23/10/2008
"L'âme de Grace Paley dans le corps de Jennifer Lopez."
Oui, il est question de cancer, de mal d'enfant, de trahison, de transsexualité mais nous ne sommes pas , loin s'en faut dans une quelconque émission de télévision trash ! Amy Bloom dans son recueil de nouvelles Mauvais genre (qui vient enfin de paraître en édition de poche) traite de tous ces thèmes avec une délicatesse extrême et chacun de ses textes est une sorte de petit miracle en équilibre entre émotion et humour.
Placés dans des situations extrêmes, ses personnages auraient toutes les excuses pour geindre en choeur et s'apitoyer sur leur sort mais, sans posture bravache, ils relèvent la tête et avancent .
Amy Bloom prend un véritable plaisir à bousculer les tabous et à aborder des thèmes difficiles mais ce n'est jamais dans un objectif voyeuriste ou sensationnaliste. On sent qu'elle éprouve une réelle empathie à l'égard de ses personnages (serait-ce là un effet de sa double profession: psychanalyste et écrivain? ) et le thème de la résilience est abordé avec humour et sans pathos.
Pas de morbidité mais une réelle tendresse qui se donne à lire.
J'ajouterai , pour vaincre vos dernières réticences, que ce livre figure depuis 2003 en bonne place sur mon étagère de chevet et que, contrairement à beaucoup d'autres, il n'en a jamais bougé.
Pour le plaisir un extrait : " J'ai des parents morts -l'idéal à ce stade de la vie- deux soeurs que j'aime de loin , un jardin aussi proche que possible du paradis que je le souhaite et un groupe de lecture auquel j'appartiens depuis quatorze ans , qui sert aussi de hot-line en direct pour toute question relative à la mastectomie et à la ménopause, comme d'association de soutien aux parents et amis des gays et lesbiens.(...)j'ai été agréablement surprise par la maturité , qui m'offre la possibilité de faire du yoga et du jardinage pour stimuler mon âme et mon organisme, et de la comptabilité pour payer mes factures."
(180 pages)
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : amy bloom, mauvais genre, cancer, mal d'enfant, trahison, transsexualité
18/09/2008
« si se sentir bien signifie chanter de cette façon, je préfère peut être rester comme je suis. »
Si tu manges un citron sans faire de grimaces , le narrateur d’une des nouvelles de Sergi Pàmies l’a entendu à la radio, tous tes désirs seront accomplis. Mais de peur de grimacer et que plus un de ses désirs ne s’accomplisse, il s’abstiendra de tenter l’expérience.
Ouvrir un recueil de Sergi Pàmies c’est entrer dès la première phrase de chaque texte dans un monde que nous connaissons mais où tout est faussé, cintré, dès l’entrée. Je vous en livre un florilège : « Il a fallu que je meure pour savoir si on m’aimait. », « Assis sur un banc des Ramblas, je compte les femmes avec lesquelles j’aimerais coucher. », Ensuite tout se déglingue et l’écriture imagée De Pàmies nous emporte dans un univers qui s’interroge aussi sur la fiction, « J’écris l’histoire d’un personnage de fiction qui , à l’heure prévue, atterrit dans un aéroport. », un univers souvent grinçant où les héros ont disparu, jettent des bouteilles sans espoir à la mer : « J’envoie des enveloppes vides à des gens que je ne connais pas. », s’efforcent de gommer leurs sentiments : « Je me réveille avec une très forte envie de pleurer, mais comme aujourd’hui j’ai beaucoup de travail, je décide que je pleurerai plus tard. ». Mais ces non-héros ne sont-ils pas nos frères ?
Une vingtaine de textes à la longueur maîtrisée ,où des personnages empesés dans leur vie s’agitent en essayant de conserver leur dignité. Un auteur à découvrir sans plus attendre.
Un grand merci à Cuné pour cet envoi réjouissant !
Ps: il me tarde de m'identifier totalement à la couverture...
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : nouvelles, banalité de l'existence, si tu manges un citron sans faire de grimaces, sergie pàmies
31/05/2008
Perplexité
Maître Cathulu, par la couv'alléchée
Ainsi que par la mention
"Humour tout britannique teinté de cruauté"
Dans son cabas avait glissé
De sacrés petits prodiges.
Hélas ! ces contes ,même pas de fées
n'avaient aucune originalité.
Pierre Gripari et Yak Rivais
avaient déjà ouvert la voie.
Et même si le texte était de qualité
et faisait preuve de fluidité,
les illustrations
Ma foi fort bien léchées,
Cathulu resta pleine de perplexité:
Linda Quilt par ces fables
que voulait-elle montrer?
Moralité : le marketing a bien oeuvré
Pour quinze euros tu fus flouée.
06:03 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (16)
05/02/2008
Xingu, vous avez dit Xingu ? Comme c'est Xingu !
Xingu , ce nom exotique qui donne son titre à la nouvelle d
'Edith Wharton, claque et rebondit debouche en bouche parmi les
membres du très select "Lunch Club d'Hillbridge".
