10/01/2017
Manuel à l'usage des femmes de ménage
"Quand elle voulait exprimer ce qu'elle ressentait mais que c'était trop dur, elle montrait un poème. En général, son interlocuteur ne comprenait pas."
Un recueil de nouvelles de 560 pages. Deux bonnes raison de fuir ou de pousser des cris d'orfraie ? Oh que non ! Ce serait rater la découverte d'une écrivaine et d'une femme hors-normes, Julia Berlin .
Elle a vécu plusieurs vies dès l'enfance, passant d'une existence choyée et confortable à une vie plus chaotique et sombre, illuminée par des amours passagères et marquée longtemps par l'alcool. Elle a trimé pour élever plus ou moins seule ses quatre enfants, côtoyant les pauvres, les alcoolos, les détenus. Bref tous les laissés pour compte de la société. Son empathie et son humanité sont sans pareilles.
Fi du pathos et des bons sentiments ! Le rythme de sa prose est vif, plein d'énergie. On passe parfois à l'intérieur d'un même texte, d'un narrateur à un autre. On est soufflé par une chute (elle n'en abuse pas pour autant) et souvent on relit pour mieux voir comment elle a opéré pour nous cueillir au creux de l'estomac à retardement, en quelque sorte ,ce qui est encore plus efficace.
La préface évoque l'autofiction, mais on est loin chez Julia Berlin de ce que cette catégorie peut recouvrir en France. Ici les textes sont nourris, irrigués de ce que l'autrice a vécu et on retrouve, au fil des nouvelles, des personnages , on découvre leur évolution, comme si l'on prenait des nouvelles de vieux amis perdus de vue.
L'humour, même s'il est discret, est néanmoins présent et s'il est parfois rude , il peut aussi flirter avec l'absurde ou le cocasse.
Julia Berlin sait en quelques lignes , parfois triviales (parune odeur par exemple) ou violentes, dégager l'essence d'un personnage, le croquer en quelques traits et le faire apparaître, là , sous nos yeux .
Bref, ne vous laissez pas intimider par ces 560 pages , prenez-les plutôt comme l'occasion exceptionnelle, de découvrir à votre rythme une écrivaine puissante et diablement efficace pour nous faire passer à travers toute une gamme d'émotions.
Manuel à l'usage des femmes de ménage, Julia Berlin, magistralement traduit de l’anglais (E-U) par Valérie Malfoy. Grasset 2017
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : lucia berlin
09/12/2016
Nous allons mourir ce soir
"Le silence empathique est l'une des armes les plus sous-employées au monde"
La narratrice anonyme de cette novella de 60 pages est une autodidacte, débrouillarde et pragmatique. Ayant dû quitter son métier de travailleuse du sexe- elle se présentait comme chargée de clientèle- pour des raisons médicales, elle se reconvertit en voyante: "Je suis spécialiste de la vision "ou "je suis dans les pratiques thérapeutiques."
Plutôt maligne et observatrice, elle n'est pas dupe des apparences de la société dans laquelle elle évolue. Ainsi décrit-elle ses clientes: "Ce sont des femmes dont le but principal est de vivre en ville, mais en gardant l'impression qu'elles sont dans une banlieue résidentielle."
Quand Susan Burke vient se plaindre de sa demeure et de l'ambiance inquiétante qu'y fait régner son beau-fils, le récit bascule dans un hommage aux lectures dont la narratrice est friande comme La Dame en blanc.
De drôle et enlevé, voire canaille,Nous allons mourir ce soir se révèle être dans sa seconde partie une cascade de manipulations quelque peu artificielle et c'est bien dommage.
Mais le début est un peu régal qui nous vaut quelques sentences bien assénées, même si un peu crues: "Les livres ça pourrait être temporaires; les bites sont éternelles."
Sonatine 2016
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gillian flynn
17/11/2016
American housewife
"Les talons aiguilles sont pour les femmes qui n'ont nulle part où aller."
