30/03/2015
Les livres prennent soin de nous
"Ce n'est pas facile de dire à un tiers ce que l'on a vécu, et qui fait qu'on ne va pas bien. à qui en parler ? à un proche ? C'est prendre le risque d'être renvoyé au silence ou de l'entrainer dans son propre malheur. à un psychologue ou un psychiatre ? Mais le patient refuse souvent ce recours. Restent les livres et le bibliothérapeute."
Encore mal connue en France, la bibliothérapie se propose de restaurer un espace à soi par l'intermédiaire des livres.
Rien à voir avec le développement personnel "Car il faut qu'un livre soit plurivoque, un épais feuilletage de sens et non une formule plate, conseil de vie ou de bon sens, pour avoir le pouvoir de nous maintenir la tête hors de l'eau et nous permettre de nous recréer." Et Régine Detambel de célébrer la métaphore ainsi que l’aspect plurisensoriel du livre.
L'intuition doit présider au choix des livres, pas de systématisme dans les prescriptions ,car un même livre pourra se révéler remède ou poison selon son lecteur.
Telles sont donc les grandes lignes de cette thérapie que l'auteure, kinésithérapeute de formation , enseigne sous sa forme créative à Montpellier. Un avant-goût qui donne envie d'approfondir cette piste.
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : régine detambel
16/11/2014
Poésie du gérondif
"Comment s'en sort-on dans les langues qui ne distinguent pas ""être " et "avoir" ? Sans aucun problème dans l'immense majorité des cas." (p. 63)
"Linguistique" était autrefois synonyme pour moi de "pensum". Une matière aride, que mes profs de fac nous avaient fait considérer comme figée et centrée sur la langue française.
Fi de ces préjugés ! Jean-Pierre Minaudier, qui n'est pas linguiste , mais "s'est découvert sur le tard un amour pour les langues rares" et "Depuis [...] enseigne le basque et l'estonien (qu'il traduit aussi, on lui doit notamment la version française de L'homme qui savait la langue des serpents, d'Andrus Kivirähk)" (merci la 4ème de couv' !)nous fait partager son bel enthousiasme pour les idiosyncrasies d'une multitude d'idiomes (plus de 800 !), proposant tous une vison différente de l'univers.
Ainsi il existe,des langues sans adjectifs, d'autres où l'on compte en base 20 (se fondant sur les deux mains et les deux pieds), d'autres idiomes encore ne distinguent pas de temps verbaux (à commencer par les langues chinoises) tandis que "certaines langues d'Amazonie [...]possèdent la catégorie du passé non seulement pour les verbes, mais aussi pour les noms."
Jean -Pierre Minaudier est aussi un excellent pédagogue ,expliquant clairement des notions qui nous sont totalement étrangères. Ainsi "les impressifs (ou idéophones)"qui "sont le plus souvent intégrés à une phrase normale, comme des espèces adverbes -un peu comme si l'on pouvait dire : " Il sauta hop dans le ruisseau", sans faire de pause avant ni après le "hop". Dans les langues où ils existent, ils contribuent à colorer l'expression et à nuancer le sens, et leur saveur concrète, charnelle, est parfaitement intraduisible". Voilà qui est dit !
Toutes nos certitudes sont ainsi balayées , ainsi que notre ethnocentrisme , car il ne s'agit pas seulement de collectionner et d'aligner les bizarreries ,mais bel et bien de remettre en question tout ce qui nous paraît évident et acquis.
L'auteur en profite, au passage, pour tacler gentiment les journalistes et les linguistes , mais toujours avec beaucoup d'humour.
Un livre enthousiaste qui fait aussi la part belle -et j'adore ça -aux notes de bas de pages, particulièrement savoureuses,(clic) ,nous rend moins bêtes et réconcilie avec la linguistique. Que demander de mieux ?
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
à recommander aux curieux et aux amoureux des mots !
Poésie du gérondif, Jean-Pierre Minaudier, le tripode printemps 2014, 157 pages piquetées de marque-pages !
