23/01/2010
"Vous êtes petite mais venimeuse."
Lemmer a fait 4 ans de prison pour meurtre et exerce maintenant le métier d'"invisible", c'est à dire de garde du corps ,plus efficace que les"gorilles" dissuasifs ,car plus discret. Sa nouvelle mission est de protéger Emma Le Roux, persuadée d'avoir retrouver la trace de son frère censé être mort depuis longtemps. D'abord méfiant et bardé de principes protecteurs,Lemmer va peu à peu accepter de croire les élucubrations de cette femme quand on va tenter de l'assassiner...
Se déroulant sous le soleil d'Afrique du Sud, Lemmer l'invisible joue sur plusieurs tableaux avec habileté. L'histoire apparemment classique s'enrichit du contexte politique de cet Etat en construction où des communautés doivent réapprendre à vivre ensemble maintenant que la donne a changé avec la fin de l'apartheid.Il faut aussi veiller au partage des terres entre réserves destinées à protéger les animaux (et en particulier les vautours, animaux que l'auteur nous présente de manière passionnante)et territoires revenant aux autochtones spoliés.
Les relations entre les personnages principaux sont analysées avec justesse et finesse, Deon Meyer veillant à ne pas se montrer caricatural. Le style est sobre et efficace,les personnages attachants, la narration pleine de rebondissements, que demander de mieux ?
Vient de sortir en poche.
Lemmer l'invisible, Deon Meyer, Points Seuil.
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16/01/2010
Petite bombe noire
Une nouvelle couv' (plutôt moche), mais un texte jubilatoire ! Une réédition pour ceux qui veulent découvrir l'univers déjanté de Brookmyre avec son premier roman, Petite bombe noire.
Son auteur, Christopher Brookmyre, possède un humour vachard, un style vigoureux ("plus serré qu'un cul de dromadaire pendant une tempête de sable") et ses héros roulent souvent à une vitesse "diana-cide" . Ses intrigues sont pleines de rebondissements et se déroulent dans une région pas du tout glamour , l'Ecosse, qu'il connaît comme sa poche et qu'il nous rend attachante avec ses supporters de foot azimutés et ses alcools variés.
Mais surtout Brookmyre, comme les "méchants" de ses livres, est un grand spécialiste de la manipulation jubilatoire. On se laisse mener en bateau avec bonheur aux côtés de l'inspectrice Angélique de Xavia qui , petite, femme et noire , cumule tout ce qui peut déplaire à ses collègues. A défaut de collectionner les amants (elle déplore qu'ils soient moins nombreux que ceux qu'elle a refroidis), elle accumule les ceintures noires dans divers sports de combat mais n'en reste pas moins une femme qu'il faut traiter avec délicatesse même si ,comme dit un de ses collègues admiratifs,elle a des couilles.
Brookmyre pulvérise avec panache tous les poncifs du genre policier (la prise d'otages dans Petit bréviaire du braqueur (indiponible actuellement) est un régal) et nous gratifie au passage d'une analyse politico-économique de la pipe (pas celle de saint Claude, l'autre) ou d'une diatribe contre les Pauves Enculés de Banlieusards...A ne louper sous aucun prétexte !
Petite bombe noire, Christopher Broomyre, Points Seuil.
Découvert grâce à Cuné !
Qui l'avait découvert grâce à Chimère !
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08/01/2010
avis de tempête
"Les balances à crabes orange devant la maison. La rangée de goélands argentés."
Moïra,"Dure comme un galet", "dure, obstinée" tente de tisser un lien avec sa soeur cadette dans le coma suite à une chute inexpliquée.
"Amy,c'est moi qui te parle,je veux que tu le saches. Ce ne sont pas des mots pris dans des livres,, ou des magazines. C'est moi qui les dis, moi qui me suis toujours si rarement exprimée par des mots, les mêmes que tout le monde mais par des nombres, par des symboles, des marques sur la peau. [...] Mais ces mots , ils sont aussi dans ma tête. c'est la voix de mon esprit, qui ne se tait jamais, et ce sont mes pensées: vives, miroitantes comme des écailles de maquereau. Elles surgissent par éclairs dans mon cerveau pendant que je marche, ou que je lis. Que je plante des jacinthes,agenouillée dans l'herbe de la pelouse. Que je ferme les fenêtres de cette chambre quand je sens venir la pluie."
Moïra remonte le cours du temps, petit à petit les pièces du puzzle s'emboîtent et l'on comprend pourquoi la narratrice ,toute sa vie s'est "tenue à la frontière" de l'amour, de l'amitié, de la vie.
Une voix mesurée, calme et dense qui se fraie un chemin en nous. Un style imagé, dont on pourrait quasiment extraire des haïkus, charnel et placé sous le signe de l'eau. Une vraie et belle découverte. Un livre magique.
Avis de tempête Susan Fletcher 444 pages.
Sorti en poche !
(Mais comment peut-on faire des couv' aussi moches, bon sang ! )
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : susan fletcher, soeurs
12/12/2009
Je vais tuer mon mari...
"Vois-tu,la parole me fait autant que je la fais."