Douze portraits de femmes américaines, dont beaucoup sont liées au milieu de l'écriture (écrivaine qui n'a rien écrit depuis des lustres, écrivaine ratée donnant le mode d'emploi d'une reconversion très chic, participantes allumées d'un club de lecture, autrice sponsorisée par une marque de tampons... ) , elles habitent l'Upper East Side où elles mènent une vie assez vaine.
Dans un rythme endiablé, Helen Ellis les croque avec une férocité réjouissante, peignant avec brio des situations de communications perturbées qui commencent de manière très policée et finissent en vrille pour le plus grand bonheur des lecteurs. On entre chez Lorrie Moore et on finit chez Stephen King. La société en prend un sacré coup !
Plein de surprises, de rires, parfois jaunes, le lecteur est entraîné dans un univers décalé et on ne peut lâcher ces douze nouvelles.
L'observation est acérée, l'écriture virtuose, un pur régal dont il ne faut en aucun cas se priver !
Un grand bravo à la traductrice: Sophie Brissaud .
American Housewife, Helen Ellis, Éditions de la Martinière 2016, 206 pages addictives.
Cuné m'avait donné envie, qu'elle en soit remerciée !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : helen ellis
01/11/2016
Un membre permament de la famille
"Ils ne sont pas inquiets pour Ventana: maintenant qu'on l'a filmée pour la télé, elle a accédé à un autre niveau de réalité et de pouvoir, un niveau plus élevé que le leur."
De la permanence, voilà bien ce qui manque , entre autres, aux personnages des douze nouvelles de ce recueil de Russell Banks.
Saisis à des moments où leur vie vacille de façon ténue ou plus dramatique,l'auteur sait capter,toujours avec bienveillance, mais avec une lucidité extrême, les moindres oscillations de leurs sentiments.
Qu'il dépeigne les non-dits qui se révèlent dans une réunion d'artistes et d'intellos , l'effritement d'une famille entériné par un deuil imprévu,les espoirs d'une femme noire modeste ou les glissements de personnalité d’une femme rencontrée par hasard, il règne toujours dans ces textes une grande tension qui tient le lecteur en haleine, l’entraînant même parfois ( ce fut mon cas, en tout cas) à différer la lecture d'un texte, en l'occurrence, "Blue".
Un style magistral ,des récits d'une grande intensité dramatique font de ce recueil une totale réussite !
Et zou,sur l'étagère des indispensables !
Un membre permanent de la famille, Russell Banks,nouvelles traduites de l 'américain par Pierre Furlan Babel 2016.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : russell banks
06/10/2016
Tu vas rire !
"Désormais, tout le monde était horriblement gentil et patient avec elle, et ça lui fichait une peur bleue."
Trop souvent, les recueils de nouvelles sont inégaux. Ce n'est pas le cas du formidable Tu vas rire ! qui remporte un triple défi: évoquer tout à la fois le monde de l'hôpital,de l'enfance et des clowns, nous enthousiasmer et faire une bonne action car pour chaque livre acheté un euro est reversé à l'association Le Rire Médecin.
En effet, "le rire, outre le simple moment de plaisir et d'oubli qu'il procure, dégage dans le corps des endorphines [...][qui ]permettent entre autres, d'augmenter la tolérance à la douleur.", comme le rappelle la nouvelle Mort de rire de Mikaël Olivier.
Pour autant, aucun de ces textes ne sombre dans le pathos. Chaque auteur,à sa manière, traite le thème imposé. Bouleversante, comme le texte de Fabrice Colin, qui envisage la maladie sous la forme d'un gros monstre qui s'invite sans façons dans la vie du jeune Thomas. Tout en délicatesse et demi-teinte pour Jeanne Benameur qui envisage le ressenti des soignants et des clowns. Hilarante pour Christophe Léon, qui imagine un Granpréma, plein de verve rivalisant d'inventivité pour attirer l'attention du clown qui vient lui rendre visite. Bébé haut en couleurs qui a la malchance d'avoir des parents BCBG dont il se gausse et à qui il fait la tête, aussi petit soit-il ! Un grand prématuré qu'on n'oubliera pas de sitôt !
