« 2014-02 | Page d'accueil
| 2014-04 »
16/03/2014
Quelques pas de solitude
"Le plaisir que j'en retire est parfaitement égoïste. Il ne restera que des images dans ma tête. je mets la clé dans le contact et je pense que je suis souvent seul lorsque je fais une observation qui restera parmi les plus belles, et que ce serait dommage s'il en allait autrement."
à l'origine de ces textes sur la solitude, un libraire de Toulouse, Christian Thorel. Mais cette commande était destinée uniquement à la clientèle d'Ombres Blanches (un lieu de perdition ! ). Viendra ensuite un autre libraire, François-Marie Bironneau (Le Bateau Livre à Lille, d'où je ne sors jamais les mains vides) qui jouera le rôle de passeur et présentera Pascal Dessaint à l'équipe de la maison d'édition La Contre Allée. Et ainsi, de fil en aiguille, d'amitié en amitié, voici enfin ce livre au format très agréable et à la présentation particulièrement raffinée, ce qui ajoute encore au plaisir de lecture.
Jamais sans doute, Pascal Dessaint ne se sera livré de manière aussi personnelle que dans ces textes qui évoquent l'exercice de la solitude dans la nature et des rencontres insolites quasi magiques que l'on retrouvera parfois au cœur de ses romans . Mais "Il arrive aussi que la solitude conduise à la perte totale de soi." Et là, la voix se fait plus grave,l'émotion sourd ,l'auteur se livre avec pudeur, sobriété, les questions jaillissent et la seule réponse est l'écriture. Et donc la solitude.
Des textes à fleur de peau , une réflexion exigeante et poignante, un livre magnifique qu'il faut laisser le temps de décanter en soi..
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Quelques pas de solitude, Pascal Dessaint, Éditions de la Contre Allée 2014 , 43 pages, un concentré d'émotions.
Le billet de Philisine, tout aussi séduite !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : pascal dessaint
15/03/2014
Enfants de poussière...en poche
"-Je me demande parfois si tu n'es pas en train d'essayer de résoudre du même coup deux mystères qui se sont produits à presque quarante ans d'intervalle."
Le cadavre d'une jeune Asiatique vient d'être trouvé en bordure de route dans le comté d'Absaroka, Wyoming.Le coupable, un géant Indien frappé de mutisme, paraît tout désigné mais notre shérif préféré Walt Longmire, n'est pas du genre à bâcler une enquête. D'autant que dans le sac à main de la victime, une photo va le replonger dans sa première enquête durant la guerre du Vietnam.
Alternant passé et présent, ce nouveau roman de Craig Johnson a le mérite de nous replacer en territoire connu, avec, entre autres, une superbe description de ville fantôme . L'humour est toujours aussi présent, Longmire observe ainsi avec attention le nouvel amoureux de sa fille : "Michael prit la dernière huître des Rocheuses*. il n'avait pas remarqué qu'il était le seul à en manger."mais les retours en arrière m'ont paru assez confus et Longmire m'a souvent donné l'impression de me retrouver dans une atmosphère à la Rambo (seul contre tous, impossible de s'en sortir mais si).
Bilan mitigé donc aggravé par tous ses Ouaip qui ponctuent régulièrement les paroles du shérif.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : craig johnson
14/03/2014
la 5ème saison
"Le cours du temps n'a plus aucun sens pour Maria Murvall.
Elle vit une saison qui lui est propre.
Une saison où tout est possible, mais où rien ne se passe. la saison où les sensations sont inversées, et où les sentiments sont morts.
cette saison a un nom.
C'est la cinquième saison."
La cinquième saison et sans doute la saison de trop. En effet, si la relation amoureuse de Malin Fors est envisagée de manière réaliste et fouillée, on aurait aimé en dire autant de la résolution de l'énigme qui courait tout au long des différents épisodes de la série.
