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09/05/2015
La fille du train
"Pour la première fois depuis bien longtemps, je m'intéresse à autre chose qu' à mon propre malheur. J'ai un but.Ou, en tout cas, une distraction."
Par la fenêtre de son train de banlieue du matin, ou du soir, Rachel observe les habitants d'une maison située en bord de voie. Un couple idéal à ses yeux, une vie parfaite qui s'offre comme un contrepoint à celle qu'elle connaît.
Mais un jour, une scène vient troubler la belle harmonie et Rachel apprend quelques jours plus tard que la si jolie jeune femme de la maison a disparu. Elle décide alors de s'immiscer dans cet univers qui fut naguère le sien...
C'est sur la foi d'une critique de Telerama (qui en disait beaucoup moins que la quatrième de couv') que j'ai commencé la lecture de ce thriller psychologique. J'ai aussitôt été happée et par les personnages (trois femmes prennent la parole ) et par le récit qui opère un virage à 180° dans le dernier tiers. Les informations sur la narratrice principale sont distillées au compte-gouttes , estompant ainsi le côté pathétique de sa situation.
Ce voyeurisme banal, qui n'a pas saisi au vol des scènes de vie au cours d'un voyage en train ?, est exploitée pleinement par Paula Hawkins qui ferre d'emblée son lecteur et ne le lâche plus ! Voilà longtemps que je n'avais dévoré un thriller avec autant d'appétit !
La fille du train, Paula Hawkins, traduit de l'anglais par Corinne Daniellot, Sonatine 2015, 379 pages à dévorer, par forcément dans les transports en commun, de crainte de louper son arrêt !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : paula hawkins
08/05/2015
Le beau monde...en poche
"J'aurai gagné en lumière et en ombre. En mystère."
"Terne, insipide", Frances Thorpes ? Cette obscure correctrice d'un prestigieux journal contemple de loin Le beau monde des lettres où elle officie à une très modeste place.Le hasard va lui permettre de recueillir les dernières paroles de l'épouse d'un grand écrivain, et, en côtoyant, même brièvement ce monde fascinant, Frances ne va pas résister à la tentation.Petit à petit , elle va s'immiscer dans un univers où elle n'a pas sa place...
Tout le récit est vu du point de vue de Frances, qui ne se livre jamais totalement, même au lecteur qui découvre, petit à petit, toutes les étapes d'une intrusion ourdie de main de maître. Il serait vraiment dommageable de donner trop de détails mais la peinture de cette ambition souterraine et implacable sous des dehors insignifiants est à proprement parler époustouflante !
La description des parents de l'héroïne, en particulier de sa mère ,totalement névrosée, ainsi que celle des coulisses du journal sont des régals et on ne peut lâcher cette héroïne qui observe implacablement le monde qui l'entoure, en assimile les règles souterraines, les mensonges, et en tire le meilleur profit. Un roman qui tient du thriller, de la peinture psychologique acérée et du tableau de mœurs. Un premier roman qui fait preuve d'une parfaite maîtrise tant dans l'écriture que dans le rythme du récit.
Du même auteur, vient de sortir Elle, Clic
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : harriet lane
07/05/2015
L'amour, en théorie
"C'est pour ça qu'en tant qu'enfant qui avait grandi dans ce Minnesota triste et sinistre, elle avait eu la santé fragile, avait-elle déclaré à ses amis de la fac de la côte est: elle avait souffert d'une carence en ironie."
Dès la première phrase de la première nouvelle, j'ai été ferrée : "Depuis que son compagnon l'a quittée pour un ashram situé dans les Catskills, Renee Kirschbaum cherche la bagarre avec des inconnus." Voici une manière bien énergique (et bien peu orthodoxe !) d'empoigner la réalité car comme le rappelle en exergue la citation de Swami Sivanada (rappelée régulièrement dans mon cours de yoga quand je le fréquentais encore): "Une once de pratique vaut mieux que des tonnes de théorie ".
Le problème étant pour tous les héros /héroïne des nouvelles de E. J. Levy que la théorie de l’amour , ils connaissent mais se fracassent régulièrement contre le mur de la réalité de ce même sentiment.
Quel que soit leur âge, trentenaires ou septuagénaires, leur orientation sexuelle, tous peinent à concilier pratique et théorie.
Il est vrai que le destin se montre souvent bien cruel , accumulant sur leurs têtes mini tragédies matérielles et mauvais tour du destin: comment lutter quand votre ami se fait nonne car elle veut des sentiments qui durent ?
