Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2016-12 | Page d'accueil | 2017-02 »

20/01/2017

Recherche femme parfaite...en poche

"La folie, me dit-elle, c'est de faire toujours la même chose, mais en espérant qu'un jour il y ait un résultat différent."

Julie est une femme parfaite , mère, épouse , qui mène sa carrière tambour battant. Elle est profondément admirée par sa voisine, la narratrice,  photographe beaucoup plus bohème:"C'était insensé tout ce qu'elle était capable de faire en une seule journée. Avec gentillesse et l'air de ne pas faire d'efforts . Sans se plaindre . Et le sourire aux lèvres, s'il vous plaît !".
Mais un jour la belle mécanique s'enraye : Julie craque et se retrouve internée à Ste Anne. Diagnostic: "épuisement maternel aigu". anne berest
La narratrice commence alors une quête de femmes parfaites, cooptées par d'autres femmes, qu'elle photographiera en vue d'une exposition à Arles. Mais ce qu'elle trouvera au bout de sa recherche n'aura rien à voir avec le but attendu.
Avec humour et empathie, Anne Berest brosse le portrait de femmes de tous âges qui ont fort à faire avec leur féminité et la perfection qu'elles s’obstinent à atteindre, ou pas...Un roman joyeusement féministe, mené tambour battant , plein d'optimisme, de références et de conseils iconoclastes. Une galerie de personnages hauts en couleurs, (notamment une conseillère: Marie-Amélie Roussel,"sorte de psychanalyste concrète" qui vous donne son avis sur les choses" que j'ai tout particulièrement adorée) ,qui donne la pêche ! Un coup de cœur !

19/01/2017

C'est dimanche et je n'y suis pour rien...en poche

Le mort est le compagnon idéal, jamais jaloux, hargneux, mal luné, le mort ne vous décevra jamais. Il vous laissera lui tailler son costume de héros."

Léonore, la quarantaine venue, entreprend un voyage au Portugal , pays de son amour de jeunesse, tragiquement disparu.carole fives
Elle n'a rien construit, a abandonné ses rêves de peinture et semble caparaçonnée dans la culpabilité d'un passé douloureux.
Ce voyage, suivi au jour le jour, lui permettra-t-il de prendre son envol et de faire la paix avec elle -même ?
Dans un style à la fois enjoué et sensible, Carole Fives entrelace passé et présent, faisant revivre avec acuité les sentiments exacerbés de la jeunesse. Nous suivons pas à pas son héroïne, comprenons ses réticences, ses peurs et découvrons aussi tout un pan trop mal connu de notre histoire: celle des Portugais venus s'installer en France.
Un roman qui fait battre le cœur mais ne sombre jamais dans le pathos. Une réussite qui confirme tout le bien que j'avais déjà écrit sur les différentes œuvres de Carole Fives !

18/01/2017

Nue sous la lune

"J'étais ton inséparable jouet, ton yo-yo, et tu me maniais à la perfection."

Une femme a tout abandonné, son talent de sculpteur en particulier, pour se mettre au service, dans tous les sens du terme, d'une sorte de géant de la sculpture. Ce dernier, à la tête d'une communauté artistique où il accueille ses disciples, règne sans partage sur son cœur et son corps.
De cette emprise, elle tente de se défaire au début du roman.violaine bérot
Récit à la première personne, Nue, sous la lune, est un texte à la fois fiévreux et maîtrisé où une femme analyse avec minutie son enfermement volontaire dans une relation toxique. Il est parfois difficile de  faire prendre la mesure de tels liens mais Violaine Bérot,  en 118 pages denses , y parvient avec brio.

Nue, sous la lune, Violaien Bérot, Buchet-Chastel 2017, 118 pages piquetées de marque-pages.

17/01/2017

Garder la tête hors de l'eau

"C'était ma faute. Pourquoi est-ce que je l'avais écouté ? Et pourquoi est-ce que je l'écoutais tout court ? Il avait failli assassiner mon premier béguin, il m'avait diagnostiqué un problème oculaire imaginaire, et il avait l'art des plans foireux et des catastrophes."

Nicolaïa Rips a grandi entre une mère ancienne mannequin, voyageuse intrépide sédentarisée, métamorphosée  en peintre reconnue et un père avocat devenu romancier, spécialiste en catastrophes (cf la citation supra) dans le Chelsea Hotel.nicolaïa rips
Si dans les années 2000, les célèbres résidents de ce lieu mythique ont mis les voiles depuis longtemps, il n'en reste pas moins que cet endroit est toujours fréquenté par une faune haute en couleurs et surtout bien plus chaleureuse que les camarades de classe , bien trop conventionnels de l'auteure.
Ces derniers lui mènent la vie dure et il faut tout l'humour de la jeune fille pour Garder la tête hors de l'eau, ainsi que des moyens forts peu conventionnels, suggérés par ses parents et amis du Chelsea Hotel.
Une autobiographie échevelée, extrêmement drôle, enlevée, qui se dévore d'une traite. Nicolaïa Rips a dix-huit ans et on lui souhaite volontiers un bel avenir dans le domaine artistique.

