11/11/2020
à cinq ans, je suis devenue terre à terre
"à l'horizon rectiligne d'une conversation sans but, il arrive parfois qu'un mot fasse éclater la bulle policée du phatique."
Quelle bonne idée de demander à la chanteuse, autrice, compositrice, pianiste Jeanne Cherhal que d'écrire à propos des mots !
Reine des métaphores, elle les personnifie aussi et les célèbre parfois de manière synesthésique, associant un goût à leur sonorité, ce qui nous vaut ainsi un petit délice à l'entrée "Yoga", mot fort usité en ce moment: "Lacté, légèrement sucré, frais sans être glacé, mélange subtil et doux de confiture de rose et de colle Cléopâtre, yoga a le goût du zen. Non seulement, il n'agresse pas, mais mieux, il repose. Il recouvre le palais d'un édredon léger et invite à la contemplation." L’article se termine néanmoins sur une note plus malicieuse et prosaïque !
Car oui, de l'humour il y en a et de sacrés personnages aussi car Jeanne Cherhal nous dévoile un peu de sa famille, de son enfance, de sa jeunesse au fil des entrées. La tonalité se fait parfois plus sombre pour évoquer de manière délicate son père disparu ou le récit d'une amitié toxique illustrant le mot "Vampiriser".
"Sexy", "Féministe", "Sorcière" l’artiste multifacettes nous glisse aussi quelques conseils littéraires et une astuce pour se débarrasser de la lettre W au Scrabble. Ses textes sont de purs délices et certains confinent à la perfection, tel "Procrastiner ou "Cercle". Vite ,précipitez-vous sur ce recueil !
Points seuil 2020
06:00 Publié dans l'amour des mots, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jeanne cherhal
08/09/2020
#Jeparlecommejesuis #NetGalleyFrance
"Traverser ses mots, les comprendre et les entendre, c'est faire le portrait de la société française en ce début du 21 e siècle."
Le postulat de la linguistique cognitive est que "Nos mots, s'ils entreprennent de décrire le monde (ils sont référentiels) décrivent surtout la façon dont nous le percevons (la construction de la référence)."
Se basant sur un corpus de mots et d'expressions un peu parisianiste, elle le reconnaît ,mais pas que , la linguiste et enseignante Julie Neveux a donc dégagé plusieurs tendances et les analyse avec un style enlevé et réjouissant. On est bien loin ici des cours de linguistique que j'ai dû subir dans un autre siècle !
De la technologie qui montre que parfois nous nous prenons pour des machines ("Je suis en mode survie, laisse-moi mourir tranquille", aux bons sentiments quasi obligatoires, sans oublier les revendications féminines , notre rapport aux médias et à l’écologie, on sent que c'est avec délectation que l'autrice collecte et décortique nos tics, métaphores et autres néologismes.
Le propos est clair et d'un enthousiasme communicatif ! J’attends déjà avec impatience son prochain opus: il y aura de quoi faire avec ce "nouveau monde" dont on nous rabâche les oreilles !
Grasset 2020
06:01 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : julie neveux
16/07/2020
Porter sa voix/ s'affirmer par la parole
"Dans nos formations, le collectif fonctionne comme un miroir qui pousse l'individu à se questionner sur ses opinions et ses émotions; en s'ouvrant aux autres, il se révèle d'abord à lui-même. Le groupe, s'il partage des valeurs de bienveillance, s'avère alors un appui incomparable: à l'école, pour développer l’intelligence émotionnelle de l’enfant, à l'âge adulte et en milieu professionnel, pour insuffler un esprit collaboratif qui permet aux employés de s'épanouir."
Le documentaire A voix haute (dont le réalisateur est Stéphane de Freitas) a permis de faire connaître l'association Eloquentia et son concours à l’université de Saint-Denis.
Mais même sans vouloir atteindre le niveau oratoire des candidats de cette épreuve, nous sommes tous amenés à prendre la parole en public,un exercice jusqu'ici peu pratiqué en milieu scolaire. Maintenant que l’Éducation Nationale a instauré davantage d'épreuves orales, quel que soit l'examen, il va bien falloir préparer nos candidats.
En ce moment, les publications fleurissent sur ce thème et l'ouvrage Porter sa voix s'avère des plus intéressants car il souligne l’importance du groupe (maximum une quinzaine de personnes) et la nécessité de la congruence entre les idées exprimées et la manière de les porter , tant par son corps que par sa voix.
Après avoir retracé son parcours personnel et exposé le postulat pédagogique de sa méthode, l'auteur nous livre toute une série d'exercices pratiques, précisant bien l'âge minimum des participants. le tout est émaillé de témoignages et de conseils pour éviter certains écueils aux novices. Un ouvrage qui donne envie de se jeter à l'eau et de tester in vivo !
Éditions Le Robert 2018
06:00 Publié dans Document, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : stéphane de freitas, eloquentia, à vois haute
17/03/2020
#Dehorslatempête #NetGalleyFrance
"Comme après une jachère amoureuse, je me sentais à nouveau disponible pour une rencontre avec un livre, un genre ou un écrivain. Mais c'était décidé, jamais plus je ne lirais d'histoires. C'est ainsi que la poésie est devenue ma méthadone."