Outrée au delà du raisonnable, elle perd ici toute crédibilité et les descriptions des sévices ne font qu'accroître le sentiment de malaise qui s'empare du lecteur. Ouvrant un livre noir, on ne s'attend évidemment pas à du confort mais pas pour autant à de la complaisance. Un final à oublier donc.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : mons kallentoft
13/03/2014
Dieu me déteste
"Être mourant, si on regarde bien, c'est plutôt lassant.ce qui est vraiment intéressant, c'est de vivre ici, beaucoup plus intéressant que je l'aurais cru , quand on m'a amené ici de force et que je jurais et me débattais tout ce que je pouvais."
Celui qui s'exprime ainsi c'est Richard Casey, dix-huit ans dans quelques jours. Bien qu"otage des soins palliatifs" d'un hôpital New-yorkais, lui et son amoureuse Sylvie, quinze ans, malgré la maladie, la perte des cheveux, le corps qui lâche dans tous les sens, ont une furieuse envie de faire des conneries, de s'aimer malgré tout, de vivre quoi !
Halloween et l'intervention d'un oncle hors-normes vont précipiter les événements et entraîner nos héros dans un tourbillon joyeux, souvent émouvant, plein d'une féroce rage de vivre malgré tout. Roméo luttant contre le dragon qui veille sur sa bien-aimée, Richard nous fait vibrer et allume plein d’étoiles dans nos yeux.
Jamais de sensiblerie ni de pathos, le monde hospitalier est peint de manière très juste et la fin est juste époustouflante. Un livre bourré d'énergie , d'empathie et de pudeur qui glisse , zz, sur l'étagère des indispensables. On n’est pas prêts d'oublier cette galerie de personnages et cet amour ardent ! Un grand et beau coup de cœur !
Dieu me déteste, Holly Seamon, traduit de l'anglais (E-U) par Marie de Prémonville,Éditions La Belle colère 2014, 277 pages enthousiasmantes !
Le billet de Clara.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : hollis seamon
12/03/2014
Karina Sokolova
"Je voudrais faire de ce livre une petite flamme de chaleur, dans un coin de ta vie, que je veux belle, comme tu l'es, toi capable, sans l'avoir jamais appris, sans en avoir jamais reçu que des miettes, de diffuser autour de toi de l'amour et du bonheur, comme si tu les inventais."
Adopter un enfant a toujours été pour Agnès Clancier une évidence. Cette évidence , elle a su la mener à bien en adoptant une petite ukrainienne de trois ans. Ce récit lui est destiné. Et s'il fait l'économie des embûches, des mesquineries familiales, c'est parce que l'auteure prend le parti de privilégier l’émerveillement et l’évidence de ce lien qui s 'est tissé entre la petite bonne femme de trois ans et l'adulte qui doute souvent d'être "une bonne mère", si tant est que cela existe, mais saura toujours trouver l'énergie et les ressources pour affronter ceux qui ne supportent pas le clou qui dépasse. Parce que oui, cette petite fille souriante et ouverte ne correspond pas forcément aux normes, mais elle est devenue une adolescente qui a appris à pleurer, n'a plus peur de l'avenir et qui est est pleine de gaieté !
Sans angélisme, mais avec une écriture lumineuse et pleine de délicatesse, Agnès Clancier nous peint l'histoire d'une résilience et d'un amour qui a su vaincre les incertitudes. Magnifique !
Karina Sokolova, Agnès Clancier, Arléa 2014, 227 pages lumineuses.
Le billet tentateur de Cuné
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : agnès clancier
11/03/2014
Je suis debout
"L'hiver sera ici.La mousse glaciale du givre raidira les feuilles encore vertes. La dernière scarole sera fichue. L'hiver va mordre les gencives rouges des chanteurs de rue. Ils bredouilleront vaguement des cantiques vermoulus en offrant à la ronde des chapeaux renversés."
Lucien Suel s'est fait connaître récemment du grand public avec trois romans où la poésie avait la part belle : Mort d'un jardinier (clic), La patience de Mauricette (clic) et Blanche étincelle (reclic).
