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14/02/2014
La singulière tristesse du gâteau au citron
"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."
Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !
06:04 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : aiemee bender
13/02/2014
Casco bay...en poche
Cher Ralph,
Grâce à Amanda, que je remercie au passage, j'ai pu dévorer la suite de tes aventures commencées ici. Sept ans ont passé et une fois encore Stoney Calhoun va se trouver aux prises avec des cadavres. Mais dans Casco Bay, il ne mène plus l'enquête en franc tireur car le Sherif Dickman va l'enrôler comme adjoint , ce qui nous vaut une hilarante improvisation de serment :
"-Moi, Stonewall Jackson Calhoun, je jure solennellement de faire respecter toutes les lois de l'Etat du Maine qui me semblent sensées, dit Calhoun. Je jure de faire ce que tu me demandes de faire, pourvu que ce ne soit pas trop stupide. je jure que si, à tout moment, tu veux que je démissionne,je donnerai ma démission sans faire d'histoires. Je jure que pour l'essentiel je te dirai la vérité. Je jure de ne pas être d'accord avec toi quand je te trouverai stupide. je jure que si tu me demandes mon opinion , je te la donnerai , même si je pense que ç apeut te blesser. (Il haussa les épaules) Bon, j'ai tout dit, hein ? "
L'enquête, il faut bien l'avouer est menée de manière assez paresseuse et le meurtrier vient quasiment de jeter dans les bras de Calhoun, bras qu'il a fort musclés car il fend régulièrement du bois de chauffage, autant dans un but utilitaire que pour se vider la tête. Heureusement qu'en bon chien , tu es là pour relancer l'action, Ralph, je dois dire que j'ai tourné fébrilement les pages au moment de ta disparition ! c'est bien aussi l'un ses rares moments où Calhoun a perdu de son flegme, autrement il est d'une sérénité exemplaire, même quand il ne comprend pas sa chérie qui le malmène. Elle ferait bien de faire attention d'ailleurs, car je ne suis pas la seule à juger Calhoun éminemment sexy,( quoi qu'en pense certaine Dame qui se gausse :)). J'ai beaucoup apprécié aussi ta manière à la fois ferme et efficace, mais sans hargne , de mâchouiller les coucougnettes du meurtrier. A croire que la sérénité de Calhoun t'a été transmise par osmose. Serait-ce l'influence de Ralph Waldo Emerson, en l'honneur de qui tu as été nommé? celle de Thoreau? Ou bien un autre effet du coup de foudre auquel ton maître a survécu mais en perdant la mémoire ? Quoi qu'il en soit, cela le rend fichtrement intéressant comme homme et comme apparemment il a terminé sa lecture de l'anthologie littéraire ,pas de problème, je peux glisser ma Pal dans une ou deux valises et aller le rejoindre. Un homme qui aime parler de pêche ou de chiens et qui vit dans une maison au fond des bois ne peut pas être totalement mauvais.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : william g tapply
12/02/2014
Lady Hunt
"L'avenir m'est interdit; le passé est un paysage gelé dans le brouillard; le présent où je vis est déjà loin de moi.Est-cela être malade du doute comme l'écrit l'article sur internet ? "
J'ai laissé passer quelques mois avant d'entamer la lecture de ce roman plébiscité par la critique "officielle", plusieurs semaines avant de le chroniquer et je me dois d’avouer qu'il ne me reste pas grand chose de cette lecture.
Les thèmes , le personnage féminin hanté par le rêve d'une maison et par un héritage génétique freinant potentiellement son avenir, le tout dans une ambiance de roman gothique, avaient pourtant beaucoup d'atouts pour me plaire mais je suis restée totalement extérieure à ce roman trop maniéré, frôlant parfois l'ennui poli. Dommage.
Plein d'avis sur babelio.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : hélène frappat
11/02/2014
Boy
"Elle ne s'était pas trompée en essayant de donner du corps et de la vie aux textes inaboutis du père. Ses héros sont venus le chercher."