Sur un thème déjà bien exploité, par son humour, sa bienveillance , son grand sens de l'observation et de la psychologie , sans oublier un style très imagé délectable, E. J. Levy nous entraîne à sa suite à la rencontre de personnages qui deviennent aussitôt nos amis . Un livre bruissant de marque-pages qui m'a rappelé l’univers de Lorrie Moore. Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Cuné a aussi été séduite !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : e.j.levy
06/05/2015
Le paradis des animaux
"C'était un mensonge. J'étais un homme qui tissait des promesses sur la trame de la tristesse, le genre de promesses que la vie avait bien peu de chances de vous permettre de tenir."
Les personnages des douze nouvelles composant ce recueil sont des gens ordinaires. Ils ne sont pas "stupides" mais, pour certains d'entre eux" simplement sous-performants, des gens qui ,après l'université , avaient opté pour la sécurité d'un travail facile."
Leurs narrateurs, à une exception près, sont des hommes qui ne savent pas forcément maîtriser leurs émotions et que la vie a pas mal malmenés, sans que forcément ils réagissent de la manière adéquate, sans jamais être tout à fait à la hauteur des attentes de leurs compagnes..
David James Poissant, dans un style extrêmement évocateur, nous les peint avec beaucoup de délicatesse, sans jamais les juger. De petites touches d'humour émaillent ces textes extrêmement touchants mais sans pathos, où l'on sent une grande maitrise de l'écriture et un grand sens de l'observation.
Des situations sur le fil du rasoir (le groupe de paroles où les participants se livrent, de manière implicite, à un concours de malheurs ), les regrets, les remords, les rancunes, sont toujours éclairés de lueurs d'espoir, parfois malicieuses comme la fin de "James Dean et moi", mettant en scène un Beagle jaloux.
Quant au père du texte inaugurant ce recueil qui balance littéralement par la fenêtre son fils quand il découvre l'homosexualité de ce dernier, une chance de rédemption lui sera peut être offerte le temps d'un road-trip cathartique , empli de souvenirs ,dans la nouvelle qui clôt le livre.
Une découverte qui file directement sur l'étagère des indispensables !
Le paradis des animaux, David James Poissant, traduit de l'anglais (E-U) avec beaucoup de sensibilité par Michel Lederer Albin Michel 2015 , 333 pages qui font battre le cœur .
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : david james poissant
05/05/2015
Le nénuphar et l'araignée
"Je suis de cette société docile obsédée de son danger intérieur. Ce que je mange, ce que je bois, ce que je fume, comment je baise, ce que je me fais de mal. Si j'avais un danger extérieur à affronter j'aurais sans doute moins peur. à force de prévenir le danger je l'ai fait pousser en moi : il me semble sans doute plus familier, moins périlleux parce que je crois en avoir la clé, la manette, le thermostat. J'avais mon petit danger portatif dans la poche. je l'appelais Lucky strike. il me permettait d'oublier tous les autres dangers qui n'étaient pas actionnés par moi."
Au départ de ces textes, une requête d'éditeur: écrire pour une collection des Allusifs intitulée Les peurs. "La collection n'existe plus mais le texte est là." car pour répondre à la demande, Claire Legendre s'est penchée sur ses propres peurs dans des textes tenant à la fois de la nouvelle auto fictive et de l'essai, interrogeant aussi bien sa phobie des araignées que la présence inquiétante de ce qu'elle appelle son nénuphar, comprendre une anomalie au niveau du thymus qui va lui empoisonner le corps et l'esprit.
L'auteure analyse avec acuité et souvent humour ses réactions, ses angoisses, qui sont bien évidemment en totalité ou en partie les nôtres. Une mise à distance souvent imagée et bien évidemment salutaire .
J'ai ainsi découvert le concept tchèque de la Litost (ne pas confondre avec la litote), intraduisible en français, qui est "le spectacle de sa propre misère. Kundera en fait , au filtre de la fiction , une humiliation, une honte sans gravité mais à laquelle on pourrait repenser, par exemple de façon intempestive, quand on est bien tranquillement installé sur le canapé devant la télé et elle vous donne des tics nerveux. Il arrive qu'on se gifle en repensant à telle réplique qu'on n’aurait pas dû dire, à tel geste qu'on n'aurait pas dû faire..." et l'auteure de remarquer avec malice (ou consternation ) : "Les hommes politiques sont de formidables digéreurs de litosts, moi je me serais jetée par la fenêtre une bonne dizaine de fois si j'avais le palmarès de certains."
Un livre qui fera du bien aux angoissés. Et aux autres !
Le nénuphar et l'araignée, Les Allusifs 2015, 100 pages où volètent de nombreux marque-pages.
06:00 Publié dans Essai, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : claire legendre
04/05/2015
Still Alice
Alice, la cinquantaine rayonnante a tout réussi : sa vie familiale et professionnelle (c'est une linguiste reconnue).
Mais de petits oublis, de mots (un comble pour une linguiste), puis un épisode très déstabilisant de désorientation la poussent à consulter et le verdict tombe: Alice est atteinte d'une forme très précoce (et héréditaire) de la maladie d'Alzheimer.
