01/07/2014
Trop
"Nous sommes les enfants gâtés et gavés qui à Noël n'ouvrent plus leurs cadeaux."
Un titre court, efficace, en opposition avec l'avalanche de produits qui s'alignent sur les rayons de nos supermarchés, la multiplicité d'écrans que nous consultons, le flot continu d'informations auquel nous sommes soumis chaque jour. Sans oublier "Partout un fond musical, comme on dit un fond de sauce. La musique est utilisée comme sauce, une sauce insipide pour relever le goût insipide des choses, donner du goût à ce qui n’en a pas."Une sensation d'étouffement accentuée par ces pages intercalaire où court à l'infini cette antienne: "trop c'est trop".Contre cette société du trop Jean-Louis Fournier s'insurge. En de courts chapitres, il souligne l'absurdité de notre propension à stocker de la culture dont nous n'aurons jamais le temps de profiter. L'humour lui-même n'est plus dans une relation d'humain à humain car les humoristes dans les salles gigantesques où ils officient s'adressent à la foule: "On est entre clients. Nos rires font le bruit d'une caisse enregistreuse."
Un panorama exhaustif et grinçant où l’absurde se faufile souvent dans ces énumérations de nos aberrations quotidiennes( auxquelles nous sommes trop rompus pour y prêter encore attention), ainsi ce savoureux "Sel de hareng obtenu par lyophilisation de la sueur des harengs en nage." Salutaire.
Trop, jean-Louis Fournier, Éditions de la différence 2014, 181 pages.
le billet d'Yv qui m'a donné envie.
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18/06/2014
Le théorème du homard
"La dynamique émotionnelle était tellement complexe !"
Hyper doué en génétique, Don Tillman l'est nettement moins en relations humaines ! Pour trouver l'épouse parfaite, il met au point un questionnaire des plus sélectifs et rationnels qui lui évitera, pense-t-il ,de nouvelles pertes de temps, un de ses autres obsessions. Évidemment, pour le plus grand plaisir du lecteur Don va rencontrer Rosie qui est l'antithèse parfaite de ce qu'il recherche. Mais est-ce bien si sûr ?
Du décalage entre ce surdoué qui a su aménager ses incompétences sociales et s'efforce d'apprendre les émotions dont il semble dépourvu en visionnant des films et les situations complètement loufoques dans lesquelles il se fourre, naît bien évidemment le rire, ponctué de quelques pointes d'émotion qui ne gâchent en rien l'affaire.
Malgré quelques baisses de rythme en fin de lecture, Le théorème du homard est un roman qui porte une grande attention au langage de ses personnages, réserve de nombreuses surprises et fait remonter notre moral en flèche !
Le théorème du Homard, Graeme Simsion, traduit de l'australienpar Odile Demange, Nil 2014
Merci Cuné !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : graeme simsion
13/06/2014
Comme la grenouille sur son nénuphar...en poche
"ô Gravité où est ton hameçon, ton fil, le plomb au bas de ta ligne ? "
Pas de doute: "les Parques se plaisent à venir cracher dans ton potage", Gwendolyn! Tu n'as plus qu'à "enfiler ton soutien-gorge pare-balles" pour affronter ce qui risque d'être le plus long et le plus éprouvant week-end pour la trader de Seattle que tu es !
Jugez en un peu: les cours de la Bourse s'effondrent et avec eux tes rêves d'ascension sociale, le singe kleptomane de ton petit ami s'enfuit ,ta meilleure amie disparaît... Mais heureusement dans toute cette pagaille apparaît Diamond, un broker de retour de Tombouctou, charmeur en diable (ou baratineur de génie ) qui va te mettre "au défi de t'intégrer dans quelque chose qui t'es totalement étranger, de sortir du domaine de tes attentes habituelles", bref de jeter un grand coup de pied au Rêve Américain, "de sortir de cette transe où ne comptent que les biens matériels".
Une ville, Seattle où les rayons de soleil "se comportent en touristes" (et qui nous donne l'occasion de superbes descriptions de la pluie entre deux péripéties ), une ville où galope notre héroïne , tiraillée entre la recherche de la satisfaction immédiate et le grand saut dans l'Inconnu, un monde où l'on s'inquiète de la disparition des grenouilles, où l'on croise un médecin japonais qui aurait découvert un remède au cancer mais un monde aussi où l'on peut prendre le temps de s'envoyer en l'air et de vivre une histoire d'amour à la fois débridée et tendre.
Pas de temps morts, tant au niveau du récit que du style , corrosif, plein d'humour et d'inventivité, les métaphores, les comparaisons, mon péché mignon, sont follement réjouissantes, : "Contrairement à l'Américain moyen, elle a une capacité d'attention qui dépasse en durée un orgasme de Mormon", et on sourit tout le temps de la lecture, en se laissant prendre au piège du baratin allumé de Diamond.