Les ados mis en scène dans ces nouvelles, même malades, peut être encore plus parce que malades, restent critiques, agressifs, pensent à l'amour et n'en peuvent plus de la sollicitude qu'on leur accorde !
On ne peut que souligner le talent de ces auteurs qui se sont risqués sur un thème "casse-gueule" et remportent leur pari haut la main !
Éditions Thierry Magnier 2016, 153 pages piquetées de marque-pages et riches en émotions.
Seul bémol: j'aurais apprécié une mini présentation des auteurs dont je ne connaissais que quelques-uns, histoire de prolonger le plaisir par d'autres lectures...
Préface signée par Anny Duperey,
Jeanne Benameur, Hélène Gaudy, Hervé Giraud, Christophe Léo, Mikaël Ollivier , Fabrice Colin, Kéthévane Davrichewy, Thierry Illouz, Rouja Lazarova et Marie Nimier.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères, Rentrée 2016 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : le rire médecin, nebameur, colin, davrichewy, nimier
05/06/2016
11 nouvelles supplément à "le un"
"Je n'arrive pas à comprendre l'obsession de rattacher un écrivain à son lieu d'origine. Il est de l'endroit où il est né, mais s'il écrit c'est pour être ailleurs. Comme on lit aussi pour voyager. Les polices du monde voudraient avoir l'adresse où se rendent tous ces écrivains et lecteurs afin de les empêcher de revenir. Éliminer d'un seul coup tous les rêveurs, un vieux rêve du pouvoir. Personne n' a jusqu'à présent pipé mot à propos de ce lieu invisible à ceux qu'un pareil début ne remue de toutes les fibres de leur être: "Il était une fois..." Le seul indice qu'on a de l'existence d'un tel lieu est ce petit dialogue surpris entre un écrivain et un lecteur:
-d'où venez-vous ?
-De nulle part.
-Joli coin."(Dany Laferrière)
Déniché par hasard sur une table de ma librairie préférée, ce petit recueil de nouvelles inédites, hors-série de Le Un , édité en partenariat avec France 5 et la Grande Librairie est un pur concentré de bonheur !
Placé sous le thème de l'ailleurs, ces textes offrent à des auteurs aussi dissemblables que Nancy Huston, Erri de Lucca, Marie-Hélène Lafon, Leïla Slimani, Irène Frain, Dany Laferrière, Michel Quint, William Boyd, Patrick Grainville ou Tahar ben Jelloun l'occasion d'explorer leur géographie, intime ou non, de cet autre part multiforme.
Irène Frain, partant du territoire de l'enfance, est la première à cartographier avec précision les catégories enfantines, hiérarchisées avec finesse"pour appréhender l'espace", plaçant en haut de son hit-parade personnel cet ailleurs longtemps repoussé et qui déclenchera, elle le découvrira a posteriori, son écriture. Une source inépuisable de liberté car "l'ailleurs est en moi."
L'héroïne de Marie-Hélène Lafon le trouve quant à elle dans un bois , dans une promenade devenue un rituel qui la ressource et dont elle emporte les bénéfices.: "on n'a pas de mots pour ça, elle n'en a pas, elle sait seulement que le silence du bois lui traverse le corps, c'est une affaire de corps." Un bois comme une source d'énergie, liée aux bêtes, quelque chose qui "vous prend au corps, et ne vous lâche plus, vous cueille et vous arrache, vous caresse et vous broie, vous remue, vous retourne. On n'a plus qu'à se laisser faire, ou à s'en aller."
à l'obscurité du bois s'opposent la lumière éblouissante et flamboyante de la nouvelle de Patrick Grainville évoquant le musée Picasso d'Antibes et les destinées qui se sont croisées en ce lieu. Si William Boyd nous emmène découvrir les Brésiliens et la musique brésilienne, Erri de Luca, quant à lui, parti chercher la tombe de Borges, découvrira sa maison et les traces de toutes une génération massacrée.
