26/11/2018
Les grands espaces
"Le mot le plus souvent prononcé à la maison était probablement le mot "bouture".
Placé sous les auspices de Pierre Loti, Marcel Proust ou encore George Sand, la BD De Catherine Meurisse qui revisite son enfance à la campagne fleure bon à la fois la littérature et la verdure.
Tout s'entremêle ici avec grâce et humour. On ne tombe pas dans une nostalgie sirupeuse, mais on se balade entre dénonciation des politiques agricoles erratiques, création de musées en herbe , nain de jardin qui parle et naissance d'une carrière de caricaturiste via le croisement entre une chèvre et Ségolène Royal...
Les dessins sont magnifiques et méritent d'être contemplés en détails. L'auteure s'amuse aussi à réécrire certains poèmes (sources mentionnées à la fin) et on prend un énorme plaisir à cette lecture revigorante.
Indispensable, bien sûr et une très belle idée de cadeau.
Dargaud 2018
06:00 Publié dans BD, l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : catherine meurisse
01/11/2018
Culottées ...en poche
"Accepte le fait que tu es beaucoup plus que tu penses être." Cheryl Bridges (athlète)
Un énorme merci à Pénélope Bagieu qui avec ces Culottées nous présente avec humour et délicatesse des femme connues ou pas (j'en ai découvert une flopée),originaires d'Europe, d'Amérique du Nord ou du Sud mais aussi d'Inde, d'Afrique ou d'Afghanistan.
Contemporaines ou non, elles ont pour point commun d'avoir dû lutter pour imposer leurs idées dans un monde d'hommes, lutter pour obtenir leur liberté,leur singularité ,lutter pour vivre tout simplement
.Nous en connaissons certaines, mais pas forcément sous tous leurs aspects. Ainsi Hedy Lammar, sex- symbole par excellence (elle a été l'héroïne totalement dénudée du film "Extase" en 1931 à l'âge de 17 ans) a-t-elle été à l'origine de plusieurs inventions, d'abord méprisées par l'armée américaine (une actrice, pfff)!J
J'ai particulièrement été touchée par la très discrète Giorgina Anzulata, (1908-2001) qui, avec très peu de moyens, mais beaucoup de bonnes volontés, a réussi à sauver un phare de l'ensablement. Quant au parcours de de la jeune rappeuse afghane Sonita Alizadeh qui a réussi à échapper à plusieurs mariages forcés , il est marqué par la réification du corps des femmes, qui n'est envisagé que comme marchandise.
Pénélope Bagieu ne se gêne pas pour tacler au passage certains hommes célèbres. Ainsi Haroun Tazieff qui , à plusieurs reprises rabaissa le travail des volcanologues Katia et et Maurice Krafft ou de souligner au passage que c'est sous Barack Obama que l'avocate Jesselyn Radack se retrouva au cœur d'un véritable cauchemar car elle avait été une lanceuse d'alerte.
C'est donc tout un panel de femmes courageuses, intelligentes et inventives qui s'offre à nous, de quoi offrir de beaux exemples à nos filles et garçons.
- Pénélope Bagieu a réalisé ici une œuvre d'utilité publique en nous offrant tous ces modèles valorisants de femmes.
Attention mon billet évoque les 2 tomes de la version initiale. Dans la version poche, le tome 1 est en deux volumes.
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pénélope bagieu
14/05/2018
L'une d'elles
"découvrir que vous n'êtes pas en sécurité jusque dans votre propre corps est profondément traumatisant...hélas"
Una, dix ans en 1975, vivait à proximité de la région où a sévi entre 1975 et 1980 celui qui avait été surnommé l’Éventreur du Yorkshire.
Celle qui a dû se réinventer une identité pour sortir des traumatismes qu'elle a subis à cette époque,suite à différentes agressions sexuelles, met ici en parallèle, sous forme de roman graphique, son propre parcours et la traque longtemps inefficace, car faussée par les a priori de la police, de celui qu'on croyait un monstre et qui n'était qu'un homme ordinaire.
