12/02/2011
Cruelles natures...en poche
Si Cruelles natures se donne d'abord des allures bucoliques avec son personnage d'écologue,jadis renommé, qui se balade dans la Brenne, consignant soigneusement les cadavres d'animaux qu'il rencontre en chemin, le lecteur qui se sera déjà frotté à l'univers de Pascal Dessaint sait bien que cette atmosphère brumeuse ne peut recéler que de noirs desseins...
En contrepoint, les paysages du Nord et quelques habitants de la région de Dunkerque, trois jeunes dont on devine rapidement qu'ils ne se contenteront pas de voyager par procuration avec les pigeons voyageurs, trois jeunes qui vont partir en vrille ...
Tout l'art du romancier sera d'arriver à croiser ces destins que tout semble éloigner et à semer mine de rien des indices destinés à nous montrer que tout n'est pas forcément comme nous le croyons car si "Après quelques instant de discussion et parfois même d'un seul regard, il semble qu'on est en mesure de tout percevoir de certains hommes et qu'il n'y a pas grand chose à espérer sous la surface. Pour d'autres, en revanche, tout se situe en profondeur. ceux-là ne se dévoilent jamais totalement et obligent à l'effort."
Fourmillant de noms d'oiseaux et de plantes, ce roman donne l'irrésistible envie de partir se promener dans la région évoquée mais l'auteur signale dans sa postface qu'il est resté "volontairement vague afin de préserver la tranquillité des hommes et des animaux".
Avec un seule tortue et une voiture, Dessaint arrive à créer un suspense tellement insoutenable que je n'ai pas résisté; je suis allée directement à la fin du livre pour voir si l'animal s'en sortait !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pascal dessaint
11/02/2011
Les chaussures italiennes ...en poche
"Il n'était jamais trop tard pour prendre la photo manquante"
En un peu plus d'un an, la vie de de Fredrik Welin , soixante-six ans, va être totalement bouleversée.Lui qui vivait reclus en compagnie d'une chatte et d'une chienne âgées sur une île suédoise voit un jour arriver une femme qu'il a autrefois aimée et abandonnée.mais Harriet "...était porteuse de nouvelles de la vie-pas seulement de la mort qui viendrait bientôt la cueillir."Et Fredrik va devoir revenir sur les erreurs commises, se plonger dans ce qu'il avait fui avec obstination en se limitant à une vie quasi mécanique: lui-même. En effet, comme le lui confiera le vieux cordonnier de génie qui lui confectionnera ses Chaussures iltaliennes : "Il est aussi facile de se perdre à l'intérieur de soi que sur les chemins des bois ou dans les rues des villes."
Roman sur la vieillesse, la solitude, le temps et l'amour, cet opus de Mankell est aussi l'occasion de se pencher sur le désarroi de certains jeunes, qu'il soient suédois ou étrangers ayant du mal à s'insérer dans la société(l'auteur adresse même un clin d'oeil à un de ses personnages , héroïne d'un autre roman, Tea-bag), nous montrant bien qu'il est possible d'établir des liens entre ces deux pôles de la vie.
Une psychologie fouillée mais sans pathos qui réussit tout en délicatesse à nous amener parfois au bord des larmes sans pour autant être déprimante, un roman chaleureux qui nous prend par la main et qu'on ne lâche plus.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : henning mankell
05/02/2011
Là haut tout est calme...en poche
"J'étais le deuxième choix, dis-je. C'était ça le pire."
Depuis que son frère jumeau est décédé dans un accident il y a 35 ans,Helmer van Wonderen a dû le remplacer à la ferme familiale. Mais vingt ans plus tard, brusquement Helmer décide de monter son père grabataire au premier étage et de réaménager la maison. première étape d'un changement de vie significatif qui s'annonce pour celui qui n'a , il l'avouera tardivement, jamais su trouver sa place une fois son frère mort.
Avec une grande économie de moyens Gerbrand Bakker peint avec délicatesse et poésie cette renaissance d'un homme qui jusqu'à présent n'a jamais appris à décider seul.
Ce personnage laconique sait néanmoins tisser avec les animaux et les êtres qui l'entourent de vrais relations et nous surprend sans cesse tant par sa violence feutrée que par sa volonté souterraine mais inébranlable d'avancer enfin. Un livre magnifique , lumineux, et qui accompagne longtemps le lecteur.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7)
04/02/2011
Loving Frank ...en poche
"Quelle perte cela aurait été de ne pas l'avoir rencontré ou de ne pas avoir connu son amour ! pensa Mamah."
Quand Mamah Borthwick Cheney quitte son mari et ses enfants pour vivre son amour avec l'architecte Frank Lloyd Wright, lui même marié et père de six enfants, c'est le scandale. La presse s'en donne à coeur joie et l'Amérique puritaine se repait de ces articles outranciers. La vérité est toute autre: les amants sont certes emportés par la passion mais aussi taraudés par la culpabilité. Le tout se terminera d'une manière tragique et brutale, presque invraisemblable.