Si le héros de Tahar Ben Jelloun vit une expérience hors du commun dans le désert, point n'est besoin d'aller aussi loin pour Leïla Slimani, une simple rêverie suffit. Ou bien comme dans le texte de Michel Quint une microbrasserie en face de la gare de Lille.
Terminons avec Nancy Huston, qui, forte de ses multiples dépaysements, évoque les dysfonctionnements de nos vies à un vieil Indien imaginaire et brosse un portrait sans concession de nos sociétés. La dernière phrase de son texte offre une parfaite conclusion : "En somme, plus je voyage, moins j'ai de repères , de fierté, de certitudes."Se dépayser" de cette manière-là est une grande leçon philosophique. Pas rassurante pour deux sous, mais édifiante.
Je vous le recommande."
Pour 5,90 euros, on aurait tort de s'en priver !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : le un
08/04/2016
Une journée dans la vie d'une femme souriante...en poche
"Le mécanisme s'était enrayé parce qu’il avait été trop mis à l'épreuve. Cela faisait des années qu'elle le sollicitait.
Sans lui, elle n'était pas sûre de pouvoir supporter la situation."
Treize nouvelles inédites en France (et parues directement au format poche) composent ce recueil . Leur écriture s'étale entre 1967 et 2000 et ces textes sont centrés autour de la vie des femmes, dépeinte dans leur intimité et l'exploration de leur quotidien.
On pourrait parler de miniatures tant les faits décrits peuvent apparaître anodins, mais tout l'art de Margaret Drabble est de donner de l’intensité à ces récits, souvent pleins de malice et d'humour. Je pense par exemple à "La veuve joyeuse" qui entend bien partir en vacances comme prévu, maintenant que son mari atrabilaire est décédé ou à la manière dont la narratrice envahissante et pique-assiette de Devoirs à la maison se fait manipuler, sans qu'elle s'en rende même compte.
La tonalité est parfois plus mélancolique , quand les œillères tombent, il n'en reste pas moins que la plupart du temps chez Drabble les femmes acquièrent une sorte de légèreté qui leur sied bien. Ainsi l'actrice romantique qui tombe plus amoureuse d'une propriété que d'un homme et s'accommode sans façons de l'aspect délabré du Petit manoir de Kellynch ;ou Mary Mogg, qui, partie en randonnée sur les traces du poète Wordsworth, constate avec flegme, alors qu'elle est en difficulté, loin de tout lieu habité : "Je m'étais abîmé un tendon ou déchiré un vaisseau. ce sont des choses qui arrivent. J’entamai un deuxième sandwich."
Quant à Une journée dans la vie d'une femme souriante, écrit en 1973, il pourrait décrire une de nos collègues, une de nos amies, tant il reste moderne. Cette femme, absolument parfaite, mère de famille, qui a un emploi en vue, qui accepte les sollicitations avec un sourire immuable , au risque de s'oublier, jusqu'à ce qu'un grain de sable vienne enrayer la mécanique, nous montre que la situation est restée la même à peu de choses près plus de quarante ans plus tard.
Une journée dans la vie d'une femme souriante, Margaret Drabble, Un pur délice en poche, 349 pages, traduites par Claire Desserrey.
Du même auteur : clic
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : margaret drabble
10/12/2015
Rue Saint Ambroise
"En contrepartie, il me joignait les coordonnées de deux concours de récits [...] dont il tirait les règlements [...]de revues madrilènes, dont l'existence seule constituait un crime ou un miracle, ça dépend."
Rassurez-vous avec la revue Rue saint Ambroise, on est bien plus proche du petit miracle que du crime !
