04/05/2011
Toute seule loin de Samarcande
"Son avenir était un trou noir."
Quasiment jetée hors d'une voiture, Regina est abandonnée sur une place en Europe, Toute seule, loin de Samarcande.En attendant que le jour se lève , elle se remèmore son passé en Ouzbékistan, où russophone et arménienne d'origine, sa famille a été persécutée, son père assassiné sous ses yeux.
L'éclatement de l'U.RSS et ses conséquences sur la mosaïque de peuples qui la constituait sont abordées ici avec beaucoup de clarté et d'empathie. Le parcours de cette adolescente, ballotée par l'histoire et la géographie est très émouvant même si l'écriture est un peu trop en retrait à mon goût.
Dans les remerciements, l'auteure qui enseigne en Belgique , nous éclaire sur ce que le lecteur avait intuitivement deviné: le personnage de Regina a été nourri des témoignages de jeunes réfugiés de tous horizons qui ont confié "des secrets de vie enfouis dans leurs coeurs". Un livre généreux et nécessaire.
Toute seule loin de Samarcande, Béa Deru-Renard, Médium de l'Ecole des Loisirs 2011, 160 pages desservies peut être par une couverture par trop sombre et peu lisible.
06:00 Publié dans Jeunesse, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : béa deru-bernard, réfugiés, éclatement urss, résilience
01/05/2011
Liberté, égalité, ...Mathilde
La classe de CM2 de Mathilde sera-t-elle sélectionnée pour participer au Parlement des enfants ? Que fera la petite fille si après une campagne qui n'a rien à envier à celle des adultes, elle est élue ?
Le roman de Sophie Chérer est un excellent rappel de l'initiative de Philippe Séguin (la création du Parlement des enfants) mais aussi une façon de ruer dans les brancards et de montrer la manière dont on tente de l'édulcorer et de le formater. Bien évidemment Mathilde parviendra à s'exprimer en toute liberté et en faisant fi des discours convenus...
Un roman dont la dédicace donne le ton : "Aux enfants qui , chaque année , viennent à l'Assemblée Nationale pour y prendre une leçon de démocratie, et en repartent en l'ayant donnée aux adultes."
Liberté, égalité...Mathilde, Sophie Chérer, Mouche de l'Ecole des Loisirs 2011, 69 pages toniques, vitaminées par les dessins malicieux de Véronique Deiss.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sophie chérer
20/04/2011
Le voyage de Mémé
"Elle essayait de comprendre la France et Paris."
Ce n'est même pas sa grand-mère préférée mais c'est avec beaucoup de tendresse et d'humour que Gil Ben Aych nous relate cette traversée de Paris d'un nouveau genre.
La famille de l'auteure a quitté l'Algérie en 1956 et a eu le temps de s'habituer à un nouveau mode de vie (ce que raconte l'auteur dans L'essuie-mains des pieds). il n'en est pas de même pour Mémé qui vient, en 1962 de débarquer en france et se voit contrainte de déménager de Paris à Champigny. Une vingtaine de kilomètres qui vont devenir une véritable épopée car Mémé "ne pouvait prendre ni voiture, ni taxi, ni bus, ni métro, ni rien. Elle pouvait marcher, c'est tout. " Le voyage sera d'autant plus mémorable que la dite grand-mère se "croyait encore à Tlemcen. Elle n'avait pas vraiment compris qu'on était à Paris". Et Mémé de saluer tous les gens dans la rue, de s'offusquer des mini jupes et des femmes qui fument dans la rue...
Mais ce qui fait aussi la saveur de ce récit c'est l'oralité de la langue car Gil ben Aych restitue la manière de parler de sa grand-mère , ponctuée de " t'y as raison", de "mon fils" et mâtiné de mots arabes. On l'entend cet accent pied-noir ! En chemin, la grand-mère évoque son passé, son mariage de raison devenu mariage d'amour, se repose, savoure le temps qui passe, s'étonne beaucoup, découvre un univers qui n'a rien à voir avec le pays qu'elle a quitté il y a peu mais qui lui manque déjà cruellement...Une manière de faire comprendre avec délicatesse le déracinement...
Un classique de la littérature jeunesse réédité en 2011 par l'Ecole des Loisirs, Le voyage de Mémé, Gil ben Ayach, 93 pages tendres.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gil ben aych
26/03/2011
Sacrée kornebik
"J'aime les cornes, les biques et les cas."
Luce n'aime plus son prénom. Peut être sans se l'avouer ne supporte-t-elle plus surtout ses parents qui font assaut de perfection tant dans leur comportement (pas de disputes) que dans leur alimentation (bien équilibrée, fruits et légumes à volonté !). Bien sûr ils l'aiment mais un peu de folie ne peut nuire et si un jour un grand coup de vent souffle sur le marché où se rendent les parents de Luce, madame Kornebik, qui résout tous les problèmes y est sans doute pour quelque chose...
Un livre malicieux, plein de fraîcheur et d'humour, à lire aussi bien par les enfants qui commencent à lire tout seuls que par leurs parents...
