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13/06/2019
Mer agitée...en poche
"Mais qu'est ce qu'il a ton petit-fils ? Il a changé, il devrait aller voir quelqu'un , a insisté Marie. en levant vers moi ses yeux transparents où je percevais cette forme de pitié qui me hérisse le poil, parce que cette pitié-là est très impitoyable, elle vous englue, ne vous aide jamais, ne vous tend aucune main secourable."
Un drôle de couple que forment Jean et son petit-fils, Léo. Léo, quasi mutique, hanté par des cauchemars récurrents,censé passer des vacances chez son grand-père, après son retour d’Afghanistan, où il a servi dans l'armée.
Jean ne le comprend plus et pour oublier son corps trop âgé, il se plonge par tous les temps dans la mer. Comment faire face à ce jeune homme dont il est quasiment la seule famille, sa mère ayant brusquement disparu, son père ayant refait sa vie en Australie ?
Bientôt, Léo, qui a déjà fait preuve de violence envers une jeune fille, est accusé de meurtre. Toute la population du village voit en Léo le bouc émissaire idéal...
Mer agitée est un roman qui vaut surtout par sa finesse psychologique dans la description des personnages et la manière habile dont son auteure parvient à nouer deux intrigues par-delà les années. Un bon moment de lecture.
De la même autrice: clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christine desrousseaux
11/06/2019
#UnSoirAuParadis#NetGalley
"Mais je suis restée quand même là, à réfléchir à ma vie, une vie pleine de beauté et d'amour en définitive. Il me semblait l'avoir traversée comme j’avais traversé le Louvre, en observatrice invisible."
Quels que soit les aléas de la vie que connaissent les héroïnes des nouvelles de Lucia Berlin, quelles que soient les lieux qu'elles habitent, temporairement ou non, elles ne se plaignent jamais et se débrouillent toujours pour préserver l'essentiel : l'amour, que ce soit celui des hommes (souvent infidèles) et des enfants.
Artistes, stars américaines lors d'un tournage, professeure connaissant de fins de mois difficiles, Lucie Berlin, observe avec empathie et débusque toujours la fêlure des êtres. Vingt-deux textes qui confirment tout le talent de cette novelliste qui s’est souvent inspiré de sa vie.
De la même autrice: clic.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Valérie Malfoy.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lucia berlin
10/06/2019
#LeCahierDeRecettes#NetGalley
"Je veux ta colère, tes reproches, tes insultes, tes coups. Tout, sauf ton silence immobile et cette putain de chape de plomb qui recouvre tes émotions depuis que maman est partie.Je n'en peux plus de tes habits de deuil, de ta rectitude de moine soldat qui dort près de son fourneau. Je ne veux plus de ta sollicitude de père courage, de ta transmission sans émotion, de nos rites qui pédalent dans le vide."
Au lendemain de ce qu'on n’appelle pas encore la guerre d’Algérie, Monsieur Henri, flanqué du fidèle Lucien, a fait du Relais fleuri un restaurant d'habitués. Là, il mène une vie toute entière consacrée à sa femme, à son fils Julien et, bien sûr, à sa cuisine.
Mais, toujours il refusera que son fils devienne à son tour cuisinier.
Quand le roman commence, Henri est plongé dans le coma et Julien veut à toutes forces retrouver le cahier de recettes de son père, ce qui le replongera dans le passé et lui fera découvrir les secrets de son taiseux de père.
Je connaissais Jacky Durand par ses chroniques culinaires, je découvre ici son deuxième roman et c'est un pur régal. Tendresse, gouaille, et bien sûr, évocations de plats qui font saliver, sont au menu de ce très joli roman de filiation empêchée entre un père et son fils.
Stock 2019
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jacky durand
08/06/2019
Notre vie dans les forêts ...en poche
"Ils nous traitent comme du bétail, je me suis dit. Ils nous infantilisent au point qu'ils ne nous avertissent pas de la procédure, même pas quand il s'agit de nos corps ! De mon corps !"
