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16/03/2020
Dans la lande immobile
"Je me laissais aller à penser que d'une certaine manière , les connaissances de nos ancêtres coulaient dans nos veines, qu'avec le temps, j'oublierais quelles puissance s’étaient opposées dans la guerre de Succession d' Espagne et comment résoudre des systèmes d'équations, mais me rappellerais comment filer la laine et moudre du grain, lire dans le vol des oiseaux et la pousse des plantes pour savoir ce qui se passait au-delà de ma vue. Les talents de mon père: inutiles à part dans un but archéologique."
Coincé derrière le volant de son bus, Bill, fervent nationaliste du nord de l'Angleterre, n'a qu’une passion : l’archéologie.
Véritable tyran domestique, frustré de ne pouvoir exploiter son "expertise autodidacte", il impose à sa femme et sa fille, Silvie, un séjour où, en compagnie d'un professeur d'université et d’étudiants, ils vivront une vie au plus près de celle des hommes et femmes de l'âge de fer.
Mélange de survivalisme et de sexisme, le séjour va bientôt prendre une tournure dramatique quand les hommes se mettront en tête de rejouer un sacrifice humain...
Racontée du point de vue de Silvie, adolescente intelligente et observatrice, le récit instille par petites touches une violence sourde, contrebalancée par l'émancipation prônée par la seule étudiante du groupe, Molly, qui propose à Silvie d'autres modèles familiaux. Différences sociales, emprise sont aussi en jeu dans ce roman bref et prenant où la nature joue aussi un rôle important. Une magnifique découverte.
Traduit de l’anglais par Laure Manceau, Actes Sud 2020, 138 pages qu’on ne lâche pas.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sarah moss
13/03/2020
En attendant le jour...en poche
Bosch , son enquêteur fétiche étant parti à la retraite, Michael Connelly entame ici une nouvelle série avec une héroïne plus jeune, Renée Ballard, inspectrice affectée au quart de nuit du commissariat.
Situation frustrante car ne pouvant déboucher en principe sur le suivi, et donc la résolution d'aucune enquête. Mais on peut compter sur l'obstination et la volonté de s'affranchir du poids de la hiérarchie des héros de Connelly pour qu'évidemment cet obstacle soit contourné, fût ce au péril de sa santé.
Nous voici donc lancés sur la piste d'un agresseur de prostitué trans et sur celle de l 'assassin d'une jeune serveuse dans un ba, victime collatérale d'un règlement de compte dans un bar.
Dûment documenté, le roman démarre plutôt lentement mais ne nous épargne pas quelques scènes propres à susciter des sueurs froides, scènes où il ne ménage pas son héroïne. Une héroïne attachante,et pas seulement parce qu'elle a adopté un chien des rues.
Michael Connelly ne retrouve pas ici le niveau atteint avec ce qui reste pour moi son meilleur texte, à savoir le Poète, mais en excellent faiseur, remplit sa mission : nous divertir avec talent et c'est avec plaisir que je lirai le prochain tome de cette série.
06:04 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : michael connelly
12/03/2020
#Ungarçonsurlepasdelaporte #NetGalleyFrance
"Je comptais sur l'effet voiture. Tu sais, quand les enfants qui refusent de parler à leurs parents s'épanchent dès qu'ils sont dans un véhicule en mouvement. Comme si ce qu'on disait dans une voiture ne comptait pas."
Micah Mortimer, crack en informatique, s'est organisée une petite vie routinière entre son emploi de factotum dans l'immeuble où il réside et sa petite entreprise de dépannage à domicile. Rien de bien glorieux.
Mais s'il est doué pour tout ce qui concerne les ordinateurs, il l'est beaucoup moins en matière de relations sociales. Aussi quand un jeune homme se présente à sa porte, persuadé que Micah est son père biologique, le quadragénaire ne saute pas de joie.
Arrivés là on craint le pire, le roman qui part sur des rails bien huilés, mais Anne Tyler, en observatrice bienveillante et expérimentée de la famille, sait dans ce court roman (208 pages) éviter les écueils d'un roman trop prévisible, tout en préservant le plaisir de son lecteur.
Une lecture confortable.
Phébus 2020, traduit de l’anglais (E-U) par
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : anne tyler
11/03/2020
Retour à Birkenau...en poche
"Nous remontons. On retrouve nos mortes, on retrouve nos poux, on retrouve la nuit."
Déportée en 1944 avec son père, son frère et son neveu, Ginette Kolinka sera la seule à revenir de Birkenau.
Si elle annonce brutalement à sa mère la mort du reste de sa famille,elle ne raconte à personne, même pas à son mari, l'horreur de ce qu'elle a vécu. Les 26 kilos qu'elle pèse à vingt ans en disent bien plus long et la culpabilité de la survivante l'en empêche tout autant.
