08/06/2015
Enfant terrible
"L'art était une réponse possible aux hurlements, mais la vie se contentait de hausser les épaules et de suivre son cours."
"Cigarettes ,whisky et p'tites pépées" chantait Eddie Constantine (et Annie Cordy !) dans les années soixante. Un programme que pourrait reprendre à son compte en 2013 Kennedy Marr ex-romancier irlandais à succès, devenu spin doctor pour scénarios à Los Angeles.
Entre principe de plaisir et principe de réalité, il a résolument opté pour le premier mais la vie va conspirer pour le ramener à son point de départ , ou presque, car il va devoir enseigner durant une année dans l'université anglaise où travaille son ex-femme. L'occasion de renouer avec sa fille et d'aller enfin voir sa mère, très malade.
Quel régal que ce livre ! Je craignais les pages fleurant bon, au mieux la testostérone, au pire la misogynie la plus crasse,mais j'ai découvert un personnage attachant en diable, ayant le chic pour se compliquer la vie et se fourrer avec un bel entrain dans les ennuis. Certains épisodes sont hilarants (la lecture poétique dans une librairie indépendante, entre autres), d'autres nettement plus émouvants.
Entre considérations sur l'écriture et description au vitriol du microcosme cinématographique , on passe un excellent moment de lecture !
Merci à Cuné qui a su me donner envie !
Enfant terrible, John Niven, traduit de l'anglais par Nathalie Peronny, Sonatine 2015, 415 pages revigorantes !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : john niven
13/03/2015
La fin du monde a du retard...en poche
"-Tu peux compter sur moi. Dès que j'ai sauvé le monde, je me lance dans une opération vide-greniers."
Alice et Julius, deux amnésiques, s'échappent de la clinique psychiatrique où il sont traités. Alice est totalement dénuée d'émotions et Julius est persuadé qu'un terrible complot menace l'humanité.Pour le déjouer, il leur faudra s'emparer d'un mystérieux Codex et échapper aux nombreux poursuivants qui sont à leurs trousses. Cette "quête qui tourn[e]à la collection de désaxés", enchaîne les"péripéties d'anthologie alliant surprise épique et burlesque échevelé" contient, au bas mot, une trouvaille humoristique par page ! Mais comment fait-il ?
D'autant que, mine de rien, c'est toute une réflexion enjouée et intéressante qui s'intercale avec bonheur entre les épisodes de cette folle course-poursuite ,sur la nécessité de fictionnaliser nos existences. Clins d’œil en tous genres (les frères Volfoni des Tontons flingueurs !) trouvailles langagières, commentaires sur le récit qui se met en place sous les yeux du lecteur ,font de ces 400 pages un pur bonheur de lecture! Et zou, sur l'étagère des indispensables !
05:55 Publié dans Humour, l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jm erre
08/02/2015
Lulu paie son coup
"Putain...J'ai même pas eu le temps de penser à ma retraite que j'ai déjà pas de travail !"
Lulu se moque comme de son premier ballon de rouge de la branchitude, elle trimballe sa dégaine de fille à la Kiraz ,fauchée, au chômage, célibataire ,qui vit encore chez ses parents de terrasse de café en apéro dinatoire.
Enfant de la crise, elle déambule en tee-shirt à capuche, les mots "cellulite", "shopping" , "Coachella "(en Californie) lui sont étrangers mais elle porte un regard acéré sur notre époque et sur nos mœurs.
Elle s'y connaît en sport, a un côté plein de gouaille, un peu canaille, qui lui fait conseiller à son ami Carlo, pour le réconforter de sa semaine "difficile": "Si tu veux demain,, on se fait un gros Do Mac bien sale, on va au ciné voir Iron Man 4, tranquille, et on se termine au PMU à s'enquiller des binouzes !"
Lulu d'Ardis , sur son blog, hébergé par Le Monde (clic) croque aussi l'actualité avec mordant et l'humour noir ne lui est pas étranger (ça fait du bien !). Si Lulu paie son coup, on aimerait bien être de la partie !