Comme la grenouille sur son nénuphar nous fait entrer dans ce monde fou fou fou (qui est le nôtre ) et nous ne lâchons pas une minute ce roman car il y a plus d'imagination dans une phrase de Tom Robbins que dans l’œuvre complète de n'importe quel écrivaillon français.
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : tom robbins
08/06/2014
Oiseaux, bêtes et grandes personnes
"Ne faites pas attention à nous. Elle vit pour manger, boire et se disputer, et ma besogne est de pourvoir à ces trois choses."
Corfou, un magnifique terrain de jeux et d'exploration pour le jeune Gerald Durrell et son chien Roger . Passionné de nature, mais aussi curieux des mœurs des autochtones, le jeune garçon ramène toute une ménagerie à la maison : de bébés hérissons jusqu'à un magnifique "crapaud aux pattes spatulées qu'[il] baptisa Augustus Tickletummy".
Ses frères et sœurs adultes sont à l'avenant car, s'ils s'offusquent des trouvailles de leur benjamin, eux n'hésitent pas à ramener de drôle d'humains à la maison ou à entretenir des passions pour le moins particulières avec l'au-de là. Le tout sous le regard bienveillant de leur mère.
Excentrique et attachante, la famille Durrell continue à nous faire rire et sourire tant la manière de raconter de Gerald est pleine de vie et d'entrain.
Le premier volume de la trilogie de Corfou est ici : clic
La trilogie de Corfou ressort dans une nouvelle édition : la Table Ronde 2014.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gerald durrell, nature, corfou
27/05/2014
Sans voix
"Et elle se demanda pourquoi un livre devrait remporter ce foutu prix auquel elle participait à moins d'avoir une chance de faire comme la pièce de Shakespeare à l'instant : revenir à la mémoire d'une personne lorsqu'elle voulait pleurer mais n'y arrivait pas , ou voulait réfléchir mais ne réussissait pas à penser clairement, ou voulait rire mais ne voyait aucun motif de gaieté."
Bienvenue dans l'univers absurde d’attribution des prix littéraires anglais ! Là, tout n'est que chaos et tractations, passe-droits, égos surdimensionnés et discours amphigouriques. On y croisera un livre de cuisine indienne promu au grade de roman, un ou deux plagiats, des romans écossais sans oublier tout le monde de l'édition et des auteurs , plus vrais que nature !
Ce roman débridé cavale à toute allure , multipliant les coups de griffes mais avec une certaine tendresse au demeurant pour ceux qui défendent, malgré tout, cet univers du livre. Une satire qui, bien évidemment, ne pourrait s'appliquer au monde des lettres françaises...
Sans voix, Edward St Aubyn, traduit de l'anglais par Jacqueline Odin, C. Bourgeois 2014, 218 pages bruissantes de marque-pages.
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : edward st aubyn, attribution d'un prix littéraire
23/05/2014
Literary life
"Reste , Charlotte ! ...Tu ne peux pas me laisser tomber maintenant, je n'ai pas terminé mon roman-j'ai besoin de ton malheur !"
Parues chaque samedi dans The Guardian rewiew, Literary Life (mais pourquoi diable avoir gardé le titre en VO ?), ces chroniques ont comme sujet imposé la vie des lettres. Sujet que connaît bien Posy Simmonds puisqu’elle l'avait déjà abordée, sous des angles différents avec Gemma Bovery (bientôt au cinéma avec Gemma Arterton et Fabrice Luchini) et Tamara Drewe (porté à l'écran par Stephen Frears).
Petites librairies indépendantes, supermarchés du livre, rivalités entre auteurs, ateliers de creative writing, autant de figures imposées dont Posy Simmonds se tire avec brio. On appréciera aussi son art de la satire avec le duo Dr Derek/ Nurse Tozer, graphisme tout droit sorti des sixties, qui soigne avec abnégation les affres des créateurs (le syndrome du deuxième roman) ou débusquent sans pitié les cas de plagiat"Hoquetmingway" ou "toux rgueniev"!
Traquant les petitesses et les faiblesses des écrivains sans méchanceté, Posy Simmonds souligne aussi les a priori concernant les auteurs jeunesse ou montre la "torture" que peuvent être les interventions dans les classes ou les séances de dédicaces sans lecteurs... C'est dessiné avec tendresse et empathie, et ça se lit tout seul ! Une BD à savourer à petites gorgées pour mieux l'apprécier.
Literay Life, scènes de la vie littéraire, Posy Simmonds, traduit de l'anglais par Lili Sztajn & Corinne Julve, Denoël 2014.
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22/05/2014
Les gens sont les gens
"Sa femme, malheureuse depuis trop longtemps, avait clairement pété une durite.ça marchait comme ça, le malheur. Il nous faisait dérailler.à la fin, il nous tuait. Mais , avant ça, il nous faisait dérailler."
Sur une impulsion , parce que "C'est pas tolérable une souffrance pareille...Il faut que ça s'arrête , la souffrance !" Nicole, psychanalyste de 57 ans enlève Foufou, porcelet de quelques mois, à son enfer campagnard,le fourre dans sa voiture et le ramène dans son très chic appartement parisien.