Elle met ainsi à jour les différentes formes de la violence masculine qui peut s'exercer,quasi en toute impunité, sur le corps des femmes.
Pratiquant beaucoup l'ellipse et les envolées oniriques par le biais de dessins très évocateurs, Una dépeint aussi très précisément la sidération face à l'agression sexuelle ,ainsi que l'impossibilité de mettre des mots sur des actes inappropriés quand on ignore tout de la sexualité. Un parcours de résilience profondément émouvant.
merci à Babelio et aux Éditions ça et là.
06:05 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : una
29/12/2017
à l'ouest
C'est d'abord un livre que l'on tient bien en main. Une petite brique sympathique dotée d'une jaquette en papier kraft. Du soin, de la qualité, de l'attention.
Un carnet de croquis tenu au fil du temps de l'évolution d'une dépression vécue par l'auteure. Une image par page ,dessinée au Bic noir Slickpen nous apprend Anne Wolfers dans l'unique page retraçant la raison d'être de ce carnet de bord, quasi au jour le jour, sorte de bulletin météo de l’âme et du corps de l'autrice-narratrice.
On y voit les fluctuations de la vague, métaphore de la dépression , du mal être ayant entraîné cette hospitalisation en psychiatrie.
Les légendes sont laconiques, les croquis rugueux, ne mettant jamais en valeur la personne dont il est question. On est ici dans un dessin brut, frôlant le naïf, mais jamais complaisant.
Parfois une échappée vers la lumière se manifeste ,par exemple sous la forme d'une corde à linge comme une guirlande où voltigent joyeusement des vêtements d'enfant ou de la présence réconfortante d'un petit chien. La narratrice n'occulte rien des échecs, des conséquences sur son corps des traitements , mais aussi du retour vers le sourire, vers la vie. Un bel objet artistique, sensible et lumineux.
Un grand Merci à Babelio et aux Éditions Esperluette.
06:00 Publié dans Autobiographie, BD | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne wolfers
24/02/2017
Le perroquet
"...J"ai compris que j'allais passer une semaine de plus dans ce monde imaginaire...loin de la maladie de maman."
"Marie souffre de troubles bipolaires à tendance schizophrénique !!!", tel est le diagnostic posé par les spécialistes. Des troubles qui l'obligent à fréquenter des établissements psychiatriques, séjours qui l’éloignent de son fils Bastien.
Dans cette BD autofictionnelle, l'auteur, Espé, à choisi de se replonger dans ses souvenirs d'enfance, de nous faire partager sa vision de la maladie de sa mère. Une maladie qui peut faire basculer cette jeune femme d'un instant à l'autre dans une crise d'une violence extrême. La violence, on la ressent aussi dans l'incompréhension de certains proches , le grand-père maternel en particulier, dans ce que croit comprendre l'enfant doté d'une imagination débordante, mais aussi dans l'extrême pauvreté de certains services hospitaliers (murs lépreux, meubles vissés au sol...).
Le rouge orangé flamboie dans toutes les cases associées à ces crises soudaines,le gris bleuté, l'ocre étant réservés aux scènes plus neutres, tandis que le vert baigne les rares instants de calme et de bonheur partagés avec cette mère trop souvent tourmentée.
La seule porte de sortie pour le narrateur, confronté à des scènes ou des propos qu'un enfant ne devrait pas connaître, est le monde imaginaire qu'il s'est créé et dans lequel sa mère est devenue une super héroïne.
Le dessin est d'une rare puissance, s'attachant parfois aux détails, mais explosant surtout de cette souffrance maternelle.
Quant au perroquet qui donne son titre à l’œuvre , aussi moche et rudimentaire soit-il, c'est le un magnifique témoignage d'amour et de transmission.
