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30/09/2014
En septembre...
...j'ai apprécié l'aspect gentiment foutraque de Neuf mois fermes, autant pour la prestation de Dupontel que pour celle de Sandrine Kiberlain, très à l'aise dans la comédie (le très frais Romaine par moins 30, merci, Cuné !) en avait déjà donné la preuve.
Gros coup de cœur pour La vie Domestique (adaptée du roman de Rachel Cusk, Les femmes d'Arlington Park (clic)), qualifié par l'Homme de film subversif !
Commençant par un dîner où un chef d'entreprise se livre à un véritable festival de remarques sexistes et racistes, se clôturant par un autre dîner censé être plus amical mais où un homme ne peut s'empêcher de remarquer en parlant du plat principal "C'est simple mais c'est bon." faisant tiquer l'une des héroïnes incarnées par la parfaite Emmanuelle Devos, tout en nuances.
Isabelle Czajka peint avec finesse cette journée -marathon de plusieurs femmes et confronte deux univers: celui très protégé de la résidence et celui, plus rude que fréquentent les participantes de l'atelier de littérature d'un lycée professionnel. La disparition d'une petite fille, issue du quartier populaire, fonctionne en contrepoint de l'attitude de certaines de ces bourgeoises qui, ne peuvent s'empêcher de critiquer l'origine sociale de cette fillette, tout en agissant avec une "violence "larvée sur leurs propres enfants. L'une d'elle en effet, oublie de débloquer la portière de sa voiture, ayant déjà oublié la présence de son fils à une heure indue dans son emploi du temps , le "colle" ensuite devant la télé.Une autre , quant à elle, refuse d'entendre les critiques du comportement de son fils, préférant aller faire du shopping avec ses amies dans un centre commercial vantant une forme de liberté calibrée.
De très jolis moments de pause dans ce marathon maternel , quand Emmanuelle Devos prépare le fameux dîner tout en discutant avec sa mère, incarnée par la trop rare Marie-Christine Barrault.
Un film féministe ? Résolument, oui.
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (9)
29/09/2014
Mon âge
"Ce qu'on pouvait raisonnablement espérer avoir en commun avec les enfants d'ingénieurs , c'étaient leurs polos. Il nous suffisait d'acheter les mêmes et nous avions les moyens , notre infériorité ne se mesurait pas à l'argent. Pas sûr que nos corps les aient portés avec la même superbe. Ce qu'il y a à l'intérieur des têtes porte les polos bien plus que les épaules et les torses."
Dans la lignée de Corps, ce nouveau roman de Fabienne Jacob se penche avec acuité et bienveillance sur notre relation au corps et au temps. Commençant par la description d'une femme qui se démaquille le soir, femme dont l'âge n'est pas précisé "Voilà mes yeux, voilà ma bouche, voilà mon âge, vingt-sept ans, trente-neuf ans, soixante et un ans". Else, il se clôt par une très jolie vision: celle de trois femmes âgées se baignant,nues, au clair de lune, car elles ont atteint La vie intérieure. Entre-temps, sera venu le temps du Détachement : "à présent que je ne veux plus séduire ni posséder, seule une chose m'importe encore, c'est vivre des moments sans temporalité. La question du temps ou plutôt du non-temps est la seule qui compte. Les autres questions ne sont plus des questions pour moi." Et de relater des moments où le temps n'entre pas , moments fugaces ou non, dans des endroits parfois inattendus, comme le supermarché, qui , décidément fait son entrée en littérature en cette année 2014.*
Si, dans un premier temps, j'ai été un peu déroutée par l'absence de précision chronologique, les âges ne sont jamais volontairement précisés mais on peut aisément les situer, j'ai été séduite par l'écriture de Fabienne Jacob, sa vision à la fois acérée, rien ne lui échappe, et tendre de la relation des femmes aux différents âges de leur vie. on n'oubliera pas de sitôt, entre autres, cette petite fille qui déchire la robe trop aimée, tant désirée !