Seule
échappatoire à la morgeue de la célèbre romancière Osric
Dane, ce nom, qui la déroute, lancé à la volée par la
moins intellectuelle du groupe, leur permet dans un premier temps de
sauver la face, en maintanant un flou artistique sur l'identité
de ce fameux Ingu.
La consultation du livre-sauveur, le
dictionnaire, plongera ensuite ces femmes qui se piquent
de culture, plus dans un esprit de pose et de snobisme qu'autre
chose, dans un désarroi decourte durée...
Edith Wharton, avec un art
d e la formule et de l'image consommé"Mrs Van Vluyck rajusta ses
lunettes comme le bourreau sa cagoule", épingle avec beaucoup
d'humour les travers de cette coterie impitoyable et
pathétique.
Un concentré dhumour acide réjouissant ( pour un euro cinquante !).
Pas eu le temps de chercher vos billets les filles, donnez-les moi, je les mettrai en lien, merci !
L'avis de Papillon
06:03 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (13)
24/01/2008
Perplexité
Le recueil de nouvelles de Miranda July Un bref instant de romantisme
est aussi fuyant qu'un poisson. Vous croyez le saisir,il vous
glisse des mains mais vous le reprenez, bien décidée à trouver ce qui
fait sa particularité.
Pas d'univers parallèles ici ,mais des gens
ordinaires, aux prises avec leurs émotions et y faisant face de manière
déroutante. Une jeune fille se dit ainsi capable de rester figée dans
la positon qu'elle avait quand son amie part en claquant la porte, et
ce jusqu'à ce qu'elle revienne... Un homme confie à sa fille les gestes
qu'il faut faire pour rendre une femme heureuse...
Le style est faussement simple, de brusques dérapages nous font basculer de manière inattendue, drôle ou poignante.
Je
suis restée longtemps à me demander si j'arriverais à écrire sur
ces textes car j'étais désorientée et perplexe, n'étant pas sûre
de les avoir tous compris. Seule certitude: il faut les lire dans
l'ordre et non piocher au hasard: la familiarisation se fera
d'autant mieux.
06:06 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (18)
15/01/2008
Mezze
Cinq auteurs, cinq euros, cinq nouvelles, c'est le pari tenu
par les éditions
"Bleu autour", histoire de nous mettre en appétit , de faire
connaissance avec l'univers de différentsécrivains sans qu'un
thème les regroupe.
Soit, Marie
Hélène Lafon et sa très réussie "Maison Santoire" , histoire d'un viel
homme qui veut rester debout dans sa maison et" partir d'un coup,
net propre sec." (j'ai scrupuleusement respecté la ponctuation);
-Annie
Saumont, toujours aussi tranchante dans "Vous descendrez à l'arrêt
Roussillon", mettant en scène deux femmes et leur employée de maison (il est dommage que la couverture soit trop explicite);
-Leïla
Sebbar,qui avec" Louisa", nous conte l'histoire ,toute en
retenue,d'une naissance improbable dans un camp d'insurgés algériens ,
déportés en Corse en 1870, histoire qui a une portée
universelle...
-Un
auteur Turc, encore inconnu en France, Sait Faik Abasiyanik avec
"Une histoire pour deux",un peu trop symbolique à mon goût mais un seul
texte n'est pas probant;
Et enfin, Saadat Hasan Manto,
indo-pakistanais, qui avec "Viande froide" nous montre un délicieux jeu
d'agacements, de préliminaires amoureux, parsemé de multiples indices
qui prendront tout leur sens dans une chute pour le moins
refroidissante !
Bref, juste de quoi nous titiller les papilles et nous donner envie de poursuivre le voyage !
Ps : j'ai trouvé ces nouvelles regroupées en coffrets mais chacune porte un code-barres, indiquant qu'on devrait pouvoir se les procurer à l'unité...
06:08 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (16)
07/01/2008
Un monde cruel
En Afghanistan, on sait très bien que la situation des femmes n'est
pas facile (comme dans plein d'autres pays ,hélas). Mais on en a
une connaissance abstraite,
désincarnée. Avec Spôjmaï Zariâb,cette réalité on la prend en plein
plexus solaire.
J'ai lu la première des sept nouvelles composantle recueil Dessine-moi un coq,
et j'ai dû marquer un temps d'arrêt dans ma lecture tant j'ai été
choquée par la puissance d'évocation de l'auteure. L'irruption dans
cette famille unie et aimante d'un oncle que la religion et les
traditions appliquées à la lettre rendent proprement terrifiant, en
particulier pour la petite fille sur laquelle il s'acharne avec une
cruauté sans pareille m'a laissée groggy. Cette chape de plomb
qui s'abat sur la maisonnée et la violence des propos de la narratrice
adulte qui se souvient de cet événement valent meiux qu'un long
discours sur les droits des femmes : "J'en venais parfois à souhaiter,
avec une sorte d'innocente cruauté, que tous les hommes du monde
perdent la vue pour que ma mère puisse s'asseoir tranquillement avec
eux et entamer la conversation avec eux sans avoir à cacher sa bouche
avec son voile, pour que ses lèvres roses puissent se mouvoir avec
langueur, s'étirer et laisser apparaître une à une, dans un
sourire, la blancheur de ses dents et qu'ainsi elle nous fasse
rayonner nous aussi, la maison et moi."