Garder la tête hors de l'eau , Nicolaïa Rips,Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Dutheil de la Rochère, Fayard/Pauvert, 312 pages.nicolaïa rips

 

16/01/2017

Génération

"Le mariage est une tombe pour la femme."

Centré sur le printemps et l'été 2010, Génération est un roman choral qui évoque aussi le passé (1958), 2016 et se projette même en 2027, un peu difficile à résumer sans en révéler trop.paula mc grath
Ses personnages sont variés mais ont souvent comme point commun d'avoir quitté leur pays d'origine, de façon provisoire ou définitive. L'une des héroïnes est une irlandaise, Aine,  qui envisage de s'installer dans une ferme bio au cœur de l'Illinois, pour travailler gratuitement , échapper à sa vie étriquée de femme divorcée. Tant pis si elle ne connaît que trop superficiellement Joe, le propriétaire de la dite exploitation, qui se révèle beaucoup moins avenant que prévu , voire potentiellement dangereux.
Avec subtilité, Paula Mc Grath tisse des liens entre les époques et les personnages, sans jamais perdre son lecteur en route. On s'attache immédiatement à chacun d'eux, parfaitement croqué, on a plaisir à les retrouver au fil du texte et à constater leur évolution. L'écriture est précise et,pour un premier roman, on ne peut qu'admirer la perfection de la narration. Un grand coup de cœur !

Génération, Paula Mc Grath, traduit de l’anglais (Irlande) par Cécile Arnaud, Quai Voltaire 2017, 224 pages addictives.

L'avis enthousiaste de Cuné !

15/01/2017

Le cas Malaussène 1 Ils m'ont menti

"Quand il n' y a plus rien à espérer d'une société demeure la création !"

Enfin, la tribu Malaussène est de retour ! C'est avec un plaisir mêlé d'appréhension (allions-nous retrouver la verve, l'humour, la liberté narrative (et lexicale ) enjouée des premiers épisodes ?) que j'ai ouvert cet opus en commençant par le répertoire, histoire de me replonger dans le bain malaussénien. Ensuite, vogue la galère !
Alors, oui, ils sont tous-là et surtout mes favoris : Julius le chien, réduit un peu à la portion congrue mais fidèle au poste et Verdun, qui nous avait valu un morceau d'anthologie, tout nourrisson braillarde qu'elle était et qui, devenue adulte, n'en est pas moins puissante.daniel penna,saga malaussène
L'histoire ? Un affairiste haut en couleurs et fort en gueule (toute ressemblance avec un certain Bernard T. ...) a été enlevé. Benjamin Malaussène, qui cornaque tranquillement un écrivain adepte de la vérité vraie, va évidemment se retrouver mêlé à cette affaire , bien malgré lui.
Benjamin a vieilli, les enfants ont grandi, le monde a terriblement changé et malgré un humour toujours présent, on sent une légère mélancolie, un désenchantement, qui se dégagent de ces pages. ça cavale à toute allure, ça défouraille mais, de on sent bien que notre anti-héros par excellence aimerait bien rester tranquille dans son Vercors...
Un excellent remède à la mélancolie,  pour faire la nique à la grisaille ! j'attends déjà le prochain volume avec impatience !


 

14/01/2017

La cache....en poche

"Chacun a essayé de s'échapper à sa manière. Cet espace clos, plongé dans le silence, rétif à tout rituel, iconoclaste et anachronique généra des rangées de boîtes de biscuits, des milliers de planches contact, quelques livres d'histoire et des études sur la phonétique ou les rapports aux autres."

Il faut accepter de se perdre (un peu) dans la chronologie et parmi les membres de cette famille qui, sur deux générations,va transmettre aux siens ses névroses et ses peurs. En effet,  l'antépénultième chapitre consacré à l'"Entre-deux"  éclaircit ,dans le labyrinthe de cette maison, à la fois refuge et prison, le secret du grand-père du narrateur.christian boltanski
Celui-ci, mettant en scène un faux départ, vivra en effet caché chez lui, en plein Paris, pour se mettre à l'abri des rafles visant les Juifs .
De ce traumatisme lié à l'identité, la famille ne sortira pas indemne, refusant de se séparer, recréant dans la voiture cet espace clos et sécurisant, quand il est impératif de sortir.
Christophe Boltanski, le neveu du plasticien Christian Boltanski, écrivant ce roman-vrai , brosse,  à travers le portrait d'une maison qui structure son récit (et devient un personnage à part entière),celui d’une famille hors-normes , à la fois marquée par l'Histoire et par la créativité.
Une expérience qui rend un peu claustrophobe, récompensée, à juste titre, par le prix Femina 2015.

13/01/2017

Femme au foyer...en poche

"Je ne suis rien qu'une série de mauvais choix mal mis en œuvre. C'était une accusation à laquelle elle ne pouvait rien objecter."

