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15/01/2013
Monsieur Ho
"Sans commettre d'excès de zèle, Ho avait bien l'intention de visiter cette superposition de Chine, ce puzzle si mal découpé."
Fonctionnaire discret aux ordres de Pékin, monsieur Ho se voit un jour confié la tâche titanesque de recenser ses concitoyens.
à bord d'un antique train, Monsieur Ho et son fidèle chauffeur se lancent dans un périple qui peu à peu s'affranchira des rails, au sens propre et au sens figuré.Les rencontres seront étonnantes, poétiques, brocardant au passage les touristes "...en quête de folklore instantané, impatients de pénétrer le coeur des légendes , et qui avaient souvent tendance à oublier la dure réalité des grandes étendues, le danger du vide et la rage du vent. Ces explorateurs un peu mystiques protégés par le dieu du Gore-tex et par des fermetures Eclair à toute épreuve faisaient assez vite une indigestion d'un excès de rien."
Quête identitaire d'une nation protéiforme où le pluriel est de mise , ce récit de voyage se transforme peu à peu en une recherche plus personnelle, pleine de délicatesse , emplie de mélancolie et de tendresse. Un petit bijou constellé de marque-pages !
Monsieur Ho, Max Férandon, Carnets nord, Editions Montparnasse 2013 , 158 pages à savourer !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : max férando, chine
14/01/2013
Le chinois
"Une juge partie à la recherche de sa part nomade."
Délaissant Wallander , Mankell crée ici un nouveau personnage, celui d'une juge quinquagénaire surmenée, Birgitta Roslin, dont les grands enfants ont quitté le nid et qui a des difficultés de communication avec son mari. Rien que de très banal donc, mais Birgitta , reliée par un lien familial ténu à un hameau perdu dans la campagne suédoise, va enquêter en parallèle de la police sur une tuerie particulièrement cruelle qui a décimé la quasi totalité des habitants de cet endroit reculé. Un simple ruban rouge chinois la mènera jusqu'à Pékin...
Par l'intermédiaire de ce roman policier de facture plutôt classique, Mankell nous livre une réflexion sur la Chine contemporaine , ses tiraillements entre la fidélité aux anciens idéaux et la volonté expansionniste en Afrique, considérée par certains comme une nouvelle forme de colonialisme. Nous voyageons ainsi entre la Suède, la Chine et même le Mozambique, pays cher à l'auteur, n,tre passé et présent, et apprenons au passage comment de pauvres paysans chinois se sont retrouvés à travailler à la construction des voies de chemin de fer aux États- Unis au XIXème siècle.
Les personnages sont bien campés, on aurait très envie de devenir l'amie de Birgitta, et l'on suit avec intérêt ce roman qui fait parfois frisonner mais ne tombe jamais dans le piège du voyeurisme.
Le chinois, Henning Mankell, traduit du suédois par Rémi Cassaigne ,Points seuil 2013, 563 pages qui se lisent avec aisance !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : henning mankell, chinois aux etats-unis, en afrique
13/01/2013
Les oreilles de Buster...en poche
"Le mensonge ne se laisse pas noyer dans l'amour."
En apparence Eva, cinquante six ans , mène une vie paisible , vie qu'elle partage avec Sven et une vieille dame acariâtre dont elle s'occupe. Le cadeau d'un journal intime que lui fait sa petite-fille va néanmoins chambouler de fond en comble cette vision car elle l'avoue ex abrupto en le rédigeant le soir: Eva a tué sa mère.
Revenant sur son passé, la quinquagénaire revit les émotions d'alors et nous offre un portrait de femme pugnace et tenace mémorable, oscillant entre cruauté et sensibilité extrême.
Une narration qui, en outre, ménage des surprises quasiment jusqu'à la fin ! Vite, passez un excellent moment avec Eva !
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : maria ernestam
12/01/2013
L'ivresse du kangourou ...en poche!
"Comme la plupart des écrivains, j'oscille en permanence entre la cupidité et la lâcheté."
Partager un abri avec un rat mangeur d'homme (ou presque), suivre à la nage un chien qui se dirige avec ardeur vers le lointain, essayer de ramener à la raison et à la maison un kangourou Grand Roux alcoolique et violent, voici quelques unes des mésaventures où Kenneth Cook se met en scène avec son habituel sens de l'autodérision !
