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10/10/2019
Le drap blanc
"On se place là où il faut. On agit de la seule façon possible. Et c'est plus tard, dans la solitude qu'on se permet d'être désarticulé."
Elle n'était pas en France quand son père est mort, alors Céline Huyghebaert, peut être pour compenser, va mener une sorte d'enquête, empruntant différentes formes (interviews, récits de souvenirs, description de cartes postales...) pour créer un portrait kaléidoscopique de celui dont chacun se souvient différemment.
Pas question ici d'obtenir un résultat harmonieux, au sens où se dégageraient de grandes lignes communes. Non, ce qui intéressant dans cette démarche, c'est l’opiniâtreté de l'auteure et sa finesse d’analyse.
Un récit dérangeant et fort.
Le Quartanier 2019, 323 pages
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : céline huyghebaert
09/10/2019
#SurLeBoutDeLaLangue #NetGalleyFrance
"Soyons des écologistes des mots, savourons les les espèces menacées que sont "fuligineux", "alacrité", "polymathe", "évergète" ou "parousie" ! "
C'est par le documentaire "A voix haute: la force de la parole "réalisé par Stéphane de Freitas en 2016 que j'ai découvert l'enthousiaste Bertrand Périer, avocat, enseignant et surtout amoureux fou des mots.
L'occasion était trop belle de prolonger ma découverte de l'univers de cet homme passionné par les mots de la loi, bien sûr, mais tout autant par ceux de la musique, de la nourriture ou de l'amour, entre autres.
L'avant-propos est une véritable déclaration d'amour aux mots," [ses]plus chers compagnons" car ils offrent "une infinité de portes ouvertes sur le monde".
Ce goût des mots, il s'efforce de le transmettre aux jeunes, via des cours et des concours d'éloquence, et ici même par quelques propositions ludiques à la fin de chaque chapitre.
Si j'ai d'abord été un peu déroutée par ce qui s'avère être en fait un portrait de l'auteur via certains mots appartenant à ses domaines de prédilection, j'ai été ensuite portée par l'écriture fluide de celui qui sait si bien transmettre ses émotions. Un grand plaisir de lecture.
Jean-Claude Lattès 2019
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bertrand périer
08/10/2019
Voyage du côté de chez moi
"Foulant l'humus et les feuilles sèches, je me remplissais de joie, j'étais attentif à la moindre manifestation, sensible au moindre signe de la vie sauvage. l'abri de ces grands arbres m'était confortable, il me consolait de mes déboires, de mes peines, de mes chagrins. il y avait toujours des formes à emporter, à garder à l'esprit."
A rebours d'autres voyageurs qui "font" des pays étrangers, recherchent l'insolite, l'inconnu ou l’exploit sportif, Jean-Luc Muscat nous propose ici un Voyage du côté de chez moi.
Périple de sept jours durant lequel, l'auteur, ancien forestier comme nous l'indique la quatrième de couverture, va prendre le temps de se poser, d’observer jusqu'à se fondre dans le paysage ce qui l'entoure. Voyage contemplatif qui s’oppose à la vitesse exigée par notre société, voyage passionnant pour qui veut bien emboîter le pas à Jean-Louis Muscat et s'émerveiller à ses côtés de ses découvertes et de ses réflexions. Un grand coup de cœur. Et zou, sur l’étagère des indispensables.
Éditions Le Mot Et Le Reste, un volume fin , dans tous les sens du terme, 85 pages à glisser dans sa besace.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jean-luc muscat
07/10/2019
#JeNeSuisPasSeulAetreSeul #NetGalleyFrance
"J'ai besoin des autres, tout simplement pour qu'il me rendent heureux.
Et qu'ils me donnent l’adresse d'un bon restaurant."
Octogénaire, veuf, sans nouvelles de sa fille depuis trois ans, Jean-Louis Fournier est seul. Aussi seul que soixante-dix ans auparavant quand il s'était perdu dans un grand-magasin et réclamait sa maman.
Il a besoin des autres, mais simultanément il apprécie la solitude, tout en regrettant d'être seul.
