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13/05/2016
Bad girl classes de littérature...en poche
"Tu auras honte de tes souvenirs. Tu voudrais être quelqu'un d'autre...et feras de ton mieux pour l'être."
Enfant non désirée, entrave à la volonté naissante de liberté et d'ambitions intellectuelles de sa mère, on peut dire que Nancy Huston partait avec un lourd passif.
S'adressant au fœtus à naître qu'elle fut, l'autrice revient non seulement sur son parcours de "drôle de petit chamois vaillant devenu dame vieillissante en femme de lettres." Mais surtout sur ce qu'elle appelle ses classes de littérature , que ce soit la musique et le langage, "échafaudages invisibles, sans poids, auxquels tu pourras toujours te cramponner.", "le fait d'être "la nouvelle", encore et encore"ou les leçons de piano.
Elle explore pas à pas le trauma, sans rien omettre de ses découvertes , même accidentelles ,et c'est cette façon de faire ,précise, et le style imagé de Nancy Huston qui ont su me séduire.
257 pages et une forêt de marque-pages !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : nancy huston
12/05/2016
Poulets grillés...en poche
"-Y a du corgi, le chien de la reine d'Angleterre, un peu de teckel, du bâtard, du corniaud, du clébard. Ce n'est plus un croisement, c'est un échangeur d'autoroute, gloussa-t-elle, contente de sa blague ou de son chien. Il s'appelle Pilote, mais vous pouvez Pilou.
-C'est vrai, je peux ? Il ne se vexera pas ? "
On ne peut pas les virer ? Qu' à cela ne tienne ! Le nouveau patron du 36 quai des Orfèvres crée une nouvelle brigade composée de tous les indésirables de la police. ll y a là un ancien négociateur du raid, une écrivaine s’inspirant un peu trop de ses collègues, un alcoolo, un porte-poisse, un ou deux crétins, le tout chapeauté par Anne Capestan, étoile vite montée, vite déchue de la judiciaire.
Réussissant à dénicher deux affaire à deux doigts d'être classées, cette belle bande de bras peut être pas si cassés que cela , va se mettre en branle et donner son maximum pour révéler la vérité.
Un grand sens du rythme, de l'humour et des personnages bien croqués font de ces 342 pages endiablées un petit plaisir de lecture à dénicher, comme moi en médiathèque, ou à s’offrir en poche.
Sophie Hénaff
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : sophie hénaff
10/05/2016
Enfant, je me souviens
"Ils [les souvenirs] murmurent à notre oreille un secret qui nous concerne au plus intime, mais qu'il nous est impossible de cerner et de formuler." Dr Catherine Dolto, haptothérapeuthe qui signe la préface de cet ouvrage.
C'est à un saut dans le passé (au sens propre et au sens figuré pour la narratrice d'Agnès Abécassis) que nous convient ces auteurs francophones rassemblés pour défendre la cause des enfants. Si deux d'entre eux (Isabelle Autissier en tête)soulignent au passage qu'autrefois les enfants jouissaient d'une plus grande liberté de circulation en France, il n'en reste pas moins comme le remarque aussi Laurent Binet, qu'un simple grillage pouvait déjà matérialiser une séparation sociale et conditionner toute une existence.
Il est aussi question de transmission dans ces nouvelles, que ce soit par un grand-père (celui d'Alain Mabanckou menant une double vie...) ou une enseignante Tatiana de Rosnay) ou de transmission par les mots (Maxime Chattam, Jean-Louis Fournier).
Si quelques (rares )nouvelles ont une tonalité un peu convenue, voire pour l'un d’entre d'eux, donne l'impression que l'autrice se regarde écrire,ôtant toute sensibilité au texte, d'autres sont tout simplement jubilatoires et nous emportent dans un univers où règne la loufoquerie, pour mieux contrer la misère. Je n'oublierai pas de sitôt le père Fiscalo de Philippe Claudel !
Nous croiserons aussi quelques célébrités, Yves Montand, Jacques Brel, ce dernier passant en toute simplicité des vacances sur la plage du vieux Boucau où "régnait "le père du narrateur de la nouvelle de Jacques Expert en sa qualité de maître-nageur sauveteur, l'occasion de créer une complicité père/fils un peu ambiguë...
Bref, un recueil particulièrement réussi pour évoquer les souvenirs d'enfance, réels ou fictifs.
De plus, pour chaque livre acheté, un euro cinquante est reversé à l'UNICEF. De quoi doubler le plaisir.
Livre de poche 2016.