Il le dit lui même , il le sait, mais il s'obstine à prendre les mauvaises décisions ! Entre lézards à collerettes volants, bouseux qui lui enfoncent le canon de leur fusil dans le ventre , il arrive finalement mieux à s'en sortir qu'avec les lettrés : "Quand mais ô quand, vais-je apprendre à ne JAMAIS entreprendre quoi que ce soit avec des universitaires ? " Auraient-ils des idées plus tordues qu'un aborigène dont les orteils possèdent à eux seuls un véritable langage ? Ou qu'un cow-boy placide et farouchement anti-paris ? Certainement !
On entre de plain-pied et avec une grande familiarité dans l'univers de Cook , un univers que n'auraient pas renié les Marx Brothers tant l'auteur a le sens du comique visuel. Sa description du restaurant panoramique (sans panorama !) tournant est tout simplement à hurler de rire et je voyais vraiment le film se dérouler ! Un livre qui m'a fait rire aux éclats*quasiment à chaque texte et qui est un véritable chasse-grisaille !
* Et ça m'arrive rarement !
06:00 Publié dans index, le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : kenneth cook
11/01/2013
Désolations...en poche
"Parce que tout ça était bien plus qu'une simple histoire de cabane."
Irene est-elle rendue folle par la douleur qui lui martèle la tête à longueur de journée ou juste terriblement lucide sur la capacité de son mari Gary à rater tout ce qu'il entreprend, y compris leur mariage ? En tout cas, cette idée de construire une cabane sur Caribou Island ne lui dit rien qui vaille...
Histoire d'un fiasco annoncé, Désolations est un livre terrible sur le couple. Que ce soit celui de Gary et Irene qui, la cinquantaine venue n'ont plus d'illusions ni sur eux-même ni sur les autres ,ou celui que veut à tout prix former leur fille Rhoda avec ce crétin de dentiste quadragénaire qui a déjà prévu de se préserver tout en la sacrifiant.C'est aussi sur livre sur la fin des illusions que peut véhiculer l'Alaska.Il n'est que de voir avec quelle violence cette région va blackbouler un gentil étudiant qui rentra vite fait pleurnicher dans les jupes de sa mère ! Peut être aurait-il fallu qu'il en soit de même pour Gary et Irene.
La tragédie annoncée d'emblée ne peut qu'advenir et de manière encore plus implacable que prévu. Une écriture sobre et puissante
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : david vann
10/01/2013
Chouquette ...en poche
"Eh bien moi aussi je suis en crise !"
Catherine peste, Catherine enrage: la voici forcée d'accueillir l'été à St Tropez son petit-fils Lucas : "C'était typiquement le genre d'imprévu qui venait contrarier les mensonges qu'elle se racontait." En effet, si elle passe pour les uns pour une mythomane, voire une dingue, Catherine (alias Chouquette -pas question pour la fringante sexagénaire de se faire appeler "mamie") est tout à fait lucide. Elle qui a troqué les séances de psychanalyse contre des liftings, se voile consciencieusement la face afin de ne pas sombrer dans le désespoir du naufrage de son couple. Elle qui a davantage été une épouse qu'une mère risque de se retrouver seule pour aborder la dernière partie de sa vie.
Quant à sa fille Adèle elle n'est pas mieux lotie : tiraillée qu'elle est entre sa volonté de s'accomplir dans l'humanitaire et sa crainte d'être une mauvaise mère.
Coups de griffes de part et d'autre, virages abrupts du récits qui nous ménage ainsi de belles surprises, Chouquette navigue entre tendresse un peu convenue et acidité réjouissante. Ces deux femmes tentent de s'en sortir, chacune avec leurs armes dérisoires, sans se rendre compte que le monde confortable qui est le leur est en train de s'effondrer, sous les yeux incrédules ou blasés des jet-setteurs que Chouquette fréquente.
A côté de la flamboyante sexagénaire, (qui trouve tout naturel de menacer d'un couteau une des maîtresses de son mari) ,sa fille Adèle fait forcément un peu pâle figure . Quant à l'opposition entre le monde des humanitaires et celui de la jet-set, elle est un peu est un peu caricaturale mais quelques baisses de régime dans le rythme de ces 133 pages gonflées à bloc n'ont pourtant pas gâché mon plaisir.