06:00 Publié dans l'amour des mots, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jean-pierre minaudier
03/11/2014
-Poésie du gérondif
Je n'en suis qu'à la moitié de livre à la fois instructif et hautement réjouissant , à plus d'un titre, mais je tenais à recenser toutes les adresses, en forme d'intercessions , plus ou moins religieuses, adressées à la maison d'édition, chérie en entre toutes par Jean-Pierre Minaudier; la preuve: elle est la seule à apparaître en majuscules d'imprimerie (et en gras )dans les notes de bas de page (dont il use et abuse pour mon plus grand bonheur) et, emporté par son enthousiasme et sa reconnaissance, l'auteur n'hésite pas à écrire concernant les "infiniment vénérables" éditions berlinoises DE GRUYTTER-MOUTON , spécialisées en linguistique (clic):
-(elles sont le sel de la terre !)
-(qu'elles vivent longtemps pour faire le bonheur du monde)
- (que le Tout-Puissant les ait en sa très sainte garde)
-(que tous les saints du paradis intercèdent en leur faveur au jour du jugement)
-(que la bénédiction des cieux plane éternellement sur elles et toute leur race)
-(que des fleuve de miel, des lacs de salidou* et des océans de Nutell* les récompensent de leurs bienfaits)
-(tous les prophètes ont annoncé leur épiphanie dans des transports de joie)
-(puissant les anges descendre chaque jour à la Maison Fréquentée pour réciter leur nom et leurs mérites !)
-(que le règne, la puissance et la gloire leur appartiennent pour les siècles des siècles)
-(que le tout-Puissant leur accorde une belle part dans ce monde ainsi qu'une belle part dans l'au-delà, et les protège contre le châtiment du feu)
-(que leur nom, qui est comme le nectar, l’ambroisie et le gloubiboulga, soit sur la bouche du seigneur à l'heure où les Justes recevront leur récompense, et qu'il y ait pour elles un jardin ceint de murs au septième ciel)
-(que leur nom, qui est comme l'odeur de la terre après la pluie, sorte de ma bouche avec mon dernier souffle, et qu'il brise à jamais le silence éternel des espaces infinis)
seul petit bémol : "Une autre description du Trio par Sergio Meira, censée paraître en 2010 aux ed. DE GRUYTTER-MOUTON [...] et attendue dans l'extase par des foules hystériques , n'est finalement jamais sortie: depuis , je porte le deuil."
On espère que la maison d'édition en question est au courant d'une telle dévotion...
*pâte à tartiner composée de caramel au beurre salé (c'est malin, j'ai faim ! )
06:00 Publié dans Extraits, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : jean-pierre minaudier
25/10/2014
Coquelicot et autres mots que j'aime
« Je suis une nomade empêchée. »
Les mots, elle les chante, elle les enchante pour les petits et pour les grands, mais c’est la première fois (merci, Philippe Delerm !) qu’elle nous les offre sous forme de livre. Un recueil savoureux où Anne Sylvestre , tout à la fois évoque , par petites touches, des souvenirs, des sentiments, des sensations mais aussi se montre malicieuse voire délicieusement critique quand elle personnifie et croque le portrait de « Baliverne et Billevesée », deux commères comme nous en connaissons tous !
Les mots, elle en savoure les sonorités et les couleurs, voire les odeurs (cf « Frangipane ») dans des textes jubilatoires où l’on sent le plaisir de les prononcer, de jouer avec eux, avec le rythme qu’elle leur imprime. Et les textes en prose de flirter avec la poésie…
Des textes qui célèbrent aussi la nécessité des petits mensonges, la lenteur des lectures et relectures de l’enfance, la chaleur de l’édredon, « cette caverne, ce terrier de marmotte pour survivre à la nuit. », la « doublure légère » des mots mal compris, détournés.
On sent l’âme à la fois légère et bien trempée de l’artiste qui a su tracer son chemin à l’écart des sentiers battus. 192 pages à déguster , bien au chaud, sous un édredon.
« En attendant la fin du monde et de nous, mentons mais avec délectation. »
Coquelicot et autres mots que j'aime, Anne Sylvestre, Points Seuil 2014.
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : anne sylvestre
22/04/2014
Miscellanées à l'usage des gens heureux (ou désirant le devenir)
"Plus une personne participe à des activités culturelles, plus elle est heureuse."*
Il y a neuf ans (déjà!) nous découvrions et nous entichions des miscellanées , florilège de fragments littéraires remis au goût du jour.
