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03/09/2016

Nous serons des héros...en poche

Elle avait préféré insinuer que c'était moi qui avais besoin d'un père de substitution plutôt qu'elle d'un nouveau mari, cela était plus facile à entendre, plus noble et généreux."

Quelques années avant la fin de la dictature de Salazar, Olivio, huit ans, et sa mère fuient le Portugal et s'installent dans une banlieue lyonnaise. L'enfant n'apprendra que quelques temps plus tard le décès de son père.brigitte giraud
D'abord aidés par des compatriotes, le narrateur et sa mère vont bientôt emménager chez un autre exilé, Max, un pied-noir fraîchement divorcé, qui supporte très mal la séparation d'avec son jeune fils. La cohabitation s'instaure tant bien que mal, Olivio devenant un adolescent sensible  supportant mal le caractère hâbleur et souvent rude de Max.
Sur la seule foi du résumé, je n’aurais probablement pas donné sa chance à ce roman mais le seul nom de l'auteure a su me décider et j'ai bien fait car d'emblée j'ai été prise par l'émotion intense qui se dégage de ce texte.
L'exil, l'intégration, les sentiments mêlés , l'évolution de cet enfant mais aussi le portrait en creux d’une mère, à la fois volontaire et discrète, blessée mais digne, qui se forge discrètement une place dans la société française du début des années 70 et laisse sous le boisseau ses chagrins et sa détresse ont su m'émouvoir profondément.

02/09/2016

Amelia...en poche

Quand Kate arrive en pleine journée au lycée de sa fille, il est trop tard: Amelia a sauté du toit .Pourtant rien ne semblait prédisposer cette élève intelligente et mature qui entretenait d’excellentes relations avec sa mère qui l'élevait seule à commettre un tel acte.
Alors qu'elle tente d'accepter la situation, Kate reçoit un SMS affirmant qu'Amelia n'a pas sauté.
Commence alors une exploration de l'univers de la jeune fille pleine de rebondissements et de révélations pour le moins surprenantes.kimberly mc creight
Pourquoi le cacher ? J'ai dévoré d'une traite ce roman hautement addictif , même si j'étais bien consciente qu'il fonctionnait sur des ressorts plutôt classiques (connaissons-nous vraiment nos proches ? l'amour d'une mère pour sa fille unique ). Classiques mais efficaces car, tout en variant les points de vue et les supports (textos, mails, conversations téléphoniques...) Kimberly McCreight sait raconter une histoire. Elle nous entraîne sur de fausses pistes, tout en dévoilant le petit monde pervers et hypocrite d'un établissement scolaire chic. Oui, le monde des ados est cruel et celui des adultes n'a rien à lui envier.
Si certains ressorts narratifs apparaissent a posteriori un peu outrés, il n'en reste pas moins que j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce bon gros pavé de 523 pages où je ne me suis pas ennuyée une minute !

01/09/2016

ça m'agace...en poche

"Jean-Louis, tu n'es jamais content et tu te plains toujours." Bonne-maman d'Arras

jean-louis fournier

 

Il n'a pas changé , jean-Louis Fournier, et il le reconnaît lui-même: Tout [l]'agace ! En vrac: la mite qui a boulotté son pull préféré, les messages des campagnes de dépistage, le principe de précaution appliqué à tout , les chiens qu'on abandonne, la thalassothérapie où "L'ambiance est calme, à mi-chemin entre  la maison de retraite , l'établissement de soins palliatifs et la morgue.", sans oublier le comique qui rit à ses propres blagues.
Jean-Louis Fournier fouraille, vitupère, peste et fustige entre autres les tics de langage, (ha, ce fichu improbable !) car "Quand je pense à tous les jolis mots qui veulent dire quelque chose, qu'on ne sort jamais, à qui on ne fait pas prendre l'air, qui s'ennuient et finissent par moisir dans les dictionnaires, simplement parce qu'ils ne sont pas à la mode.
Je pense à ineffable."
Comme il aime l'humour noir, il pousse parfois le bouchon un peu loin mais on lui pardonne volontiers car derrière ces airs de ronchon on sait bien que Jean-Louis Fournier est un grand tendre...

"

 

30/08/2016

La fille qui cherchait son chien (et trouva l'amour)...en poche

"C'était ça, l'effet que me faisaient les promenades avec Toby- elles gommaient les faux plis de la journée."

