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11/06/2020

Retour à la case départ...en poche

"Réussir à avoir une bonne opinion de soi-même, c'était un peu comme vieillir de manière digne: totalement impossible,mais ça valait quand même la peine d'essayer."

Non, rassurez-vous  David Hedges n'est pas retourné vivre chez ses parents, comme pourrait le laisser entendre le titre du roman de Stephen McCauley. De nouveau célibataire-son compagnon l'a quitté- il est aussi sur le point de perdre son logement à San Francisco.
L'appel de Julie, avec laquelle il a été brièvement marié,trente ans plus tôt, va lui offrir l'occasion d'une escapade à Boston où il pourra mettre en œuvre ses talents pour planifier l'avenir universitaire de la fille de Julie. Mais pas que. En effet, tout comme lui, Julie est aux abois : en plein divorce, elle est en difficultés pour racheter sa part de sa maison.stephen mc cauley
Les personnages de Stephen McCauley ont vieilli, mais ils ont en rien perdu leur sens de l'observation, de l'humour, voire du sarcasme. L'auteur en profite pour égratigner au passage tous les nouveaux travers de notre société, ses applications, ses réseaux sociaux, entre autres. Il se régale à peindre  de vraies méchantes, mais nuancées, et aucun personnage secondaire n'est négligé.Oon sourit beaucoup, on rit aussi et on retrouverait presque le niveau de plaisir atteint lors de la découverte de son premier roman, L'objet de mon affection  n'était un revirement final improbable et quelques longueurs.
Il n'en reste pas moins que découvrir la sortie d'un nouveau roman de Stephen McCauley est toujours une bonne nouvelle.

421 pages Robert Laffont 2019, traduit de l'anglais (États-Unis) par Séverine Weis

28/05/2020

Une maison parmi les arbres ...en poche

"- C'est la raison pour laquelle cette histoire s'adresse à des enfants plus âgés. Des enfants qui ne sont plus vraiment des enfants. Qui comprennent ce qu'ils voient aux informations . Et au cas où vous l'auriez oublié , les adolescents ont, de façon innée des pensées sombres qu'ils ont tendance à garder pour eux. Ils se régalent de désastres fictifs. Il y a une espèce de réconfort à voir le monde brûler dans un livre. Un livre, comme un fourneau, peut être refermé, le feu contenu."

Quand Morty Lear,  célèbre auteur de livres pour enfants, décède accidentellement, , son assistante , confidente et amie Tomasina Daulair découvre qu'elle hérite non seulement de sa Maison parmi les arbres, mais aussi de la gestion de son œuvre.julia glass
Elle qui a consacré toute sa vie à faciliter celle de son employeur va aussi devoir faire face à ceux qui veulent s’approprier , en toute bonne foi ou pas, une parcelle de l'oeuvre de Lear: que ce soit le célèbre acteur engagé pour incarner l'auteur dans un biopic, la conservatrice de musée à qui étaient promis des documents en vue d'une exposition ou le propre frère de Tomasina qui s'estime lésé par l'auteur.
Les surprises vont se succéder sous la plume à la fois tendre et ironique de Julia Glass qui excelle à relater tout en nuances les fêlures et les blessures infimes en apparence mais qui marquent toute une existence.  Toute une galerie de personnages plus vrais que nature , avec leurs petitesses et leurs grandeurs, se déroule sous nos yeux. Un grand coup de cœur.

 

Gallmeister , traduit de l’américain par Josette Chicheportiche.

L’éditeur précise que Julia Glass s'est inspiré de la vie de Maurice Sendak (Max et les maximonstres.)

26/05/2020

On n'a rien vu venir...en poche

"De toute façon, même si les Vigilants viennent m'arrêter, j'ai rien à perdre. J'ai déjà l'impression d’être en grève de la vie."

Il y a  ceux qui se sont laissés berner par les promesses de changements du Parti de la Liberté , ceux qui adhèrent avec enthousiasme à leurs idées nauséabondes , ceux qui savent déjà qu'il vaut mieux s'enfuir et la majorité qui ne se rend compte de rien ou presque.anne-gaëlle balpe,clémentine beauvais,sandrine beau,agnès laroche,séverine vidal,fanny robin,annelise heurtier
On n'a rien vu venir relate par sept voix d'enfants (et sept auteurs jeunesse) la mise en place progressive d'un État totalitaire, liberticide, qui s'en prend progressivement à tous les "clous qui dépassent": étrangers, homosexuels, handicapés, marginaux, artistes... Tout est réglementé : de l'heure du lever à la couleur des vêtements et les règlements absurdes se multiplient créant une ambiance anxiogène. Autant d'échos à des situations passées ou présentes.
Si la visée est didactique, la structure est très efficace car les personnages évoluent d'un chapitre à l'autre et les écritures sont aussi très plaisantes.Les enfants ici ne sont pas placés en situation d’impuissance car ils observent , critiquent , agissent eux aussi à leur échelle et entrent en résistance, ne serait-ce que par le rire . Un texte nécessaire. à partir de 10 ans. 110 pages efficaces.

