de chien.
Merci à Cuné , la sorcière !, pour ce joli moment de lecture:)
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : natacha andriamirado, chiens, chiens et compagnie
13/11/2009
Brèves enfances
"Ma maman est collectionneuse et je n'ai pas de papa, mais j'ai un Basquiat. Na !"
Trente quatre -courtes-nouvelles sur le thème de l'enfance, une enfance souvent privilégiée du point de vue économique (n'a-t-on pas offert un tableau de Basquiat à l'une des jeunes héroïnes ? ) mais au sein de familles souvent disloquées, parents séparés, familles où les frères semblent exercer une oppression constante sur leur jeune soeur. Rien de follichon donc mais la misère des sentiments ne va pas forcément de pair avec la pauvreté économique.
Les rapports parents/enfants semblent même inversés, une petite fille déclarant carrément qu'elle est la mère de sa mère et on a bien envie de la croire tant ces parents semblent infantiles, versatiles et tournés uniquement sur leur propre recherche du plaisir. Pourquoi pas? L'embêtant est que ce recueil , commencé sur les chapeaux de roue avec un texte mettant en scène un fils de prêtre, tourne vite court, ressassant situations et personnages, comme une mécanique qui s'emballerait, le tout restant superficiel alors que cela se voudrait probablement grinçant. Même le milieu du cinéma , dans lequel baigne l'auteure puisqu'elle est scénariste, n'est évoqué que de manière stéréotypée, enchaînant les clichés. Quant à la voix des enfants qui se donne ici à entendre, elle est discordante et fausse car jamais un enfant de dix ans ne s'exprimera d'une telle manière.
Il y avait pourtant de quoi faire et jusqu'au bout j'ai espéré que l'auteure ne se contenterait pas d'effleurer ses thèmes mais qu'elle les prendrait enfin à bras le corps...en vain.
Brèves enfances, Sylvie Bourgeois, Le diable Vauvert 2009.
Merci à Amanda qui m'a permis de tenter l'expérience!
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sylvie bourgeois, enfance
05/08/2009
Un soir, à la maison
"Je t'entends déjà te plaindre que j'ai mis chez toi un foutu bordel."
Mais à quoi pensent les profs quand ils demandent de raconter Un soir à la maison ? Se rendent-ils compte du fossé qui existe entre les images d'Epinal toutes roses et jolies, tranquilles,banales pour tout dire, et la réalité, beacoup plus crue que vivent -parfois- leurs élèves ? Ces derniers, pas dupes, vont s'employer à travestir leur quotidien pour mieux répondre aux attentes implicites du correcteur et ne pas dévoiler ce qu'ils sentent- confusément ou pas- ne pas être la norme...
Ce décalage c'est justement l'interstice dans lequel se coule Annie Saumont pour mieux souligner les dysfonctionnements qui existent dans la vie de ces personnages qui pourraient être nos voisins ou nous mêmes. Ainsi cette femme qui s'obstine à mettre six bols à table le matin , ou celle qui cale le biberon de son "bébé de rêve," sitôt conçu déjà plus désiré, "entre un exemplaire de La divine comédie et un manuel des bonnes manières, une cordelette fixant le tout", petites vies assassinées en douce, en passant...
ça grince, ça tire, ça fait mal ces récits ou ces dialogues qui semblent pris sur le vif ,comme ce goujat au restaurant qui fait les questions et les réponses et s'étonne que son invitée ne mange pas, (vu ce qu'il lui balance pas étonnant qu'elle ait du mal à avaler!). Alors oui, c'est noir, c'est sans espoir, ça tord le coeur, parfois c'est un peu raté aussi car trop prévisible mais il n'en reste pas moins que la langue, tordue, triturée, maltraitée par Annie Saumont ça décape !
Un soir, à la maison, Annie saumont, Pocket juillet 2009, 154 pages qui mettent le bordel ! 5 euros.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : annie saumont, tranches de vie, saignantes les tranches
14/04/2009
"On se fera écraser une autre fois, le coeur n'y est plus."