Après un essai sur une peintre allemande, revoici Marie Darrieussecq aux commandes d'une dystopie se déroulant dans un futur très proche, voire ayant peut être même déjà commencé.
Marie est psychologue, spécialisée dans le traitement des traumatismes, mais elle doute de plus en plus de l'efficacité des méthodes qu'elle applique. Tandis que dans son cabinet elle s'efforce de soigner, autour d'elle la société se délite et les libertés rétrécissent dangereusement. Mais un de ses patients va lui donner la possibilité de se rejoindre une bande d'humains et de clones libérés qui vivent au cœur des forêts.
Comme dans Truismes, la narratrice est empêchée dans son corps et se hâte de rédiger son histoire car la mort rôde. Mais là où le premier roman de l'écrivaine prenait son temps pour nous décrire les changements de la société, Notre vie dans les forêts est beaucoup plus court (189 pages) et le sentiment d’urgence encore plus grand.
Il y est beaucoup question de corps, augmenté par des implants et dont on change les organes comme autant de pièces de rechange si on est très riche. Le langage tient également une place importante, tout comme les clones dont la narratrice analyse avec finesse les interactions avec les humains.
Un roman surprenant, constellé de marque-pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marie darrieusecq
07/06/2019
Nos vies...en poche
"Nous parlions peu. Nous étions, je l'ai pensé plus tard, dans la pleine gloire de nos corps.souples, et à la proue de nous-mêmes."
La narratrice du roman a toujours été du côté de la fiction,observant, voire inventant, pour suppléer en quelque sorte la cécité de sa grand-mère. Devenue adulte, sans doute pour distraire sa solitude, elle continue en imaginant, brodant à partir de petits détails, la vie d'une caissière d'origine étrangère au Franprix de son quartier et celle d'un de ses clients du vendredi matin.
Parallèlement, se dévoile petit à petit la propre existence de la narratrice.
La solitude, les sentiments mis sous le boisseau, l'exil, tels sont les principaux thèmes du nouveau roman de Marie-Hélène Lafon. Qu'il soient étrangers ou juste venus de leur région, ses personnages partagent une même absence d'acclimatation à Paris. Ces vies infimes en apparence, Marie-Hélène Lafon sait leur prêter toute l'attention nécessaire pour nous les rendre proches et infiniment attachantes.
Nos vies, Marie-Hélène Lafon,
à noter que le personnage de Gordana, la caissière ici, apparaissait dans une longue nouvelle précédemment parue aux éditions du Chemin de fer en 2012.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marie-hélène lafon
06/06/2019
Une nuit à l'hôtel le 1
"C'est le prix à payer: dix-huit ans de sa vie pour la liberté de ses enfants."
Cette année, les auteurs mis à contribution pour le recueil de nouvelles annuel du 1 ont planché sur le thème d'Une nuit à l'hôtel. Hôtel, "lieu de tous les possibles" comme le souligne Julien Bisson dans sa préface. De fait, chaque auteur a s'est emparé à sa façon de ce thème et l'a traité sans jamais tomber dans la facilité.
De ce cru 2019, je retiendrai particulièrement la nouvelle d'Adeline Dieudonné, Alika, émaillée de citations d'un manuel destiné aux futures employées de maison philippines, qui fait froid dans le dos , mais ne tombe jamais dans le manichéisme. Un texte plein de sensibilité qui donne encore plus envie de lire à nouveau cette autrice très douée.
Changement de registre avec Serge Joncour qui, avec Une nuit, presque à l'hôtel, nous régale d'un récit à double chute, pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques !
L'occasion aussi de découvrir des auteur.e.s aux tonalités très variées.
06:02 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : coulon, joncour, bouraoui, prudhomme, dieudonné, bouysse, djavadi, férey, astier, jauffret, zenatti
05/06/2019
Farallon Islands...en poche
"J'ai été cette personne constituée de sensibilité artistique et de chagrin. J'ai cru que mon esprit était primordial et mon corps secondaire."