06:00 Publié dans BD, Humour | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : lulu d'ardis
02/12/2014
Petit enfer dans la bibliothèque
"La déflagration avait projeté un exemplaire de L'Amour au temps du choléra sur son visage avec tant de force qu'un œil avait été touché et que le texte du roman s'était imprimé su rune joue et le front de façon définitive. ça lui donnait une mine austère , mais au moins avait-il de la lecture quand il se rasait."
Quand un auteur a la gentillesse de résumer son roman page 13, on ne va pas se gêner : "Les événements décrits dans ces pages se sont déroulés au cours d'une semaine très chargée de la fin de l'été 2004. Une semaine qui avait débuté par une expédition à Swindon pour dénicher un boulot et s'était terminée par des torrents de feu purificateur tombant des cieux, une révision du budget opérationnel des services des bibliothèques du Wessex et par la mort de Gavin Watkins abattu par d'un coup de feu par mon fils. ce dernier point était particulièrement déprimant-surtout pour Gavin." Prolepse ultime ou sabordage masochiste ? Je l'envisagerais plutôt comme l'ossature solide d'un roman foisonnant de surprises, d'humour et d'amour forcené des livres et de la littérature.
C'est toujours un plaisir fou de retrouver Thursday Next, devenue au fil du temps et des aventures une quinquagénaire un peu cabossée , mais toujours partante pour affronter Goliath et ses sbires. Jasper Fforde utilise en virtuose ce que lui permet la littérature en matière de surprises, crée des personnages haut en couleurs, un univers complètement fou, paradis ou enfer des bibliothécaires,nous plonge dans la perplexité, nous embrouille et , hop à quelques encablures de la fin , tout devient clair mais pas totalement résolu car un nouveau volume est en vue ! Un pur régal, hautement addictif !
Petit enfer dans la bibliothèque, Jasper Fforde, traduit de l’anglais par Jean-François Merle, Fleuve éditions 2014, 408 pages piquetées de marque-pages.
06:01 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jasper fforde
02/10/2014
Hyperbole
"Je ne suis que le vaisseau impuissant d'une identité moindre, que je dois supporter malgré moi. J'ai constamment peur d'elle, et prie pour qu'elle ne m'attaque ni ne m'oblige à commettre des actions dont j'aurais honte."
Quand Cuné m'envoie un mail me recommandant un livre, je fonce ! (surtout quand elle sait trouver les arguments comme celui-ci, imparable: il y a des chiens... :))
Roman autobio et graphique, Hyperbole, explore de manière imagée, (ah le générateur d'amour propre ! ) à la fois précise et pleine d'humour, les tours et détours de la personnalité en devenir de son auteure. à noter que le seul personnage dessiné de manière non totalement figurative est l'auteure elle-même (l'espèce de poisson /grenouille ? cornu dessiné sur la couv' , c'est elle). Et ce choix est volontaire, car elle sait croquer à merveille les attitudes et comportements des chiens, tant par ses dessins que par ses textes (les résultats du test d'intelligence de son premier chien sont à mourir de rire et l'adoption du second chien est encore plus gratinée ! ).
Ce n'est pas juste un "ego trip" de plus, c'est une analyse vivante, pleine d 'humour à laquelle on peut pleinement s'identifier. Les mensonges qu'on se fait à soi même, nos tergiversation, notre tendance à procrastiner (remette toujours au lendemain ), tout ceci nous est familier, mais , éclairé par l'auteure, prend une coloration nettement plus sympathique.
Un livre qui m'a fait glousser toute seule à de nombreuses reprises (bon, j'avoue avoir dévoré en premier les chapitres consacrés aux chiens, facile à repérer les chapitres car tous sont colorés jusque sur la tranche d'une couleur différente). Je l'ai dévoré d'une traite et il est constellé de marque-pages !
Un livre tonique et hautement réjouissant ! merci Cuné !