"Ne les regardez plus. On les a assez vus." Ah ça bataille ferme, mine de rien, dans les familles observées à la loupe par Isabelle Minières ! ça se déchire à belles dents ou à petit bruit mais on ne sait pas ce qui est le mieux. Ou le pire. Mieux vaut peut être se balancer "il n'y a qu'un prof de lettres pour être aussi bête !" que de ruminer de sales pensées par devers soi. Quant aux enfants, ils ont tout compris quand ils affirment : "C'est pas une histoire pour les grandes personnes. ça leur fait peur. C'est une histoire pour les enfants." Et du coup, parfois, les personnages d'Isabelle Minières préfèrent partir, faire Maison buisonnière , partir voir "dehors si j'y suis", au moins ils ne traîneront plus dans les pattes des atres membres de leur famille...Alors évidemment c'est noir , très noir mais plein aussi d'un humour féroce. L'auteure a l'art de traquer les petites noirceurs quotidiennes, tout ce clapotis d'eau nauséabonde qu'on feint d'ignorer pour préserver les apparences et "la paix du ménage".Une petite merveille de noirceur !
ps: une seule nouvelle m'a paru un tantinet trop longue : la dernière, mais c'est ma seule restriction .
Un grand merci à Laure pour le prêt !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maison buissonnière, isabelle minière
23/03/2009
D'"une main faible et légère" mais diablement efficace!
Flirtant parfois avec le fantastique , les dix-huit nouvellesdu recueil d'Agnès Laroche et Eric Rouzaut Mal assise sont toutes noires, voire très noires.
D'emblée, "la fuite des corps" vous cueille à l'estomac et vous flanque un grand coup au coeur. Au fil des textes, l'émotion , qui avait parfois un peu tendance à céder la place à l'efficacité de la nouvelle "à chute"gagne en intensité et on finit sa lecture un peu sonné.
Point commun à tous ces personnages ?Leur équilibre fragile (d'où le titre du recueil), qui les fait basculer sans préméditation dans le drame. Les personnages sont souvent à deux doigts d'intervenir pour se mettre en travers du destin mais il leur sera rarement accordé une seconde chance car trop souvent ils mentent, à eux-mêmes autant qu'aux autres. Les exceptions n'en acquièrent que d'autant plus de valeur comme dans le texte très émouvant "une main faible et légère".
Les auteurs explorent aussi bien nos petits enfers quotidiens que les travers de notre société, exagérant à peine le contenu d'un nouveau jeu télévisé, traquant la violence partout où elle se trouve , fût-ce dans le coeur d'une araignée...car de l'humour il y en a aussi mais évidemment, vous en devinez d'avance la couleur !
Tour à tour sociales ou plus intimistes, ces nouvelles nous entraînent aussi bien au coeur de la foule d'un carnaval (de Dunkerque ?) que dans les "coulisses" d'un hôpital ou d'une usine pour le moins étrange...Un univers riche et varié où résonnent les échos des grands maîtres de la nouvelle , de Maupassant à Buzatti . A découvrir sans tarder !
ps: Une seule nouvelle , "La vieille dame et la rate" n'a pas su me toucher.
Mal assise, Agnès Laroche, Eric Rouzaut, Editions Quadrature.124 pages noires et noires.
Le blog d'Agnès Laroche.
Le blog des éditions Quadrature.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mal assise, agnès laroche, eric rouzaut, noir c'est noir...
11/03/2009
Schtroumph grognon, le retour...#2
Un recueil de nouvelles écrites par Colas Gutman,Florence Seyvos,Ellen Willer, Xavier-Laurent Petit et Valérie Zénatti, voilà qui était alléchant et dès que je l'ai vu en médiathèque, hop, il était pour moi ! J'espérais déjà y dénicher un texte susceptible d'intéresser mes élèves mais...rien n'a trouvé grâce à mes yeux, tout m'a paru convenu , prévisible et ennuyeux au possible. Mauvaise pioche donc.
L'avis de Bellesahi qui elle avait bien aimé.
Par contre, chez le même éditeur, je vous signale la réédition du livre de Sophie Cherer, Ma Dolto, que je vous recommande chaudement ! Vous ne croyiez tout de même pas vous en tirer à si bon compte !:)
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : il va y avoir du sport mais moi je reste tranquille
24/02/2009
"Elle se fait des coiffures de rien, des chignons de vent..."
"Dans ce bureau, ils sont chez eux, les mots.". Ce bureau ? Celui du psychanalyste. Là où se vivent de drôles de saynètes ,oscillant entre drame et comédie, là où certains mots sont inaugurés, "des nuées de mots nichés dans les tentures et qui disent la tristesse, l'effroi...Qui disent des choses qu'on ne s'imaginait pas capable de penser." des mots resurgis du passé et avec lesquels on se débat, des mots qui griffent ,des mots qui tuent.