Anne-Gaëlle Balpe, Sandrine Beau,
Clémentine Beauvais, Annelise Heurtier,
Agnès Laroche, Fanny Robin et Séverine Vidal

Éditions Alice Poche 2019. préface de Stéphane Hessel.

24/05/2020

La saison des feux...en poche

"Elle ne pouvait pas faire  comme si rien n'était arrivé. Mia avait ouvert en elle une porte qui ne pouvait pas être refermée."

A Shaker Heights, banlieue huppée de Cleveland, tout est parfaitement ordonné, harmonieux.Tout doit paraître "beau et parfait de l'extérieur, qu'importe le désordre à l'intérieur."
Évidemment, un élément perturbateur, ou plutôt deux , en la personne de Mia, une artiste photographe, et sa fille , Pearl, vont venir chahuter la vie de la famille Richardson que l'on voit dès le début du roman contempler l'incendie de leur demeure.celeste ng
Pas de mystère ici, on sait d'emblée qui a allumé ces"petits incendies partout"* dans la maison: la fille rebelle de la famille.
Tout l'objectif du roman est donc de revenir en arrière et de scruter tous les éléments qui ont amené à cette conclusion flamboyante.
Basé sur les oppositions, sédentaires  versus nomades, artistes  versus bourgeois, le roman offre son lot de secrets, de rebondissements  et gratte l'apparence parfaite de ces gens qui brident ou ont bridé leurs réelles aspirations. Les relations mères/filles sont  particulièrement analysées, dans leurs non-dits.
Ainsi Mia et ses photographies agissent-elles comme un véritable révélateur des natures profondes des personnages , moins stéréotypés qu'ils n'y paraissent de prime abord.
Un roman de 468 pages  qui se tournent toutes seules, ou presque.

Celeste NG, traduction de l'anglais (E-U) par Fabrice Pointeau. Pocket 2019

*(traduction littérale du titre original Little Fires Everywhere) 

 

23/05/2020

De toutes les nuits, les amants

"Tristesse ou joie, rien ne nous est propre, nos émotions sont celles que quelqu'un quelque part a déjà ressenties et que nous ne faisons que mimer."

Scrupuleuse dans son travail de correctrice, Fuyuko, jeune femme de trente quatre ans , vit dans une solitude extrême. Très introvertie, elle ne peut concevoir d'établir des interactions avec les autres sans auparavant consommer d'alcool , pour se donner un peu confiance en elle.
Elle réussira néanmoins à tisser des ébauches de liens avec un professeur de physique, avec qui elle s'entretient de la lumière, mais également avec une jeune femme qui semble être son exact opposé : Hijiri, une éditrice qui lui confie du travail.mieko kawakami
Amateur de rebondissements, passez votre chemin car ici il semble ne se passer presque rien dans ce roman , mais ce presque rien est très évocateur de ce qui fait les forces et les faiblesses de Fuyuko. On est ému par cette jeune femme qui se tient au bord du monde .Un texte d'une infinie douceur. 279 pages

Traduit du japonais par Patrick Honnoré. Babel 2020

14/05/2020

Vies de chien ...en poche

 

"C'est souvent le point de rupture d'ailleurs : quand on se sent mal et que, soudain, se dévoile à nos yeux une secousse positive, on s'effondre."

En exergue de ce feel good book, une citation d'Alphonse de Lamartine, programmatique : "On n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n'en  pas."
Et, en effet, c'est ce que va montrer ce roman, pétri de bons sentiments, en suivant deux parcours qui vont bientôt se croiser: celui de Tom, bouledogue français, confié à la SPA et celui de Maël jeune garçon de quatorze ans confié à une famille d'accueil chaleureuse, les Lion, qui ont eux- mêmes un fils du même âge : Pierre.laura trompette
Le fait que Tom soit un des narrateurs du roman (les autres chapitres, consacrés aux différents personnages sont pris en charge par un narrateur omniscient) confère au texte un aspect à la fois naïf et espiègle, où l'on voit que le petit chien a plus d'un tour dans son sac pour se faire aimer, mais aussi pour prendre en charge, entant qu'"éponge émotionnelle" les états d'âme de ses deux jeunes maîtres.
Pas facile en effet pour les deux adolescents, très différents, de cohabiter et de faire face aux multiples aléas de la vie.
Prônant l'optimisme et la solidarité, ce roman, à l'écriture simple, où de jolies inventions côtoient parfois des tournures qui m'ont paru plus problématiques (dommage), offre aussi une présentation pleine d'humanité de l'univers de la SPA (organisme dont il est mentionné que nous le soutenons par l'achat de ce livre).
L'univers adolescent est dépeint de manière très crédible et , à l'instar de certains films, les dernières pages du livre nous proposent un "ce qu'ils sont devenus" qui nous tient au courant du destin des personnages secondaires, humains ou non. Un roman qui donne le sourire.

Laura Trompette, Éditions Pygmalion 2019, 430 pages où se faufile même une vieille chienne Beagle, en rôle secondaire.

