15/10/2020
#Lavoyageusedenuit #NetGalleyFrance
"La jeunesse a pris valeur de modèle pour l'existence entière, reléguant ainsi les âges de la vieillesse non à l’idée d'accomplissement mais à celle de surplus, de rebut, voire de non-sens."
Convoquant les créateurs , mais aussi son expérience personnelle, Laure Adler, soixante-dix ans , nous invite à flâner au pays de la vieillesse, plaidant pour une intégration des générations et non une relégation des personnes âgées, comme c'est actuellement le cas.
Se plaçant dans la lignée des écrits de Simone de Beauvoir, l'animatrice de L’Heure Bleue analyse avec finesse l'arrivée de cet âge de la vie qu'on ne sait vraiment délimiter soi-même mais qui se révèle fort désagréable à première vue. Tout l'art de l'essayiste est de nous convaincre du contraire, utilisant les exemples (entre autres) de Duras, Louise Bourgeois ou Matisse qui ont su exploiter au mieux l'expérience acquise au sein de leur art.
Dans une société vieillissante, une réflexion nécessaire pour des lecteurs de tous âges.
Grasset 2020
06:15 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : laure adler
11/08/2020
La vie ordinaire
Roman ? Essai ? Autobiographie ? Est-il vraiment nécessaire de poser une étiquette sur ce texte qui fait la part belle certes à la vie de l'autrice, philosophe de formation.
Son existence devient le point de départ d'une questionnement qui n'apporte pas toujours de réponses, tel n'est pas le but , mais permet d'envisager les choses sous un angle différent.
L'écriture est fluide, les propos concernant la grossesse souvent fort bien écrits et le tout reste plaisant à lire même si j'ai bien compris ce que n'était pas la vie ordinaire, mais pas vraiment ce qu'elle était.
06:00 Publié dans Essai, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : adèle van reeth
08/08/2020
Mélancolie du pot de yaourt/ Méditation sur les emballages
"Il est possible que l’immobilisme du pot de yaourt apaise en nous l’angoisse de la métamorphose permanente des objets."
Le titre de ce recueil de textes (organisés en six chapitres aux intitulés tout aussi savoureux ) est à lui seul un pur délice et annonce un esprit original,tout à la fois pince -sans -rire et pertinent.
On pense, via le format des textes, souvent court, à Philippe Delerm, mais l'impression s'avère fugace et heureusement car ici, la qualité de l'écriture et la variété des angles d'attaque font davantage penser à Francis Ponge, cité en exergue du recueil.
Je suis enthousiaste quand un auteur propose une réflexion sur des objets du quotidien et les envisage d'une façon inattendue et c'est bien le cas ici. Qu'il tente l'autohypnose devant un paquet de chips bio "à l'ancienne" ou remarque qu'il "est rare , dans un film de fiction ou une série, de voir un personnage jeter quelque chose." , Philippe Garnier nous réjouit par ses analyses.
Quant à ses descriptions, elles frôlent souvent la perfection, qu'il s'attache à définir de manière poétique un simple panier , "Un panier d'osier est un minuscule taillis enchevêtré en lui-même." ou un objet encore plus prosaïque comme les nouveaux sachets de plastique dans les rayons fruits et légumes : "Élastique et soyeuse, leur substance semblait provenir du monde médical. Elle avait quelque chose de séducteur et de faussement rassurant. Mes terminaisons nerveuses ne captaient presque rien. La douceur de ce plastique évoquait la peau d'un organe sensible."
Il possède l'art de nous surprendre dès la première phrase : "Un jour je suis entré dans un sac à pommes de terre."; celui de la formule également: "Jamais plus on ne vit un pays tout entier emballer une dent creuse". Il fait feu de tout bois, s'intéresse à tout, au préservatif comme aux techniques de vente des marques de luxe, s'arrête souvent devant les tas de gravats et compare les mérites respectifs du sable, de la poussière ou du parpaing. Il varie les tonalités, frôle l'acide , dénonce l’absurdité de notre monde , décrit avec un humour féroce nos mini victoires ou nos énervements contre ces emballages qui envahissent nos vies , jusqu'à quasiment nous donner la sensation d'étouffer.
On se balade ainsi, au fil des textes, et grâce à cet auteur iconoclaste, on envisage d'un autre œil ces fameux emballages, dans leur diversité et leur quantité. Un pur régal qui file sur l'étagère des indispensables.
Éditions Premier Parallèle
2020, 143 pages piquetées de marque-pages.
Antigone m'a donné envie de découvrir ce livre: clic.
