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31/05/2014
De tout, un peu...
Mai a filé à toute allure avec ses changements brusques de températures (nous avons déjeuné deux fois dans le jardin)et ses jeudimanches en cascades...
J'ai terminé deux saisons d' une seule série, The News Room avec bien peu d’enthousiasme d'ailleurs, car si les coulisses du journal de télévision américaine sont intéressantes, les intrigues amoureuses annexes sont prévisibles au possible.
Coup de cœur pour un seul film : Dans la cour, une comédie dramatique de Pierre Salvadori, avec des répliques au cordeau qui m'ont faire rire (sous cape, nous n’étions que trois dans la salle !). Catherine Deneuve, retraitée active , préoccupée par une fissure grandissant à la fois dans son mur et dans sa vie, va trouver de la compréhension et du soutien auprès d'un auto-proclamé "spécialiste de l'accablement", interprété par Gustave Kervern.
Les ruptures de ton surprennent et on ne comprend parfois certaines situations qu'à retardement, ce qui les rend encore plus savoureuses. Peinture d'un microcosme parfois croquignolet, parfois émouvant, on oscille entre rires et émotions avec pour seul viatique un poème de Raymond Carver, "Sleeping" ("Dormir"), qui figure dans le recueil La vitesse foudroyante du passé, en poche.
Il a dormi sur les mains.
Sur un rocher.
Sur ses pieds.
Sur les pieds de quelqu'un d'autre.
Il a dormi dans des bus, des trains, des avions.
Dormi pendant le service.
Dormi au bord de la route.
Dormi sur un sac de pommes.
Il a dormi dans une sanisette.
Dans un grenier à foin.
Au Super Dôme.
Dormi dans une Jaguar et sur la plate-forme d'un pick-up.
Dormi au théâtre.
En prison.
Sur des bateaux.
Il a dormi dans des baraquements et, une fois, dans un château.
Dormi sous la pluie.
Sous un soleil ardent il a dormi.
A cheval.
Il a dormi sur des chaises, dans des églises, des hôtels de luxe.
Il a dormi sous des toits étrangers toute sa vie.
Maintenant il dort sous la terre.
Il n'en finit pas de dormir.
Comme un vieux roi.
Raymond CARVER
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (10)
30/05/2014
Rêve général
"Tout le monde est pressé, même les génies, et ça finit par être pénible."
Un footballeur quitte le terrain au moment de tirer un pénalty crucial. On ne le sait pas encore mais c'est le début d'une "épidémie" qui va toucher les différents personnages de ce roman . Chacun d’entre eux, professeur, conductrice de rame de métro, Le Premier Ministre en personne, vont déserter leur poste pour se rebeller en douceur contre les injonction présidentielles de "travail" et d"efficacité", souvenirs, souvenirs...
Un peu déroutant par sa forme (j'ai même cru un instant qu'il s'agissait de nouvelles) car un chapitre est consacré alternativement à chaque personnage , Rêve général est un premier roman qui réussit à créer un véritable univers, entre rêve et réalité, où l'on préfère le confort, la tendresse et la gourmandise au volontarisme officiel. Dans un Paris où l'on retrouve les traces de Ferdinand Lop, "utopiste humoriste du quartier latin", comme le qualifie Claude Pujade -Renaud dans son éclairante préface, se met en place une grève qui ne dit pas son nom, une utopie qui semble si facile à mettre en place...
Rêve général, Nathalie Peyrebonne, Libretto 2014, 119 pages en apparence légères...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : nathalie peyrebonne
27/05/2014
Sans voix
"Et elle se demanda pourquoi un livre devrait remporter ce foutu prix auquel elle participait à moins d'avoir une chance de faire comme la pièce de Shakespeare à l'instant : revenir à la mémoire d'une personne lorsqu'elle voulait pleurer mais n'y arrivait pas , ou voulait réfléchir mais ne réussissait pas à penser clairement, ou voulait rire mais ne voyait aucun motif de gaieté."
Bienvenue dans l'univers absurde d’attribution des prix littéraires anglais ! Là, tout n'est que chaos et tractations, passe-droits, égos surdimensionnés et discours amphigouriques. On y croisera un livre de cuisine indienne promu au grade de roman, un ou deux plagiats, des romans écossais sans oublier tout le monde de l'édition et des auteurs , plus vrais que nature !
Ce roman débridé cavale à toute allure , multipliant les coups de griffes mais avec une certaine tendresse au demeurant pour ceux qui défendent, malgré tout, cet univers du livre. Une satire qui, bien évidemment, ne pourrait s'appliquer au monde des lettres françaises...
Sans voix, Edward St Aubyn, traduit de l'anglais par Jacqueline Odin, C. Bourgeois 2014, 218 pages bruissantes de marque-pages.
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : edward st aubyn, attribution d'un prix littéraire
26/05/2014
L'invité du soir
"Tout était calme, mais chacun des meubles avait l'air comme détaché de ses amarres dans cette lueur plate et insipide, comme s'il s'était égaré à force de vouloir paraître à l'ordinaire. Ruth a eu le sentiment que sa maison toute entière lui mentait."