Mais cela fait bien longtemps qu'il "capte les pensées fugitives , la prose bop spontanée, le cut-up des langues, sans hiérarchie ni sélection. Rien que la vie brute" Et pour cela , il s'empare avec enthousiasme et plie à ses envies toutes les formes de poésie à sa disposition : calligrammes -pour mieux figurer les terrils-, haïkus, prose poétique, alexandrins ... autant de cadres pour jouer avec les mots, leurs sonorités : "Dans le tumohubohulte d'azur et d'acier, le promeneur est un espion, un danseur sur la scène sur le champ de bataille."
Une belle énergie pour dire et vivre "la quotidienneté en continu", cueillir des alexandrins qui nous avaient échappé, souligner l’absurdité de ce que nous nous contentons d'effleurer, faire sourire et réfléchir tout à la fois : "La campagne, de publicité, était souillée".
Rien n'est indigne de la poésie: le déambulateur, les lunettes, le pèse-personne, le téléphone mobile. Rien n'échappe à l'attention du poète, à son intérêt. Il scrute, pointe des mots les incohérences de notre époque et réaffirme aussi son amour de la Beat Generation. ça pulse, ça vibre et je n'ai qu'une hâte: entendre ce soir Lucien Suel faire vivre avec intensité ses textes.
Ce sera au bateau Livres à 19 h à Lille.
Je suis debout , recueil regroupant des poésies déjà parues ou inédites, Lucien Suel, La table ronde 2014.
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : lucien suel
10/03/2014
Que ton règne vienne
"Elle me cueille sur son lit à son retour de voyage. On descend prendre un verre. Nous avons une explication, la conversation dure seize ans."
Un père tout puissant, charismatique et coureur. Une mère qui préfère fermer les yeux sur les incartades de son époux et un fils qui, devenu adulte, n'est pas loin d'en faire autant.
Alternant retours en arrière et projections dans le futur, le récit d'un fiasco prévisible , parfois affecté dans le style à force de vouloir être brutal, m'a laissée sceptique.
Cuné est plus enthousiaste.
Clara, nettement moins.
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : xavier de moulins, relation pèrefils
09/03/2014
Fugue...en poche
"Il faut beaucoup de temps pour découdre les mauvaises raisons."
A force de crier le prénom de sa fille qui s'est échappée de l'école le jour de la rentrée, Clothilde a perdu sa voix.
Et c'est tout un bel équilibre qui s'effondre car la jeune femme va provoquer tour à tour l'incompréhension de son père, de son mari et de sa meilleure amie en refusant de se soigner à marche forcée. Elle sent en effet qu'il lui faut prendre son temps pour retrouver sa voix et sa voie ca ,paradoxalement, le chant va entrer dans sa vie et prendre une place prépondérante.
Qu'elle est attachante cette Clothilde qui , à son rythme, faisant fi pour une fois des contrariétés qu'elle engendre chez les autres en ne leur renvoyant plus l'image qu'ils avaient d'elle, va distiller les événements et tranquillement s'insurger : "qu'est ce que je disais de si important que vous voulez entendre ? ". Elle va posément, en acceptant les opportunités qui s'offrent à elle, retrouver le chemin de sa vie , fuguer tout en restant chez elle, ne plus se contenter d'être la fille , l'épouse , la mère, voire l'amie, à la vie bien lisse.
Aucun ressentiment pourtant, aucune revendication forcenée, non juste un constat simple et lucide du besoin de consacrer son énergie à quelque chose qui la fasse se sentir en harmonie, qui la révèle à elle même, tout en la reliant aux autres.
Ainsi le titre du roman, Fugue, joue-t-il sur la polysémie de ce mot. La fugue c'est bien sûr l'escapade initiale de la fillette mais aussi le morceau de musique qui tisse des liens de par sa structure, comme le roman le fait ici, multipliant les points de vue et éclairant de manière très subtile la personnalité de ces femmes et de la constellation familiale et amicale qui l'entoure.
Un très beau texte, empli de poésie, où s'engouffrent des moments exotiques et colorés, un roman d'une grande justesse psychologique , un magnifique portrait de femme.
Un livre lu et relu, dont j'ai extrait une flopée de citations .