"Photographe, nomade, orpheline de mère. Une épistolière, laissant derrière elle une traînée de papier et de mots partout dans le monde, comme celle d'un avion. une artiste avec un appareil photo en guise de cerveau: froid, précis, calculateur. Une femme en noir." Ainsi se définit a posteriori Miranda, la narratrice qui va passer une année sur les Farallon slands. Des îles tout sauf hospitalières où ne vivent que des biologistes chargés d’étudier la faune locale.
Rebaptisée Melissa, voire Souricette, la narratrice va peu à peu prendre ses marques et se laisser fasciner par cet environnement violent et meurtrier, peu accessible,où "tout est dangereux, même la peau des requins", ce qui nous donne un étonnant huis-clos en plein air.
Roman initiatique, se déroulant dans un environnement oppressant, où les distinctions entre humains et animaux ont disparu aux yeux des biologistes qui semblent détachés et sans empathie, Farallon Islands distille une sourde fascination qu'il faut prendre le temps de laisser agir. Un roman riche aussi en informations étonnantes sur les animaux qui la peuplent, avec un mention spéciale pour le poulpe "domestique", Oliver. Abby Geni, par son écriture précise, nous fait ressentir l'odeur du guano, sentir les poux d'oiseaux ou les attaques des goélands furieux avec une acuité sans pareille. Un roman puissant qui file sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : abby geni
04/06/2019
#RosieUneEnfanceAnglaise#NetGalley
"Voilà le monde où nous venions d'entrer, un monde où rien ne se produisait en apparence, mais où, sous la surface, d'énormes plaques tectoniques d'émotions dérivaient."
La découverte en 1994 du Royaume interdit avait été pour moi, comme pour beaucoup d'autres un choc émotionnel. Là, sous des dehors très policés, une auteure envisageait un thème ,quasi inédit en littérature : le fait qu'une petite fille voulait devenir un garçon.
J'ai suivi ensuite, de loin en loin, les romans de Rose Tremain, qui s'était ensuite beaucoup tournée vers des romans historiques, ce qui n'est pas du tout ma tasse de thé.
Quel plaisir de renouer avec son écriture dans ce récit de son enfance au sein d'une famille bourgeoise aisée, où l'argent circulait plus facilement que les sentiments.
Sans autoapitoiement, Rose Tremain, née en 1943, revient sur ses relations avec sa mère, analysant avec précision les parcours de cette femme malaimée par ses propres parents, incapable d'aimer ses deux filles, posant un couvercle sur ses sentiments et aussi, il faut bien l'avouer, furieusement égoïste et futile, même si ces mots ne sont jamais écrits.
Pas de règlements de compte donc, mais une prise de conscience tardive, lors d'une rencontre avec une autre écrivaine, Carolyn Slaughter, que celle qui a offert généreusement un socle affectif, qui a été "un ange gardien", "la personne à qui [elle] devait [sa] santé mentale- et sans doute celle de [sa] fille unique Eleanor" était sa gouvernante adorée, Nan.
Grâce à elle, Rosie et sa sœur ont pu affronter la séparation de leurs parents et l'attention en pointillés qu'ils accordaient à leurs enfants.
Mais, c'est vers l'art et plus précisément vers la fiction littéraire que Rosie se tournera quand, envoyée dans différents pensionnats, plus ou moins confortables, elle ne pourra réaliser son rêve: aller à Oxford; destin refusé par sa mère, qui refuse d'en faire "un bas bleu" difficilement mariable.
La dernière partie relate, un peu trop rapidement à mon goût, l'émancipation de Rosie, qui deviendra Rose, mais il n'en reste pas moins que j'ai pris beaucoup de plaisir au récit de cette vie, marquée par la capacité de résilience d'une auteure que j’ai envie de redécouvrir.
JC Lattès 2019, 212 pages, traduction de Françoise Du Sorbier
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : rose tremain