16/03/2015
Et tu n'es pas revenu
"Survivre vous rend insupportables les larmes des autres. On pourrait s'y noyer."
Quand elle est arrêtée, à quinze ans, son père lui dit :"Toi, tu reviendras peut être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrais pas."
Cette prophétie s'accomplira . Marceline pourra brièvement ,et au risque de sa vie, revoir son père , envoyé à Auschwitz, tandis qu'elle est déportée à Birkenau et elle recevra un billet de lui. Ce billet, il a disparu dans la tourmente, les mots se sont effacés de sa mémoire mais pas le fait qu'il ait signé de son prénom juif, alors qu'il se voulait français.
Des décennies plus tard, Marceline répond à ce billet, remonte le cours du temps et brosse, à grands traits parfois, des pans de sa vie.
La survie au camp, le retour, la chape de plomb qui pèse sur les survivants, la mère qui veut juste savoir si elle n'a pas été violée et ,par dessus tout, cet amour de la fille pour son père ,font de ce récit tendu comme un arc ,une lecture âpre et nécessaire. Il y a dans ce texte une sourde énergie. Le temps n'a pu balayer les émotions et on sent Marceline Loridan-Ivens à fleur de peau tout au long de ce texte.
Merci Clara .
En avril sortira en DVD" La petite prairie aux bouleaux".
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : marceline loridan-ivens, judith perrignon
07/03/2015
Nous sommes tous des féministes
Avant même de connaître la signification de ce mot, Chimamanda Ngozi Adichie était une féministe , aux dires de son meilleur ami. C'est l'une des nombreuses anecdotes émaillant cette conférence ,pragmatique ,claire et pleine d'humour,dont nous avons ici une version modifiée.
Voyageant entre Nigeria et États-Unis, l'auteure d'Americanah a de quoi enrichir sa vison de la situation des femmes et établir des points de comparaison entre l'Afrique et le continent américain. Certains aspects apparaîtront peut être évidents, vote simplistes , mais comme elle le souligne elle-même : "Je commets souvent l'erreur de croire que ce qui est évident pour moi l'est aussi pour les autres."
à noter un glissement de sens dans la traduction du titre original : "We shoul all be feminists" (nous devrions tous être féministes), probablement par contamination d'un slogan connu... (traduction Sylvie Schneiter)
Une nouvelle,"Les marieuses", édifiante et reprenant certains des thèmes évoqués dans le roman évoqué ci-dessus, extraite du recueil Autour de ton cou, accompagne et illustre ce texte. On y voit les désillusions successives d'une jeune nigériane qui vient d'accepter un mariage arrangé avec un compatriote et accompagne son "mari tout neuf", futur médecin, aux États-Unis où il réside et veut s'intégrer à tout prix.
Le décalage est rude entre ce qui lui a été vanté comme un parti particulièrement intéressant et valorisant et la réalité prosaïque : "Pas un mot sur les ronflements désagréables, pas un mot sur les maisons qui s'avèrent des maisons handicapées de l’ameublement." Pas de pathos, l'héroïne n'est pas une oie blanche et elle a de la ressource, mais une écriture efficace et pleine de vie.
traduction de Mona de Pracontal.
Nous sommes tous des féministes, Chimamanda Ngozi Adichie, Folio 2 euros. 2015.
06:00 Publié dans Document, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : chimamanda ngozi adichie
01/12/2014
L'Amérique des écrivains
"Il était chauffeur de taxi et agent littéraire ! C'était un combattant, il pourchassait les voyous dans Central Park. Un jour, il a été agressé par deux types armés d'un calibre 45 et il les a poursuivis ! c'est mon agent ! c'est cet homme qui a continué de soumettre Le Boogie des rêves perdus pendant neuf ans. J'ai eu cent onze refus." James Lee Burke
Un road trip d'un an en camping car avec aux manettes, Pauline Guéna, romancière, Guillaume Binet , photographe ,sans oublier leurs quatre enfants , pour rencontrer vingt écrivains et six écrivaines canadiens ou américains. "A la recherche de l'esprit des lieux".