Une œuvre poignante et forte, brisant les tabous, qui file directement sur l'étagère des indispensables !
le Perroquet, Espé, Glénat 2017,
06:00 Publié dans BD, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : espé
28/01/2017
Culottées t1 et t2 Des femmes qui ne font que ce qu'elles veulent
"Accepte le fait que tu es beaucoup plus que tu penses être." Cheryl Bridges (athlète)
Un énorme merci à Pénélope Bagieu qui avec ces Culottées nous présente avec humour et délicatesse des femme connues ou pas (j'en ai découvert une flopée),originaires d'Europe, d'Amérique du Nord ou du Sud mais aussi d'Inde, d'Afrique ou d'Afghanistan.
Contemporaines ou non, elles ont pour point commun d'avoir dû lutter pour imposer leurs idées dans un monde d'hommes, lutter pour obtenir leur liberté,leur singularité ,lutter pour vivre tout simplement
.Nous en connaissons certaines, mais pas forcément sous tous leurs aspects. Ainsi Hedy Lammar, sex- symbole par excellence (elle a été l'héroïne totalement dénudée du film "Extase" en 1931 à l'âge de 17 ans) a-t-elle été à l'origine de plusieurs inventions, d'abord méprisées par l'armée américaine (une actrice, pfff)!J
J'ai particulièrement été touchée par la très discrète Giorgina Anzulata, (1908-2001) qui, avec très peu de moyens, mais beaucoup de bonnes volontés, a réussi à sauver un phare de l'ensablement. Quant au parcours de de la jeune rappeuse afghane Sonita Alizadeh qui a réussi à échapper à plusieurs mariages forcés , il est marqué par la réification du corps des femmes, qui n'est envisagé que comme marchandise.
Pénélope Bagieu ne se gêne pas pour tacler au passage certains hommes célèbres. Ainsi Haroun Tazieff qui , à plusieurs reprises rabaissa le travail des volcanologues Katia et et Maurice Krafft ou de souligner au passage que c'est sous Barack Obama que l'avocate Jesselyn Radack se retrouva au cœur d'un véritable cauchemar car elle avait été une lanceuse d'alerte.
C'est donc tout un panel de femmes courageuses, intelligentes et inventives qui s'offre à nous, de quoi offrir de beaux exemples à nos filles et garçons.
- Pénélope Bagieu a réalisé ici une œuvre d'utilité publique en nous offrant tous ces modèles valorisant de femmes.
Culottées T1 et 2, Pénélope Bagieu, Gallimard 2016 et 2017.
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : pénélope bagieu, femmes
07/06/2016
Juliette/Les fantômes reviennent toujours au printemps
"On a un peu l'impression d'être tombé dans une autre dimension.
-Hum...
-Moi j'appelle ça la dimension tragique.
-Oui, c'est tout à fait ça."
Juliette , entre angoisses et hypocondrie non assumées, flirte gentiment avec la dépression. Elle revient dans la ville de province où elle a grandi à la recherche de souvenirs enfuis. Tout a changé, ses parents se sont séparés, la grand-mère perd la tête- mais lâche néanmoins une information concernant un vrai fantôme. Quant à sa sœur aînée, sans doute lasse d'être étiquetée la plus forte, et de porter à bout de bras un mari -dont la nouvelle lubie est de fabriquer des flans -deux enfants et le reste de la famille ,tout en faisant des ménages et en ménageant les susceptibilités de chacun, elle a pris un amant qui se déguise ,entre autres, en fantôme.Mais elle n'attend rien de cette relation, qu'elle entend bien rester dépourvue de tout sentiment.
On ne s'est jamais beaucoup parlé dans cette famille où les rôles étaient figés, mais en ce printemps tout va bouger, au moins un peu.
Camille Jourdy prend son temps pour installer ses personnages en apparence "ben ordinaires" mais tous gentiment décalés. Leurs vies banales gagnent en couleurs grâce aux vignettes qui sont autant de petits tableaux pleins de fraîcheur et de vie. Les scènes de nudité adultères dans la serre évoquent des tableaux de Botero et prennent des allures de paradis avant la faute, ce qui est un sacré décalage !
