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02/06/2021
Le plongeoir
"Je n'avais rien à leur prouver, à ces cons-là ! je plonge si je veux. Pas parce qu'on me lance un défi. Je ferai les choses quand je serai prête. Et même si je ne plonge jamais de ma vie, cela gêne qui ? "
Trois nouvelles mais deux thèmes communs: l'eau et le jeu qui se transforme en contrainte, en harcèlement. Trois points de vue également: celui de la jeune fille que deux lourdauds voudraient contraindre à plonger; celui du harceleur qui oblige son cousin à apprendre à nager , en lui faisant frôler de peu la noyade; enfin celui du témoin passif, en l’occurrence la mère d'un ado qui voudrait contraindre sa copine à nager tout de suite alors qu'elle voudrait prendre son temps, jugeant l'eau trop froide.
Des situations en apparence anodines, dont les adultes ne prennent pas toujours la mesure du traumatisme qu'elles peuvent engendrer et qu'Elsa Devernois peint avec beaucoup de finesse et d'efficacité en quelques pages.
Merci à Babelio et Talents Hauts pour cette découverte.
06:00 Publié dans Jeunesse, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : elsa devernois
01/06/2021
Canoës
"Ni errance, ni même exploration, ces heures s'étirent dans une forme d'appréhension excitée, un jeu ouvert, où la monotonie de la banlieue , sa continuité infinie , mais aussi les échappées sur les collines, dans les plis rocheux de la montagne, peuvent à tout moment faire revenir une image, une pensée, une voix, et relier en moi ce qui se tient disjoint."
"Roman en pièces détachées", comme le décrit-elle-même l'autrice, Canoës explore la nature de la voix humaine, dans ce qu'elle peut avoir de plus ténu et de plus révélateur en sept textes, "sept satellites" gravitant autour d'une novella centrale.
Les canoës, qui servaient autrefois à transmettre les messages dans les régions lacustres se retrouvent dans chacun des textes, soit sous une forme discrète (en pendentif, par exemple) ou plus massivement. Ce qui relie également ces textes, ce sont les périodes troublées dans lesquelles évoluent les personnages, que ce soit ce veuf qui refuse d'effacer la voix de sa femme sur le répondeur ou cette narratrice de "Mustang" qui vient de perdre l'enfant qu'elle portait, ce qui est mentionné très discrètement ,et se trouve confrontée à un nouveau pays où la voix de son amoureux a changé, comme pour mieux s'adapter.
Qu'on s'interroge sur la voix que pouvaient avoir les derniers chasseurs-cueilleurs de la préhistoire, qu'on rencontre une amie qui veut rendre sa voix plus grave pour l’adapter aux critères d'un possible emploi à la radio , on est toujours au plus près de ces personnages et de leurs préoccupations tant le style de Maylis de Kerangal exerce un charme (au sens premier du terme) efficace et prégnant.
Verticales 2021.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles françaises, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : maylis de kerangal