Il faudra la création de la fondation Spielberg, après le film la liste de Schindler pour que Ginette Kolinka accepte de se confier , avant que d’accompagner des groupes d'élèves à Birkenau.
Retour à Birkenau, où l'on croise fugitivement Marcelline (Loridan -Ivens) et Simone (Veil ) ,est un récit bref, cru, où Ginette Kolinka ne s'épanche guère, sauf à regretter la quasi aseptisation des anciens camps d'extermination, le décalage entre ce dont elle se souvient et ce que sont devenus ces endroits, parfois presque trop jolis au printemps. Afin d'imaginer le bruit , les odeurs, la promiscuité, la violence, le froid, il faut lire ce témoignage cru.
Il faut aussi deviner entre les lignes et les quelques détails qu'elle donne, presque en passant, la reconstruction de cette femme, qui ne pouvait se défaire de l'habitude prise au camp de baisser les yeux, qui a fait deux dépressions mais qui se réjouit de ce que ses sœurs ne l'aient pas considérée comme une déportée. Un récit nécessaire.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ginette kolinka
10/03/2020
Chasse à l'Homme
"J'ai voulu comprendre pourquoi elle m’avait envoyée à paris traquer le petit Français alors que l'homme de ma vie m’attendait à Montréal. Pourquoi me lancer sur une fausse piste ? Parce que pendant longtemps, je ne me rendrais pas compte, elle disait."
Même si Sophie Calle l'a devancée en se lançant à la poursuite d'un homme sur les conseils d'une voyante, ce qui était son projet initial, Sophie Létourneau ne se décourage pas et réécrit plusieurs fois ce qui deviendra cette Chasse à l’homme.
Récit, jeu d''écriture performative, ce texte force le réel , interroge l'autofiction et brosse le portrait d'une jeune femme à Paris, à Montréal, mais aussi dans le monde littéraire . "Des escortes, c'est ce qu'ils voient en nous. et tous ces autres que j'oublie. Parce que c'est bien cela ,le pire : ils sont si nombreux, si communs, qu'à force on oublie."
Et le temps passant, l'autrice dresse un constat alarmant : "Aujourd’hui, j'ai trente-neuf ans, je suis professeure, j'ai publié des livres, je suis en position d'autorité et je ne ais toujours pas comment ne pas laisser le champ libre-le champ littéraire, le champ universitaire, qui sont les deux champs que je connais- à ceux qui font de nos carrières des champs de mines."
Un projet et un texte passionnants pour tous les amoureux de l'écriture et des contraintes littéraires, qui permettent d' envisager le réel d'une nouvelle manière...
La Peuplade 2020.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sophie létourneau
09/03/2020
Une vie et des poussières
"Certains pensent qu'on a toujours été vieux et enquiquinants . Ils ne se doutent pas de la richesse de nos vies. On est devenus encombrants. On oblige les gens à ralentir, à répéter, et on les enferme dans le présent."
Placée dans un Ehpad confortable par ses enfants, épaulée par une aide-soignante jeune et pleine de vie, Mathilde tient son journal pendant quelques mois.
Même si son enfance d'enfant cachée pendant la guerre a été douloureuse, Mathilde, grâce à son mari, a choisi le parti de la vie et a su avancer , faire carrière dans le journalisme, ce que lui reproche encore maintenant sa fille.
Lucide, mais jamais amère, Mathilde revient sur son existence, mais brosse aussi le portrait des pensionnaires et de certains membres du personnel de cet établissement où "on ne peut pas trop prévoir."
C'est tendre et émouvant mais cela manque un peu d'aspérités.
Buchet-Chastel 2020
De la même autrice: clic
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : valérie clo
08/03/2020
#VcommeVirago #NetGalleyFrance
J’ignorais tout de la série Youtube d'Aude GG quand j'ai commencé la lecture de ces 70 portraits de femmes, plus ou moins connues, œuvrant dans des domaines très divers et venant d'horizons géographiques et d'époques très diverses.
Dans la lignée des Culottées, sont ainsi présentées aussi bien des femmes pirates, que des scientifiques victimes de l'effet Matilda (qui désigne le déni ou la minimisation récurrente et systémique de la contribution des femmes scientifiques à la recherche, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins, qui sans scrupules s'en sont attribué le mérite), d'une prostituée ou de femmes ayant lutté pour l'émancipation, des femmes remarquables donc..
Une courte biographie, accompagnée d'un portrait et d'une citation permettent ainsi la découverte de ces héroïnes souvent méconnues et donnent bien évidemment envie de les découvrir davantage.
06:00 Publié dans Biographie, Document | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : aude gogny-goubert, adrien rebaudo
07/03/2020
L'aube sera grandiose...en poche
Quand Titania, écrivaine, embarque sans prévenir sa fille de seize ans, Nine, vers une destination inconnue, une cabane cachée au bord d'un lac, cette dernière regimbe. Sans réseau, comment supporter ce huis-clos avec sa mère ?