Une maison isolée de la côte australienne. Une vieille dame de 75 ans dont la santé décline mais qui tient à son indépendance, Ruth, y habite en compagnie de deux chats. Un soir, elle entend un tigre dans sa maison. Arrive alors un personnage tour à tour salvateur et rudoyant, Frida, aide-ménagère envoyée par le gouvernement.
S'instaure alors un climat troublant , oscillant entre tendresse et inquiétude, manipulation et hallucinations. L'écriture fluide et poétique de Fiona Mc Farlane instille le doute, fait froncer les sourcils, battre le cœur. Tout à tour ,on frémit, on partage la douce rêverie amoureuse de Ruth, on croit avoir compris ,mais tout est beaucoup plus subtil et intriguant que prévu.
La description de cette emprise étrange, où tout peut basculer à la seconde, mais aussi de cette femme âgée qui avait appris "grâce à ce drôle de miroir qu'était le visage de Jeff, qu'elle en était au stade où ses fils s'inquiétaient pour elle", de sa relation au temps, "Oh la douce étendue vertigineuse du jour, le remplissage plus ou moins réussi de toutes ces heures.",à la mort qu'elle espère "aussi extraordinaire que son commencement" sont tout à fait fascinantes.
En lisant, ce premier roman où la mer mais aussi la jungle de l'enfance fidjienne de Ruth ont la part belle, j'ai songé tour à tour à l'écriture de Virginia Woolf et Au barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras , le tout relevé d'une pointe lancinante de soupçons hitchcockiens. J'ai été soufflée !
Bravo à la traductrice, Carine Chichereau qui a su rendre l’atmosphère troublante de ce récit où d'une phrase à l'autre la tonalité peut changer.
L'invité du soir, Fiona Mc Farlane, traduit de l’anglais( Australie) par Carine Chichereau, L’Olivier 2014, 269 pages et un tour de force littéraire !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : fiona mcfarlane
23/05/2014
Literary life
"Reste , Charlotte ! ...Tu ne peux pas me laisser tomber maintenant, je n'ai pas terminé mon roman-j'ai besoin de ton malheur !"
Parues chaque samedi dans The Guardian rewiew, Literary Life (mais pourquoi diable avoir gardé le titre en VO ?), ces chroniques ont comme sujet imposé la vie des lettres. Sujet que connaît bien Posy Simmonds puisqu’elle l'avait déjà abordée, sous des angles différents avec Gemma Bovery (bientôt au cinéma avec Gemma Arterton et Fabrice Luchini) et Tamara Drewe (porté à l'écran par Stephen Frears).
Petites librairies indépendantes, supermarchés du livre, rivalités entre auteurs, ateliers de creative writing, autant de figures imposées dont Posy Simmonds se tire avec brio. On appréciera aussi son art de la satire avec le duo Dr Derek/ Nurse Tozer, graphisme tout droit sorti des sixties, qui soigne avec abnégation les affres des créateurs (le syndrome du deuxième roman) ou débusquent sans pitié les cas de plagiat"Hoquetmingway" ou "toux rgueniev"!
Traquant les petitesses et les faiblesses des écrivains sans méchanceté, Posy Simmonds souligne aussi les a priori concernant les auteurs jeunesse ou montre la "torture" que peuvent être les interventions dans les classes ou les séances de dédicaces sans lecteurs... C'est dessiné avec tendresse et empathie, et ça se lit tout seul ! Une BD à savourer à petites gorgées pour mieux l'apprécier.
Literay Life, scènes de la vie littéraire, Posy Simmonds, traduit de l'anglais par Lili Sztajn & Corinne Julve, Denoël 2014.
06:00 Publié dans BD, Humour | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : posy simmonds
22/05/2014
Les gens sont les gens
"Sa femme, malheureuse depuis trop longtemps, avait clairement pété une durite.ça marchait comme ça, le malheur. Il nous faisait dérailler.à la fin, il nous tuait. Mais , avant ça, il nous faisait dérailler."
Sur une impulsion , parce que "C'est pas tolérable une souffrance pareille...Il faut que ça s'arrête , la souffrance !" Nicole, psychanalyste de 57 ans enlève Foufou, porcelet de quelques mois, à son enfer campagnard,le fourre dans sa voiture et le ramène dans son très chic appartement parisien.
Cette rencontre improbable va générer toutes une série de situations cocasses et faire basculer la vie de Nicole et de certains de ses patients du côté ensoleillé de la vie.
Roman à l'écriture parfois un peu trop oralisée,( un "je m'en rappelle" m'a même fait sursauter...), au rythme enlevé (149 pages), Les gens sont les gens remplit parfaitement son office : nous distraire et nous faire sourire, sans prétentions.
"Le roman antidépresseur", annonçait le bandeau, je n'irai pas jusque là mais j'ai effectivement passé un excellent moment avec Foufou que Stéphane Carlier a parfaitement croqué, au sens figuré, bien sûr !