Un voyage de formation aussi, dont les à côtés (interruptions des proches, inscription dans le quotidien...) apparaissent en filigrane au fil des longs entretiens, très souvent passionnants. On sent que les écrivains apprécient d'avoir en face d'eux quelqu’un du métier,qui comprend les difficultés inhérentes à l'acte d'écrire, même si être écrivain en France et aux États-Unis n'a pas grand chose à voir.
Jane Smiley s'étonne du petit nombre de romancières rencontrées, ce à quoi l’auteure rétorque qu'elles ont été nombreuses à refuser. Situation inverse pour Paul Auster qui a décliné l’invitation tandis que son épouse, Siri Hustvedt acceptait. Répondant à une question sur les liens entre maternité et création, cette dernière a d'ailleurs affirmé : "Lorsque ma fille est partie à l’université, une chambre émotionnelle s'est ouverte en moi. il n'y a aucun doute là-dessus. Il ne s'agit pas d'heures libres supplémentaires, mais d'un espace émotionnel. Pour être juste, je pense que c'est aussi vrai pour les pères , du moins ceux qui se sont beaucoup impliqués avec leurs enfants." De son côté, Laura Kasischke, romancière, poétesse, mère de famille et enseignante à l'université, classe ainsi ses priorités : " ma famille, mon travail*, mes poules, et enfin l'écriture"...
à la première lecture, j'ai privilégié les entretiens, en commençant par les écrivaines (on ne se refait pas), enchaînant avec les auteurs que je connaissais déjà et terminant avec ceux que j'ai découverts et, à chaque fois, j'ai appris plein d'infos qui m'ont évidemment envie donné de (re) lire , aidée en cela par une bibliographie très complète.
Il me reste à découvrir maintenant l'aspect iconographique de l'ouvrage en notant au passage que les fans de David Vann seront un peu déçus: si l'auteur a consacré un long entretien (diatribe vindicative et enflammée par moments), il n'a fourni qu'une photo d'enfance ,mais très révélatrice par ailleurs. un ouvrage enthousiasmant qui m'a fait retrouver le chemin de la lecture !
Un pavé coûtant 35 euros mais qui les vaut bien, à indiquer au Père Noël ?
06:02 Publié dans Document, Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : pauline guéna, guillaume binet écrivains américains
L'Amérique des écrivains /sommaire
Gilles Archambault Siri Hustvedt
Margaret Atwood Laura Kasischke
Russell Banks William Kennedy
John Biguenet Dennis Lehanne
Joseph Boyden Thomas Mc Guane
T.C. Boyle Dinaw Mengestu
James Lee Burke George Pelecanos
Craig Davidson Ron Rash
Patrick deWitt Joanna Scott
Jennifer Egan Jane Smiley
Richard Ford David Vann
James Frey John Edgar Wideman
Ernest J. Gaines Martin Winckler (installé au Québec depuis plusieurs années )
Sans compter tous les auteurs cités par les écrivains, le plus imagé étant Winckler qui n'hésite pas à affirmer : "Vous avec lu Le temps n'est rien ? Il faut le lire, c'est un merveilleux roman, je voudrais tuer cette femme, Audrey Niffenneger de l'avoir écrit. c'est l'histoire d'un voyageur involontaire."
05:55 Publié dans Document, Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pauline guéna
15/08/2014
Un monde sans moustiques ni cafards est-il possible ?
"Pisseuse, tsé-tsé, de l'olive, des pluies, ou tout simplement domestiques, les mouches agacent, nuisent et parfois effrayent."
Si, comme moi, les moustiques vous ont, de la tête aux pieds, généreusement accordé plein d'étoiles et vous manifestent une affection sans pareille, la question posée par Denis Bourguet et Thomas Guillemaud dans cet opuscule de la collection Les Petites Pommes du savoir ne vous laissera pas indifférent.