Pour celui ou celle qui aime "fouiner dans les circonvolutions profondes de [son] cerveau comme un intrépide idiot"
Hyperbole, Allie Brosh, les Arènes 2014.
Jérôme a aussi aimé !
06:00 Publié dans Autobiographie, BD, Humour | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : allie brosh, roman graphique
16/07/2014
Comment se débarrasser d'un ado d'appartement
"Vous êtes au bord de la crise de mère. Maintenant, il faut que jeunesse se casse !"
Le film d’Étienne Chatilliez avait mis en scène un personnage devenu depuis représentatif d'une génération d'étudiants au long cours accrochés comme des berniques au foyer parental, j'ai nommé Tanguy.
Le modèle évoqué par Anne de Rancourt ,dans cet essai tour à tour tendre et acidulé, est celui d'un adulescent (mot-valise , contraction d'adulte et d'adolescent ).En effet, si l'adolescence commence de plus en plus tôt, elle a une fâcheuse tendance à durer très longtemps. Le specimen imaginé (ou pas ) par l'auteure est âgé de vingt-trois ans et il est à la (molle ) recherche du sésame de l'autonomie: un emploi.
ça grince un peu mais on sent bien que derrière les méthodes farfelues (et inutilisables, bien sûr) imaginées par l'auteure, il y a de l'amour mais aussi la volonté de voir l'oisillon prendre son envol et son autonomie devant l’œil embué de sa môman. Une manière de dédramatiser un peu ce phénomène de plus en plus d'actualité.
Comment se débarrasser d'un ado d'appartement, Anne de Rancourt, j'ai Lu 2014, 132 pages que j'aurais aimées un peu plus corrosives.
06:01 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : anne de rancourt
08/07/2014
Juin de culasse
"Ben si, le père pensait autrement. Outre que, le mal étant nommé, il se sentait un peu soulagé, il trouvait prodigieux, épatant, même, que le calendrier, la mécanique et la météo, que le grand beau temps et les quatre temps, que le moteur et la chaleur se fussent ligués, juste pour produire ce calembour calamiteux : juin de culasse. le père, des fois, il avait pas toute sa raison."
ça nous est tous arrivé au moins une fois: le coup de la panne en plein cagnard sur la route des vacances. Antoine Martin poursuivant son Histoire de l'humanité (commencée avec Le chauffe- eau clic) transforme une fois de plus en épopée hilarante nos p'tits et gros soucis de la vie quotidienne. On y retrouve son goût des mots , sa jubilation à mêler les registres de langue (et l'on voit bien que son narrateur a suivi des études classiques, le bougre: j'ai apprécié la fonction dictionnaire de ma liseuse !). Son portrait du garagiste d'autoroute, "cette came oléagineuse et rétive, cette tête de delcon", sorti d'un film d'Audiard (ou d'un roman de San Antonio) est délectable ! L'auteur pousse même le vice jusqu'à utiliser le champ lexical de la mécanique dans l'intitulé de chacun de ses chapitres ! Du grand art . J' attends déjà avec impatience le troisième volet !
Juin de culasse, Antoine Martin, le Diable Vauvert 2014,56 pages, 5 euros version papier et encore moins version électronique !
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : antoine martin
02/07/2014
Les gosses
"Il n'y a pas longtemps, j'ai été boire un coup avec une amie que je n'avais pas vue depuis cinq ans. Quand elle est arrivée et qu'elle s'est assise en face de moi, j'ai été sidérée par toutes les rides qu'elle avait autour des yeux et de la bouche. Elle avait pris un coup de vieux terrible.[...] Elle était peut être aussi joyeuse parce qu'elle me voyait à un stade avancé de délabrement et se croyait épargnée.Je ne tenais plus sur ma chaise[...] Il me fallait un miroir d'urgence. [...] Les néons au dessus du lavabo ne m'épargnaient pas .ça ne faisait aucun doute, moi aussi j'avais pris un sacré coup de vieux."