Nombreuses sont les métaphores marines qui irriguent ce livre appartenant à la collection Le Courage. Normal, l'un des romans préférés de Clémentine Mélois est Moby Dick.
Dans son panthéon personnel figurent aussi Simenon et son héros Maigret dont elle analyse avec finesse la consommation alcoolique, qui l'amènera à consommer un alcool démodé, car lire entraîne bien des expériences sensuelles.
Au gré des ses humeurs, de ses souvenirs , de ses digressions, nous partageons son amour tant pour les livres que pour la lecture.
Les livres addicts ne pourront que craquer pour ce livre où beaucoup se reconnaîtront, en particulier dans une liste où elle confesse certaines habitudes liées aux livres...
Grasset 2020.
De la même autrice: clic
06:00 Publié dans Essai, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : clémentine mélois
09/10/2019
#SurLeBoutDeLaLangue #NetGalleyFrance
"Soyons des écologistes des mots, savourons les les espèces menacées que sont "fuligineux", "alacrité", "polymathe", "évergète" ou "parousie" ! "
C'est par le documentaire "A voix haute: la force de la parole "réalisé par Stéphane de Freitas en 2016 que j'ai découvert l'enthousiaste Bertrand Périer, avocat, enseignant et surtout amoureux fou des mots.
L'occasion était trop belle de prolonger ma découverte de l'univers de cet homme passionné par les mots de la loi, bien sûr, mais tout autant par ceux de la musique, de la nourriture ou de l'amour, entre autres.
L'avant-propos est une véritable déclaration d'amour aux mots," [ses]plus chers compagnons" car ils offrent "une infinité de portes ouvertes sur le monde".
Ce goût des mots, il s'efforce de le transmettre aux jeunes, via des cours et des concours d'éloquence, et ici même par quelques propositions ludiques à la fin de chaque chapitre.
Si j'ai d'abord été un peu déroutée par ce qui s'avère être en fait un portrait de l'auteur via certains mots appartenant à ses domaines de prédilection, j'ai été ensuite portée par l'écriture fluide de celui qui sait si bien transmettre ses émotions. Un grand plaisir de lecture.
Jean-Claude Lattès 2019
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bertrand périer
08/05/2019
Tsun-dico
Nous pratiquons, toutes et tous,à des échelles différentes, avouons-le, le tsundoku, mot japonais désignant "l'accumulation de livres qui ne sont jamais lus"...Un mot qui mériterait d'entrer dans notre vocabulaire, non ? Il n'est pas le seul.
Sabine Duhamel s'est amusée ainsi à recenser 200 mots que le français devrait emprunter aux autres langues et c'est un pur régal pour les curieux et les amoureux des mots !
Ainsi voudrions-nous tous profiter du kwadi, terme issu d'un dialecte brésilien traduisant "le bien-être que l'on ressent lorsqu'on se réchauffe et paresse au soleil".
Faute de mieux, les finlandais ont un terme pour évoquer le fait de "se prendre une cuite seul chez soi et en sous-vêtements" (!) : kalsarikannit. Plus conviviaux, les Allemands pratiquent le fruhschoppen, soit le fait de "boire en bonne compagnie des boissons alcoolisées dès le matin", ce qui peut, mine de rien, si l'on enchaîne amener à la walk of shame britannique, soit littéralement "chemin de la honte" et désignant le fait de "rentrer chez soi en titubant parce qu'on a trop bu ou rejoindre son domicile au lendemain d'une soirée avec une énorme gueule de bois et ses vêtements sales de la veille". Ne reste plus qu'à offrir à sa douce (ou son doux )pour se faire pardonner un Drachenfutter allemand (littéralement nourriture du dragon), soit un cadeau pour l’amadouer.
Rassurez-vous tout ne tourne pas autour de la boisson , loin s'en faut , et c'est un pur régal que de découvrir ces termes hyper précis, révélateurs des particularités de plus de 70 langues et /ou dialectes !
Autrement 2019.
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sabine duhamel
04/12/2018
Mes émotions en expressions
"On peut dire qu'on s'ennuie comme un rat mort ou comme un crouton derrière une malle !"
La peur, l'émotion et la joie sont les émotions ayant donné naissance aux expression imagées les plus nombreuses de ce recueil, mais la tristesse, l'ennui, la fierté , la surprise et la honte ne sont pas en reste ! Une chose est sûre: dévorer cet ouvrage de lexicographes éminents comme Alain Rey et Danièle Morvan , le tout illustré par les malicieux dessins de Roland Garrigue, nous fait voir la vie en rose ! Ce n'est jamais la barbe et les lecteurs, petits ou grands ne monteront pas sur leurs grands chevaux, bien au contraire !
Ils prendront même plaisir à frisonner un peu au vu de la faucheuse et souriront à voir la tête d'enterrement d'une demoiselle d'honneur tout de rose vêtue (ma chouchoute).
A offrir sans modération !