Expatriée en Suisse alémanique, "Anna était une bonne épouse, dans l'ensemble." La première phrase du roman  porte déjà cette restriction, cette fêlure et cette opacité qui caractérisent le personnage de cette américaine ayant épousé un Suisse, vivant avec leurs trois  jeunes enfants à l'ombre d'une église qu'elle ne fréquente pas; Femme au foyer , comme un écho "des 3K"( Kinder, Küche und Kirche, que l'on traduit en français par « enfants, cuisine et église », représentation des valeurs traditionnelles dévolues aux femmes durant le IIIème Reich).  jill alexander essbaum
Et pourtant comme le lui fait remarquer le Dr  Messerli :"Un femme moderne n'est pas obligée de mener une vie aussi étriquée.Une femme moderne n'est pas obligée d’être aussi malheureuse.[...] Anna se sentit rabrouée mais ne répliqua pas."
Ayant fait des études d'économie domestique, qu'elle ne semble guère mettre à profit, Anna trompe son ennui et son malaise en consultant une psychiatre, en suivant des cours d'allemand, et en ayant des relations sexuelles extraconjugales non dénuées de plaisir, mais de toute volonté de sa part ,ou presque.
Elle évolue dans un périmètre très limité, tant dans l'espace que dans la langue, que malgré les années, elle ne maîtrise toujours pas. Anna semble subir et s’interdire toute vérité, toute autonomie.
Placé sous les auspices de ses sœurs en littérature, Emma Bovary et Anna Karénine, le personnage central du roman de Jill Alexander Essbaum ne peut aller que vers la tragédie, programmée dès la première page.
Alors oui Anna pourra sembler agaçante à certains, mais tous les thèmes abordés, la langue poétique et évocatrice de l'auteure, l'opacité  des personnages et le malaise diffus qui se dégage de ce texte m'ont séduite au plus haut point !
Et aux pages cornées par Cuné (que je remercie très chaleureusement) s'est ajoutée une flopée de marque-pages (jamais aux mêmes endroits !)

12/01/2017

Une femme au téléphone

« Ah, j’en vire des hommes, qu’est-ce que je peux en virer ! j’en ai plein ma corbeille ! »

Une mère laisse des messages sur le répondeur de sa fille. Par le truchement de cette situation de communication perturbée ( autant que la narratrice !) se dessine le portrait d'une femme tour à tour dragueuse sur internet, mère envahissante, qui refuse de vieillir et fait preuve d'un humour, parfois noir « Il faut choisir, le cancer, la phlébite ou la dépression » , dévastateur.On devine très bien, en creux,  les réactions des interlocuteurs invisibles et le procédé n’est jamais pesant, bien au  contraire.carole fives,rapports mèrefille
Les revirements de la mère vis-à-vis de sa petite-fille, ses tentatives de culpabilisation i la mélancolie, la dépression qui s’immiscent entre deux tout cela sonne très juste.  L’émotion n'est pour autant pas oubliée, en particulier quand s'amorce une possible inversion des rôles.Ça cavale à toute allure et quand la fin arrive, on est tout étonné et un peu déçu car on aurait bien continué !
Carole Fives nous fait vivre des montagnes russes émotionnelles, c'est rondement mené, brillamment écrit (j'ai surligné à tour de bras) et ce roman file donc directement sur l’étagère des indispensables !

Une femme au téléphone, Carole Fives, Gallimard 2017

11/01/2017

L'homme est un dieu en ruine

"Les gens ne s’adoucissaient pas avec l'âge, ils se décomposaient, c'était tout, constatait Viola."

Deuxième volet du diptyque de Kate Atkinson consacré à la Seconde Guerre mondiale, L'homme est un dieu en ruine aborde cette fois le destin de Teddy, frère d'Ursula, l'héroïne au centre de Une vie après l'autre.
Pas de variations cette fois autour des possibles d'une existence mais néanmoins un travail d’orfèvre sur la temporalité puisque l'autrice alterne passé et présent , sans jamais perdre son lecteur en route.
Teddy donc qui a vingt ans, en 1940, s’enrôle dans pilote de bombardier et participera à des raids sur l'Allemagne. Teddy qui vivra très longtemps, connaîtra une belle et tragique histoire d'amour, aura une seule fille et deux petits-enfants, aux destins très variés.kate atkinson for ever !
J'avoue ne guère être attirée par les récits de guerre mais Kate Atkinson, à son habitude, parvient à nous rendre sensible la bravoure de ces très jeunes gens embarquant dans des avions à la sécurité toute relative, sans pour autant minorer la souffrance des populations civiles victimes de ces bombardements.
L'aspect familial n'est pour autant pas négligé et , par l'intermédiaire de Viola, fille unique de Teddy, baba cool et mère en apparence indigne, elle dépeint avec subtilité les relations compliquées entre parents et enfants au fil du temps. Que Viola devienne une écrivaine à succès n'est certainement pas un hasard, car comme nous l'indique Kate Atkinson, dans sa postface très éclairante, ce roman traite aussi de la fiction.
On retrouve,avec énormément de plaisir, l'humour souvent vachard de l'autrice, sa subtilité et son art de la narration. Un très grand bonheur de lecture !

L'homme est un dieu en ruine, Kate Atkinson, traduit de l'anglais par Sophie Aslanides, Éditions Jean-Claude Lattès 2017.

Oui, les deux tomes peuvent se lire indépendamment et même dans le désordre, pourquoi pas !

kate atkinson for ever !