La résolution initiale, Je vais tuer mon mari , n'est pas le fait d'un coup de sang. Non, elle est le résultat logique d'une réflexion argumentée.Pourtant au fil de cette semaine sainte durant laquelle la narratrice, qui est aussi écrivaine, va dresser le constat d'un couple que tout oppose, cette volonté va peu à peu mollir et se transformer en une force de vie qui balaiera tous les reproches. "Regimber c'est vivre" affime la fugueuse, qui manifeste un féroce appétit de vivre , que ce soit dans les bras de ses amants ou dans son dialogue avec une mère quelque peu intrusive.
Alors, il ya quelques longueurs, il faut s'approprier ces paragraphes sans virgules,mais c'est aussi la découverte d'une vraie voix, d'une écriture pleine d'inventivité et d'énergie, en témoignent les (très ) nombreuses pages cornées.
Je vais tuer mon mari..., Claire Fourier ,Omnia 2009,( 10 euros) paru pour la première fois en 1997.186 pages ardentes.
Ps: réaction sentencieuse de mon macho en herbe à la lecture du titre : "Il faut censurer ce livre ." :)
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : claire fourier, à glisser sous le sapin?, rapports hommefemme, écriture
11/12/2009
cahin-caha
"S'il paraît que le bonheur c'est du chagrin qui se repose, le blues pourrait être son hamac."
Une petite troupe de croches et de bancals, dont le narrateur, La Tremblote, part en stage d'équitation en Armorique.
Drôle d'idée apparemmment pour ces éclopés de la vie qui font face, chacun à leur manière, au mauvais tour que leur a joué la loterie génétique.
L'occasion pour le narrateur de se débarrasser des vieux schémas qui sclérosent sa vie et de découvrir que , même s'il aime se noyer dans le blues"...on n'est jamais à l'abri d'un joli feu d'artifice."
Sur un sujet casse-gueule, des ados atteints de pathologies lourdes, Anne Lenner a écrit un premier roman alternant émotion et humour, rempli de jolies formules, sans jamais tomber dans le pathos. Elle aborde avec une justesse confondante la manière dont les jeunes mais aussi leur famille vivent avec la maladie, parfois avec cynisme mais jamais avec auto apitoiement. Il faut accepter de se couler dans le langage familier du narrateur et une fois ceci admis, on est bel et bien ferré. Un roman qui ne va pas Cahin-caha mais qui file, pan, droit dans le coeur !
Cahin-caha, Anne Lenner, Pocket 2009, 191 pages et une larmichette au bout !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : anne lenner, adolescence
05/12/2009
Tour de terre en poésie
Quelle chance, ! Ce recueil paru initialement en 1998 n'était plus dispo et je l'ai vu en pile dans une librairie ! L'occasion de se précipiter pour découvrir, si ce n'est déjà fait cette anthologie multilingue de poèmes du monde entier qui proposent les textes dans leur alphabet d'origine à côté de leur traduction française.
Une grande variété de langues, du rromani* au basque en passant par le nahuatl ou le finnois, sans oublier le malgache ou le breton, entre autres !
Un livre plein d'émotions, illustré de manière très fraîche par Mireille Vautier. Editions Rue du monde
Et comme le temps est à la grisaille, un petit poème, anonyme , traduit de l'inuktitut**, langue que je regrette de ne pouvoir reproduire, tant elle est originale, comme pleine de symboles mathématiques !
Paroles pour alléger ce qui est lourd
Je marcherai avec les muscles
des pattes du petit caribou
Je marcherai avec les muscles
des pattes du petit lièvre
J'éviterai d'aller vers la nuit,
j'irai vers le jour
* deux r pour commencer, oui ! Langue issue du sanscrit, langue des Rom ou "tsiganes".
**Langue amérindienne parlée par les peuples esquimaux du Groenland, du Labrador, d'Alaska et de Sibérie extrême-orientale.
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21/11/2009
L'année de la pensée magique
"Lis,apprends, révise, va aux textes.Savoir, c'est contrôler"
Toute sa vie, la romancière Joan Didion a ,de son propre aveu, mes croy"développé une technique pour tenir à distance toutes mes pensées, toutes mes croyances, en les recouvrant d'un vernis de plus en plus impénétrable". La mort soudaine de son mari va tout remettre en question et Joan Didion va mettre une année complète à remettre en question "toutes les convictions que j'avais jamais pu avoir sur la mort, sur la maladie,sur la probabilité et le hasard, sur les bonheurs et les revers du sort, sur le couple, les enfants, la mémoire, sur la douleur du deuil, sur la façon dont les gens se font et en se font pas à l'idée que la vie a une fin, sur la précarité de la santé mentale,sur la vie même."
L'année de la pensée magique est donc le récit sans fard de cette recherche sur elle même, de sa manière de refuser la mort de son mari puis de l'apprivoiser petit à petit grâce à l'écriture et à la lecture,car elle cherche sans cesse à comprendre dans les plus petits détails les raisons de cette mort subite.
Elle prend conscience de la différence entre la douleur et le deuil : "La douleur était passive. La douleur survenait. Le deuil, l'acte de faire face à la douleur, demandait de l'attention."