Les illustrations , pleines de poésie, de Dorothée de Monfreid accentuent cette atmosphère magique.
Sacrée Kornebik, Nathalie Kuperman, Mouche de l' Ecole des Loisirs 2011
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nathalie kuperman
10/03/2011
A la recherche du paon perdu
"Maurice avait raison,on ne pouvait pas être deux minutes tranquille dans cette maison ! C'était pire que dans ma chambre, ici ou quoi ?"
Mollux n'a rien d'un super héros: c'est un adolescent grand dévoreur de mousses au chocolat et de dictionnaires, cette dernière caractéristique lui permettant d'affubler ses profs de surnoms assez bizarroïdes. Tout aussi étrange est son père, qui ne lui a parlé que deux fois, ce qui lui vaut le sobriquet de Sauf2fois.
Oui mais voilà ce paternel plutôt mutique va rapporter un jour, en douce, à la maison un paon ! Paon qui va bientôt disparaître. Ainsi que Sauf2fois peu de temps après. Commence alors une folle aventure où Mollux va entraîner son compère l'inénarrable Procopé et où il gagnera bien plus que la solution d'une énigme: la découverte-au moins partielle- de son père.
Attention, bouclez vos ceintures avant d'embarquer dans le monde complètement foldingue de Mollux et de sa famille ! Entre la mère (l'Outarde) qui se lance dans de hasardeuses créations culinaires ("un délicieux mélange d'endives un peu brûlées, de farine, d'eau, de cacahuètes et de tranches de jambon élastiques" , Procopé qui "vit en altitude, et [dont] le haut de la tête a la forme d'une roquette antichar", le chat SoupeChaude et tous les autres personnages farfelus en diable vous n'aurez pas le temps de souffler une seconde !
Mollux , roi de l'autodérision,"Pendant que j'hésitais devant le présentoir (Matières grasses végétales hydrogénées, sirop de glucose, extraits de malt,lécithine de soja, lactosérum en poudre, comment choisir parmi tant de merveilles? )" porte un regard moqueur sur le monde des adultes "Un divorce, une baraque en pente et un petit divan en skaï. les adultes ont parfois des rêves un peu rétrécis, vous n'êtes pas d'accord avec moi? " et a le chic pour croquer en quelques lignes acérées quiconque croise sa route,( surtout ses profs, mais c'est de bonne guerre !).
Angélique Villeneuve passe à la moulinette la vie d'une famille en apparence des plus ordinaires mais en profite aussi pour rappeler que si l'adolescent est parfois une énigme pour ses parents, l'inverse est aussi vrai. Un cocktail d'humour et de tendresse pour un roman que les parents chiperont à leurs rejetons !
A la recherche du paon perdu, Angélique Villeneuve, Les grandes personnes, 2011, 189 pages dans lesquelles vous allez adorer vous glisser !
06:00 Publié dans Humour, Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : angélique villeneuve
03/03/2011
Malo de Lange, fils de Personne
"Mais si je n'aidais que les saints, je serais au chômage, comme disait Jésus à son papa."
Malo de Lange poursuit ses aventures et, de déguisements en mauvaises rencontres, échouera dans l'enfer du bagne de Brest, ce qui nous vaudra au passage l'explication du juron si cher au capitaine Haddock.
Il aime aussi et ses amours sont bien évidemment contrariées car son rival n'est autre que le fils du préfet de police.
Un pied chez Dickens et l'autre chez Vidocq, l'inspiration de Marie-Aude Murail ne s'essouffle pas et nous donne un roman plein de pittoresque mais où les sentiments sont un peu moins présents. On ne s'ennuie pas une minute même si l'effet de surprise a disparu. Un roman confortable et qui tient toutes ses promesses !
Malo de Lange, fils de personne, Marie-Aude Murail, Ecole des Loisirs 2011, 243 pages qui fleurent bon l'arguche !
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : marie-aude murail
24/02/2011
On n'est pas des oiseaux
"Le bonheur est dans les forêts, et il est dans les jardins."
Il y a du grabuge entre les parents de Camille et Matthieu. Chacun des enfants s'accommode comme il peut de la situation, s'échappant pour l'une dans les rêves et dans son paradis: son jardin chéri. Pour l'autre dans des colères et des crises de somnambulisme.
Pourtant, quand tout va soudain changer, les deux enfants feront face. Ensemble devant l'inacceptable.
Commencé comme une histoire de couple qui se déchire devant des enfants, On n'est pas des oiseaux bascule page 49 dans une situation qui va dépasser Camille et Matthieu et à laquelle ils feront face de manière à la fois surprenante et d'un pragmatisme forcené, qui pourra choquer certains.
Mais l'écriture fluide et poétique de Gisèle Bienne nous épargne tout aspect sordide et l'évocation du jardin en particulier et de la nature en général comme havres de paix sont autant de respirations dans un texte qui dépeint de manière fine et acérée la fin de l'enfance . L'amour, même chez les oiseaux ne se vit pas forcément dans la fidélité et la pérennité, comme le rappellent au passage les paroles de Barbara qui scandent ce roman troublant, aussi bien destiné aux adultes qu'aux adolescents.