Agnès Abécassis, Isabelle Autissier, Laurent Binet, Didier van Cauwelaert, Maxime Chattam, Matthieu Chedid, Philippe Claudel, Jacques Expert, Jean-Louis Fournier, Hélène Grémillon, Philippe Grimbert, Alain Mabanckou, Oxmo Puccino, Romain Puértolas, Tatiana de Rosnay, Eric-Emmanuel Schmitt, Sigolène Vinson.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (5)
09/05/2016
Le grand n'importe quoi
"-Si possible, il faudrait éviter le centre. Il y a des culturistes à mes trousses, des policiers à ma recherche, des extraterrestres sur mes talons, et le père Cadick qui patrouille avec sa carabine."
Bienvenue (ou pas) à Gourdiflot-le-Bombé, sa rue du Poney myope, son impasse du Marcassin Boiteux et ses habitants tous plus frappadingues les uns que les autres. Arthur aurait sans doute mieux fait de refuser l'invitation de Framboise, cela lui aurait éviter de se retrouver coincé dans une boucle temporelle, "pour vivre des situations toujours plus humiliantes" en compagnie de lémuriens et de quelques extraterrestres. L'occasion pour lui de trouver un sens à sa vie et accessoirement à la nôtre. Oui, rien que ça.
Il faut pas mal de culot pour oser intituler son roman Le grand n'importe quoi car si le contenu n'est pas à la hauteur des objectifs,le titre risque de se retourner contre son auteur !
Et pourtant , le pari est tenu: J.M.Erre s'en prend cette fois à l'univers des romans et films de science-fiction qu'il passe à la moulinette et secoue dans son shaker déjanté , y ajoutant quelques zeugmas "puis il prit en même temps une bouteille et un air menaçant", un soupçon de virelangue "un grand gras à gros goitre", force personnifications et autres ingrédients pleins d'humour dont il a le secret.
On pourra regretter une petite baisse de forme vers la fin ,qu'une pirouette de dernière minute ne parvient pas vraiment à sauver, mais c'est un bon moment de lecture déjantée dont on aurait tort de se priver.
Le grand n’importe quoi, J.M.ERRE Buchet-Chastel 2016, 296 pages folles ,folles, folles .
Le billet de Clara !
06:02 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : j.m. erre
05/05/2016
Que du bonheur !
"Faut pas me la faire à moi ! Je suis l'experte de la solitude, la professionnelle de la détresse amoureuse !"
Mais qu'a bien pu faire Angela dans un vie antérieure pour mériter une année aussi pourrie ? Jugez un peu : elle se casse le nez le jour de sa rentrée en seconde, hérite de l’étiquette "boulet"(combinaison "muette" et "moche"), son chat meurt, sa meilleure amie la trahit, sans oublier des vacances hautes en couleurs , d’abord en Ariège puis au camping Neptune...Une accumulation qui en mènerait plus d'une au trente-sixième dessous.
Mais, heureusement, Angela, même si elle ne s'en rend pas vraiment compte a hérité (un peu) de l'énergie de celle qu'admirait ses parents: Angela Davis, et aussi d'un solide sens de l'humour qui lui permet d'analyser, façon prof de philo, la chanson "deux minutes trente cinq de bonheur" pour mieux rebondir.
Dans ces 122 pages émaillées de photos , petits dessins et collages façon "carnet d'ados", nous la regardons , le sourire aux lèvres ,avancer vers une conclusion fine, en forme de clin d’œil ! Un petit bonheur à offrir (et à lire avant !).
Que du bonheur ! Rachel Corenblit, Éditions du Rouergue.
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : rachel corenblit
04/05/2016
Bons baisers de Mesménie
"- Je m'appelle Chlobak Androv Peranovski et j'arrive à pied de la Russie. J'ai faim et j'ai froid , madame. Je ne voulais pas abuser de vos poules."
Vous n'avez jamais entendu parler de la Mesménie ? Normal car c'est "un petit territoire nordique [...] pustule marécageuse pour ainsi dire, dans la mer balte.", "une des régions les plus pauvres de l'URSS qui en comportait pourtant beaucoup".
Thomas Lagrange , suite à une petite annonce cherchant un traducteur "pour le mesmène vers le français" va se trouver embarqué dans une série d’aventures qu'il ne va guère maîtriser, bien loin de sa petite vie plan plan et parisienne.
Tout va partir de sa traduction catastrophique d'un roman mesmène, langue dont il ne possède que quelques rudiments, et de la pression qu'il va se mettre à rendre son travail rapidement. En effet, notre ami Thomas, tout "immature ", "irresponsable " et "inconséquent " soit-il est aussi doté d'une belle imagination qui l'entraîne à violer allègrement toutes les règles de la traduction,ce qui m'a valu de nombreux éclats de rires !
Si le voyage en Mesménie est un peu moins réussi à mon goût, tournant un peu trop vite à la farce lourdaude, et ralentit un peu le rythme,il n'en reste pas moins que la description psychologique des personnages est très réussie et très drôle (voir comment Télématin rythme la matinée de sa copine est un pur régal...).