Boy, appellation trompeuse pour une jeune femme qui refuse sa féminité et incarne dans le monde réel les personnages inventés par son père. Boy tombe amoureuse. Un homme, une femme l'aiment aussi et un tueur en série vient brouiller les pistes et faire basculer le récit dans la violence et la mort.
Roman noircissime Boy interroge les rapports entre fiction et réalité .Le style, volontairement saccadé, répétitif, scande cette quête éperdue d'amour où les fantasmes viennent bousculer le lecteur, le poussant dans ses retranchements. On a parfois envie d'arrêter sa lecture tant la violence qui se donne à lire est crue mais l'humanité de Boy l'emporte toujours. On sort de là un peu sonné par une telle intensité !
Boy, Richard Morgiève, carnets Nord, éditions Montparnasse, 280 pages intenses.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : richard morgieve
10/02/2014
Les jeunes mariés
"Elle s'efforçait de trouver un lien entre la jeune fille qu'elle imaginait si souvent dans l'appartement de ses parents et l'épouse américaine se servant d'un lave-vaisselle et d'une machine à laver ou consultant ses mails sur l'ordinateur du salon.La tâche était d’autant plus difficile qu'à Rochester personne ne connaissait la Munni d'avant, et dans son pays ,personne ne connaissait celle d’aujourd’hui.Parfois, elle se demandait si les deux filles s'éloigneraient de plus en plus jusqu'au jour où elles ne se reconnaitraient plus."
Amina,jolie jeune femme bangladaise, et Richard, ingénieur américain de trente-cinq ans , ont fait connaissance par le truchement d'un site de rencontre sur internet. Tous deux, forts pragmatiques, ont chacun le projet de fonder une famille. Mais ce qu'Amina ne révèle pas immédiatement c'est que pour elle cela implique que ses parents la rejoignent aux États-Unis.
Par rapport à Amina , jolie, déterminée et intelligente, Richard paraît bien falot. Mais peut être n'est-il pas aussi lisse qu’il le paraît...
La première partie du roman est malicieusement intitulée " Un mariage arrangé". En effet, Amina met tout en œuvre pour réaliser son rêve: aller vivre aux États-Unis, mais sans jamais paraître froide ou manipulatrice. Les deux chapitre suivants, forts intéressants, sont consacrés à son intégration et à sa conquête de la citoyenneté américaine. En contrepoint des héros, la cousine de Richard, qui a échoué dans son mariage avec un Indien ,vient donner un nouvel éclairage sur les couples dits mixtes. J'ai été moins convaincue par la dernière partie, "Une demande en mariage" qui décrit avec beaucoup trop de détails les embrouilles familiales dans lesquelles sont enferrés les parents d'Amina. Un roman qui, malgré quelques longueurs, confirme le talent de Nell Freudenberger.Un joli parcours de couples qui s'effectue d'une certaine façon à l 'envers mais qui est fort convaincant dans son souci des détails et sa vérité psychologique.
Les jeunes mariés, Nell Freudenberger, traduit de l'anglais (E-U) par Sabine Porte, Quai Voltaire 2014, 427 pages.
Du même auteur en poche: clic !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : nell freudenberger
08/02/2014
La promesse du bonheur...en poche
"Les familles sont comme les anémones de mer, promptes à se refermer."
Fi du stoïcisme anglais ! Charles doit bien l'admettre : avec l'incarcération de sa fille préférée, Juliet (dite Ju-Ju), c'est toute la famille qui a été touchée dans ses fondements les plus intimes. Le choc a été d'autant plus rude que Juliet avait tout pour elle: intelligence, charme, beauté. Personne ne comprend donc pourquoi elle s'est retrouvée impliquée dans le vol d'un vitrail et incarcérée deux ans aux Etats-Unis où elle avait commencé une brillante carrière dans le monde de l'art.