Merci à Masse Critique et aux éditions Le Robert.
06:00 Publié dans Jeunesse, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : alain rey, roland garrigue, danièle morvan
20/03/2018
Maudits mots
"Comment s'y prend-on pour faire mouche ? Il s'agit, toujours et partout, de mettre l'accent sur une différence, fut-elle fantasmatique, et d'en faire un stigmate."
Dans son introduction, la linguiste et sémiologue Marie Treps, souligne le fait que maintenant en France les propos xénophobes sont punis par la loi mais que , néanmoins, des précautions langagières , des stratégies d'évitement (insinuations, périphrases, euphémismes...) permettent à ceux tenant des propos racistes d'échapper aux sanctions.
Elle a donc décidé de faire un état des lieux, inscrivant notre rapport à l'Autre dans la continuité historique, rappelant ainsi que des raisons politiques ou économiques (traites négrières, colonisations ...) sont à l'origine de ces appellations. Ses propos sont étayés par une brassée d’exemples tirés de textes aussi bien anciens que contemporains.
Par chapitres plus ou moins gros, suivant l’importance du corpus, de "Allemands " à "Polonais et Russes", elle scrute ainsi ces Maudits mots, avant que d'envisager dans son tout dernier chapitre "Retours de bâton" , la juste conséquence, à savoir les insultes dont nous bénéficions à notre tour, de "gaulois"à "fesse de craie" !
On sort de cet ouvrage très riche un peu nauséeux devant tant d'irrespect et de manque d'humanité. Un indispensable !
Merci aux Éditions Tohubohu et à Babelio.
06:00 Publié dans Essai, l'amour des mots, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : marie treps
26/02/2018
J'apprends le français
"Ce que je leur devais aussi, c'est de dire que non seulement, ils nous apportent mais qu'ils nous rapportent. Si ce livre ne parvenait à persuader ne serait-ce qu'un seul lecteur, je n'aurais plus à rougir ni à regretter de m'y être dévoilée. L'accueil de l'étranger n'est pas une charité mais un échange. Il nous ouvre un monde dont nous n'avons pas idée. Il démultiplie nos points de vue, enrichit nos perceptions. Nous en tirons bénéfices."
Marie-France Etchegoin, journaliste de profession, s'est improvisée formatrice en Français Langue Étrangère auprès de migrants venus d'Afghanistan, d’Érythrée, du Soudan. Elle s'est très vite investie et a beaucoup appris, autant qu'elle a enseigné.
Tout dans cet enseignement est fluctuant car les migrants, en plus des épreuves tant physiques que morales qu'ils ont dû affronter, sont en butte aux rouages d'une administration kafkaïenne qui risque de les renvoyer dans le pays qu’ils ont fui.
Tout dans cet ouvrage généreux et engagé est intéressant au plus haut point. L'auteure y dévoile son propre rapport à la langue, car elle ne veut pas se tenir en retrait, comme une ethnologue distanciée, l'enthousiasme de ses élèves, leur foi en la France et en sa langue. J'y ai aussi découvert avec effarement la situation politique en Érythrée, un véritable enfer sur terre. Un livre nécessaire et passionnant, piqueté de marque-pages.
06:00 Publié dans Document, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : marie-france etchegoin
23/10/2017
Les mots du bitume
"L'argot, lui ,fait preuve d'une grande hospitalité envers ce que l'on considère comme des fautes.C'est une langue qui ne juge pas, qui ne condamne pas mais qui accueille."
Longtemps je me suis réveillée de bonne heure en fin de semaine, pour le seul plaisir d'écouter les chroniques d'Aurore Vincenti sur France Inter. (clic)
Les mots du bitume, qui reprend les meilleures d'entre elles, permettra à tous de les (re) découvrir sans avoir à se lever dès potron-minet. L'occasion aussi de mieux comprendre les extraits de rappeurs diffusés dans l'émission et dont le flow*, ajouté à cette langue quasi étrangère pour moi, ne garantissait pas forcément la compréhension à cent pour cent.
De Rabelais à Booba, en passant par des extraits de dialogues d'Audiard ou de chansons de Brassens, rien de ce qui est linguistique n'est étranger à Aurore Vincenti et elle fait son miel (et le notre) de ces auteurs éclectiques, retraçant avec gourmandise et humour tant l'origine des mots que leur nuances ou leurs évolutions.
J'ai ainsi découvert que la ville de Grigny était particulièrement féconde en créations l'ingusitiques, que le romani, l'arabe ou les langues africaines nous prêtaient généreusement leurs mots, mais aussi que parfois, l'anglais, auquel les rappeurs français se réfèrent souvent, ne fait qu’emprunter au ...français ! Ainsi en est-il du fameux spoiler (divulgâcher) venant "De l'ancien français espillier qui signifiait "dépouiller" , "piller"et même "spolier"".
De l'érudition en pagaille donc, mais de manière enjouée. Un pur régal préfacé par le maître Alain Rey.
Le Robert 2017.
* flux, débit de paroles dans le rap.
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aurore vincenti, alain rey