J'ai aussi beaucoup apprécié la relation sensuelle, physique aux langues de la narratrice: "Dans ma langue maternelle, il y a un mot pour dire Se faufiler, Se glisser, mais un mot qui le dit beaucoup mieux. C'est le mot Schluffen. Il a quelque chose d'utérin que l'équivalent français n'a pas. Aucun mot français ne pourra jamais autant se faufiler ni autant glisser que dans le mot de la langue maternelle. Celui qui en français se blottit le plus est le verbe Se lover."
Un livre qui a rejoint ma réflexion personnelle sur l'âge, que je me suis approprié avec bonheur, un parfait cadeau d'anniversaire ! Merci Cuné !
Mon âge, Fabienne Jacob, Gallimard 2014, 165 pages hérissées de marque-pages !
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
* Annie Ernaux, Regarde les lumières , mon amour
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : fabienne jacob
27/09/2014
L'ardeur des pierres
"Deux morceaux pétrifiés d'univers, avait-il murmuré en caressant leur surface à l'expression complexe."
Sidonie part en vacances au Japon. Elle est française est noire, deux qualificatifs qui ne vont pas de pair dans l’imaginaire de deux japonais qui vont la croiser. Ils l'envisagent plutôt comme une chanteuse de jazz américaine.
L'un d'entre eux, tente d’écrire un roman sur un tueur célèbre, pour s'inscrire d'une certaine façon dans la lignée d'un père qu'il na jamais connu, le célèbre sculpteur Isamu Noguchi. L'autre, son voisin du dessous, jardinier, est fasciné par les pierres interdites, les kamo-ishi et cède à la tentation : il en repère dans la nature et les vole.
Entre ces trois personnages vont se tisser des relations basées sur les malentendus et l’incompréhension respective. Quant aux pierres, dès leur arrivée dans la maison du jardinier, elles vont se comporter d'une bien étrange façon...
Il règne une atmosphère subtile et prenante dans ce roman de Céline Curiol. On se laisse fasciner par le désir qui monte progressivement entre les personnages, la tension induite par le sacrilège commis et l'étrangeté d'un pays où l'auteure a vécu six mois. Un bon moment de lecture comme promis par Aifelle.
09:30 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : céline curiol
26/09/2014
Les tendres plaintes
"Alors que je n'avais plus beaucoup de temps, eux restaient à l'abri dans un coin isolé du monde où le temps ne s'écoulait pas."
Fuyant les infidélités de son mari, Ruriko se réfugie dans un chalet en forêt. Là, elle poursuit son travail de calligraphe et tente de retrouver la sérénité.
La rencontre avec Nitta, ancien pianiste devenu facteur de clavecin , son apprentie Kaoru et un vieux chien aveugle et sourd va l'entraîner vers une renaissance qui n'empruntera pas forcément les chemins attendus.
Ces personnages qui dissimulent des secrets marqués par la violence , au sein de la nature, cherchent leur demeure comme dirait S. Doizelet. Une quête où les cinq sens jouent un rôle essentiel mais que j'ai bien failli abandonner, agacée par les mots anglais non traduits ( un pug est un carlin) et par l'attitude parfois infantile de l'héroïne. J'ai néanmoins poursuivi ma lecture et j'ai bien fait car la dernière partie du livre, plus apaisée est nettement plus réussie. Lecture en demi-teinte donc et pas le meilleur roman de cette auteure à mon avis.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : yôko ogawa
24/09/2014
La fille
"Je ne suis peut être pas née capitaine de ce bateau, mais je suis née pour le secouer."
Sa mère l'appelle "Sunshine" le matin et "la fille" le soir. Malgré les défaillances-pointées avec lucidité par la narratrice- de cet univers de petits blancs vivant dans un trailer park (parc de caravanes) à Reno, beaucoup d'amour circule dans la famille essentiellement féminine de la jeune Rory.
Cette dernière, faute de modèle familial conforme à la "norme", puise dans un manuel de scoutisme de quoi avancer dans la vie.