D'abord, il faut avoir du panache pour proposer aux Français, réputés frileux quant aux nouvelles, une revue qui leur est entièrement consacré. Ensuite, se consacrer aux textes contemporains est un autre défi. Enfin, proposer dans ce numéro Spécial Amériques des auteurs aussi divers que Alice Munro, Jamaica Kincaid,("Le dimanche, essaie de marcher comme une dame et pas comme la catin que tu es vouée à devenir") Mavis Gallant ou Roberto Bolano , pour les plus connus, mais aussi mettre en lumière Amy Hempel (et hop un de ses recueils préfacés par Véronique Ovaldé sur ma table de chevet) ou Karla Suarez est un autre défi, brillamment relevé.
Et les marque-pages de pleuvoir et les envies de découvrir plus avant certains auteurs de faire monter la liste des livres à lire !
Cuné a été aussi emballée !
Rue saint Ambroise.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (9)
23/11/2015
Les lumières de Central Park
"Chacun connaît parfaitement les blessures, les défauts et les faux-semblants de l'autre, si bien qu'en couchant ensemble ils ont l'impression de coucher avec une partie d'eux-mêmes qui a échoué, comme un film pornographique aux dialogues familiers."
Commencé par le récit d'une mère intrusive qui s'immisce dans la vie amoureuse de son fils, le recueil de nouvelles de Tom Barbash se clôt par celui d'un fils qui ne supporte pas de voir son père, veuf depuis peu, devenir l'enjeu de rivalités féminines. Renversement de situations, comme pour nous dire que les rôles sont interchangeables et que, quelque soit leur âge, les héros de ces textes connaissent tous l'ultra-moderne solitude chantée par Souchon.
Pourtant, le mot n'est jamais écrit, jamais prononcé et Timkin, quitté par sa femme en novembre, n'annule pas la soirée traditionnelle lors de la parade des ballons géants, affirmant que son épouse est en déplacement professionnel.
De la même façon, un apprenti agent immobilier véreux, paumé au milieu de la cambrousse, se lie d'amitié avec un couple de vieillards isolés pour mieux les gruger. Mais le dénouement, pour attendu qu'il soit, n'en sera que plus poignant par la réaction à la fois pleine de bienveillance et de lucidité des personnes apparemment lésées.
Vies qui se frôlent, vies fêlées ou fracassées, la fragilité est partout présente.L'émotion est aussi palpable mais toute en retenue et ,même quand le drame surgit, le pathos est toujours absent. Tom Barbash est un nom à retenir !
Les lumières de Central Park, Tom Barbash, traduit ,avec beaucoup d'élégance, de l’américain par Hélène Fournier, Albin Michel 2015, 255 pages.
05:45 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : tom barbash
12/11/2015
Le Mur de mémoire...en poche
"Un visionneur de souvenirs rencontre une gardienne de souvenirs."
Six nouvelles pour un recueil où le thème de la mémoire constitue un fil rouge. Un thème qui apparaît parfois de manière marquée (dans le premier texte qui donne son titre au recueil) ou de manière plus subtile, dans les cinq autres.
Se déroulant dans différents pays et à différentes époques ( de 1936 à un futur tout proche), ces nouvelles savent à chaque fois nous toucher au cœur car Anthony Doerr, maniant l'ellipse en virtuose, attend parfois le tout dernier moment pour révéler un infime détail qui fera résonner le récit avec une tonalité différente.
Que ce soit des paysans chinois qui emportent les os de chats morts depuis longtemps car ils quittent leur village qui sera submergé par les eaux d'un barrage ou une petite américaine, transplantée en Lituanie avec trois ballots de vêtements trop petits et un chien, qui s'obstine à pêcher l’esturgeon dans un fleuve où il a disparu, ou cet africain du Sud qui fait la queue pendant des heures devant un dispensaire avec son fils malade, tous les personnages savent nous émouvoir sans pour autant que le récit sombre dans le pathos car Anthony Doerr sait trouver le détail à la fois révélateur et efficace qui nous les rend proches.
Un grand bonheur de lecture.
Le Mur de mémoire, Anthony Doerr, traduit de l'anglais (E-U) par Valérie Malfoy, livre de poche 2015, 325pages
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anthony doerr