Elle devient moins dure vis à vis des réactions des autres face à la mort : "Je me souviens de mon dédain, de ma sévérité envers sa façon de " s'apitoyer" de "geindre" de "s'appesantir" (...)Le temps est l'école où nous apprenons".
J'ai beaucoup aimé l'écriture de Joan Didion (je vais évidemment lire ses romans) et sa ténacité à vouloir faire face, à vouloir mettre des mots sur ses sentiments et ses croyances les plus irrationnelles.
Un texte magnifique qui a obtenu le prix Médicis essai 2007.
Sorti en poche !
L'avis de Cathe
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : joan didion, deuil, l'année de la pensée magique
14/11/2009
L'étrange disparition d'Esme Lennox
16 ans. Esme Lennox a 16 ans quand elle est enfermée dans un asile psychiatrique. Elle en sortira 60 ans plus tard, de nos jours, non pas réclamée par sa famille, qui l'a oubliée, mais parce que l'établissement ferme ses postes.
Elle va être recueillie par sa petite nièce, Iris, qui , intriguée par ce silence familial , va tenter de renouer les fils du passé.
Maggie O'Farrell peint avec acuité l'histoire de cette famille bourgeoise typiquement britannique qui, dans les années 30 quitte l'Inde pour revenir dans les brumes et l'humidité écossaise, afin de nier un drame qui s'y est déroulé...Premier traumatisme pour Esme ,pleine de sensibilité et de vitalité, qualités qui font tâche pour ses parents et sa soeur tant aimée mais si raisonnable, Kitty.
Esme refuse de rentrer dans le moule, ce qui causera en partie sa perte...
Voix de la soeur aînée, atteinte de la maladie d'Alzheimer, qui a oublié ce qu'est une cuiller mais se souvient parfaitement du passé par bouffées libératrices, souvenirs d'Esme s'entremêlent pour tisser l'explication de L'étrange disparition d'Esme Lennox, sans que jamais le lecteur ne se perde.
Avec une extrême sensibilité Maggie O'Farrell montre le destin de ces femmes , broyées par la société pudibonde et corsetée du début du XXème siécles, femmes que deux simples signatures pouvaient enfermer à jamais.
Le lecteur suit, le coeur serré les rebondissements de l'histoire et ,trompé par l'écriture "voilée" de l'auteure , croit qu'il en sait plus qu'Iris, jusqu'à ce qu'il soit obligé de relire l'antépénultième page pour être sûr d'avoir bien compris l'horreur indicible et libératoire...
A lire de toute urgence.
Il vient de sortir en poche, vous n'avez donc plus d'excuses!:)
L'avis de Choco qui vous conduira vers plein d'autres !:)
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (34) | Tags : maggie o'farrell
06/11/2009
On a de la chance de vivre aujourd'hui
Personne ne m'avait prévenue et la suprise faut d'autant meilleure: un recueil de nouvelles de Kate Atkinson m'attendait sur la table des nouveautés cet après-midi!!!! Dire que la pluie avait failli me faire rebrousser chemin...
L'opus est mince, 150 pages, mais on ne va pas chipoter...
On a de la chance de vivre aujourd'hui, Kate Atkinson, Editions de Fallois, 18 euros.
Le site de l'auteure
16:33 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : kate atkinson, enfin une bonne nouvelle !
24/10/2009
Les pensées/ Jules Renard de l'Académie Goncourt
Cher Jules,
Ce n'est sûrement pas pour tes pensées sur les femmes que je t'aime mais bon, à ton époque demander à un homme d'être féministe c'est un peu comme demander à un footballeur contemporain d'avoir un avis intelligent sur un match, mission impossible. En plus, vu ta mère, les circonstances atténuantes te sont acquises d'office.
Non, Jules, si je t'aime c'est pour ta lucidité vacharde, tant sur les autres que sur toi même, tes coups de griffe sur le papier qui en quelques traits esquissent un portrait, épuré et juste. Oui, je porte ma décoration, il faut avoir le courage de ses faiblesses.
Je t'aime aussi pour ta vision de la nature et des animaux, jamais mièvre, la mélancolie qui en sourd,et surtout la poésie car mine de rien des haïkus pourraient bien se dissimuler dans tes écrits...Tout le jour, le bois retient un peu de nuit avec ses branches
Alors , même si tu es plus connu pour ton double littéraire , Poil de Carotte, le mal-aimé( tout le monde n'a pas la chance d'être orphelin),il nous reste encore à (re) découvrir ton journal et comme introduction, comme mise en bouche, à lire ces Pensées que Jean Orizet en a extraites...
Je viens de découvrir, cher Jules, que ton journal, tout comme ces Pensées étaient à la médiathèque, j'ai déjà emprunté les unes, il me reste à dévorer l'autre...
A bientôt donc !
Quelques autres extraits, pour la route : J'ai une idée de roman en forme de hérisson car je n'ose pas y toucher.
Des mots durs, à triple détente ,et qui font mal avant de partir.
Ma tête est peuplée de mots, comme une forêt d'oiseaux. Quand il se mettent tous à chanter, c'est un vacarme !...
06:07 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : à (re) découvrir d'urgence !