"Un livre agréable, facile à lire et bien écrit, ça existe ?". Telle était la question que je posais il y a quelques temps à Cuné. Dans une mauvaise passe de lecture ,j'étais. Et puis, j'ai déniché ,fraîchement sorti en poche, Les gosses qui remplit exactement les termes du contrat.
ça sent le vécu mais sans lourdeur, on se retrouve par petites touches dans le portrait de cette mère de famille fraîchement divorcée qui doit tout à la fois élever un jeune adulte qui a une façon très particulière d'envisager le monde du travail , une grande fille, un pied dans l'adolescence, un pied dans l'enfance (qui a peur du noir mais a la dent dure pour critiquer sa mère) et la petite dernière, neuf ans au compteur, câline et adorable mais avec une fâcheuse tendance à ramener des animaux à la maison. Sans oublier une mère pot de colle et un voisin charmant. Le tout en bossant à la maison.
Un bon tempo, des personnages attachants, de l'humour et 141 pages qui se lisent d'une traite, que demander de mieux ?
Plein d'avis sur Babelio !
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : valérie clô
01/07/2014
Trop
"Nous sommes les enfants gâtés et gavés qui à Noël n'ouvrent plus leurs cadeaux."
Un titre court, efficace, en opposition avec l'avalanche de produits qui s'alignent sur les rayons de nos supermarchés, la multiplicité d'écrans que nous consultons, le flot continu d'informations auquel nous sommes soumis chaque jour. Sans oublier "Partout un fond musical, comme on dit un fond de sauce. La musique est utilisée comme sauce, une sauce insipide pour relever le goût insipide des choses, donner du goût à ce qui n’en a pas."Une sensation d'étouffement accentuée par ces pages intercalaire où court à l'infini cette antienne: "trop c'est trop".Contre cette société du trop Jean-Louis Fournier s'insurge. En de courts chapitres, il souligne l'absurdité de notre propension à stocker de la culture dont nous n'aurons jamais le temps de profiter. L'humour lui-même n'est plus dans une relation d'humain à humain car les humoristes dans les salles gigantesques où ils officient s'adressent à la foule: "On est entre clients. Nos rires font le bruit d'une caisse enregistreuse."
Un panorama exhaustif et grinçant où l’absurde se faufile souvent dans ces énumérations de nos aberrations quotidiennes( auxquelles nous sommes trop rompus pour y prêter encore attention), ainsi ce savoureux "Sel de hareng obtenu par lyophilisation de la sueur des harengs en nage." Salutaire.
Trop, jean-Louis Fournier, Éditions de la différence 2014, 181 pages.
le billet d'Yv qui m'a donné envie.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : jean-louis fournier
18/06/2014
Le théorème du homard
"La dynamique émotionnelle était tellement complexe !"
Hyper doué en génétique, Don Tillman l'est nettement moins en relations humaines ! Pour trouver l'épouse parfaite, il met au point un questionnaire des plus sélectifs et rationnels qui lui évitera, pense-t-il ,de nouvelles pertes de temps, un de ses autres obsessions. Évidemment, pour le plus grand plaisir du lecteur Don va rencontrer Rosie qui est l'antithèse parfaite de ce qu'il recherche. Mais est-ce bien si sûr ?
Du décalage entre ce surdoué qui a su aménager ses incompétences sociales et s'efforce d'apprendre les émotions dont il semble dépourvu en visionnant des films et les situations complètement loufoques dans lesquelles il se fourre, naît bien évidemment le rire, ponctué de quelques pointes d'émotion qui ne gâchent en rien l'affaire.
Malgré quelques baisses de rythme en fin de lecture, Le théorème du homard est un roman qui porte une grande attention au langage de ses personnages, réserve de nombreuses surprises et fait remonter notre moral en flèche !
Le théorème du Homard, Graeme Simsion, traduit de l'australienpar Odile Demange, Nil 2014
Merci Cuné !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : graeme simsion