Ce que Nine ignore c'est que Titania rejoue avec elle une scène qu'elle-même a vécue quand sa propre mère, Rose-Aimée ,lui a dévoilé un secret familial. Dorénavant, c'est à Titania de passer le relais et de narrer à sa propre fille une histoire familiale pleine d'amour et de cahots.
Récit d'une nuit blanche, L'aube sera grandiose est un roman fluide qui nous tient en haleine, une magnifique histoire de transmission, une magnifique histoire d'amour entre des mères atypiques et leurs enfants. L'occasion aussi de se replonger, pour qui les ont connues, dans les années 70, là où tout était plus lent, là où l'ennui n'était pas sauvagement combattu à l'aide d'écrans. Un grand coup de cœur pour terminer l'année.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : anne-laure bondoux
06/03/2020
I am I am I am...en poche
"J'aurais aimé savoir que les choses qu'on ne contrôle pas dans la vie sont en général plus importantes, plus formatrices, à long terme que celles qui se passent comme prévu."
Le projet de Maggie O'Farrell ? "raconter la vie de quelqu’un , mais uniquement à travers ses expériences avec la mort."
Chacun des dix-sept chapitres, dûment datés et illustrés façon vieille planche d'anatomie, est consacré à une partie du corps de l'autrice-narratrice, car c'est bien de Maggie O'Farrell qu'il s'agit ici. Et cela commence très fort par un texte d'une tension dramatique extrême ,dont on se dit qu'après cela les choses ne pourront que baisser en intensité. Pas vraiment.
Chacune des expériences qui nous est relatée frappe par sa volonté de vérité dans l 'expression des sensations et des sentiments. Maggie O'Farrel scrute, écrit à l'os, ne se donnant jamais le beau rôle, mais décrivant au plus près pour mieux nous les faire ressentir la douleur, "Une douleur sans rebord, parfaite, parfaite comme une coquille d’œuf.", la violence des institutions de santé dont l'enfant qu'elle a été, mais aussi la femme, ont été victimes. Pas de course au dolorisme pour autant. Si l'auteure évoque l'hémorragie post-partum dont elle a failli mourir, et rappelle que "mourir en couches semble être un danger totalement daté, une menace extrêmement lointaine entre les murs des hôpitaux des pays développés" , c'est aussi pour mieux dénoncer le taux de mortalité maternelle anormalement élevé du Royaume-Uni ,ou évoquer un sujet tabou: les fausses couches et la manière dont elles sont trop souvent balayées d'un revers de la main.
La mort, elle la connaît donc de près, et ce depuis l'enfance. En effet, atteint d'une encéphalite, dont elle garde encore des séquelles, Maggie O'Farrell sait dans sa chair ce qu'est le poids du regard et des réflexions des autres, mais aussi la bienveillance et la confiance que l'on peut trouver dans une main anonyme que l'on serre ou des mots de réconfort. De quoi braver tous les pronostics pessimistes.
Le livre se termine par une course contre la montre, contre la mort, un condensé de souffrances, mais aussi une réaffirmation de la vie coûte que coûte. Un coup de poing -coup de cœur qu'on n'oubliera pas de sitôt.
Un texte qui file directement sur l'étagère des indispensables , bien sûr.
Belfond 2019
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : maggie o'farrell
05/03/2020
#RichesseOblige#NetGalley
"Il suffisait d'avoir lu Balzac, Zola ou Maupassant pour ressentir dans sa chair que ce début de XXIe siècle prenait des airs de XIX e."
Découvrant par hasard qu'elle est apparentée à une riche famille d'industriels, Blanche mère célibataire et , suite à un accident "coléoptère boiteux", va mener l'enquête et ainsi croiser le destin d'un de ses ancêtre, Auguste qui ,comme elle, faisait un peu tache dans la lignée.
En effet, ce jeune idéaliste avait reconnu comme sien l'enfant de celui qui avait été acheté pour le remplacer au service militaire (d'une durée de 9 ans!) et était mort à la guerre de 1870.
Grâce à ses amis hauts en couleurs et aux technologies modernes, Blanche va en quelques clics élaguer les branches de cet arbre généalogique de cette famille sans scrupules, où le seul langage qui se parle est l'argent.
Avec le talent et l'humour qu'on lui connaît, Hannelore Cayre alterne les périodes historique ,sans jamais perdre son lecteur en route, pour mieux lui signaler les similitudes sociales existant entre le XIX et le XXI e siècles.
Roman engagé, brassant des thèmes éclectiques (économiques, artistiques, féministes, écologiques...), Richesse oblige est un fabuleux pied de nez au dieu Argent , pied de nez dont on adorerait qu'il devienne réalité.
Un roman enthousiasmant qui file illico sur l'étagère des indispensables !
Éditions Metailié 2020
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06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hannelore cayre