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09/03/2019
La nuit des lucioles...en poche
" Vous pourriez considérer les promesses comme une série de filets : certains durent une vie entière, d'autres se défont, incroyablement fragiles, en un clin d’œil.Les promesses de garder un secret , ce sont les plus délicates - en particulier quand il s'agit de secrets que vous ne pensiez même pas détenir."
Christopher, dit Kit, la quarantaine passée , s'englue dans une vie dépourvue de perspectives. Son énergique femme, Sandra, l'enjoint de partir à la recherche de son père biologique, père dont sa mère a toujours refusé de lui révéler l'identité.
Cette quête lui permettra tour à tour de voir sous un autre jour le père qui l'a élevé , un robuste montagnard, sorte de héros local, mais aussi de découvrir tout un pan de son histoire paternelle et de faire la connaissance de Fenno MacLeod, libraire déjà rencontré dans Jours de juin (quel plaisir de le retrouver et de découvrir ce qui lui était arrivé !)
Quels que soient les paysages (on se balade dans plusieurs États américains très différents), les milieux sociaux évoqués , on sent l'auteure parfaitement à l'aise dans ses descriptions. Avec beaucoup de sensibilité et de bienveillance, elle peint des familles dissemblables, mais qui , chacune à leur façon , se débrouille pour s'adapter aux changements des temps et des mœurs. Un bon gros roman comme on les aime,avec des personnages hauts en couleurs dont on devient vite très proches !
La nuit des lucioles, And The dark Sacred Night, Julia Glass, traduit de l’anglais(E-U) avec élégance par Anne Damour,
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : julia glass
08/03/2019
Au bord de la Sandà
" C'est drôle comme on s'habitue à la solitude. Au début, on a l'impression qu'elle va être intolérable. On regrette les gens et les relations. Mais, peu à peu, quelque chose d'autre les remplace. Ce que l'on considérait comme indispensable s'avère ne pas l'être forcément au bout du compte."
Un peintre vit et peint dans ses caravanes, au bord d'une rivière glaciaire, en Islande . Il ne cherche pas à frayer avec les estivants et ,quand le camping se vide à la fin de l'été, il reste seul .
Il arpente la forêt, cherchant à rendre la vérité des arbres, épaulé par des écrits de peintres, seulement troublé par l'apparition d'une femme vêtue de rouge.
Ni la visite d'un de ses enfants, ni celle d'un acheteur potentiel de ses tableaux ne semblent le toucher et petit à petit s'affirme une volonté à la fois radicale et paisible: celle de ne plus pouvoir vivre dans une société dont il refuse les valeurs frauduleuses: "Le ciment est lourd, en tout cas, et un joug de béton peut faire couler n'importe qui . J'avais une maison que je ne pouvais pas payer et cela m'ôtait tout désir de soulever un pinceau, car je ne pouvais me résoudre à lier d'aucune façon tableaux et revenus. Ce qui est sans doute une notion totalement dépassée dans la société où nous vivons."
Roman contemplatif et intense, faisant la part belle à la nature, Au bord de la Sandà est un roman doté d'une écriture à la fois précise et poétique, exprimant" la force vitale à l’œuvre dans la création". Un roman de 142 pages, bruissant de marque-pages. Un roman qui m'a parlé comme rarement et qui file non seulement sur l'étagère des indispensables, mais également sur ma table de chevet, comme un viatique. Un coup de foudre littéraire !
Magnifiquement traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson, La Peuplade 2019.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gyrdir eliasson
07/03/2019
#IamIamIam #NetGalleyFrance
"J'aurais aimé savoir que les choses qu'on ne contrôle pas dans la vie sont en général plus importantes, plus formatrices, à long terme que celles qui se passent comme prévu."
Le projet de Maggie O'Farrell ? "raconter la vie de quelqu’un , mais uniquement à travers ses expériences avec la mort."
Chacun des dix-sept chapitres, dûment datés et illustrés façon vieille planche d'anatomie, est consacré à une partie du corps de l'autrice-narratrice, car c'est bien de Maggie O'Farrell qu'il s'agit ici. Et cela commence très fort par un texte d'une tension dramatique extrême ,dont on se dit qu'après cela les choses ne pourront que baisser en intensité. Pas vraiment.
Chacune des expériences qui nous est relatée frappe par sa volonté de vérité dans l 'expression des sensations et des sentiments. Maggie O'Farrel scrute, écrit à l'os, ne se donnant jamais le beau rôle, mais décrivant au plus près pour mieux nous les faire ressentir la douleur, "Une douleur sans rebord, parfaite, parfaite comme une coquille d’œuf.", la violence des institutions de santé dont l'enfant qu'elle a été, mais aussi la femme, ont été victimes. Pas de course au dolorisme pour autant. Si l'auteure évoque l'hémorragie post-partum dont elle a failli mourir, et rappelle que "mourir en couches semble être un danger totalement daté, une menace extrêmement lointaine entre les murs des hôpitaux des pays développés" , c'est aussi pour mieux dénoncer le taux de mortalité maternelle anormalement élevé du Royaume-Uni ,ou évoquer un sujet tabou: les fausses couches et la manière dont elles sont trop souvent balayées d'un revers de la main.