Passant avec virtuosité de la comédie, avec des échos de Raymond Devos, au roman noir (on retrouve souvent la "patte" de l'auteur de roman policier qui vous expédie un personnage ad patres sans barguigner ), Françoise Guérin explore avec aisance toutes les facettes de l'âme humaine. On pourrait lui reprocher parfois un peu de facilité dans les thèmes abordés: "Jolis soucis" passé la première surprise de l'interlocuteur de la narratrice s'avère plutôt convenu, mais à côté de cela nous trouvons de véritables moments d'émotion qui tordent le coeur . Ainsi "Ça va bien se passer...", ma nouvelle préférée ,qui ,tant par le style que par la conclusion, réconfortante et chaleureuse, nous emmène au coeur d'un drame trop longtemps étouffé.
L'écrivain donne aussi la parole aux soignants, ces "Garde-fous" harassés qui explosent parfois : "Mes peurs, mes colères, la violence de la maladie et celle d'une société qui nous confie les plus fragiles d'entre les siens sans nous donner les moyens de les soigner.(...) Pourquoi faudrait-il que la santé soit rentable ? Est-ce que la schizophrénie est rentable? Est-ce qu'un tremblement de terre est rentable ? " .Les mots s'avèrent parfois insuffisants et laissent alors la place aux larmes ...
12 nouvelles indépendantes et ,en fil rouge, un personnage, Mireille,qui ,avec verve et sensibilité ,revient entre chaque faire le lien et terminer le recueil sur une pirouette ironique...Un recueil où se donne à voir toute la virtuosité de Françoise Guérin.
Un dimanche au bord de l'autre. Francçoise Guérin. Atelier du gué. 126pages.
l'avis de Cuné.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : un dimanche au bord de l'autre, françoise guérin, psychanalyse, amour des mots
28/10/2008
"je somatise à fond les biscottes !"
Certains ont un poil dans la main, de l'urticaire, les jambes coupées, plus que marre, plein le dos, la tête comme une pastèque, une araignée dans le cerveau, ils sont sur les rotules, se font du mauvais sang, voient rouge, doivent échapper à la conspiration des casse-couilles; pour ne pas se retrouver la face perdue il faut garder les yeux en face des trous et tant pis si le coeur n'y est pas car quand la ville s'écoute , c'est la prise de tête assurée et les profiteroles seront difficiles à avaler ! Les bras m'en tombent pourrait s'exclamer Mauro sang et eau.
Vous l'aurez compris , dans le recueil de nouvelles Mots pour Maux (préface de Philippe Grimbert) des romanciers français se sont penchés sur les rapports parfois difficiles mais toujours passionnants qu'entretiennent les mots et les maux du corps.
Si certains ont choisi la forme fantastique,assez classique, il faut bien l'avouer mais toujours intéressante, d'autres ont opté pour des formules beaucoup plus innovantes. Martin Page nous offre ainsi un entretien d'embauche particulièrement jubilatoire quand on est une femme, Boualem Sansal un texte engagé, Delphine de Vigan une nouvelle pleine d'émotion sur la relation mère/fille, tandis que Léonora Miano se penche sur celles qu'entretiennent une grand-mère africaine et sa petite fille en France.
Qui dit mots dit écrivain et François Vallejo, Martin Winckler se sont fait le plaisir d'en mettre en scène dans leurs textes. Quant au romancier de la nouvelle de Dominique Sylvain, il devra affronter la conspiration des casse-couilles, texte très drôle , tout comme celui de Franz Bartelt où nous retrouvons les habitant d'une ville qui ressemble un peu à celle du Docteur Knock...
Un échantillon très diversifié de la littérature contemporaine française, une façon de découvrir ou de retrouver des auteurs chouchous.L'occasion aussi de se souvenir comme nous le rappelle Marie-Ange Guillaume dans sa fable : "pour apprécier le cadeau qui leur était fait, il leur manquait d'avoir connu la poisse, le chagrin, et les giboulées glaciales d'un printemps pourri."
Une excellente cuvée où je n'ai été déçue que par un seul texte.
Des mots pour les maux. Gallimard.292 pages.
Georges-Olivier Châteaureynaud, Marie-Ange Guillaume, François Vallejo, Mathieu Terence, Delphine de Vigan, Martin Winckler, Diane Meur, Boualem Sansal, Dominique Sylvain, Grégoire Polet, Michèle Fitoussi, Martin Page, Léonora Miano, Franz Bartelt, Anne Bragance, Vincent Delecroix, Sylvie Germain, Philippe Claudel
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : philippe grimbert, mots pour maux, maladies psychosomatiques, fantastique, humour