26/11/2012
ça m'énerve
"Nous sommes le 31 mai, je fume tranquillement ma cigarette en baladant mon chien quand une vieille taupe à voix de crécelle me saute dessus :
- Je croyais que c'était la journée mondiale sans tabac !!!
- Et la journée sans casse-couilles, c'est demain ? "
Elle est comme ça Marie-Ange Guillaume: percutante et drôle ! Qu'elle évoque les émissions de téléréalité extrêmes où l'on relooke des candidates disgracieuses en les équipant, entre autres "du clavier de piano spécial people, d'un blanc phosphorescent qui fait peur la nuit." ou le numéro du magazine "spécial rondes" : "La ronde qui pose en couverture affiche sans vergogne un excédent de cinqaunte grammes , et les actrices éternellement convoquées pour illustrer la chose (Monica Bellucci et Laetitia Casta) ont réussi à regrouper tous leurs kilos superflus dans les seins." , la vision est acérée et l'amour des mots, manifeste .
Elle n'épargne pas non plus les gens qui l'entourent mais en profite largement pour se dégommer au passage. J'ai adoré entre autres sa description d'un dimanche à la campagne avec l'amie, la seule qui veut aider, qui ne trouve pas le lave-vaisselle mais sait dénicher la bouteille de rosé et le tire-bouchon , celle du "resto qui se la pète", celle du métier d'écrivain, celle... Bref, j'ai vraiment apprécié de recueil de textes ou chacun pourra reconnaître le p'tit truc qui va juste nous énerver pour la journée!
Marie-Ange Guillaume a écrit plein de trucs et de machins , comme elle dit, (quelques uns chroniqués ici) et elle mériterait d'être plus connue, alors voici une bonne idée de cadeau à glisser au pied du sapin !
ça m'énerve, Marie-Ange Guillaume, Editions le passage, 17 euros, illustration de couverture: Manu Larcenet (il paraît que c'est une dame en colère...)
06:00 Publié dans Humour, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : marie- ange guillaume
13/11/2012
Nouvelles contemporaines
"Comme elle tenait à son mauvais caractère, elle avait refusé."
Trois auteurs ont été réunis dans ce recueil en principe destiné à la jeunesse. Un seul texte pour Delphine de Vigan, Comptes de Noël, assez prévisible, nouvelle qui accompagne d'ailleurs une édition spéciale en poche de No et moi.
Timothéede Fombelle, lui, fait la part belle à des textes personnel, très courts et dont certains évoquent une réalité contemporaine difficile, mais où il s'arrange (presque) toujours pour "laisser une échappée, un espoir, un trait de lumière." Je compte d'ailleurs utiliser certains de ces textes avec mes élèves très fâchés avec la littérature : leur brièveté et la qualité de l'écriture devrait leur plaire...
Mais c'est avec Caroline Vermalle et ses deux textes que j'ai dégainé le plus de marque-pages ! Deux nouvelles pleines d'émotion retenue, mettant en scène ceux que Pierre Sansot appelait avec tendresse les gens de peu , personnes qui luttent contre l'indifférence, se montrent solidaires, et entretiennent la chaleur humaine, vaille que vaille. La fille du déménageur a suscité ainsi chez moi le plus d'émotions. Le récit de ce père déménageur qui , aidé de ses amis, va tout mettre en oeuvre pour ramener vers la vie sa fille et renouer avec elle tout en délicatesse et en tendresse est une petite merveille !
Merci Antigone pour cette belle découverte!
Nouvelles contemporaines, regards sur le monde, Livre de poche 2012.
06:05 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : delphine de vigan, timothée de fombelle, caroline vermalle
31/10/2012
Femmes contre nature
"J'étais excessive, je ne savais pas comment me comporter. Je me posais toujours trop de questions."
Nullipare, Jalouse, Pucelle, Vieille fille, Poilue, Anormale, Dépressive, Impuissante, Alcoolique, Frigide, Egocentrique, tels sont les intitulés de onze des douze nouvelles de Femmes contre nature. Une jolie galerie de qualificatifs - qui heureusement ne concernant pas une seule personne ! -et une jolie galerie de portraits féminins où chacune pourra piocher à sa guise des points communs.