Elle compile journal intime, dont des passages sont parfois totalement caviardés pour mieux rendre compte de l’indicible et rapports "linéaires et catégoriques" des travailleurs sociaux parlant "ouvertement de vérité et de culpabilité."
C'est cette relation aux mots, que Rory excelle à épeler à l'école, se plaçant ainsi en dehors des limites de ce que la société attend d'elle, que j'ai particulièrement apprécié dans ce roman revigorant et lucide.
Rory porte un regard incisif sur deux univers complètement différents, là où le mot "maison" ne recouvre pas la même réalité, là où des gens considérés comme "arriérés" ne bénéficient pas de leurs droits. Devenir ce que l'on attend d'elle, suivre l'atavisme familial en quelque sorte , ou s'insérer dans un monde qui la rejette ? Rory trouvera une troisième voie , plus conforme à sa personnalité, riche et intelligente. Un roman qui échappe à tout misérabilisme ainsi qu'à tout angélisme et qui sonne juste. Un coup de cœur et ce n’était pourtant pas gagné d'avance.
Déniché par hasard à la médiathèque.
La fille, Tupelo Hassman, traduit de l'anglais (E-U) par Laurence Kiefé, Christian Bourgeois éditeur, 2014, 341 pages à dévorer.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : tupelo hassman
22/09/2014
Jusqu'ici et pas au-delà
"J'aurais tellement voulu être un gros homme flegmatique comme mon père, un vrai Bouddha, mais je n'étais qu'un gamin maigrichon et vibrionnant, toujours branché sur dix mille volts."
Une enfance hors du commun que celle de Joachim Meyerhoff ! Il a grandi avec ses deux frères et ses parents entre les murs de la clinique psychiatrique Hesterberg, que dirigeait son pédopsychiatre de père.
Dans cette autobiographie, il choisit de nous présenter les moments les plus marquants , tour à tour drôles ou tragiques. Se construit alors, sous formes de récits vivants et acérés , le portrait nuancé d'un père hors-normes , complètement dégagé des contraintes matérielles, et sachant préserver son bonheur, au risque de faire souffrir sa famille.
Pas de jugement, juste un constat plein d'amour et d'empathie.
Un livre haut en couleurs, très agréable à lire.
Jusqu'ici et pas au-delà, Joachim Meyerhoff, traduit de l'allemand par Corinna Gepner, Anne Carrière 2014,
L'avis d'Antigone.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : joachim meyerhoff
21/09/2014
Wild ...en poche
"Pour sauver ma peau, j'ai décidé de ne plus avoir peur et d'avancer."
Après le décès de sa mère, la famille se disperse et Cheryl Strayed va enchaîner les comportements auto-destructeurs, allant jusqu'à faire imploser son propre couple alors qu'elle aime encore son mari.
Sur un coup de tête, quasi sans préparation, elle décide de partir seule pour une randonnée de mille sept cent kilomètres sur le chemin des crêtes du pacifique, dans l'Ouest américain.
Affrontant les éléments, la douleur, la fatigue, elle parviendra au bout de ce périple à renouer avec elle-même.
J'ai peiné à lire ce récit qui ne présente guère d'intérêt stylistique, trop long, et où je suis restée constamment sur le bord du chemin sans aucune empathie avec cette femme dont le comportement me restait totalement étranger.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (10)
20/09/2014
ça devient réel (souvenirs d'un week-end londonien)
L'Anglais est bienveillant : "I like the lady with the red shoes." Je savais que je portais des ballerines couleur ponceau, j'ignorais que j'étais une lady. Je prends.
L’Anglais engage facilement la conversation dans les espaces clos (métro, ascenseur...), là où le français fixe obstinément le vide. C'est agréable.
L’Anglais dispose régulièrement des plans lisibles dans sa capitale. J'apprécie.
L’Anglais ferme des stations de métro le week-end.Mes pieds apprécient moins.