L'évolution de Thomas est aussi très intéressante et Fabienne Betting réussit à brosser un portrait nuancé de ce velléitaire professionnel, ce qui, au début, n'était pas gagné d'avance...
Un premier roman qui, malgré quelques maladresses, nous offre un bon moment de lecture! embarquez vite pour la Mesménie !
Bons baisers de Mesménie, Fabienne Betting, Autremenet, 394 pages savoureuses!
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fabienne betting
03/05/2016
Un an dans la vie d'une forêt...en poche
Pour préparer une longue fin de semaine...
"Une expérience directe de la forêt nous donne l'humilité nécessaire pour replacer nos vies et nos désirs dans le contexte plus large qui inspire toutes les grandes traditions morales."
Pendant un an, le scientifique David G . Haskell a étudié "un espace d'un mètre de diamètre, équivalant en taille aux mandalas des moins tibétains"sur une pente boisée dans le sud-est du Tennessee.
Ce pourrait être ennuyeux à mourir mais observer ce microcosme, en privilégiant pour chaque journée relatée (i n'y en a pas 365 !) un de ses aspects permet d'étudier "la communauté écologique", d'établir les liens qui unissent de manière souterraine ou pas les différents éléments naturels, et de replacer l'homme dans une perspective différente. C'est passionnant, on apprend plein d'informations, l'auteur est un excellent vulgarisateur et , ayant fréquenté les ateliers d'écriture américains, il est doté d'un très joli brin de plume. On frémit quand on apprend qu'un petit mammifère est capable de maintenir ses victimes vivantes mais "droguées", on se passionne pour la lutte des arbustes pour grandir et on colle des marque-pages à tour de bras devant de telles notations: "Jeter un coup d’œil sous la surface du mandala, c'est comme se poser légèrement sur la peau et sentir la vie palpiter."
Un énorme coup de cœur dont j'ai fait durer la lecture pour mieux le savourer !
Un an dans la vie d'une forêt, David G Haskell, traduit de l'anglais (E-U) par Thierry Pélat, Flammarion 2014,334 pages enthousiasmantes ! Collection Libres Champs 2016
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : david g. haskell
02/05/2016
En veilleuse
"Mon père a commandé deux autres bières et les choses ont commencé à toutes se mélanger , comme si les signes de ponctuation étaient rationnés. Comme si les mots et le temps étaient portés disparus."
Alby adopte un comportement pour le moins abrupt, ne parvenant pas à canaliser la colère et les sentiments qu'il ressent face au décès de sa mère. Il est vrai que chaque membre de cette famille semble avoir reçu un trop plein d'énergie, rendant le corps paternel insensible aux pires poisons car "C'était un homme dont le coprs refusait de mourir.", tandis que la sœur n'hésite pas à voler le jambe artificielle de son père pour l'empêcher de se suicider !
Et tout ce petit monde de s’engueuler, de s'empoigner, faute d'arriver à communiquer dans le calme !
Pendant le premier tiers du roman, j'ai craint le pire car l'accumulation de comportements agressifs et bizarroïdes m'évoquait Bret Easton Ellis mais j'avais tout faux. La preuve: un homme qui possède une bouledogue français peut être bizarre mais jamais mauvais. Et, au fur et à mesure, je suis devenue plus sensible à l'humour décapant du narrateur, avant de me laisser émouvoir par lui.
Une voix originale et forte vient se faire entendre avec vigueur ! Laissez la vous gueuler à l'oreille , bientôt elle se fera beaucoup plus tendre...
En veilleuse, Matt Sumell, traduit de l'américain par Jérôme Schmidt, Plon 2016.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : matt sumell
01/05/2016
La libraire...en poche /l'affaire Lolita (nouvelle édition)
”Un livre est l'élément vital et précieux d'un esprit supérieur...”
En 1959, Florence Green, veuve sans histoire, décide d'acheter The Old House, vieille bâtisse à l'abandon depuis plusieurs années, pour créer une librairie, la première de Hardborough, petite ville anglaise assoupie.
Cette décision va mettre en branle toute une série de manœuvres dissuasives pour contrecarrer cette décision.
L'affaire Lolita ,(précédent nom du roman en France) provoquée par la mise en vitrine du roman de Nabokov, ne sera qu'un épisode de cette lutte sourde entre Florence Green et Mrs Gamart qui a jeté son dévolu surThe Old House.
Le roman de Penelope Fitzgerald nous montre avec précision et un charme très british la faculté d'exclusion d'une petite communauté , pas pire qu'une autre.Qui y chercherait un roman sur la création d'une librairie ou sur le scandale créé par le roman de Nabokov ne pourrait qu'être déçu.
L'humour britannique rend cette lecture très plaisante
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : penelope fitzgerald