L'autrice et dessinatrice est pleine d'empathie pour ses personnages, y compris les figurants qu'elle croque avec autant de tendresse que ses personnages principaux. Ainsi les habitués du café, dont deux charmantes vieilles dames à chiens, nous donnent-ils envie d'aller avec eux faire une partie de fléchettes.
Il ne se passe pas grand chose en apparence, juste la vie, dépeinte avec justesse. On aimerait juste que la vie ait les couleurs de l'univers de Camille Jourdy.
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : camille jourdy
29/04/2015
Le beau voyage
Le lecteur de BD officiel à la maison c'est l'Homme. De temps en temps, il me conseille une BD et , en général, je ne le regrette pas !
Un téléphone portable volé, la mort d'un père annoncée, autant d'événements qui vont être l'occasion de révéler des secrets.
Léa, jeune femme en devenir, va pouvoir ainsi voir sous un nouveau jour le décès de celui à qui elle doit la vie, son petit frère, ré-envisager sous un nouveau jour son histoire familiale et se délester de bagages trop lourds pour entamer à nouveau Le beau voyage.
Un récit sensible et des dessins accordant leurs tonalités aux états d'âme des héros. Un joli moment de lecture sans mièvrerie.
06:03 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : springrer et zidrou
08/02/2015
Lulu paie son coup
"Putain...J'ai même pas eu le temps de penser à ma retraite que j'ai déjà pas de travail !"
Lulu se moque comme de son premier ballon de rouge de la branchitude, elle trimballe sa dégaine de fille à la Kiraz ,fauchée, au chômage, célibataire ,qui vit encore chez ses parents de terrasse de café en apéro dinatoire.
Enfant de la crise, elle déambule en tee-shirt à capuche, les mots "cellulite", "shopping" , "Coachella "(en Californie) lui sont étrangers mais elle porte un regard acéré sur notre époque et sur nos mœurs.
Elle s'y connaît en sport, a un côté plein de gouaille, un peu canaille, qui lui fait conseiller à son ami Carlo, pour le réconforter de sa semaine "difficile": "Si tu veux demain,, on se fait un gros Do Mac bien sale, on va au ciné voir Iron Man 4, tranquille, et on se termine au PMU à s'enquiller des binouzes !"
Lulu d'Ardis , sur son blog, hébergé par Le Monde (clic) croque aussi l'actualité avec mordant et l'humour noir ne lui est pas étranger (ça fait du bien !). Si Lulu paie son coup, on aimerait bien être de la partie !
06:00 Publié dans BD, Humour | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : lulu d'ardis
10/12/2014
Fun home / C'est toi ma maman ?
"Sa honte habitait notre maison, aussi invisible et envahissante que le musc aromatique du vieil acajou."
Précisons d'emblée que j'ai lu ces deux romans graphiques dans l'ordre inverse de parution (C'est toi ma maman ? attend désespérément un billet depuis cet été) et que j'ai acheté Fun Home en poche, qui s'est avéré plus maniable et plus léger dans tous les sens du terme.
Dans chacun de ces volumes l'auteure interroge ses relations à chacun de ses parents , mais si la construction de Fun home est volontairement complexe, la narration en est , paradoxalement, plus fluide. Le "coming out" d' Alison Bechdel précède de peu le suicide ou accident (?) du père, homosexuel honteux et l'auteure dépeint très bien cette enfance si particulière au sein d'une famille d'artistes où règnent les non-dits, le tout dans une bicoque gothique, salon funéraire de surcroît.
J'ai moins apprécié le second volume, placé sous l'égide de Virginia Woolf (il m'a donné envie de relire La promenade au phare) et de la psychanalyse, (le premier faisait référence à l'Ulysse de Joyce) qui m'a semblé plus ardu , voire trop fouillé et au final peu satisfaisant dans l'analyse.
Bilan en demi-teinte donc.
Le billet d'Antigone.
06:00 Publié dans Autobiographie, BD | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : alison bedchel