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09/03/2015
Ce qui était perdu ...en poche
”Il faut le dire dès le début, sinon on t'apporte toujours plus de bols.”
1984. Une petite fille qui joue les détectives en herbe disparaît.2003.Un agent de sécurité du centre commercial Green Oaks à Birmingham aperçoit sur un écran de contrôle une fillette et sa peluche. Cette image furtive lui permettra de nouer le contact avec Lisa, employée surmenée d'un magasin de disques. A eux deux, ils mèneront une enquête dans les couloirs de service du centre commercial, autant sur Kate, la petite fille disparue ,que sur eux-mêmes, renouant les fils d'un passé où régnait peut être l'innocence... Au coeur de ce récit, fascinant et menaçant, un immense centre commercial.
Tout cela semble sinistre à première vue mais se révèle un mélange subtilement dosé d'émotion , d'humour, de suspense, de critique de la société de consommation, où les gens sont bien contents d'aller faire un tour au centre commercial le dimanche pour combler le vide de leur existence, où l'on assiste à une hilarante formation commerciale. Sans compter que Catherine O'Flynn , dont c'est ici le premier roman , possède tout à la fois l'art de rendre ses personnages attachants, Kate la première, mais aussi de maîtriser totalement l'art de la narration. Rien n'est gratuit, tous les détails ont leur importance mais tout se met en place harmonieusement, comme les pièces d'un puzzle. Quand la date 1984 est réapparue dans la dernière partie du livre, j'ai eu le souffle court tout en tournant les pages... Quant à la polyphonie des narrateurs, elle permet aussi bien de donner le point de vue de chacun des protagonistes que de mimer les voix peuplant cette tour de Babel qu'est le centre commercial.Jusqu'au bout du récit , les éléments s'imbriquent pour le plus grand plaisir du lecteur qui sort de ce roman, ravi, le coeur battant la chamade et le sourire aux lèvres devant une telle réussite. Magistral ! Voilà longtemps que je n'avais pas connu une telle émotion de lecture !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : catherine o' flynn
08/03/2015
Temps glaciaires
"-Je dois aller chercher des pensées que j'ai pensées et que j'ai oublié de penser.
-Je vois, dit Zek avec la plus parfaite sincérité."
Revoilà enfin le commissaire Adamsberg qui "ne réfléchissait pas .[...]Il vaquait, marchait sans bruit, il ondulait entre les bureaux, il commentait, arpentait le terrain à pas lents, mais jamais personne ne l'avait vu réfléchir", ce qui en fait évidemment toute la singularité et la saveur !
Qui d'autres que lui et sa fidèle équipe (Le lieutenant Danglard à la tête remplie d'informations et de vin blanc, la vigoureuses Violette Renancourt, entre autres) pourraient démêler "cet infernal entrelacement d'algues qui l'enserrait jusque dans ses nuits."qui les amène tout à la fois en Islande et dans l'univers de Robespierre, tout en croisant un sanglier prénommé Marc, sans que le lecteur s'en offusque ?
Bien malin qui pourrait dénicher la solution. Mais ce n'est pas tant le but du jeu mais bien plutôt de laisser charmer , au sens fort du terme, par l'univers qu'a créé Fred Vargas, un univers profondément humain , cultivé, non dénué d'humour, avec une pointe de surnaturel (qui s'intègre parfaitement), où les chemins de traverse sont bien plus efficaces que les lignes droites. Du grand Vargas !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : fred vargas
07/03/2015
Nous sommes tous des féministes
Avant même de connaître la signification de ce mot, Chimamanda Ngozi Adichie était une féministe , aux dires de son meilleur ami. C'est l'une des nombreuses anecdotes émaillant cette conférence ,pragmatique ,claire et pleine d'humour,dont nous avons ici une version modifiée.
Voyageant entre Nigeria et États-Unis, l'auteure d'Americanah a de quoi enrichir sa vison de la situation des femmes et établir des points de comparaison entre l'Afrique et le continent américain. Certains aspects apparaîtront peut être évidents, vote simplistes , mais comme elle le souligne elle-même : "Je commets souvent l'erreur de croire que ce qui est évident pour moi l'est aussi pour les autres."
à noter un glissement de sens dans la traduction du titre original : "We shoul all be feminists" (nous devrions tous être féministes), probablement par contamination d'un slogan connu... (traduction Sylvie Schneiter)
Une nouvelle,"Les marieuses", édifiante et reprenant certains des thèmes évoqués dans le roman évoqué ci-dessus, extraite du recueil Autour de ton cou, accompagne et illustre ce texte. On y voit les désillusions successives d'une jeune nigériane qui vient d'accepter un mariage arrangé avec un compatriote et accompagne son "mari tout neuf", futur médecin, aux États-Unis où il réside et veut s'intégrer à tout prix.
Le décalage est rude entre ce qui lui a été vanté comme un parti particulièrement intéressant et valorisant et la réalité prosaïque : "Pas un mot sur les ronflements désagréables, pas un mot sur les maisons qui s'avèrent des maisons handicapées de l’ameublement." Pas de pathos, l'héroïne n'est pas une oie blanche et elle a de la ressource, mais une écriture efficace et pleine de vie.
traduction de Mona de Pracontal.
Nous sommes tous des féministes, Chimamanda Ngozi Adichie, Folio 2 euros. 2015.
06:00 Publié dans Document, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : chimamanda ngozi adichie
06/03/2015
La dictature des ronces
"Certains accès de courage sont comme des oiseaux: on n'a pas envie de les voir s'envoler. Alors j'ai cheminé précautionneusement au milieu des piafs pour ne pas les effrayer."
