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10/08/2020
Après
"Un manque d'épaisseur dans nos entrevues. Un manque d'épaisseur dans nos liens. Un manque d'épaisseur tragique."
Après s'être installée plusieurs années, loin de l’Australie et de sa mère, Nikki Gemmell, est rentrée au pays avec mari et enfants. Les relations entre les deux femmes ont toujours été compliquées et l'autrice écrit même qu'elle avait "rompu avec Elayn d'un point de vue émotionnel à l'age de treize ans , quand elle m'a forcée à acheter mes chaussures d'école avec mon propre argent de poche. Elle voulait donner une bonne leçon à mon père parce qu'il était en retard dans le versement de ma pension alimentaire."
Femme autonome, parfois rugueuse, Elayn n'était pas une mère conventionnelle et elle ne mâchait pas ses mots.
Son décès subit va tout remettre en question, surtout quand l'enquête de police va montrer qu'Elayn laminée par des douleurs qu'on ne pouvait traiter efficacement, a choisi de mourir.
Commence alors un parcours qui mène l'autrice à brosser le portrait d'une femme à multiples facette, mais aussi une enquête sur le suicide assisté, la manière, souvent inefficace dont on traite les douleurs physiques, les opérations parfois inutiles qui ne font que générer de nouvelles douleurs. Un long parcours qui permettra d'atteindre une forme de compréhension de ce geste et d'apaisement. Un texte fort.
Au Diable Vauvert 2019, traduction Gaëlle Rey
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nikki gemmel
09/08/2020
#Unorthodox #NetGalleyFrance
"Je ne pourrai jamais aller à l'université, je le sais. Ils censurent tout ce qui est extérieur à nos manuels. L'instruction, disent-ils, ne mène à rien de bon."
Élevée par ses grands-parents dans la communauté hassidique Satmar à Williamsburg, quartier de New-York, la narratrice de cette autobiographie, Deborah Feldman a longtemps respecté les principes contraignants, en particulier pour les femmes, prônés par les rabbins. Seul l'amour de la littérature l'a entraînée à dévorer en cachette des romans non censurés.
Il faudra un mariage arrangé avec un jeune homme de la même communauté ,avec qui elle n'a aucune affinité ,pour que commence une émancipation compliquée et douloureuse.
La série portant le même titre a été inspirée par cette autobiographie mais est beaucoup plus romanesque et s'éloigne beaucoup de la réalité des faits.
Ce témoignage permet de comprendre de l'intérieur les motivations et le fonctionnement de cette communauté religieuse, qui refuse toute assimilation au reste du monde car elle considère que c'est ce qui a abouti au génocide juif en Europe. Très précise, parfois crue, cette autobiographie nous permet aussi découvrir toute la violence faite aux femmes au nom de la religion.
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (6)
08/08/2020
Mélancolie du pot de yaourt/ Méditation sur les emballages
"Il est possible que l’immobilisme du pot de yaourt apaise en nous l’angoisse de la métamorphose permanente des objets."
Le titre de ce recueil de textes (organisés en six chapitres aux intitulés tout aussi savoureux ) est à lui seul un pur délice et annonce un esprit original,tout à la fois pince -sans -rire et pertinent.
On pense, via le format des textes, souvent court, à Philippe Delerm, mais l'impression s'avère fugace et heureusement car ici, la qualité de l'écriture et la variété des angles d'attaque font davantage penser à Francis Ponge, cité en exergue du recueil.
Je suis enthousiaste quand un auteur propose une réflexion sur des objets du quotidien et les envisage d'une façon inattendue et c'est bien le cas ici. Qu'il tente l'autohypnose devant un paquet de chips bio "à l'ancienne" ou remarque qu'il "est rare , dans un film de fiction ou une série, de voir un personnage jeter quelque chose." , Philippe Garnier nous réjouit par ses analyses.
Quant à ses descriptions, elles frôlent souvent la perfection, qu'il s'attache à définir de manière poétique un simple panier , "Un panier d'osier est un minuscule taillis enchevêtré en lui-même." ou un objet encore plus prosaïque comme les nouveaux sachets de plastique dans les rayons fruits et légumes : "Élastique et soyeuse, leur substance semblait provenir du monde médical. Elle avait quelque chose de séducteur et de faussement rassurant. Mes terminaisons nerveuses ne captaient presque rien. La douceur de ce plastique évoquait la peau d'un organe sensible."
Il possède l'art de nous surprendre dès la première phrase : "Un jour je suis entré dans un sac à pommes de terre."; celui de la formule également: "Jamais plus on ne vit un pays tout entier emballer une dent creuse". Il fait feu de tout bois, s'intéresse à tout, au préservatif comme aux techniques de vente des marques de luxe, s'arrête souvent devant les tas de gravats et compare les mérites respectifs du sable, de la poussière ou du parpaing. Il varie les tonalités, frôle l'acide , dénonce l’absurdité de notre monde , décrit avec un humour féroce nos mini victoires ou nos énervements contre ces emballages qui envahissent nos vies , jusqu'à quasiment nous donner la sensation d'étouffer.
On se balade ainsi, au fil des textes, et grâce à cet auteur iconoclaste, on envisage d'un autre œil ces fameux emballages, dans leur diversité et leur quantité. Un pur régal qui file sur l'étagère des indispensables.
Éditions Premier Parallèle
2020, 143 pages piquetées de marque-pages.
Antigone m'a donné envie de découvrir ce livre: clic.
06:00 Publié dans Essai, l'étagère des indispensables, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : philippe garnier