Les
petites filles tremblent devant les hommes, les professeures, les
mères craignent pour la vie de leurs fils qui partent à la
guerre les enfants se montrent cruels envers les inférieurs
ou les animaux, parfois même ce sont les hommes eux mêmes qui se
font volontairement souffrir...On se sent parfois étouffer dans cet
univers si dense et si dur , éclairé par de rares instants de
bonheur.
Spômaî Zariâb maîtrise totalement l'art de raconter et son
style puissant, vigoureux mais aussi sensuel , jamais pontifiant, se
révèle d'une efficacité totale pour évoquer non seulement son pays mais
aussi l'universalité du mal.Magistral.
06:06 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (15)
01/08/2007
Shoking: Même les vieux ont une vie sexuelle !
La couverture et le titre du recueil de nouvelles, Libertinages,
peuvent prêter à confusion, mais Sally Bingham, contrairement aux
apparence n'a pas écrit un livre à lire d'une seule main.
Sally Bingahm a 70 ans mais ses héroïnes sont pleines d'allant d'humour et d'amour de la vie sous toutes ses facettes.
C'est
sans arrières- pensées que la professeure âgée demande à l'un de ses
étudiants de venir l'aider à confectionner de la confiture
d'abricots*mais la sensualité des fruits et l'atmosphère parfumée et
chaude feront le reste...
Beaucoup de délicatesse également dans le
récit de ce couple d'homosexuels où un jeune homme va s'immiscer sans
le vouloir vraiment.
Pour sauver son couple une vieille dame va
demander l'aide d'une de ses amies, accédant ainsi à un
fantasme qu'elle avait autrefois refusé à son mari mais le
résultat sera peut être différent de ce qu'elle attendait... L'aspect
scabreux de la situation est totalement escamoté par la maestria de
l'auteure qui ne juge jamais ses personnages même s'ils sont aussi
pervers et égoîstes que cet homme qui harcèle une jeune femme.
Sally
Bingham nous montre des couples âgés qui n'ont pas fait de croix sur
leur sensualité, qui commettent autant d'erreurs que les jeunes, ce qui
est à la fois triste et réconfortant, des couples hors-normes,
qui ne rentrent pas dans les cadres que la société veut leur
imposer,le tout dans un style fluide et sensuel. A
découvrir de toute urgence !
* Pour une recette de confiture c'est par ici!
08:21 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (15)
31/03/2007
Pour te réconforter : un théorbe ou une tortue géante ?
Ne pas se fier au titre: De la maladie n'est pas un texte
doloriste . Ni essai ni recueil d'anecdotes, c'est un livre bourré
d'humour et d'amour de la nature où Virginia Woolf évoque cette
expérience incommunicable qu'est la maladie.
Pour elle, être
malade est l'occasion d'expérimenter quasi philosophiquement une
autre vision du monde , des autres, voire de la poésie.
"Pour notre
part, nous sommes condamnés à nous tortiller tout le temps que nous
restons accrochés au bout de l'hameçon de la vie" et notre seul
recours est de nous en remettre à la nature et à la poésie.
Le
texte coule ,fluide et lumineux, adaptant sa forme au thème abordé et
l'on en arrive trop vite et trop brutalement à la fin ...
06:10 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (19)
20/03/2007
Ames sensibles, passez votre chemin !
Ceux qui espèrent trouver des histoires victoriennes et policées de fantômes et de
vieux manoirs en resteront pour leur frais : toutes les nouvelles de
Joyce Carol Oates composant le recueil Hantises se déroulent à l'époque contemporaine.
Ce
qui les rend d'autant plus efficaces car les personnages, oscillant
entre réalité et fantasmes, au lecteur de décider, ce pourraient
être nos voisins ou nous mêmes ...Ces personnages sont d'ailleurs
souvent des femmes, à tous les âges de la vie, tour à tour
victimes ou bourreaux.
Avec une grande économie de
moyens Oates bâtit un univers familier où le grotesque est
roi. Ce grotesque auquel elle consacre une étude à la fin du recueil,
elle le définit comme "une sensibilité qui concilie le génie de Goya et
le surréalisme kitsch de Dali ", "un art qui promet de nous faire peur,
de nous bouleverser et parfois de nous révulser". Contrat
rempli avec Hantises dont j'ai hésité à lire plusieurs
nouvelles tant le sujet me bouleversait ("le coupable" ou
pire encore "Circonstances atténuantes").
Du grand art dont on ne
sort pas indemne.
06:06 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (17)