Autodépréciation ? Pas forcément. Les textes prêtent souvent à sourire et le trait est à peine outré. Que celle qui n'a jamais vécu une soirée (de Noël) familiale sabotée par une égocentrique forcenée lève le doigt ! Idem pour celle prête à gâcher une invitation surprise (pourtant dûment souhaitée!) pour une histoire d'épilation oubliée !
Des histoires tragi-comiques dont les protagonistes se retrouvent dans la nouvelle finale, sobrement intitulée Epilogue, pour terminer en beauté un recueil qui se dévore d'une seule traite !
Merci à Babelio et à Emue !
Femmes contre nature, léa Goddard Emue 121 pages miroir.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : léa goddard
04/10/2012
Tous ensemble , mais sans plus
"Tous ensemble, mais sans plus. Sans les trop vieux, les trop pauvres, les trop colorés, les trop moches. Sans les trop autres."
Fi des élans de fraternité, prônant les mixités sociales, les familles/fratries recomposées de gens de tous âges et de toutes origines ! Les nouvelles rassemblées dans ce recueil corrosif font exploser les faux-semblants et craquer le vernis !
D'emblée le ton est donné car il en faut bien peu pour entraîner une trop sage assemblée à lâcher les chiens et à envisager sans sourciller d'envoyer les ancêtre encombrants faire un stage au Club de Vie Intense , un zeste de manipulation et "avec entrain et un peu d'autorité" tout le monde s'exécute sans broncher, quite à se retrouver avec un petit démon sur l'épaule...
Racisme feutré à qui il faut juste un coup de pouce pour qu'il se donne libre cours, cruauté qui se pare des oripeaux de la vertu, tout ce qu'on relègue dans "le marais" des non-dits finit par remonter et éclabousser ceux qui n'appartiennent pas aux mêmes mondes, même s'ils feignaient d'en détenir les clés. Le rejet ne se situe pas d'ailleurs pas forcément là on s'y attendrait car Georpes Flipo est fort madré et nous surprend de biens des façons ! Il faudra attendre la fin du recueil pour qu'enfin quelques lueurs de fraternité se donnent à voir , histoire de ne pas totalement désespérer de l'humanité ?
En tout cas, tous ceux qui aiment la causticité et l'humour féroce, dévoreront comme moi tous ces textes , tout sauf sentencieux et donneurs de leçons, d'une seule traite !
Tous ensemble, mais sans plus, Georges Flipo, Anne Carrière 2012, 282 pages jubilatoires et alertes !
Keisha a été conquise !
Le blog de l'auteur .
06:00 Publié dans Nouvelles françaises, rentrée 2012 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : georges flipo
12/09/2012
Autour du fauteuil
Attaquer un recueil de nouvelles par un texte où l'on nous fait le coup du rêve- même éveillé- en guise de chute, ne me paraît pas des plus judicieux mais bon, j'ai néanmoins continué la lecture d'Autour du fauteuil.
J'avais en effet envie de découvrir le monde de la coiffure par le biais d'un professionnel présenté comme, je cite ,"spécialiste de la coupe du rasoir et maître barbier."
Si l'on sent nettement l'amour du métier , la volonté de reconnaissance du coiffeur, et ce dans plusieurs textes, on remarque également que, faute de faire un minimum de confiance au lecteur, ce dernier se trouve accablé par des explications narratives inutiles.
Quelques fois, et c'est dommage, il aurait juste fallu passer un coup de ciseaux pour amputer de quelques phrases une nouvelle pour que le miracle se produise.Hélas, si l'on passe souvent à un cheveu d'un texte intéressant, l'auteur s'égare dans trop de genres littéraires qu'il ne maîtrise pas et se contente d'un style bien trop plat. Dommage car j'aime apprendre et découvrir des univers.
Merci, Sylvie !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises, rentrée 2012 | Lien permanent | Commentaires (8)
28/08/2012
C'est qui Catherine Deneuve ?
"...mais je n'ai pas le goût des situations normales. Aussi , je n'échangerais pour rien au monde ma place de guerrier sioux au pays des bisons fous..."
Ils ont" l'avis tranché facile" les élèves de Dominique Resch, ils manquent de références culturelles (voir le titre), prennent la vie à bras le corps, et elle ne leur fait toujours de cadeaux la vie, en ont une vision très particulière et c'est ce qui fait tout leur charme. Ils ont aussi la chance d'avoir un prof qui aime les mots et qui sait le leur transmettre, vaille que vaille, avec beaucoup d'humour et de saveur.