Agnès Michaux et son compère Anton Lenoir ont choisi pour ce recueil un thème parlant à tous: le bonheur.Mêlant, entre autres, définitions du bonheur selon des célébrités quelque peu décalées à des articles nettement plus érudits où j'ai eu le plaisir de découvrir les mots "apotropaïque" **ou le néologisme inventé par Tolkien "l'eucastrastrophe"***, ce qui réjouit toujours mes neurones !
Qu'on le picore ou qu'on le dévore d'une traite ce recueil vous mettra forcément le moral au beaux fixe !
J'y ai pour ma part déniché une citation particulièrement imagée : "Je pense que le secret du bonheur , c'est d'avoir l'esprit en Teflon. Quelle que soit la chose qui se présente , soit vous laissez glisser, soit vous faites votre petite cuisine avec." (Diane Lane, actrice américiane) )
Éditions Autrement 2014, 117 pages à (s') offrir.
*Selon la récente étude de Koenraad Cuypers, du Nord-Trondelag Health Study Research Center de l'université norvégienne de sciences et de technologie.
** sert à qualifier un objet, une formule ou un rite dont le but est de conjurer le mauvais sort.Vous refusez de passer sous une échelle ? Rite apotropaïque.
*** désigne le moment précis où la situation se retourne, où le mal qu'on croyait jusque là devoir gagner le combat est finalement vaincu. à ne pas confondre avec le happy end, qui est une conclusion et non un retournement.
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : agnès michaux, anton lenoir, citations, bonheur
28/01/2014
L'écriture et la vie
"Écrire, c'est plonger en soi, oui, mais tout en plongeant, faire éclater ce moi, repousser ses propres frontières pour accéder à un espace plus grand. Écrire, c'est faire se rejoindre l'intérieur et l'extérieur, le moi et les autres."
Parce qu'elle éprouve une "impression terrible de fausseté", qu'elle ne parvient plus à trouver "les mots vrais", pendant vingt et un mois Laurence Tardieu a perdu le chemin de l'écriture. L'écriture et la vie est le journal de cette quête de lumière.
Laurence Tardieu, avec intensité, avec précision, revient aussi sur son roman précédent, La confusion des peines,(où elle faisait éclater 10 ans de silence après la condamnation de son père pour corruption) en soulignant la violence mais aussi la nécessité. Dans les deux textes, on retrouve cette même exigence de vérité pour se tenir debout et sortir du silence ou de la nuit. L'auteure traque sans relâche les mots vrais, analyse avec précision, explore avec ténacité ses liens avec l'écriture et avec la vie. Cette recherche est toujours fluide, jamais laborieuse.
On sort de cette bataille un peu sonné mais aussi revigoré et l'on attend avec impatience le prochain écrit de Laurence Tardieu.
Comment rendre compte d'un texte d'une centaine de pages dont presque toutes sont hérissées d'un marque-page ?
Éditions des Busclats 2013
06:04 Publié dans Autobiographie, Essai, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : laurence tardieu
05/07/2013
Dictionnaire ouvert jusqu'à 22 heures...en poche
Dictionnaire et humour font souvent bon ménage (cf le Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des biens nantis de Pierre Desproges (1958) ou, plus ancien le Dictionnaire du diable, D'Ambrose Bierce), les contraintes inérentes à la forme permettant sans doute par contraste de libérer le fond.
C'est le cas pour ce Dictionnaire ouvert jusqu'à 22 heures (ça tombe bien après je dors de toutes façons).
Ils sont une quarantaine à avoir mis en commun leur humour , dans l'esprit du maître Alphonse Allais , pour nous concocter ce dictionnaire, parfait en tous points puisque comprenant des Noms (plus ou moins) communs et des Noms (plus ou moins) propres, séparés, non par des pages roses, mais couleur absinthe , du meilleur goût, en hommage à la boisson favorite d'Allais.