Maggie, thérapeute pour" les personnes qui ont perdu leur compagnon à quatre pattes" officie depuis peu à San Francisco. Très vite, nous comprenons que cette psy possède quelques phobies pour le moins handicapantes, faiblesses dont elle saura néanmoins tirer parti pour aider Anya qui sillonne la ville pour retrouver son chien.meg donohue,chiens
En chemin, bien sûr, ces deux jeunes femmes rencontreront l'amuuur, romance oblige.
Bon, je me moque un tout petit peu mais j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman  chaleureux , bien écrit et qui plaira à tous les amoureux des chiens. Les personnages sont attachants, les chiens croqués à la perfection, et n'était une intrigue secondaire quelque peu tirée par les cheveux, deux métaphore lourdaudes car traduites littéralement, le bonheur serait total. Malgré ces petits bémols, je n'ai pas lésiné à coller de nombreux marque-pages tout au long  de ces 310 pages ,dévorées d'une traite. Une douceur dont il ne faut pas se priver !

La fille qui cherchait son chien (et trouva l'amour), Meg Donohue, traduit  de l'américain par Jeanne Deschamps, Mosaïc poche 2016

28/08/2016

Et tu n'es pas revenu...en poche

"Survivre vous rend insupportables les larmes des autres. On pourrait s'y noyer."

Quand elle est arrêtée, à quinze ans, son père lui dit :"Toi, tu reviendras peut être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrais pas."marceline loridan-ivens, judith perrignon
Cette prophétie s'accomplira . Marceline pourra brièvement ,et au risque de sa vie, revoir son père , envoyé à Auschwitz, tandis qu'elle est déportée à Birkenau et elle recevra un billet de lui. Ce billet, il a disparu dans la tourmente, les mots se sont effacés de sa mémoire mais pas le fait qu'il ait signé de son   prénom juif, alors qu'il se voulait français.
Des décennies plus tard, Marceline répond à ce billet, remonte le cours du temps et brosse, à grands traits parfois, des pans de sa vie.
La survie au camp, le retour, la chape de plomb qui pèse sur les survivants, la mère qui veut juste savoir si elle n'a pas été violée et ,par dessus tout, cet amour de la fille pour son père ,font de ce récit tendu comme un arc ,une lecture âpre et nécessaire. Il y a dans ce texte une sourde énergie. Le temps n'a pu balayer les émotions et on sent Marceline Loridan-Ivens à fleur de peau tout au long de ce texte.

27/08/2016

Sans voix...en poche

"Et elle se demanda pourquoi un livre devrait remporter ce foutu prix auquel elle participait à moins d'avoir une chance de faire comme la pièce de Shakespeare à l'instant : revenir à la mémoire d'une personne lorsqu'elle voulait pleurer mais n'y arrivait pas , ou voulait réfléchir mais ne réussissait pas à penser clairement, ou voulait rire mais ne voyait aucun motif de gaieté."

 

Bienvenue dans l'univers absurde d’attribution des prix littéraires anglais ! Là, tout n'est que chaos et tractations, passe-droits, égos surdimensionnés et discours amphigouriques. On y croisera un livre de cuisine indienne promu au grade de roman, un ou deux plagiats, des romans écossais  sans oublier tout le monde de l'édition et des auteurs , plus vrais que nature !9782253098805-001-T.jpeg
Ce roman débridé cavale à toute allure , multipliant les coups de griffes mais avec une certaine tendresse  au demeurant pour ceux qui défendent, malgré tout, cet univers du livre. Une satire qui, bien évidemment, ne pourrait s'appliquer au monde des lettres françaises

22/08/2016

Sauf quand on les aime...en poche

"- [...]Ce qui est beau  n'est pas fait pour durer, il faut sans cesse le ressusciter."

Le roman commence par une scène très forte ,et malheureusement banale: une agression verbale par un mec "lourd" qui s'en prend à une jeune femme noire. Les autres passagers du wagon sont "devenus transparents". Tisha ne devra son salut qu'à une femme qui prend la peine d'écouter l'agresseur et de détourner son attention.frédérique martin
Claire, elle aussi présente ,n'a pas osé intervenir mais les circonstances feront qu'elle invitera Tisha dans l’appartement qu'elle partage en colocation avec son amie Juliette et son pote Kader. Des jeunes gens d’aujourd’hui qui naviguent de petits boulots en CDD, loin de leur formation initiale et de leurs espoirs. à côté d'eux, vivant dans une "solitude radicale", un vieil homme qui se prend à rêver en écoutant le violoncelle de Claire.
Sans angélisme ni voyeurisme, Frédérique Martin brosse le portrait d'une jeunesse souvent meurtrie, évoluant dans un univers urbain où le corps de la femme devient souvent celui d'une proie. Tout en nuances, ces personnages s'apostrophent, s'insultent, se déchirent mais aussi s'entraident,se réconfortent et tentent de s'aimer vaille que vaille. Toulouse compose le décor essentiel et diablement vivant de ce roman où de brèves échappées champêtres sont autant de respirations et de pauses pour Juliette et les autres.
De très beaux moments comme la perspective d'échapper à une soirée d'anniversaire en solitaire ou une dans improvisée au son du violoncelle viennent éclairer ce roman qui se termine malgré tout sur une note d'espoir, sans vouloir à toutes forces terminer par un "happy end". Un très beau moment d'émotions que cette lecture portée par l'écriture tour tour rageuse, bienveillante et sensuelle de Frédérique Martin.