On n'est pas des oiseaux, Gisèle Bienne, collection médium de l'Ecole des loisirs 2011 , 207 pages qui m'ont donné envie de poursuivre ma découverte de cette auteure que je ne connaissais que de nom (et aussi par le titre , fascinant d'un de ses romans : Bleu, je veux.)
Ps: je suis fan de la couverture de Sereg ! (plus taupe que grise).
pps: à noter la mention du nom très évocateur d'une boutique de perles: "Le nid de la pie" qui existe pour de vrai à Reims!:)
Le site de Gisèle Bienne
Gisèle Bienne à L'école des loisirs.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : gisèle bienne, fraternité, jardin
18/02/2011
Aux bords du lac Baïkal
"Il faut dire que la pitié, les gloutons, ça les faisait bien rire."
Une même scène, aux bords du lac Baïkal vue par douze paires d'yeux différents (moins un oeil, la pie est borgne !). Parmi ces narrateurs, un seul animal humain : un jeune chaman , Geirg Dordjé, le seul à être capable de capter ces paroles muettes échangées par la faune locale, mais comme il est peu loquace, pas de danger qu'il les répète.
Un monde "beau, implacable" où il ne fait pas bon être une marmotte trop gourmande ou un glouton pas assez agressif, mais un monde aussi où l'on croise un aigle maladroit, un tigre plus paresseux que féroce et surtout mon chouchou, l'inénarrable l'escargot Dwayne Dodo qui" se raconte à lui même des histoires qui le font rire jusqu' à l'intérieur de sa coquille. " En outre ce gastéropode est persuadé, en toute modestie, d'être l'animal le plus beau du monde !
Les noms des héros de ces nouvelles sont à eux seuls un vrai régal (citons au passage l'ours Pandolphe Popovitch) et Christian Garcin, un peu dans l'esprit des Histoires comme ça de Kipling, n'hésite pas à créer des effets de refrains , ce qui renforce la continuité d'un texte à l'autre.
Un livre qui vous prend par la main, quel que soit votre âge, et qui ne vous lâche plus ! Un vrai coup de coeur !
Cuné a aussi été séduite !
Aux bords du lac Baïkal, Christian Garcin, Ecole des Loisirs 2011, 134 pages pleines de surprises et d'humour !
06:00 Publié dans Jeunesse, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : christian garcin, animaux, humour
17/02/2011
Le dur métier de loup
Le jour de son septième anniversaire , les parents de Lucas, loup de son état, lui demandent ce qu'il veut faire. Et Lucas de répondre aussitôt : "C'est facile. je serai loup." Hélas la forêt est trop petite , il n'y a plus assez à manger : Lucas devra partir et trouver un autre métier.
Emportant un baluchon, contenant le vent qui ne parle qu'allemand, voici donc Lucas parti à l'aventure. Au fil de ses rencontres, le petit loup trouvera sans doute ce qui lui plaît vraiment et apprendra aussi à se faire confiance et à faire confiance aux autres.
Joli programme donc pour ce louveteau mais joli programme aussi pour les cinq auteurs successifs des différents chapitres de ce roman d'apprentissage tendre et poétique : Alex Cousseau, Kéthévane Davrichewy, Marie Desplechin, Christian Oster et Olivier de Solminihac. Chacun d'entre eux a su à la fois se couler dans cette histoire et l'imprégner de sa personnalité. Les différentes tonalités ne nuisent en rien à la fluidité du récit et les illustrations épurées et souvent malicieuses de Delphine Perret accompagnent avec bonheur le jeune lecteur dans sa découverte d'un monde qui n'est à la fois ni aseptisé ni trop rude. Un très joli conte initiatique.
Le dur métier de loup, Mouche de l'école des Loisirs 2011.
54 pages pleines de musique.
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : loup, alex cousseau, marie desplechin, kéthévane davrichewy
27/01/2011
Oeuf
Il a neuf ans, vient de perdre sa mère et vit chez sa grand-mère qui supporte tant bien que mal ses sautes d'humeur et son comportement bizarre.
Elle en a treize, possède une mère folledingue dont elle se passerait bien volontiers, dort dans un van très cosy, est très débrouillarde.
Forcément ils ne pouvaient que se rencontrer. Ce sera au cours d'une chasse à l'oeuf à laquelle ni l'un ni l'autre ne voulaient participer.
David et Primrose, de chamaillerie en chasse aux vers de nuit, apprennent à se connaître, à devenir amis et à surmonter, chacun à leur manière, les épreuves de la vie. Un roman chaleureux et loufoque, sensible et plein d'empathie. Une très jolie découverte.
Oeuf, Jerry Spinelli, traduit de l'anglais par Jérôme Lambert, Ecole des Loisirs 2011, 247 pages tendres.
06:01 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jerry spinelli