Mais à y regarder de plus près ce délitement n'avait-il pas commencé plus tôt ? En tout cas, le retour de la fille prodigue en Cornouailles est l'occasion de réflexions et de subtils ajustements pour chacun tente de redorer l'image qu'il se fait de la famille.
Sous la plume à la fois acérée et bienveillante de Justin Cartwright c'est toute une tribu avec ses mensonges plus ou moins gros, ses solidarités secrètes, sa tendresse aussi qui se donne à voir. De la mère qui tente de faire face en cuisinant d'improbables recettes, au père qui se voudrait parfait mais n'assume absolument pas , en passant par le frère à qui l'on confie le rôle d'élément équilibrant, sans oublier la cadette qui aurait tout pour jalouser sa soeur aînée, chacun se donne à voir en ses replis les plus intimes. Une réflexion sur la famille donc, mais aussi sur l'illusion, dont la condamnation de Juliet n'est qu'un exemple.
Le récit ne ménage pas les révélations mais chaque personnage est présenté de manière nuancée et l'écriture est tout à fait splendide ! Vite, découvrez cet auteur qui vient enfin d'être traduit en français !
Justin Cartwright, Babel 2014
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : justin cartwright
07/02/2014
Les bourgeoises
"Je suis encore en proie à une curiosité malsaine, ça me rassure de voir le dedans pauvre des riches au-dehors."
"Énervée, revancharde et impatiente", Sylvie Ohayon a su tracer son chemin de la Courneuve (qu'elle n'a pas reniée pour autant) jusqu'à Paris, territoire de la bourgeoisie.
"Rabouilleuse balzacienne, ambitieuse, tête chercheuse d'or et trouveuse d'emmerdes", l'auteure qui manie parfois les mots comme des nunchakus , alliant la verve des banlieues à l'amour de la littérature, brosse un portrait acéré des bourgeoises qu'elle a rencontrées. ça balance sec car l'univers feutré du XVI ème arrondissement s'accorde mal avec le franc parler qui fait voler en éclats l'hypocrisie de rigueur.
On se sent quelquefois gêné aux entournures devant la brutalité de ces textes qui allient formules à l'emporte pièces efficaces (on sent la publicitaire aguerrie !) et réflexions plus sensibles.Mais si la vision est parfois manichéenne , elle est toujours emplie d'une belle énergie et l"écriture toute cabossée" s'accorde parfaitement aux propos de l'auteure.
Sylvie Ohayon assume ses contradictions et termine par un autoportrait malin , sincère et qui nous la rend finalement des plus sympathiques ! Un livre revigorant !
Pocket 2014, 323 piquetées de marque-pages !
Du coup, j'ai hâte de lire la suite que je viens de commander !
L'avis de Cuné, qui avait préféré le premier. Moi, c'est l'inverse !
Du même auteur: clic
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sylvie ohayon
06/02/2014
La dame à la camionnette
"Il était rare qu'on lui rende le moindre service sans avoir en même temps envie de l'étrangler."
Nul doute que cette couverture jaune primevère aurait beaucoup plu à Miss Sheperd ! Cette vieille dame marginale et excentrique repeignait inlassablement de cette couleur les différentes camionnettes dans lesquelles elle vécut successivement à la fin de sa vie.
Victime de l'embourgeoisement de son quartier, mais dotée d'un grand sens de la manipulation et d'une mauvaise foi inébranlable, Miss Sheperd finit par établir ses quartiers dans l'entrée du jardin d'Alan Bennett. Une cohabitation improbable et chaotique, entre exaspération et volonté d'aider cette vieille dame soucieuse de préserver sa dignité et ses secrets ,qui dura une vingtaine d'années.
Une synthèse pleine d'humour des notes qu'Allan Bennett a prises au fil du temps sur cette vieille dame qui faisait tache et dont un des habitants du quartier se demandait si elle était vraiment excentrique... Une peinture d'une transformation en marche qui ne tombe jamais dans l'autosatisfaction ni dans l'apitoiement. 114 pages so british !