De la même autrice , j'avais aussi beaucoup aimé les nouvelles de J'envisage de te vendre (j'y pense de plus en plus) clic.

20/08/2016

La dictature des ronces...en poche

"Certains accès de courage sont comme des oiseaux: on n'a pas envie de les voir s'envoler. Alors j'ai cheminé précautionneusement au milieu des piafs pour ne pas les effrayer."

Comment ne pas aimer un roman qui commence ainsi : "Cet été là , le canapé avait conclu un marché avec mon postérieur , si bien qu'ils avaient fini par devenir les meilleurs amis du monde  et qu'il fallait désormais faire des pieds et des mains pour les séparer."
Pour rompre cette apathie, heureusement, le narrateur reçoit une proposition: s'installer pour un mois sur une île , Sainte Pélagie, chez son ami Henri qui doit partir ,et en échange s'occuper du chien et de l'entretien du jardin.guillaume siaudeau
Sur place, il va vite tomber sous le charme de l'île et de ses étranges habitants , aux occupations tout à la fois poétiques et surprenantes. Un univers douillet et surréaliste, dont je vous laisse découvrir les nombreuses surprises,et où subsiste néanmoins une  infime pointe de noirceur... .
Mais plus que tout, j'ai beaucoup aimé le commerce qu'entretiennent Guillaume Siaudeau et les mots. Ceux qu'ils personnifient dans sa postface et avec lesquels il crée une atmosphère si particulière, une bulle de poésie teintée d'humour.Un très joli moment de lecture !

Pocket 2016.

18/06/2016

Un monde flamboyant...en poche

"Ce qui m'intéressait, c'étaient les perceptions et leur mutabilité, le fait que nous voyons surtout ce que nous nous attendons à voir."

Harriet Burden a toujours détonné, que ce soit par son physique, son intelligence , son intérêt pour la science, la philosophie, débordant ainsi de la pratique artistique -méconnue- qui était la sienne. 
Cantonnée à son rôle d'épouse d'un célèbre galeriste et de mère de famille, "Harry", son surnom ô combien révélateur, devra passer par l'épreuve de la dépression à la mort de son époux avant de se lancer dans une entreprise devant aboutir (entre autres) à la révélation du sexisme du monde de l'art.siri hustvedt
Mue par une saine colère et une grande énergie , Harry passe ainsi un pacte faustien avec des artistes masculins qui lui serviront de "masques". Mais l'entreprise ne sera pas sans risques.
Roman choral, empruntant la  forme d'une enquête universitaire menée a posteriori après la mort Harry, variant les points de vue ,Un monde flamboyant est un texte enthousiasmant à plus d'un titre :
résolument féministe (et ce n'est pas un gros mot), riche , sans jamais être indigeste, intelligent et bien mené, avec des personnages attachants et une fin extrêmement émouvante ,le tout,bien sûr, avec le style élégant de l'auteure. Un énorme coup de cœur ! Et ou, sur l'étagère des indispensables !

14/06/2016

La végétarienne...en poche

"C'était un corps débarrassé de toute superfluité jusque dans ses moindres aspects."

Sous l'influence d'un rêve, l'héroïne, Yönghye, devient végétarienne car elle aspire à devenir elle-même végétale et à détruire l'origine de la violence.
Cette lente descente vers la folie fait peu à peu éclater les liens familiaux et sociaux quelle entretenait.
Présenté en un triptyque où la voix de l’héroïne se fait très peu entendre, son mari, son beau-frère et sa sœur prennent tour à tour la parole pour narrer les différentes étapes de cette glissade vers l'absolu, le récit exerce une sourde fascination.han kang,corée du sud
Tout à la fois poétique, critique et un peu érotique, le roman de Han Kang touche à l'universel. 212 à savourer lentement pour mieux s'en imprégner

 

Han Kang a reçu le Booker Prize pour ce roman paru au livre de poche en 2016. Traduit du coréen par Jeong Eun-Jing et Jacques Batilliot