Un pas en avant deux pas en arrière, Jean-Louis Fournier danse le tango de la solitude, un tango mâtiné d'humour mais aussi de quelques touches de pathétique, il faut bien l'avouer.
C'est à la fois poignant et un peu agaçant, mais le lecteur apprécie la franchise sans fard de l'auteur qui ose ne pas se présenter sous son meilleur jour.
Jean-Claude Lattès 2019
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean-louis fournier
05/10/2019
Comment t'écrire adieu...en poche
"J'ai fait payer de longues années à mon frère de onze ans les posters de Samantha Fox et Sabrina ; et moi, femme adulte, cérébrale somme toute, et armée de convictions inversement proportionnelles à celles de mes bonnets, je me fais cueillir par cette blonde peroxydée, fluette mais qui s'est fait rajouter des seins comme si elle devait instamment exercer la profession de nourrice." [Il s'agit de Dolly Parton].
R. est parti. Sans dire adieu à Juliette qui, du coup, revisite via quatorze chansons éclectiques la bande sonore de sa vie. Elle décortique à sa manière drôle et futée les paroles de ces viatiques singuliers et revient sur cette histoire d'amour chaotique, ses fêlures, son enfance, son chien Gros, ses amis, ses amours précédentes, ses fixettes, le tout avec panache.
le texte de Juliette Arnaud pâtit un peu de cette volonté de vouloir tout dire en une seule fois,en vrac, mais c'est avec une sincérité désarmante. On retrouve avec beaucoup de plaisir le style si reconnaissable de la chroniqueuse de France Inter (dans l'émission Par Jupiter) et si la fin est un peu abrupte, on a néanmoins passé un très bon moment avec cette fille très sympathique dont on aimerait bien faire sa copine
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juliette arnaud
04/10/2019
Microfictions II...en poche
"C’est un sport , l’existence. Un sport extrême quand on en a définitivement marre de courir, de pédaler, de monter les côtes en rampant, de les dévaler sur le dos comme une boule mal équarrie."
D'abord , il y a le volume: 1135 pages pour 500 microfictions, noires, très noires, avec un rythme enlevé, format et style obligent. On ne peut pas se contenter d'enchaîner les platitudes et les clichés dans une page et demie, comme dans certains romans qui semblent s'écrire tout seuls, tant leurs auteurs sont prolifiques.
Ensuite, il y a les titres ,sagement rangés dans l'ordre alphabétique de "Aglaé" à "Zéro baise", en passant par "De savoureux ananas qu'on cueille à l'arc", ou "Mars est chaud à Maubeuge". On y croise aussi des personnages aux noms savoureux: "Xavière Téton", "Cousin Marmelon" ou "Laure ponédon".
Quelques injonctions vigoureuses nous sont parfois données: "Va claquer des dents à la cuisine" ou "Mettre la réalité en pause". Bref, rien qu'à feuilleter le pavé, on devine qu'on n'entre pas ici au royaume du tiédasse et de la joliesse.
La quatrième de couverture , qui bat en brèche tous les clichés sur l'enseignement et les illusions des parents, donne le ton (et le texte complet va encore plus loin dans l’excès , n'hésitant pas à convoquer la coprophagie !).
Je me suis finalement lancée et ce fut un régal ! Attention, sous peine de gueule de bois littéraire, il ne faut pas abuser de ces microfictions qui passent à la moulinette le couple, la famille, bref, tout ce qui fait que nos vies sont trop souvent "navrantes" aux yeux de l’auteur.
On pense, en plus délié, aux Nouvelles en trois lignes de Félix Fénénon pour l'humour noir et la brièveté, avec un zeste de crudité. Régis Jauffret s'offre le luxe de commencer ses nouvelles très souvent par une première phrase qui en dit déjà long sur son personnage ou la situation mise en place, situation qu’il n'a plus qu'à laisser tomber encore plus bas car "L'existence n'est jamais à court de marches quand il s'agit de les dévaler."
Amateurs d'humour noir précipitez-vous sur cette arme de destruction massive de la bienpensance.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : régis jauffret
03/10/2019
Mon autopsie...en poche
"J'ai toujours eu peur de l'attendrissement.