Si nous cherchons à protéger les insectes qui nous sont utiles, nous voulons, au contraire, éliminer, radicalement ou pas, ceux que nous jugeons, à tort ou à raison nuisibles et ce avec des moyens variés, mais jamais sans conséquences . Les auteurs donnent des exemples précis et évoquent de manière la guerre que nous menons depuis longtemps contre les insectes jugés nuisibles. Le vainqueur n'est d'ailleurs pas forcément celui auquel on s'attend, les insectes ayant une grande capacité d'adaptation !
Parfaitement structuré, avec des textes explicatifs et argumentatifs clairs (glossaire et bibliographie à l'appui), en principe destiné aux enfants (mais pas que) ce document expose de manière limpide et nuancée nos trois types de relations aux insectes et les conséquences qui en découlent.
Une belle réflexion, nuancée, et pleine d'informations ,qui nous permet d'envisager les moustiques d'un autre œil...
57pages, à glisser dans la poche sans hésitation !
Pour la route, un t'ite chanson.
De rien.
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : denis bourguet, thomas guillebaud
05/05/2014
Poulpe fiction/quand l'animal inspire l'innovation
"Au Zimbabwe, l'Eastgate Centre de la ville d'Harare, à la fois centre commercial et immeuble d'habitations, reproduit cette organisation [celle des termitières]. L'air est recyclé pendant la nuit et circule grâce à des ventilateurs situés à sa base. Il maintient ainsi une température de 25 °C en économisant 90% d'énergie, comparé à un bâtiment de même dimension- ce qui a permis aux habitants d'économiser environ 3,5 millions de dollars en cinq ans."
Même si vous n'avez pas de formation scientifique poussée (je remercie mes profs de biologie et de sciences qui ont su donner le petit bagage nécessaire pour apprécier cet ouvrage), vous pourrez lire avec enthousiasme ce texte qui montre l'infinité de domaines dans lesquels les chercheurs se sont inspirés et s’inspirent encore de la nature.
Les capacités animales sont extrêmement variées et toutes n'ont pas encore été élucidées ni totalement imitées par la science. J'avoue un petit faible pour ma copine l'araignée qui a donné du fil à retordre aux chercheurs qui voulaient imiter ses capacités extraordinaires . Pour l'instant "La course au fil fabuleux est désormais lancée"pour produire un fil à la fois efficace (en chirurgie notamment) et économique.
Plein d'infos passionnantes donc mais un petit regret: des photos en noir et blanc émaillent le texte alors qu'un cahier central regroupent les photos en couleurs...
Si, comme moi vous êtes curieux et fascinés par les capacités animales, précipitez-vous sur cet ouvrage qui regorge d'informations passionnantes !
Poulpe fiction, Agnès Guillot, Jean-Arcady Meyer, Dunod 2014.
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (3)
25/02/2014
Un an dans la vie d'une forêt
"Une expérience directe de la forêt nous donne l'humilité nécessaire pour replacer nos vies et nos désirs dans le contexte plus large qui inspire toutes les grandes traditions morales."
Pendant un an, le scientifique David G . Haskell a étudié "un espace d'un mètre de diamètre, équivalant en taille aux mandalas des moins tibétains"sur une pente boisée dans le sud-est du Tennessee.
Ce pourrait être ennuyeux à mourir mais observer ce microcosme, en privilégiant pour chaque journée relatée (i n'y en a pas 365 !) un de ses aspects permet d'étudier "la communauté écologique", d'établir les liens qui unissent de manière souterraine ou pas les différents éléments naturels, et de replacer l'homme dans une perspective différente. C'est passionnant, on apprend plein d'informations, l'auteur est un excellent vulgarisateur et , ayant fréquenté les ateliers d'écriture américains, il est doté d'un très joli brin de plume. On frémit quand on apprend qu'un petit mammifère est capable de maintenir ses victimes vivantes mais "droguées", on se passionne pour la lutte des arbustes pour grandir et on colle des marque-pages à tour de bras devant de telles notations: "Jeter un coup d’œil sous la surface du mandala, c'est comme se poser légèrement sur la peau et sentir la vie palpiter."