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : stéphane carlier, le roman antidépresseur
19/05/2014
Une putain de catastrophe
"Les Wilson sont dans une impasse linguistique.Vous, Jeremy, investirez leur mariage. Vous allez, pour ainsi dire, bivouaquer sur leur champ de bataille conjugal.
-Seigneur ! s'exclama Cook. je préfèrerais conduire un camion charge de nitroglycérine."
Au chômage, le linguiste Jeremy Cook est embauché par L'Agence Pillow, cabinet de conseil conjugal,dont la particularité est d'envoyer à demeure un spécialiste du langage pour régler les conflits entre époux.
Au bord de la rupture, les Wilson voient donc débarquer celui qui, à première vue, paraît à mille lieues de comprendre la situation, étant lui-même un célibataire endurci .
Malentendus sur des pronoms, attentes totalement opposées, Jeremy observe, interroge et, tout en suivant la plus bizarre des méthodes, met à jour les mines anti-mariages susceptibles d'exploser à la plus petite occasion. C'est drôle, acéré, souvent pertinent et chacun se reconnaîtra dans l'un des motifs de dispute ou d’insatisfaction évoqués dans ce roman.
Une putain de catastrophe, David Carkeet, traduit de l'anglais (E-U) par Marie Chabin. Éditions Monsieur Toussaint Louverture 2014, 310 pages qui donnent le sourire.
Du même auteur, j'avais aussi aimé: clic et reclic .
Le billet de Papillon.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : david carkeet
16/05/2014
Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce
"La Petite Fille au Bout du Chemin , de deux phrases taguées , a dégagé les mots et mis à nu la guerre."
Émilienne, dite Émile, jeune femme pleine de générosité et d'altruisme, est morte pendant quelques minutes, son cœur s'arrêtant de battre soudainement. Pendant qu’Émile dort d'un sommeil artificiel, la narratrice, danseuse classique passionnée, évoque les souvenirs de cette amitié qui s'est tissée dans des circonstances douloureuses.
Simultanément, elle entre en relation avec La Petite Fille au Bout du Chemin, jeune femme qui n'hésite pas à braver les interdits et avec laquelle elle vivra des "odyssées déglinguées" et libèrera son corps entravé.
Comme dans La petite communiste qui ne souriait jamais, ( clic) Lola Lafon parle sans pathos mais avec beaucoup de poésie et de sensibilité du mouvement, des corps des femmes et de la place qui leur est faite -ou non -dans une société marquée par l'ordre et le rigorisme. Les mots, eux aussi sont importants, ceux qui stigmatisent mais aussi ceux qui libèrent.
J'ai savouré et fait durer ces 428 pages marquées du sceau de la révolte et du désir de liberté. Un grand coup de cœur.
Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce, Lola Lafon, Babel 2014.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : lola lafon
15/05/2014
La ballade d'Hester Day
"J'imagine que quand tu épouses secrètement un poète qui veut t'exploiter comme matériel littéraire, il vaut mieux que tu prennes au moins une minute pour réfléchir à ce que tu dirais à tes parents s'ils venaient à découvrir le pot aux roses. Moi, je n'y avais pas pensé."
Capable de programmer l'adoption d'un enfant dès sa majorité toute proche, comme d'agir sous une impulsion, Hester Day se retrouve dans un road movie, brinquebalée entre son mari poète et son très jeune cousin. Qu'elle les connaisse tous deux à peine ne la dérange pas le moins du monde !
Vouée d'emblée à l'échec cette épopée vaut pour les rencontres que nos anti-héros vont effectuer et par la manière si particulière d’Hesther d'envisager sa vie. N'empêche qu'on n'aimerait pas être à la place de sa mère !
367 pages hérissées de marque-pages et un excellent moment en compagnie d'Hester Day !
La ballade d'Hester Day, Mercedès Helnwein, traduit de l’anglais (E-U) par Francesca Serra, La belle colère 2014
06:55 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : mercedes helnwein
14/05/2014
Mon père ce héron
"Moi, mon père, il travaille à la télé...c'est lui qui présente la météo en haut d'une échelle !"
La surenchère règne dans la mare chez les petites grenouilles: "Moi, mon père...", "Moi mon père" jusqu'à ce que l'une d'entre elles, emportée par son élan, lâche "Moi , mon père...c'est un héron !". Or, "Tout le monde sait que les hérons mangent les grenouilles" Et, justement, voilà un héron qui fait irruption...
Rebondissements en cascade jusqu'à la toute dernière page (les hérons ne sont pas épargnés par la vantardise), références culturelles à la nouvelle star ou à Karl Lagerfeld, sans compter celles plus littéraires à Victor Hugo ("Mon père ce héros au sourire si doux"), voire politique avec l'anaphore présidentielle ("Moi, président de la république"), sans oublier l'humour malicieux des dessins de Jul, cet album présente plusieurs niveaux de lecture pour plaire aux petits (5 ans et plus) et aux grands ! Un pur régal !
Mon père ce héron, Jul, Rue de Sèvres 2014, pour enfants de 5 ans et plus.
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jul