La sensibilité me semblait une faiblesse qu'il fallait cacher.
J'ai essayé d'être dur. Je crains d'avoir réussi."
C'est à une double autopsie que nous convie Jean-Louis Fournier: celle de son corps (dont il a fait don à la science), qu'il imagine réalisée par une très jolie étudiante ( charmeur jusqu'au bout des os, Jean-Louis), celle de son âme, qu'il se réserve.
Quand on est familier de l’œuvre du créateur d'Antivol ou de la Noiraude, on retrouve ici les membres de sa famille évoqués dans ces précédents ouvrages, mais ici l'auteur se livre à une sorte d'examen de conscience sans complaisance et n'hésite pas à nous livrer certains aspects de son caractère ou de son comportement pas forcément sympathiques.
Il n'en reste pas moins que l'humour s'invite régulièrement , souvent en fin de chapitre, et que la fiction de l'autopsie corporelle apporte la distance nécessaire à ce qui aurait pu devenir un exercice trop auto centré. Une nouvelle fois, l'auteur de La servante du seigneur tend les bras métaphoriquement parlant à sa fille qui s'est éloignée de lui. Une œuvre sensible et touchante qui manie l'humour noir avec dextérité
05:50 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-louis fournier
02/10/2019
Valentine ou la belle saison...en poche
"Tu en connais beaucoup des familles où tout le monde s'aime, se parle sans hypocrisie ni jalousie, et ne cache rien à personne ? "
A l'aube de la cinquantaine, Valentine et son frère aîné, Frédéric, vont devoir faire face à de nombreux bouleversements.
Sur fond de campagne électorale présidentielle ,chacun d'entre eux va devoir affronter à sa manière et "digérer" des secrets de famille façon poupées russes , secrets d'autant plus violents qu’ils les obligeront à faire le deuil de l'image idéalisée de leurs parents.
Pour ne rien arranger, Fred comme Valentine doivent simultanément faire face à des tourments personnels...
Centré sur le personnage de Valentine, femme qui a bien du mal à accepter et son corps et la réalité, le roman d’Anne-Laure Bondoux se révèle addictif tant il excelle à croquer des personnages pleins de vie, de doutes mais d’énergie aussi.
Interrogeant les liens subtils, et parfois tortueux, qui unissent frères et sœurs, il brosse aussi en arrière plan le désenchantement d'une certaine gauche idéaliste.
Même si la fin me laisse dubitative, j'ai dévoré à belle dents ce roman qui fleure bon la joie de vivre malgré tout.
05:50 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : anne-laure bondoux
01/10/2019
Les silences sauvages
"...elles font partie de celles qu'on ne regarde pas." En butte à l'hostilité du monde pour des raisons principalement économiques, mais pas que, elles puisent dans leurs ressources intérieures, mais aussi dans leur rapport à la nature, de quoi tenir bon.
Un triptyque de textes donc, pour trois femmes dont le destin serre le cœur pour des raisons différentes.
Il y a d'abord l’héroïne de Sirène, à qui semble s'offrir une seconde chance mais qui sera rattrapée par la violence imbécile . Elle préfèrera confier son destin à l'eau et au brouillard.
Puis, la jeune femme de Chien qui ruse pour qu'on ne se rende pas compte de sa situation dans une société qui feint d'interpréter comme ça l'arrange les indices de plus en plus visibles de sa détresse. Récit central, il comporte des scène qui m'ont juste broyé le cœur, tant elles sont insoutenables.
Quant à la dernière, c'est celle qui semble la mieux insérée dans la société, mais qui ne possède pourtant qu’un seul tailleur pour assister à une réunion à l'étranger , l'occasion de s'ouvrir au monde et de s'intéresser à un animal océanique étrange, la Limule. Une échappée belle qui clôt ces récits sur une respiration bienvenue.
Entre onirisme, poésie et réalité brute, Karin Serres dépeint avec acuité et sensibilité un univers qui est à la fois le notre et pas tout à fait. Des portraits bouleversants. Une belle découverte.
Merci aux éditions Alma et à Babelio.
05:55 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : karin serres