Cette rencontre improbable va générer toutes une série de situations cocasses et faire basculer la vie de Nicole et de certains de ses patients du côté ensoleillé de la vie.
Roman à l'écriture parfois un peu trop oralisée,( un "je m'en rappelle" m'a même fait sursauter...), au rythme enlevé (149 pages), Les gens sont les gens remplit parfaitement son office : nous distraire et nous faire sourire, sans prétentions.
"Le roman antidépresseur", annonçait le bandeau, je n'irai pas jusque là mais j'ai effectivement passé un excellent moment avec Foufou que Stéphane Carlier a parfaitement croqué, au sens figuré, bien sûr !
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : stéphane carlier, le roman antidépresseur
13/05/2014
Tout se mérite
"-Non, ça ne va pas en "métaux". D'abord faut contacter le fabricant pour savoir si l'alliage utilisé contient moins de 3,5% de tungstène et puis le revendeur pour qu'il confirme que la vente est postérieure à mars 2003. Et ensuite revenir ici avec un certificat complet, daté et visé par la préfecture. Pour commencer."
Voilà pour le passage à la déchetterie ! Tout se mérite , affirme Voutch sur la couverture de cet opus où un couple sourit, façon puzzle.
Et de passer en revue les applications de portable, le "coming out" sauvage en deux minutes top chrono, sur arrière plan de réception à la campagne, le cynisme et la bêtise des banquiers exposés crûment, les thérapies, les implants capillaires, le refus d'être un objet sexuel, l'art de présenter la tromperie et les enfants hors-mariage comme " contribution personnelle à la biodiversité", bref un joyeux panel de nos obsessions contemporaines !
Quant aux dessins, ils sont toujours aussi précis dans les détails, aussi beaux à regarder et le contraste entre l'harmonie du décor et l’aspect corseté des personnages toujours aussi efficace ! Éclats de rires garantis !
Déniché à la médiathèque !
06:00 Publié dans BD, Humour | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : voutch
29/03/2014
Mes élèves sont formidables
200 perles entendues en classe
Qu'ils soient prudents comme Hédi , 10 ans s'enquérant : "-M'sieur, si on rigole quand vous vous fâchez, est-ce que vous pouvez avoir le sens de l'humour ? ", pleins de fraîcheur comme Lou, 9 ans "-Ma grand-mère, elle s' habille toujours en noir, mais je ne sais pas si c'est une gothique.", rapporteurs comme Florian , 17 ans "-M'sieur, faites gaffe Lui, c'est un vrai vicieux. Il travaille mais il ne le dit pas.", tous les bons mots recueillis de l'école primaire au lycée nous font bien rigoler !
J'avoue avoir tendance à préférer les réflexions candides des élèves plus jeunes, révélant parfois , involontairement, au passage des indiscrétions sur la vie de leurs parents (ou des difficultés économiques, malheureusement) que celles des lycéens car trop proches sans doute de ce que je peux moi-même entendre : "-M'sieur, vous avez de ces questions !" . Mais je me suis bien amusée et j'ai dévoré d'une traite ce collier de "perles" témoignant aussi d'une belle inventivité langagière et d'un regard souvent aigu sur le monde !
Un petit plaisir à (s')offrir
Mes élèves sont formidables, Dominique Resch, Éditions Autrement 2014 141 pages et des illustrations de Zep. (celle de couverture est particulièrement réussie !)
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : dominique resch
03/03/2014
La fin du monde a du retard
"-Tu peux compter sur moi. Dès que j'ai sauvé le monde, je me lance dans une opération vide-greniers."
Alice et Julius, deux amnésiques, s'échappent de la clinique psychiatrique où il sont traités. Alice est totalement dénuée d'émotions et Julius est persuadé qu'un terrible complot menace l'humanité.Pour le déjouer, il leur faudra s'emparer d'un mystérieux Codex et échapper aux nombreux poursuivants qui sont à leurs trousses. Cette "quête qui tourn[e]à la collection de désaxés", enchaîne les"péripéties d'anthologie alliant surprise épique et burlesque échevelé" contient, au bas mot, une trouvaille humoristique par page ! Mais comment fait-il ?
D'autant que, mine de rien, c'est toute une réflexion enjouée et intéressante qui s'intercale avec bonheur entre les épisodes de cette folle course-poursuite ,sur la nécessité de fictionnaliser nos existences. Clins d’œil en tous genres (les frères Volfoni des Tontons flingueurs !) trouvailles langagières, commentaires sur le récit qui se met en place sous les yeux du lecteur ,font de ces 400 pages un pur bonheur de lecture! Et zou, sur l'étagère des indispensables !
La fin du monde a du retard, J.M.Erre, Buchet-Chastel 2014.
L'avis de Cuné qui a porté le premier coup .
Celui de Clara qui a été fatal !
06:00 Publié dans Humour, l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : j.m. erre