Un énorme coup de cœur dont j'ai fait durer la lecture pour mieux le savourer !
Un an dans la vie d'une forêt, David G Haskell, traduit de l'anglais (E-U) par Thierry Pélat, Flammarion 2014,334 pages enthousiasmantes !
06:04 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : david g. haskell, nature
20/05/2013
L'atelier
"Je maintiens que l'échec est un droit et que si on le craint, on ne peut rien faire . Dans l'art , il faut savoir traverser l'échec , c'est toujours après qu'il se produit quelque chose."
Miquel Barcelo (peintre)
L'Atelier, c'est d'abord une émission de Vincent Josse (un des beaux gosses de France inter) le samedi de 19 h 20 à 20 heures. C'est aussi un livre qui rassemble 27 rencontres avec des artistes contemporains, où les plus médiatisés ne sont pas forcément les plus intéressants (voir les réponses plutôt plates de Catherine Frot, (comédienne que j'aime beaucoup par ailleurs).
Vincent Josse nous les retranscrit telles quelles, sans occulter les pauses, dues par exemple à la sieste de Jean-Paul Kauffmann, et l'on "entend " pour peu qu'on les connaisse les voix des protagonistes. Le journaliste , fin connaisseur des arts, y révèle toute sa sensibilité et amène souvent ses interlocuteurs à se dévoiler de manière très intime. ainsi Manu Larcenet avoue-t-il: "La haine du corps est l'une de mes obsessions , le dégoût qu'on s'inspire à soi-même.". Pénétrer dans l'atelier de ces créateurs éclectiques permet aussi de voir l'envers du décor et de découvrir que Fabienne Verdier a été amenée à combiner guidons de vélos et palns pour manier des pinceaux qui, une fois chagés d'encre, pèsent de 60 à 100 kilos, sans pour autant nuire à la précision de son trait !
Les photographies des intruments de travail,(sublimes!), les portraits , permettent au lecteur de prolonger le plaisir de la découverte de l'intimité de ces créateurs au travail. Un magnifique objet à (s') offrir !
Flammarion/France Inter 2013.
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : vincent josse
02/04/2013
Toutes les maisons sont dans la nature
"Pour les fondations, on dispose des caisses de bière en plastique remplies de sacs de sable."
Non, les architectes ne bâtissent pas que des musées ou des tours géantes ! Ils imaginent aussi des habitations répondant aux demandes et aux besoins de leurs clients, sachant s'adapter et tirer parti de leurs compétences premières qui n'ont souvent rien à voir avec l'architecture.
Composé de dix chapitres, consacré chacun à un architecte renommé, le livre de Pierrre Cornelle m'a dans un premier temps déroutée par le parti pris des couleurs primaires utilisées. Mais la qualité des informations, la clarté des dessins et l'accent mis sur la relation à l'humain m'a finalement séduite. Un petit livre, par la taille, qui m'a intéressée et saura, j'en suis sûre, capter l'attention aussi des plus jeunes.
Merci à Libly et aux éditions Hélium !
06:00 Publié dans Document, Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : didier cornille, architecture, maisons
26/03/2013
Wild
"Pour sauver ma peau, j'ai décidé de ne plus avoir peur et d'avancer."
Après le décès de sa mère, la famille se disperse et Cheryl Strayed va enchaîner les comportements auto-destructeurs, allant jusqu'à faire imploser son propre couple alors qu'elle aime encore son mari.
Sur un coup de tête, quasi sans préparation, elle décide de partir seule pour une randonnée de mille sept cent kilomètres sur le chemin des crêtes du pacifique, dans l'Ouest américain.
Afrontant les éléments, la douleur, la fatigue, elle parviendra au bout de ce périple à renouer avec elle-même.
J'ai peiné à lire ce récit qui ne présente guère d'intérêt stylistique, trop long, et où je suis restée constamment sur le bord du chemin sans aucune empathie avec cette femme dont le comportement me restait totalement étranger.
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (7)