06:00 Publié dans Essai, l'étagère des indispensables, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : philippe garnier
18/03/2020
#Femmesinvisibles #NetGalleyFrance
"Le consensus est net: les femmes sont anormales, atypiques, tout simplement ratées. Pourquoi ne peuvent-elles pas ressembler un peu plus aux hommes ? "
L'humanité vit dans un monde conçu par et pour les hommes. Tant pis pour les femmes dont le poids, la taille, les besoins spécifiques ne sont pris en compte ni par les architectes, ni par les scientifiques, ni par les techniciens et encore moins par les politiciens.
Tant pis si les ceintures de sécurité ne sont pas prévues pour nous( et encore moins pour les femmes enceintes ) et si cela augmente le risque d'être blessées dans un accident car notre masse graisseuse et notre masse musculaire ne sont pas réparties comme celles d 'un homme de 70kg. Tant pis si les médicaments, majoritairement testés sur des hommes sont moins efficaces sur nous et tant pis encore si nos problèmes de syndrome prémenstruels ne donnent pas lieu à des recherches spécifiques, faute de moyens financiers mis en œuvre. Une des raisons de ce phénomène ? La simplicité recherchée. mais "La simplicité coûte moins cher. Mais la simplicité ne reflète pas la réalité."
La liste de ces dysfonctionnements est longue et solidement étayée par de nombreuses études citées par l'autrice de cet essai qui souligne l'absence de données genrées ou leur non-exploitation. Quelques petits progrès permettent de garder l'espoir que cette situation rageante évolue car elle permettrait non seulement de faciliter la vie des femmes , mais entraînerait aussi des économies dont chacun pourrait bénéficier.
Éditions First 2020
06:00 Publié dans Essai, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : caroline criado perez
17/03/2020
#Dehorslatempête #NetGalleyFrance
"Comme après une jachère amoureuse, je me sentais à nouveau disponible pour une rencontre avec un livre, un genre ou un écrivain. Mais c'était décidé, jamais plus je ne lirais d'histoires. C'est ainsi que la poésie est devenue ma méthadone."
Nombreuses sont les métaphores marines qui irriguent ce livre appartenant à la collection Le Courage. Normal, l'un des romans préférés de Clémentine Mélois est Moby Dick.
Dans son panthéon personnel figurent aussi Simenon et son héros Maigret dont elle analyse avec finesse la consommation alcoolique, qui l'amènera à consommer un alcool démodé, car lire entraîne bien des expériences sensuelles.
Au gré des ses humeurs, de ses souvenirs , de ses digressions, nous partageons son amour tant pour les livres que pour la lecture.
Les livres addicts ne pourront que craquer pour ce livre où beaucoup se reconnaîtront, en particulier dans une liste où elle confesse certaines habitudes liées aux livres...
Grasset 2020.
De la même autrice: clic
06:00 Publié dans Essai, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : clémentine mélois
29/01/2020
Psychologie de la connerie...en poche
Cet essai sur la connerie, sous des dehors en apparence légers, investit des champs tout à fait différents et passionnants, allant de l'école, l'entreprise, la politique à plus étonnant : nos rapports aux animaux.
La connerie est partout, mais, c'est bien connu, nous pouvons tous être le connard de quelqu'un d'autre, mais seuls les vrais cons ne veulent pas s'en rendre compte car la connerie est en effet liée au narcissisme exacerbé.
Comment faire face aux cons ? De nombreux auteurs semblent quelque peu découragés devant l'ampleur du phénomène, accentué et amplifié par les réseaux sociaux.
Mais quelques uns nous offrent des solutions : la culture, la création voire même des cas concrets déjà appliqués par des compagnies aériennes ou des hôpitaux,et qui ont porté leurs fruits.
Un panorama éclectique et riche qui confirme ce qu' Audiard affirmait déjà : "Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît."
06:00 Publié dans Essai, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jean-françois marmion
02/12/2019
Notes à usage personnel
"J'ai peur d'être cette femme qui dérange. Et peur de ne pas déranger assez.
J'ai peur. Mais je le fais quand même."
Dans ces Notes à usage personnel, Emilie Pine évoque d'abord les souvenirs qu'elle a gardé d'une crise familiale: celle où son père, volontairement exilé en Grèce, a failli mourir à cause de son addiction à l'alcool.En filigrane, elle dépeint le portrait d'un homme, écrivain, autocentré et bien peu concerné semble-t-il par ses filles. Avec franchise, courage, c'est aussi le dialogue entre un père et sa fille, en perpétuelle évolution, avec ses hauts et ses bas ,qui se donne aussi à lire et l'essentiel est qu'il continue.
Dans les cinq autres essais, Emilie Pine va encore au plus près de son intimité puisqu'elle évoque tour à tour son infertilité (alors que sa sœur est enceinte), son sentiment de solitude quand ses parents sont séparés dans une Irlande qui n'autorisait pas encore le divorce, son anorexie et de manière plus générale son rapport difficile à la douleur et au corps , les violences faites au femmes, son addiction au travail et la dépression.