Notons au passage un petit clin d’œil qui fait le lien avec le précédent roman de Anne Delaflotte- Mehdevi : "Le temps pouvait bien passer, tout lui prendre, elle avait chanté, comme un cuisinier cuisine, comme un maçon construit bien, un relieur relie, un marathonien arrive au terme de sa course."
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : anne delaflotte
08/03/2014
L'arrogance des vauriens
"ô pouvoir s'élancer dans le chaos"
Dans le Londres d'après-guerre, une jeune femme tente tout à la fois de survivre à cette période de restrictions et de destructions et d'éviter de se laisser consumer par une passion enfuie. Il lui faut se consacrer à un double objectif: assurer sa survie matérielle et celle de ses enfants (nous apprendrons à la toute fin du texte qu'ils sont quatre) et surtout "Je ne dois pas dévier de mon objet, qui consiste à anéantir l’amour, pour qu'ainsi je puisse en tolérer la douleur; ou plutôt à cesser d'éprouver tout sentiment pour qu’ainsi je puisse porter la douleur, et que l'amour, peut être , renaisse sous une forme nouvelle".
Que le lecteur ignore ce qui s'est déroulé sous le pont rouge de Brooklyn, leitmotiv de cette tentative éperdue de désamour, peu importe, à chacun de projeter sa propre histoire, son propre ressenti. Ce qui est essentiel, c'est cette volonté farouche de lutter contre le désespoir, les injonctions que la narratrice s'adresse à elle même, les rencontres, les dialogues parfois triviaux qui remettent les faits en perspective : "Mademoiselle Smart, vous n'êtes pas seule à avoir eu quatre enfants."Les occurrences de l'amour s'effacent peu à peu mais le fardeau demeure et avec lui une question : "L'amour peut-il exister sans nécessité ? "
La présentation de ces textes en prose poétique où alternent la vie quotidienne, le patron harceleur, les pintes dans les pubs et la puissance de cette langue parfois hallucinée, elliptique et puissante pour tenter d'abolir l'amour est nécessaire pour éclairer les lecteurs français qui ignorent totalement qui est Elizabeth Smart. Elle entretint une relation passionnée avec un poète , George Baker, qui lui fit quatre enfants mais ne divorça jamais de son épouse. L'arrogance des vauriens, paru pour la première fois en 1977, est en quelque sorte la suite d'un premier texte qui rendit célèbre Elizabeth Smart à sa parution en 1945 à la hauteur de Grand Central, Station, je me suis assise et j'ai pleuré.
Un grand coup de cœur et une œuvre à découvrir d'urgence !
L'arrogance des vauriens, Elizabeth Smart, traduit de l’anglais (canada) par Marie Frankland, Les Allusifs 2013 , 124 pages qui font chavirer le cœur mais ne sont jamais désespérantes.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : elizabeth smart
07/03/2014
Le tueur hypocondriaque...en poche
"Je suis une espèce de miracle de la médecine comme l'autopsie de mon corps le montrera aux yeux stupéfaits du public dans un futur proche."
Affligé des maux les plus improbables, Le tueur hypocondriaque rate systématiquement sa cible. Il est vrai que loucher ne lui facilite pas la tâche. Pas plus d'ailleurs que d'autres infirmités qui se révèlent à l'improviste dans les circonstances les plus fâcheuses.
En effet, à ces divers maux s'ajoute une poisse tenace qui n'entraîne que de cuisants échecs. à deux doigts de mourir notre héros parviendra-t-il à accomplir sa dernière mission ?
J'avoue, si j'ai commencé cette lecture avec le sourire, je craignais un peu le comique de répétition, dont je ne suis pas friande. Mais l'auteur a su se jouer de cet obstacle en réservant bien des surprises à son lecteur . On passe donc un excellent moment, à la fois touchant et plein d'humour avec ce tueur dont nous partageons, il faut bien l'avouer quelques travers.
Un roman, qui, une fois commencé, ne peut être que dévoré !
L'avis enthousiaste de Clara !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0)