Nonobstant les différentes méthodes de lecture préconisées en début d'ouvrage, le mieux, je crois est de piocher au hasard et de naviguer au gré de notre humeur, faisant une escale en Bas-Liverne : ex-département français, partie méridionale de l'actuelle Liverne. Sur cet ancien territoire françias, on dit n'importe quoi. Ou nous régalant du détournement des traductions d'expressions latines. Ainsi la définition de Corpus delicti devient-elle: Elle fait des délices de son corps; ce qui donne une allure nettement plus sexy à ce terme de juris-prudence !
Évidemment, bien des formes d'humour se donnent ici rendez-vous (normal vu la diversité des auteurs) et toutes ne seront pas forcément à notre goût , mais chacun pourra faire son miel et revenir à loisir feuilleter ce dico pour se dérider un peu !
Une dernière définition, pour la route :
Absentéisme n.m. : Fléau scolaire qui ne doit plus avoir cours.
06:00 Publié dans l'amour des mots, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2)
12/06/2013
Gros mots/ Petit dictionnaire des noms d'oiseaux
Carré, dodu, matelassé, tenant bien en main, Le petit dictionnaire des noms d'oiseaux pourrait être utilisé comme projectile pour envoyer en une seule fois 300 gros mots à la figure de quelqu'un . Radical mais manquant singulièrement de civilité et susceptible de générer des suites déplaisantes.
Ce serait d'autant plus dommage que Gilles Guilleron nous propose pour chacune des entrées de son dictionnaire l'origine , l'histoire, mais aussi des équivalents appartenant au registre courant, voire soutenu. De quoi se défouler en toute quiétude, sans craindre les censeurs !
Je me suis particulièrement régalée avec la page "Les mots d'hier", qui dépoussière les insultes et injures passées de mode , sont souvent fort savoureuses. Jugez-en : cloporte (misérable), emplâtre (bon à rien),mijaurée (frimeuse), paltoquet (grossier, rustre), zazou (inadapté). Bref, de quoi ne pas passer pour un iroquois (individu qui ne maîtise pas la langue) ! Un régal pour les amoureux des mots !
First 2013
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gilles guilleron
30/05/2013
Mon petit trognon potelé
N'était ce printemps pourri, nous devrions nous promener sous les charmilles ou dans les bois et susurrer à l'oreille de nos amoureux/ses des mots tendres. Fi des "Chéri "et "Mon amour"! Renouvelons notre corpus de mots tendres et saluons au passage l'inventivité des amoureux passés à la postérité. Tout leur est bon pour désigner l'aimé(e) :des animaux les plus insolites "mon petit cafard embaumé", aux éléments de la nature , "Mon romarin sans tête" *, en passant par les mots du quotidien "Mon petit bouchon".
Catherine Guennec les a recensés avec gourmandise et nous les offre ces mots doux parfois passés de mode ("mon Menon") ou parfois excessifs. Ainsi Mozart s'adressant à la baronne von Waldstatten : "Chère, bonne et belle, dorée, argentée et sucrée, estimée et estimable vénérée madame la baronne".
Les plus intello se laissent aussi aller à des épanchements cuculs, ridicules mais si tendres. Saurez-vous deviner quelle est la femme qui s'adresse ainsi à spn amoureux secret : "mon gentil vous lointain, perdu dans le blizzard ...ma bête ensoleillée...mon très cher potiron violet...très chère bête provinciale assise à ruminer ?
Un pur régal où picorer régulièrement pour trouver l'inspiration si nécessaire ...
First 2013
* Cette plante était autrefois de toutes les cérémonies. Les mariés se coiffaient d'une couronne de romarin , symbole d'amour et de fidélité.
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : catherine guennec, mots tendres
16/05/2013
Dire/Ne pas dire
Que ceux qui considèrent encore l'Académie française comme une institution au mieux poussiéreuse au pire inutile se rendent ici (clic) !
On y trouvera les réponses à plein d'interrogations sur la langue française et son maniement souvent délicat. Et on peut même poser soi-même des questions !
Bon, nous n'y trouverons pas la réponse à la question que se posait Cuné ici et à laquelle je prends enfin le temps de répondre:
Cet animal bizarre est le résultat de croisements entre un cochon, une chauve-souris et un lapin !
06:00 Publié dans Bric à Brac, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (13)