21/04/2020

L'île...en poche

"Ce blondinet rustaud est le thermomètre de cuisson de ta chère Elin. Elle le plonge régulièrement dans sa confiture pour prendre la température de la nation , et quand les gens seront suffisamment habitués aux manières brutales de sa petite ordure blonde, , elle passera à l'action. Cela s'appelle du fascisme, mon cher Hjalti."

L’Islande est soudainement totalement coupée du monde extérieur. Plus personne ne peut y entrer ni en sortir. Aucune information sur le monde extérieur. Existe-t-il encore d’ailleurs ?
Les familles, les amis sont sans nouvelles de l’étranger.
Face à cette situation inédite, une jeune ministre , Elin, prend les choses en mains et utilise les "bonnes " vieilles recettes qui ont fait leurs preuves pour établir un régime, qui sous des dehors riants, n'est rien moins que fasciste.sigridur hagalin bjornsdottir
Propagande vantant un passé soigneusement toiletté, exaltation du patriotisme, xénophobie, utilisation d'experts dont on évacue certaines affirmations gênantes (il n'y aura pas à manger pour tout le monde), tout ceci entraîne évidemment l'apparition de la violence dont le pouvoir use avec habileté.
Récit polyphonique, L'île nous présente plusieurs points de vue qui permettent d'envisager un panorama suffisamment large de la société. Si la violence est présente, elle est plutôt suggérée mais la tension n'en est que plus intense. Un roman anxiogène qui résonne particulièrement ce moment.

Disponible à prix réduit en version numérique, ce roman attendait son heure dans ma Pal.

 

Gaïa 2019 traduit de l'islandais par Eric Boury.

 Cuné adore aussi : clic.

08/04/2020

Comment ne pas devenir une fille à chats ...en poche

"D'autres amis-couples m'ont aussi vanté les charmes de la vie en louant la belle complicité de couples célèbres: Marion Cotillard et Guillaume Canet, Barack et Michelle Obama, Jay-z et Beyoncé. Sur l'air de "à deux, on est toujours plus forts". J'ai même pas répondu que , pour les 123 femmes mortes de violence conjugale en 2016, visiblement, y en a un des deux qui était un peu plus fort que l'autre, quand même."

Flirtant dangereusement avec la quarantaine, célibataire, un chat (Pompon) et une petite fille, Nadia Daam entreprend de battre en brèche tous les clichés (généralement sexistes en plus) qui s'attachent au célibat. Rien de neuf sous le soleil, sauf sans doute ce féminisme assumé, ce côté trash aussi, façon Blanche Gardin, qui renouvellent le genre avec panache.nadia daam
Une lecture qui donne le sourire , qu'on soit célibataire ou pas.

06/04/2020

Alto Braco...en poche

"On ne voulait pas vivre à Lacalm mais on voulait y mourir."

Deux sœurs dures au travail , Douce et Granita, ont élevé leur petite fille, maintenant trentenaire, Brune, tout en tenant de main de maître, leur café parisien.
Originaires de l'Aubrac, ces trois femmes sont très fortement marquées par ce territoire si particulier, même si la plus jeune s'en défend. La mort de Douce et son enterrement dans le pays de sa jeunesse vont faire ressurgir tous les secrets du passé.vanessa bamberger
Sur un schéma classique de retour au pays, Vanessa Bamberger multiplie les révélations en cascade (pas moins de trois révélations), tout en décrivant à merveille les paysages de cette région âpre et sauvage où les paysans et leurs bêtes ont bien du mal à survivre.
Si l'auteure s'est visiblement bien documentée (en particulier sur les vaches) et réussit à introduire de manière fluide ces informations dans le récit, ce dernier manque en revanche de densité et connaît quelques baisses de régime.
Un roman que j'ai néanmoins pris plaisir à lire.

04/04/2020

Le monde selon Britt-Marie...en poche

Les deux meilleurs amis de Britt-Marie sont le bicarbonate de soude et un flacon de nettoyant pour vitres. Faire le ménage est en effet pour cette sexagénaire- un brin psychorigide, malgré ses nombreuses dénégations -une thérapie sans pareille.
Pressée de trouver un travail, le seul emploi qu'elle déniche est dans une ville paumée, ville lourdement touchée par la crise où vit une faune haute en couleurs et encore plus selon les critères de Britt-Marie.
Pourtant, comme nous sommes dans un roman Feel good, bien évidemment, Britt-Marie va "se dégeler" peu à peu, surtout quand elle se retrouvera bombardée coach d'une équipe de football composée d'enfants plus nuls les uns que les autres, mais passionnés.index.jpg
Le football comme modèle de vie ? Pourquoi pas. Car"Le football a ceci d'épatant qu'il oblige la vie à continuer."
En dépit de quelques naïvetés, longueurs et répétitions supposées être comiques (je ne suis guère sensible, je l'avoue, au comique de répétition), je me suis attachée à cette femme qui prend enfin conscience qu'elle a toujours fait passer les autres avant ses propres rêves.