Comment ne pas aimer un roman qui commence ainsi : "Cet été là , le canapé avait conclu un marché avec mon postérieur , si bien qu'ils avaient fini par devenir les meilleurs amis du monde et qu'il fallait désormais faire des pieds et des mains pour les séparer." ?
Pour rompre cette apathie, heureusement, le narrateur reçoit une proposition: s'installer pour un mois sur une île , Sainte Pélagie, chez son ami Henri qui doit partir ,et en échange s'occuper du chien et de l'entretien du jardin.
Sur place, il va vite tomber sous le charme de l'île et de ses étranges habitants , aux occupations tout à la fois poétiques et surprenantes. Un univers douillet et surréaliste, dont je vous laisse découvrir les nombreuses surprises,et où subsiste néanmoins une infime pointe de noirceur... .
Mais plus que tout, j'ai beaucoup aimé le commerce qu'entretiennent Guillaume Siaudeau et les mots. Ceux qu'ils personnifient dans sa postface et avec lesquels il crée une atmosphère si particulière, une bulle de poésie teintée d'humour.Un très joli moment de lecture !
La dictature des ronces, Guillaume Siaudeau, Alma 2015, 174 pages piquetées de marque-pages !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : guillaume siaudeau
05/03/2015
L'empereur, c'est moi...en poche
« Je suis obligé d’accepter ce monde qui n’est pas le mien. »
En 1990 sa mère, Françoise Lefèvre, le décrivait avec beaucoup d’amour comme Le petit prince cannibale et je découvrais tout à la fois la réalité de l’autisme et la superbe écriture d’une écrivaine sensible.
Le petit prince a grandi. Julien s’est renommé Hugo et l’enfant silencieux, au comportement dérangeant, hors-normes, est devenu un adulte qui affirme à son tour : L’empereur c’est moi.
Dans une langue épurée, parfois violente, nous découvrons la réalité de l’autisme de l’intérieur. La volonté de contrôle, l’univers si particulier dont lui seul possédait les clés, nous le découvrons à notre tour.
Cette forteresse, il en est sorti, faisant fi, avec sa mère des discours convenus, des institutions normatives. On sent beaucoup de colère, voire d’arrogance, et la vision de cet adolescent tour à tour émouvant, frondeur et tête à claques ne laissera personne indifférent.
Un texte court de sa mère clôt le récit et la dernière phrase en est particulièrement émouvante : « J’ai adoré être ta mère. »
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hugo horiot, françoise lefèvre
03/03/2015
Six fourmis blanches
"Quelle horrible impression , celle de nos propres limites: jamais dans la vie ordinaire, nous n’avons besoin d'aller aux frontières de ce dont nous sommes capables, à l'extrême de nos forces. Ce sentiment d'arriver au bout nous est étranger."
"Ignorants et dilettantes, et bruyants et bavards". Tels sont les membres du petit groupe de français partis faire une course en montagne sous la férule de de Vigan, un guide expérimenté. Très vite , la montagne va révéler sa nature inquiétante et l'élimination progressive des membres de l’expédition, sous -entendue dans le titre, va pouvoir commencer.
Alternant les récits, en montage alterné, de Lou, une jeune femme inexpérimentée et d'un sacrificateur de chèvres, Six fourmis blanches tient son lecteur en haleine jusqu'aux trois quarts du récit, jusqu'au twist un peu fanfaronnant (je vous ai bien eus !).
Le dernier quart se traine un peu et, faute de personnages bien croqués et de décor vraiment planté, l'action se situe en Albanie mais aurait pu se situer dans un no man land sans aucun problème, l'ennui guette le lecteur. Une lecture en demi-teintes donc.
Merci, Clara !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sandrine collette
02/03/2015
Quand vient le temps d'aimer
"La beauté est un état éternellement hors de portée."
Vacances d’hiver à Erdenfield, petit village du Sud de l'Angleterre. Les étudiants, harassés, rentrent dans leurs foyers, les adultes règlent des problèmes domestiques mais tous,quelque soit leur âge, se débattent avec des problèmes amoureux.
Qu'ils soient tiraillés par le démon de midi, découvrent l'infidélité d'un conjoint , souhaitent se venger, tombent amoureux de la mauvaise personne ou tentent de briser une solitude qui leur pèsent, tous les personnages sont envisagés avec la même bienveillance par l'auteur.
Les portraits sont bien campés, du chirurgien esthétique au scénariste en butte aux demandes les plus absurdes en passant par la femme au foyer qui souhaite renouer avec une vieille flamme (ce qui nous vaut une scène de sexe hilarante dans un hôtel !) jusqu'au vieil artiste atrabilaire dénonçant le vide de l'art conceptuel.
On retrouve avec bonheur les personnages de L'intensité secrète de la vie quotidienne (clic) (qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu), la capacité de l'auteur à inscrire ses personnages dans un quotidien criant de vérité, son humour parfois vachard (les hommes ne sont pas épargnés ! : "-[...] que suis-je censée offrir à Tom pour Noël ? Une ceinture de chasteté ?
- Je ne crois pas que cela existe pour les hommes.
-Si je lui achetais une gaine ? Ce ne serait pas mal pour lui tenir le ventre. Sans compter que j'aimerais le voir porter une gaine avec une tr... bien raide.")
et on passe un excellent moment dans ce roman 100 % british !
Quand vient le temps d'aimer, (All the Hopefull Lovers), William Nicholson, traduit de l'anglais par Anne Hervouët, Éditions de Fallois 2015, 333 pages délicieuses.
06:04 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : william nicholson