La dame à la camionnette, Alan Bennett, traduit de l'anglais par Pierre Ménard ,Buchet-Chastel 2014.
Du même auteur: clic
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : alan bennett
05/02/2014
âme qui vive
"Et il est un fait que pendant ces visites ma solitude m'apparaît comme en relief,je la perçois clairement, distante de moi mais palpable, cependant j'ai définitivement cessé de me faire pitié, si bien que je ne m'en émeus plus."
Quatre hommes , très différents, que ce soit par l'âge, leur activité, leur passé (dont nous n'apprendrons que des bribes) expérimentent la solitude dans un univers de brouillard et de campagne un peu montagneuse.
Le narrateur qui ne s'exprime plus depuis un événement traumatique prend en charge le récit et observe la chorégraphie de ces personnages qui ,bien que solitaires, ne peuvent vivre sans maintenir des liens avec les autres.
Des événements ,minuscules ou pas, viennent briser l'austérité choisie de ces vies, avec une volonté de briser toute prévisibilité narrative. Amateurs de récits cadrés, formatés, passez votre chemin ! Un long paragraphe par chapitre, sans que pourtant le lecteur se sente étouffé, telle est ici la mesure de l'écriture de Véronique Bizot. On sourit, on s'étonne, on souligne , on s'émerveille devant plein de phrases comme celle-ci : "Les choses paraissaient plus solides que chez nous, comme absorbées dans une sourde densité qui tenait le monde à l'écart." Et le lecteur d'acquérir un regard neuf, à l'image du narrateur, plongé dans un univers à la fois si proche et si étrange.110 pages hors-normes, hérissées de marque-pages !
Âme qui vive, Véronique Bizot, Actes Sud 2014.
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06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : véronique bizot
04/02/2014
Le bruit de la gifle
"Personnellement, j'ai toujours été très famille.Malheureusement, en fait de parents proches, je n'ai plus que mon père, et sans doute pas pour très longtemps: je songe en effet à m'en débarrasser."
Un peu de paix, une parenthèse de silence, de solitude, brève ou définitive, voilà ce à quoi aspire la plupart des personnages des nouvelles d'Emmanuelle Urien dans Le bruit de la gifle.
En quelques pages, la nouvelliste crée ainsi des univers très différents mais toujours au plus près des sensations et des sentiments de ses personnages. Nous sommes au bord d'une plage du Nord où un homme vient effectuer un étrange pèlerinage , savourant immuablement un goûter d'enfance: "Pain, beurre, chocolat" "en savourant la moindre miette, lentement grimaçant chaque fois que ses dents crissaient sur les grains de sable qui s'immisçaient à l'intérieur du sandwich, quelques soient les précautions prises pour l'envelopper.", à bord d'"un bateau sur l'eau" avec un homme perdu qui joue à l'aventurier, dans un drame rural où l’héroïne mettra "Les pieds dans le plat", conciliant Éros et Thanatos, gourmandise et amour. Entre autres.
Souvent d'ailleurs, l'auteure glisse une petite phrase qui, mine de rien, nous annonce ce qui se joue en sous-main: " Violette saisit l'inspecteur par le bras, comme si elle voulait l'emmener en promenade. Le balader pour ainsi dire."
Entre humour noir et tendresse, Emmanuelle Urien scrute le cœur de ses personnages avec bienveillance, nous gratifiant au passage de superbes phrases témoignant de son sens de l'observation et de sa finesse psychologique : "Quelquefois le promeneur espère malgré tout qu'elle changera, d'elle même; qu'elle se fatiguera de sa propre douleur à vivre, et découvrira l'autre versant des choses, celui où on peut se réjouir. De ce qui est, de ce que l'on a . Il se dit qu'elle chemine pour atteindre le sommet. Qu'il faut du temps. Qu'elle a de petites jambes."
Le bruit de la gifle, Emmanuelle Urien, Éditions Quadrature 2014, 101 pages qui ne nous laissent jamais sur notre faim.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : emmanuelle urien