Rien n'a beaucoup changé entre le début du XXème siècle et notre époque. la presse est toujours à l'affût des histoires d'amour lucratives et semble toujours prête à tout pour vendre ses feuilles de choux. Mais c'est surtout le portrait , tout en nuances, que brosse ici Nancy Horan dans cette fiction historique de Martha (dite Mamah) Borthwick Cheney qui a retenu toute mon attention. Trilingue dès la maternelle, ayant fait de solides études, ayant enseigné, dirigé une bibliothèque, cette femme disposait d'un potentiel et d'une personnalité que son mariage semble avoir complètement mis sous cloche. Pourtant comme le lui dira sa soeur "Tu avais tout. Un mari fantastique qui t'adorait, deux beaux enfants en bonne santé. La liberté. Aucun souci financier. Une gouvernante et une bonne. Tu n'avais pas besoin de travailler et Edwin n'exigeait jamais rien de toi. As-tu conscience de tout ce que tu as abandonné pour Fank Wright ? Le genre d'existence dont rêvent la plupart des femmes, y compris les féministes !".
Mais à vouloir vivre selon ses convictions , Mamah, en tant que femme et en tant que mère, devra payer le prix fort, car être la compagne d'un génie de l'architecture ne va pas sans contreparties négatives...
Un livre puissant , plein de vie, mais aussi très pessimiste...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : nancy horan
29/01/2011
Histoire de l'oubli ...en poche
"Une inversion de la vie en plein milieu, comme une conclusion prématurée..."
Récit d'une histoire familiale marquée par une forme précoce de la maladie d'Alzheimer, L'histoire de l'oubli alterne les points de vue d'un grand-père et de son petit-fils qui ignorent tout l'un de l'autre.
N'ayant aucun goût pour les récits allégoriques, j'ai allègrement passé l'histoire d'Isidora, lieu mythique, légende familiale qui va rétablir le lien entre les membres de cette famille que la maladie et les secrets ont fait éclater.
Bardé de commentaires dithyrambiques, ce premier roman est certes un bon roman mais il ne confine pas au génie. J'y ai retrouvé une atmosphère déjà rencontrée dans d'autres romans américains et seul le thème de l'oubli m'a paru original. Le style est agréable et fluide.
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28/01/2011
Long week-end en poche
"C'est à cela que menait la liberté ? "
Qu'est-ce qu'une famille ? Est-ce cette femme, Adele, qui ne peut se résoudre qu'à de brèves incursions dans le monde extérieur et qui vit quasiment retranchée en compagnie de son fils de treize ans , Henry ? Fils qui s'efforce sans cesse de lui redonner le sourire . Est-ce cette famille recomposée qui s'efforce de correspondre aux clichés en vogue en s'imposant des rituels qui ne satisfont personne ? Où est-ce plutôt ce trio improbable constitué par ce preneur d'otages et ceux avec qui il s'est enfermé, Adele et Henry, en ce Long week-end du Labor Day ?
Rien ne se déroule comme prévu dans ce roman sobre, où le suspense tout autant que l'évolution des personnages se révèlent d'une efficacité redoutable . Toute mère d'un ado de 13 ans se devrait de lire ce très joli portrait d'un homme en devenir.
A noter que ce roman a bien failli ne jamais paraître, l'auteure ayant été mise au ban des maisons d'éditions américaines. Son erreur ? Avoir publié auparavant un roman où transparaissaient des echos de la vie pour le moins étrange qu'ellle avait menée en compagnie du romancier américain, Salinger. Il ne fait pas bon égratigner les mythes ...
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22/01/2011
le testament caché...en poche
"Voyez-vous, contre moi aussi on a prononcé la peine de mort."
L'établissement psychiatrique dans lequel Roseanne Mc Nulty a été internée durant soixante ans va être détruit. Le docteur grene doit évaluer sa patiente, pour voir si elle est apte à réintégrer la société dont on l'a exclue quand elle avait quarante ans.Le psychiatre n'est pas dupe, il sait pertinemment que certains de ses malades ont été "internés pour des raisons sociales plus que médicales." Pourtant, il ne sera pas au bout de ses surprises quand il se mettra en tête d'élucider les raisons de l'internement de Roseanne.Quant à cette dernière, si elle se montre réticente face aux questions du psychiatre, elle rédige avec un mélange de fièvre et de sérénité le récit de sa vie, constituant ainsi son Testament caché.
C'est tout un pan de l'histoire irlandaise qui se donne à lire ici, une histoire pleine de violence et d'exclusions, histoire dans laquelle s'imbrique inextricablement l'existence de celle qui "devrait être un lieu de pélerinage et une icône nationale", comme le pense son médecin.Mais plus que cette histoire de relégation ce qui se donne à lire ici est une réflexion sur les écrits et la crédibilité qu'on doit leur accorder.