On retrouve avec un plaisir jubilatoire les séquences croquées sur le vif d'un prof de lycée professionnel des quartiers Nord de Marseille qui arrivent juste à la fin de l'été pour nous dire que finalement la rentrée ça peut être formidable !
C'est qui Catherine Deneuve ?, Dominique Resch, Autrement 2012, 185 pages pleines d'énergie !
Du même auteur : ici.
...,
06:00 Publié dans Nouvelles françaises, rentrée 2012 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : dominique resch
16/06/2012
La mauvaise habitude d'être soi...en poche
"Il s'attribuait son quotidien pour en faire de la bouillie."
Un homme voit débarquer chez lui un inspecteur persuadé que l'occupant de cet appartement est décédé. Qui a raison , qui a tort ? Le narrateur , comme le lecteur, est d'abord fort de ses certitudes et tente de se raccrocher à des faits qui se font de plus en plus fluctuants sous la logique imparable du représentant de la loi. " Vous ne vous remettez jamais en cause, hein ? ", ce reproche ne pourra être fait au héros de la deuxième nouvelle qui est fatigué d'être lui,ou à celui qui choisit d'habiter dans un endroit, ô combien singulier, où "pour la première fois [il a] le sentiment d'être chez [lui]..."
Sentiment de singularité, identité pesante, perte de contrôle de son existence, inversion cyniquement réjouissante des valeurs, tels sont les thèmes qui courent tout au long de ces sept nouvelles qui échappent, ô miracle, aux pièges de la chute et de la mécanique bien rodée. Il s'en dégage d'abord un mal être bizarrement joyeux car à plonger dans l'absurde, à se frotter à la fausse logique, le lecteur ne peut qu'être séduit par ce réel à la fois si proche et si délicieusement excentrique.Les deux dernières nouvelles ont une tonalité plus noire et plus tragique, puisqu'un personnage va même jusqu'à "s'expuls[er] de sa propre vie." et la paranoïa gagne du terrain sous une forme à la fois fantastique et faussement banale. Le malaise envahit le lecteur et témoigne d'un monde où cohabitent principe de sécurité à tout crin et la violence contre les individus hors-normes.Un crescendo très efficace .
Les illustrations de Quentin Faucompré se fondent totalement dans l'univers si particulier de Martin Page et en soulignent le non-sense .
Quel bonheur de commencer un recueil de nouvelles dont on sait dès les premiers mots qu'il va vous mettre le sourire aux lèvres ! On a le coeur qui bat un peu en se demandant si le livre va tenir toutes ses promesses et ... oui !
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : martin page, quentin faucompré
09/06/2012
Que font les rennes après Noël...en poche
"Vous vous êtes trop longtemps oubliée."
Vous avez toujours rêvé d'avoir un animal mais le Père noël et ses rennes ont apporté une horrible poupée géante . Vous fantasmez à propos de la grossesse de votre mère et du film Rosemary's baby. Vous vous demandez à qui vous vous identifiez dans King Kong. Vous poursuivez une lente évolution et finissez par vous rendre compte que les rennes vivent dans un paysage bien moins féérique que prévu. Tout comme les autres animaux, du loup aux cochons, en passant par les rats de laboratoire dont viendront nous parler des dresseurs, des scientifiques ou des bouchers, entre autres. Et ce discours presque clinique s'intercalera entre chaque paragraphe de votre récit, mettant ainsi en parallèle éducation des enfants et exploitation des animaux.
Récit d'une émancipation, Que font les rennes après Noël ? réussit le pari de varier les discours, sans jamais identifier les locuteurs , sans que cela nuise à la fluidité ou à la compréhension du récit ,et en nous les donnant à entendre dans leur jus. Quant à la narratrice, elle joue des codes de l'autobiographie, le pronom "Vous" instaurant à la fois distance et proximité avec le lecteur. L'humour, parfois noir, est souvent présent. Quelques passages trash (que j'ai passés vite fait, âme sensible que je suis ) mais une vision très juste et passionnante pour tous ceux qui sont curieux du monde en général. Un roman original à la fois par la forme et par le fond, ce qui est ma foi fort rare, et qui se lit d'une traite.