La mort, elle la connaît donc de près, et ce depuis l'enfance. En effet, atteint d'une encéphalite, dont elle garde encore des séquelles, Maggie O'Farrell sait dans sa chair ce qu'est le poids du regard et des réflexions des autres, mais aussi la bienveillance et la confiance que l'on peut trouver dans une main anonyme que l'on serre ou des mots de réconfort. De quoi braver tous les pronostics pessimistes.
Le livre se termine par une course contre la montre, contre la mort, un condensé de souffrances, mais aussi une réaffirmation de la vie coûte que coûte. Un coup de poing -coup de cœur qu'on n'oubliera pas de sitôt.
Un texte qui file directement sur l'étagère des indispensables , bien sûr.
Belfond 2019
De la même autrice, clic, clic et reclic.
06:00 Publié dans Autobiographie, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maggie o'farrell
06/03/2019
#LesGratitudes #NetGalleyFrance
"Je chéris le tremblement de leurs voix. Cette fragilité. Cette douceur. Je chéris leurs mots travestis, approximatifs, égarés , et leurs silences."
Même s'il y a bien eu des signes avant coureurs, c'est venu d'un coup: Michka la vieille dame chérie par Marie, ne peut plus rester seule. Les mots lui échappent de plus en plus et elle est tombée dans son salon.
Placée en Ehpad , la vieille dame reçoit régulièrement la visite de Marie,ainsi que celle d'un orthophoniste, Jérôme.
Leurs points de vue , ainsi que celui, biaisé de Michka, qui raconte de manière cauchemardesque des événements dont on ne sait s'ils sont réels ou rêvés, alternent pour brosser de manière sensible et tendre le portrait de cette femme qui s'éloigne de plus en plus de celle qu'elle a été.
Tourmentée par une gratitude qu'elle n'a pu exprimer, Michka sera aidée par ses deux amis pour mener à bien cette mission.
On ne peut qu'être séduit par la délicatesse dont fait preuve à son habitude Delphine de Vigan.
Seul bémol : la volonté de vouloir à tout prix terminer sur une note trop optimiste, ce qui gâche un peu le plaisir du lecteur.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : delphine de vigan
05/03/2019
Personne ne disparaît...en poche
"Tout ce que je pouvais dire pour expliquer mes piètres choix c'est que j’avais eu le sentiment général d'avoir besoin de partir, d'avoir besoin d'être la première à partir,le besoin de me barricader contre la vie que tous les autres semblaient vivre, la manière apparemment évidente, intuitive, claire et facile, et facile et claire pour tous ceux qui n’étaient pas moi, pour tous ceux qui se trouvaient de l'autre côté de cet endroit appelé moi."
Sur la seule foi d'une vague invitation, Elyria quitte, sans prévenir qui que ce soit, sa vie apparemment bien lisse de new-yorkaise trentenaire et s'envole pour la Nouvelle -Zélande.
Là, malgré les nombreuses mises en garde, elle choisit de rallier la chambre d'ami proposée, en faisant de l'auto stop. L'occasion de faire de multiples rencontres et de révéler au fur et à mesure de son périple ,tout autant géographique qu'intérieur, les véritables raisons de sa décision.
Une seule voix domine ce premier roman à l'écriture fluide et riche en métaphores. Un seul point de vue, très spécial car Elyria entretient une relation toute particulière à la réalité. Un personnage très attachant qui va se découvrir jusqu'au final un peu verbeux, mais d'une violence psychologique extrême ,qui serre le cœur.
Un coup de cœur ! Et zou sur l'étagère des indispensables, malgré ce petit bémol pour la fin !
Personne ne disparaît, Catherine Lacey, traduit de l'anglais ,( Etats-Unis) par Myriam Anderson,
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : catherine lacey
04/03/2019
Fair-play
"- Mari, dit Jonna, parfois tu es vraiment trop explicite.
-Ah oui ? Parfois, on doit pouvoir des choses inutiles, non ?
Elles reprirent leur lecture."
Mari et Jonna, les doubles de Tova Jansson et de sa compagne, Tuulikki Pietalä, partagent un appartement où elles disposent chacune d’un atelier, relié par un grenier commun.
Les deux femmes ont environ soixante-dix ans, mais ont su conserver une capacité créatrice qui s'exerce sous différentes formes artistiques. Elles voyagent à l’étranger, se rendent aussi dans leur maison insulaire où elles pêchent et s'opposent parfois avec véhémence aux chasseurs qui ne respectent pas les dates d'ouverture de la chasse.
Une grande complicité et une grande fraîcheur se dégagent de ces textes courts, lumineux où Mari évoque aussi bien sa pratique artistique que des détails du quotidien, rituels ou disputes ,passagères, tant les deux partenaires semblent bien rodées l'une à l'autre.
Ce n'est qu'à la toute fin qu Mari évoque de manière explicite ses sentiments pour Jonna avec une infinie délicatesse : " Mari l'écouta à peine. Une idée audacieuse était en train de prendre forme dans son esprit : celle d'une solitude, rien qu'à elle, paisible et pleine de possibilités. Une fantaisie qu'on peut se permettre quand on a le bonheur d'être aimé."
Un bonheur de lecture.
Fair-Play, Tove Jansson, traduit du suédois par Agneta Ségol, La Peuplade 2019, 141 pages emplies de bienveillance.
De la même autrice : clic , clic et reclic
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : tove jansson