L’anglais est stoïque face à la horde de mères et d 'enfants russes qui déboule dans le hall de son hôtel, grille la queue et monopolise la réception. J'admire en réfrénant un envie bien française: rouspéter.
L’Anglais risque sa vie quand il ne trouve pas tout de suite les deux billets que ma fille a brillamment réussi à dénicher (18 000 billets vendus en dix minutes). L’Anglais me donne des palpitations. L’Anglais déniche les billets. J'applaudis l’Anglais, qui sourit.
L'Anglaise de quarante ans arbore un sac immense et rond en pur plastique brillant avec une tête de chat féroce, sur fond d'orange et vert fluo en direct from Camdem.
L'Anglaise de cinquante ans se lâche question couleurs: collants rouges, robe bleu canard, blouson rose. Souvent, elle se défoule sur les rideaux du salon qu'elle taille en robe. L'Anglaise est bucolique.
L’Anglais entre dans la salle de concert une pinte de bière à la main. La bière est diurétique. L’Anglais a une petite vessie ou des ennuis de prostate: l’Anglais va régulièrement aux toilettes pendant le concert.
L’Anglais est discipliné. La salle entière se lève pour applaudir Kate Bush mais dès que les premières notes de musique retentissent se rassoit comme un seul homme aussitôt.
Bref,j'aime l'Anglais !
Pour tout savoir du concert, c'est ici.
à noter que deux concerts ont été enregistrés en vue d'un DVD ! séance de rattrapage possible !
09:25 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : kate bush, london, before the dawn
17/09/2014
Grand chasseur blanc
« Décidément, depuis que j’étais dans ce pays, j’avais des problèmes avec mon identité. »
La cinquantaine bien entamée, Simon Sorreau se réfugie en Indonésie. Les raisons de de la cavale de celui qui naguère a été « une personnalité du Tout-Paris, un polémiste et producteur de talent et un auteur en devenir. » nous les découvrirons progressivement. Au début du récit nous savons juste qu’il a eu maille à partir avec la justice et que ceci est lié à son ex-femme.
Loin de ses parents, de son éditeur, avec qui il communique via skype, Didier se noue d’amitié avec un géant québécois, Bart, noue une relation amoureuse avec une française de passage, tente d ‘écrire un nouveau roman ,tout en éclusant des litres de bière.
Bilan mitigé concernant la lecture de ces 450 pages qui s’essoufflent parfois (et le lecteur aussi). Point de vue masculin sur les femmes, le couple, ce roman alterne complaisance (je suis comme je suis, un salaud mais je n’y puis rien) et autodérision. L’ambiance de Bali est très bien rendue, le regard sur les expats acéré. De jolis moments de lecture entachés parfois par des clichés mal venus.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
L'avis de Brize
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2)
16/09/2014
Muette
"Il y a des histoires qui ne peuvent pas se dire. Parce que les mots n'existent pas pour les raconter.Les mots ne feraient que les affaiblir ou les banaliser. Les mots ne feraient qu'effleurer la surface de l'histoire, sans rien pouvoir atteindre de ses strates innombrables."
Une très jeune fille fugue dans la nature, emportant avec elle quelques affaires de première nécessité et "le fouillis désordonné de ses pensées."
Elle fuit un univers empesé, figé, où l'on nie sa parole depuis des années. Voilà pourquoi, bien que sachant parler, elle se revendique Muette.
L'héroïne va prendre possession de son corps en pleine mutation, au sein d'un vaste espace que l'auteur décrit avec une poésie intense, s'opposant avec l'univers familial étriqué et mortifère. L'écriture vibre, nous fait ressentir les plus petits bruits nocturnes ou diurnes de la nature sauvage,les odeurs, les lumières et l'on suit, émerveillé, Muette dans sa quête de liberté absolue.Une fin en forme de pirouette (et de clin d’œil), juste parfaite !
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
L'avis de Brize.
Un grand coup de cœur !
Muette, Eric Pessan, Albin Michel 2014.
Clara a aussi aimé !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : eric pessan