06:04 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : olivia rosenthal
15/05/2012
Moi, j'attends de voir passer un pingouin
"Moi, j'attends de voir passer un pingouin, cette phrase qui m'habite et semble dépourvue de sens est un mantra pour desserrer l'étau. Entendant ou lisant ces syllabes absurdes, les hommes épris de sérieux, les représentants de l'ordre et de la loi, leurs amis, leurs alliés, les rédacteurs en chef, les directeurs financiers, les responsables de tout acabit haussent les épaules et passent leur chemin.
Nous voici tranquilles."
Une narratrice (serait-ce Nouk, une héroïne déjà rencontrée chez Genviève Brisac ?) non identifiée, qui "gagne sa vie en racontant des fariboles de petite ampleur", dans 13 petits textes nous livre des moments de sa vie. Une vie animée par une ribambelle d'animaux, par des dialogues avec son fils, Nelson, ou sa concierge, Céleste. Par des cours d'éducation populaire où elle exprime sa passion pour Rosa Luxembourg, cette révolutionnaire un peu trop oubliée.
Car c'est bien de révolte qu'il s'agit. Geneviève Brisac a choisi en effet d'illustrer ce thème, fondamental pour Pablo Picasso pour la collection Tabloïd de chez Alma éditeur.
Mais pas de révolte flamboyante. non,il faut comme elle l'indique dans son autoportrait "Noter le passage du temps sur les êtres, observer une voile qui se gonfle, décrire les déceptions et les malentendus, la beauté des ciels et des amitiés, l'omniprésente bêtise , les injustices et les insoumissions Rendre réelle cette seconde vie cachée sous la vie officielle."
Il n'en reste pas moins que je suis restée un peu perplexe, accrochant ça et là quelques marque-page, séduite par le style lumineux et enjoué de Geneviève Brisac mais pas tout à fait rassasiée...
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : geneviève brisac, révolution dit-elle
16/04/2012
Quand nous serons heureux
"Alors voilà, aujourd'hui, c'est toi qui entres dans ma vie, et je te préviens, pas de coup bas, je mise tout sur toi, t'as intérêt à assurer, t'entends ? "
C'est quand le bonheur ?, demandait il y a quelques années Cali. Les héros des nouvelles de Carole Fives ont déjà compris qu'il était loin d' eux, le bonheur normatif vanté dans les magazines. Mais ils essaient tant bien que mal de le trouver, en déployant des stratégies balbutiantes (tout annuler, même les annulations !, par exemple), vouées à l'échec ou à la souffrance.
Certains sont dans le déni, d'autres doivent affronter des discours dénués d'inhibition qu'ils subissent sans répondre directement, ce qui en accentue encore la cruauté mais aussi l'humour noir. Car de l'humour il y en a dans ces nouvelles, aussi bizarre que cela puisse paraître ! J'ai beaucoup souri en lisant ces textes qui pourraient être plombants mais dont j'ai aimé le côté désabusé/fataliste- mais- on -tient- le- coup- quand -même.
Certains personnages réapparaissent fugacement dans d'autres textes et un Vernissage permettra même de voir leur évolution au fil des paroles glanées, mettant ainsi une touche finale au monde créé par Carole Fives au fil de ses textes.
Quant aux dernières pages,sobrement intitulées Tes nouvelles, elles constituent une mise en abîme réjouissante où une amie "bien intentionnée" ne peut s'empêcher de critiquer le côté "si noir, si glauque" des "machins" que nous venons de lire, s'efforçant même de donner à l'auteure des conseils pour réussir comme "Lucia Espagnolita" ou Paulo Coehlo...Une manière particulièrement originale d'anticiper les reproches mais aussi de refuser les conseils (comme le personnage féminin de Tandis que vous ) et de se positionner loin des stratégies de certains auteurs...
Quand nous serons heureux, Carole Fives, Le passage 2010, 158 pages qui m'ont donné la pêche !
Ps: j'ai eu la chance récemment d'entendre Carole Fives au Bateau-Livres à Lille. Elle nous a lu un poème inédit intitulé Cancer et c'est cette tonalité si particulière qui m'a donné envie de découvrir son univers ! Une réussite !
Ce roman a reçu le Prix Technikart 2009, présidé par Alain Mabanckou.
L'avis , plus mitigé, de Clara.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : carole fives