En effet, s'entrecroisent dans le roman de Sebastian Barry les notes du Dr Grene, qui analyse aussi au passage tous les textes écrits sur Roseanne, en particulier par le Père Gaunt, artisan du malheur de la jeune femme, et le récit de vie de sa patiente.Grene s'interroge non seulement sur l'exactitude des faits rapportés, confrontant les différentes versions d'un même événement, mais aussi sur la sincérité des scripteurs.
Il se dégage de tout cela une impression troublante car le lecteur , au fur et à mesure, doit remettre en question ce à quoi il accordait sa confiance. Ainsi ai-je failli arrêter ma lecture au récit de la tentative de viol, car il s'en dégageait une étrangeté perturbante, étrangeté soulignée bien plus loin dans le récit par le psychiatre.
En outre, le lecteur n'aura pas forcément les réponses à toutes ses questions (mais cela est-il vraiment possible? !) mais,s 'il accepte de se laisser dérouter par ce récit il y gagnera au change, tant l'écriture de Sebastian Barry est captivante. Seul bémol, la révélation finale qui établit un équilibre de manière quelque peu artificielle à mon goût. Un récit riche en péripéties et en personnages troubles.
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21/01/2011
Crimes horticoles...enfin en poche !
En dépit de son titre, Crimes horticoles n'est pas un roman policier.C'est davantage le récit de la fin du paradis de l'enfance et du passage au monde cruel des adultes. Thème rabattu donc mais que Mélanie Vincelette traite avec maestria.
En un été, la jeune Emile , prénommée ainsi par confusion et superstition, va voir s'écrouler l'univers de mensonges qui l'entourait. Elle habite un coin paumé du Nord du Canada,( ce qui nous vaut des personnages aux noms imagés (Pavel Bouillon,Hugo Hareng) où elle reçoit une éducation hors-normes dans un univers pour le moins bizarre.
La découverte d'un cadavre va, comme lorsqu' un domino en entraîne un autre, provoquer la disparition (au sens propre ou non) de membres de son entourage. Cette accumulation peut d'ailleurs paraître excessive, mais elle sera finalement salutaire...
Le début du roman pourrait paraître languissant s'il ne nous donnait la possiblité de goûter pleinement le style de l'auteure, à la fois lumineux et sensuel.
En 149 pages Mélanie Vincelette bâtit donc tout un univers riche d'interprétations et savoureux que l'on quitte à regret. (paru en 2006)
Points seuil 2011
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : mélanie vincelette
15/01/2011
Les âmes soeurs...en poche
"Elle pense qu'elle est en train de chercher la bonne position pour vivre, comme on cherche la bonne position pour dormir..."
Parce que , pensant à sa relation à son mari "Elle avait souvent en tête l'image d'un coquillage collé à un rocher, perdant peu à peu ses couleurs d'origine jusqu'à se fondre dans la masse minérale qui l'hébergeait.", parce qu'elle se sent mal à l'aise dans l'entreprise où elle exerce un travail inintéressant et où on la rejette implicitement car elle est mère de trois jeunes enfants, Emmanuelle va emprunter des chemins de traverse, jouer la femme buissonnière.Toute une journée rien que pour elle. Pour prendre le temps aussi de terminer le livre qu'elle a commencé la veille .
Alternant passages du roman lu ,mettant en scène une photographe, et pensées d'Emmanuelle, le récit va peu à peu fondre les trajectoires des deux femmes et réveiller un passé soigneusement enfoui.
Mères abandonnantes ou trop tôt disparues, amitiés féminines où puiser du réconfort et un peu d'énergie pour continuer à vivre, seront évoquées avec tendresse au fil de cette journée où les hommes se tiendront en lisière.
Un roman parfois maladroit, parfois trop léger mais qui recèle aussi de petites merveilles qu'il faudre prendre le temps de savourer.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : valérie zenatti, soeurs
14/01/2011
L'hypothèse des forêts... en poche
"De toutes façons,ça n'est jamais ça avec maman. Je ne lui conviens pas."
Une mère, trois soeurs qui font bloc pour échapper à l'emprise maternelle, destructrice, mortifère. La folie qui rôde et qui est repoussée ou apprivoisée. Des hommes enfin qui vont essayer de se frayer un chemin, de se trouver une place au sein de cette lignée de femmes. Et tout autour, la forêt. Celle dont la narratrice principale, Rose tire sa force. Car chaque soeur a sa propre méthode pour tenter de se libérer et cela ne va pas sans risques...
Alternant les points de vue, Laurence Albert tisse un texte empreint de sensualité charnelle ,qui mêle les éléments naturels , brasse ces vies de femmes, cette lignée maternelle où l'amour a pris des formes perverties. Il faut se laisser envoûter par cette écriture prenante et entrer "Dans cette maison de folles où aucun homme n' a jamais vécu.".
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