Féministe, elle l'est mais ce n'est pas pour autant facile de d’admettre, même a posteriori ,qu'elle a été violée, tant la question du consentement était alors biaisée, et le reste encore trop souvent. Ce n'est pas non plus facile de lutter contre le sexisme ambiant , même quand, comme elle, on occupe un poste de professeure de théâtre contemporain au sein d'une université.
Un parcours poignant, au plus près du corps et des émotions, sans fards qui bouleverse m,ais donne aussi à réfléchir. On se réjouit que l'auteure, à qui son père avait fait promettre quand elle était enfant, de ne pas écrire , n'ait pas respecté cette promesse.
Traduit de l'anglais (Irlande) par Marguerite Capelle. Delcourt 2019, 188 pages puissantes.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : emilie pine, irlande, femmes
22/11/2019
Les sorcières de la littérature
"Angela arrose ses rosiers lorsqu'une poupée vêtue d'une houppelande écarlate fait irruption dans son jardin. Encore une, c’est pas vrai ! Angela lève les yeux au ciel. elle saisit on poignard et frappe la poupée en plein cœur." (extrait de la présentation d'Angela Carter)
Ouvrez vite ce grimoire qui dévoile la magie de 30 femmes écrivaines, poétesses minimalistes ou incandescentes, autrices de science-fiction, de fictions horrifiques, d'hier ou d'aujourd'hui.
Venues des quatre coins du monde, connues ou non, injustement oubliées ou pas, il convient de se précipiter sur ce livre pour célébrer leur force créatrice, leur volonté de briser les carcans de la société, par le truchement de leurs mots.
Une définition vigoureuse les présente en quelques mots, dégageant les thèmes de leurs œuvres. Ainsi de Sylvia Plath : Furie de la maternité, du mariage et de la lune ; formules tour à tour évocatrices et énigmatiques qui donnent envie de découvrir les autrices qui nous sont encore inconnues : Sibylle aux multiples visages , aux ovules célestes et aux fantasmes tordus (Yumiko Kurahashi).
Taisia Kitaiskaia se charge ensuite de présenter la biographie de chacune d'entre elles et de nous livrer une liste de lectures recommandées (de quoi faire grandir nos Piles à Lire...), textes que Katy Horan illustre d'un portrait en couleur de chacune de ces sorcières de la littérature. Une préface de Chloé Delaume complète le tout.
Voilà donc tous les ingrédients d'un livre enthousiasmant qui file directement sur l'étagère des indispensables et qui devrait se trouver au pied de chaque sapin de sorcière .
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Roche, Autrement 2019
06:00 Publié dans Essai, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : taisia kitaiskaia, katy horan, chloé delaume, cécile roche
11/09/2019
Libérées ! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale...en poche
"On tire du ménage une sensation de contrôle et de pouvoir rarement égalée dans la mesure où il est aussi un défi au temps."
Partant de son expérience personnelle, s'appuyant aussi sur de nombreuses études, Titiou Lecocq analyse finement et , avec son humour habituel, l'inégalité de la répartitions des tâches ménagères au sein d'un couple et plus particulièrement d'un couple avec enfants. car c'est souvent à ce moment- là que la situation dérape.
Rappelant les racines du problème, l'éducation principalement, l'autrice pointe aussi du doigt les motivations psychologiques plus difficilement avouables ainsi que les différences dans la manière dont hommes et femmes se répartissent cette fameuse charge mentale.
Les "torts" sont partagés, pas de miracle préconisé pour régler le problème, mais une manière saine et enjouée d'envisager la situation. De quoi repartir sur de bonnes bases ?
06:00 Publié dans Essai, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : titiou lecoq
15/05/2019
Je me promets d'éclatantes revanches
" C'est une des raisons pour lesquelles l'écriture de Charlotte Delbo dérange :par sa grâce, elle peut refuser de vivre en victime."
C'est par Marie-José Chombart de Lauwe, ancienne résistante et déportée à Ravensbrück, lors de la préparation de ce qu'elle n'ose pas encore appeler son roman (Kinderzimmer) que Valentine Goby découvre la vie et l’œuvre de Charlotte Delbo.
Survivante d'Auschwitz-Birkenau, Charlotte Delbo amoureuse, résistante et déportée ne connaît pas une grande notoriété de nos jours. Valentine Goby, fascinée par la puissance de cette écriture poétique s'interroge sur les raisons de cette situation et nous livre ici un bel exercice d'admiration.
Une magnifique manière de célébrer la puissance des mots.
06:05 Publié dans Essai, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : valentine goby