Si Julianne Moore est à la fois poignante et sobre (elle a bien mérité son Oscar),on aimerait pouvoir en dire autant des autres acteurs , bien pâlots à ses côtés. Il s'agit ici d'un mélodrame assumé et si, bien sûr, le spectateur ne peut qu'être touché (la scène où Alice visite un centre pour malades d’Alzheimer, sans détromper sa guide qui la prend pour un membre de la famille d'un résident potentiel est juste atroce), on ne peut qu'être agacé par tous les poncifs américains (family, love) et par le côté glamour de la chose (Moore est superbe, leur maison est digne d'un magazine de déco et que dire de leur maison de vacances au bord de la plage).
Quant à la fin, élusive, elle gomme artistiquement la déchéance annoncée.Bref, un avis en demi-teintes.
06:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : wash westmoreland, richard glatzer, julianne moore
03/05/2015
D'argile et de feu
"Je cuis des mots. Il faut qu'ils soient ardents et justes."
Marie, qui "Durant des années, [a] été un point de silence et d'immobilité" se met un jour en route. Cette déambulation va lui faire croiser un autre itinéraire, celui d'une femme qui porte le même prénom qu'elle, une potière reconnue au siècle dernier.
Rédigeant alors deux cahiers, chacun consacré à l'évolution des deux femmes, la narratrice va peu à peu se rapprocher de l'univers potier et , ce faisant, apprivoiser un élément, le feu, qui jusqu'alors était pour elle synonyme de danger et de tragédie.
Céramiste et écrivain, Océane Madelaine retrace d'une manière à la fois sensuelle et épurée, ces deux renaissances de femmes qui, chacune à leur manière, la potière insufflant force et courage, par delà les années à son homonyme contemporaine, ont dû se frayer une place dans un monde qui ne leur était pas favorable au départ.
1er Roman Prix Première 2015
Découvert grâce au blog duPetit carré jaune.
Ptitlapin a beaucoup aimé aussi.
D'argile et de feu, Océane Madelaine, éditions des Busclats, 2015, 120pages ardentes.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : océane madelaine
02/05/2015
L'euphorie des places de marché
"Elle savait d'instinct que tout en lui obéissait, même la coupe de ses costumes, à une loi supérieure du management inscrite de toute éternité dans la grammaire du monde."
Norbert Langlois. se délecte des chroniques boursières alarmistes des déclinologues de la radio. à la tête depuis peu d'une ancienne entreprise familiale, il aimerait procéder à un ajustement ,comprendre se débarrasser d'une secrétaire de direction par trop efficace dans l'art de ne rien faire, art qu'elle pratique avec zèle depuis plus de vingt ans. Les passes d'armes peuvent commencer...
L'opposition entre le trentenaire rigide (ne remettant pas en question les lois du marché)et la secrétaire tire au flanc (maîtrisant sur le bout des doigts tout un panel de stratégies (y compris "un vaste lexique suffisamment abstrait pour décourager toute curiosité hiérarchique" quand elle a décidé de quitter son travail plus tôt) ), et faisant preuve d'un aplomb admirable, est totalement jubilatoire.
L'écriture, à la fois fluide et élégante, est un pur régal .L'auteur se gausse avec une précision chirurgicale du monde de l'entreprise , maniant ironie et hyperboles avec dextérité. Un plaisir de lecture à s'offrir de toute urgence !
Du même auteur , tout aussi réjouissant : clic !
L'euphorie des places de marché, Christophe Carlier, Pocket 2015, 158 pages juste parfaites.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : christophe carlier
01/05/2015
Maine...en poche
"Elle n'avait rencontré aucune famille aussi éprise de sa mythologie."
Alice,( la matriarche imperméable aux sentiments, une femme comme on n'aimerait pas en rencontrer pour de vrai), Kathleen, la fille, (ancienne alcoolique reconvertie dans l'élevage des vers de terre), Maggie (la petite fille trop accommodante) et Ann Marie , la belle-fille parfaite, sont réunies pour quelques jours dans la maison de vacances du Maine.
Si la situation géographique est idéale, la configuration familiale , elle, est pour le moins explosive ! On pouvait craindre le pire, clichés à gogo, situations convenues, mais, roman polyphonique, Maine alterne à chaque chapitre les points de vue et éclaire sous des angles différents les personnages. Nuancés, ils deviennent tour à tour attachants ou exaspérants , mais diablement humains. Notre opinion varie et nous éloigne de toute forme de caricature.
L'exploration psychologique est passionnante, les révélations se succèdent sans que le rythme fléchisse et l'on ne peut que se demander comment une "gamine" de trente ans peut avoir une telle expérience humaine ! Si ce roman , impossible à lâcher, ne devient pas LE roman de l'été, c'est à n'y rien comprendre !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : courtney sullivan