07:54 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emilie frèche
09/01/2013
Citation
Dans une longue interview pour Le Matricule des Anges (janvier 2013), Jon Kalman Stefansson déclare :
"C'est peut être aussi pour ça que je recours à la technique du poème: les poèmes s'infiltrent parfois en nous et ils font à l'intérieur de nous des choses que nous ne comprenons pas parfaitement. Plutôt que de faire des phrases sur la neige, j'essaie de transformer mes phrases en neige pour que le lecteur marche et s'enfonce dans la neige. Nous devrions tous lire des poèmes, chaque jour, le matin, après la lecture des journaux : vous lisez un poème et vous l'emportez avec vous pour la journée. Ainsi, peu à peu, le monde deviendra meilleur."
à noter que le troisième volet de sa trilogie (que je n'ai pas encore commencée) paraît le 10 janvier.
trilogie: Entre ciel et terre, La tristesse des anges, tous deux chez folio, le coeur de l'homme.
Dans le Matricule, une interview aussi de Nathalie Quintane.
07:35 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (6)
07/01/2013
Le roman du mariage
"C'était la stupidité des gens beaux et heureux, de tous ceux qui obtenaient ce qu'ils voulaient dans la vie et en devenaient quelconques."
Mitchell aime Madeleine qui aime Leonard, mais la jeune femme n'est en même temps pas insensible aux charmes du premier. Tous trois sont étudiants au début des années 80 aux États-Unis. Nous les rencontrons à un moment charnière de leur existence: le passage à l'âge adulte que chacun d'entre eux va négocier avec plus ou moins d'aisance.
Théologie, littérature victorienne, structuralisme français, biologie sont aussi au coeur de ce roman qui envisage les évolutions respectives de ces trois jeunes gens issus de milieux sociaux différents.
Les descriptions de la maniaco-dépression de Leonard et de l'éveil religieux de Mitchell sont particulièrement réussies et rendent un peu fade le portrait trop lisse à mon goût de Madeleine qui envisage comme une plaisanterie de "Rester vieille fille comme Emily Dickinson , et écrire des poèmes flamboyants remplis de tirets , sans jamais prendre un gramme."
Des pointes d'humour donc dans ce texte à la construction extrêmement habile car le lecteur va, au fil du temps, apprendre des informations qui remettront sa vision des personnages en question. Un roman où on ne s'ennuie jamais !
Sylvie a été encore plus enthousiaste que moi !
Le roman du mariage, Jeffrey Eugenides, traduit de langalis (E-U) par Olivier Deparis, Editions de l'Olivier 2013, 552 pages, comme un bon gros roman victorien revisité !
Merci à Libfly et aux Editions de l 'Olivier !
06:00 Publié dans rentrée 2013 | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : jeffrey eugenides, romans victoriens
05/01/2013
LE DÎNER ...en poche
"Cela laisserait certes une cicatrice quelque part, mais une cicatrice n'empêche pas le bonheur."
Ce livre aurait peut être pu s'intituler "Il faut qu'on parle de nos fils". C'est en effet parce que leurs enfants ont commis un acte ignoble que deux frères- l'aîné un politicien à quelques semaines de devenir premier ministre, le cadet dont la situation sociale nous sera révélée un peu plus tard-, et leurs épouses respectives se sont donné rendez-vous dans un restaurant pour happy few.
Au rythme des plats composant le repas, c'est toute une société du paraître qui est cruellement disséquée.
La violence , contenue ou pas, les idées nauséabondes, les mensonges vont crescendo et l'on se demande comment l'auteur va les tirer d'affaires ces hommes et ces femmes qu'ils nous livrent ainsi en pâture.
Perso ,l'explication médicale m'a laissée dubitative car trop vague (pas de maladie clairement nommée), mais j'ai été fascinée par la manière dont les parents arrivent à présenter les faits d'une manière qui les arrange.
Pas de politiquement correct ici et le lecteur doit accepter de se laisser rudoyer et de sortir sonné d'un tel livre !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : herman koch
04/01/2013
Saison de lumière...en poche
"Aussi froide que le verglas qui l'avait naguère couverte, la terre gelait le coeur de Jennet, mais lui donnait de l'espace pour respirer."
Itinéraire d'une artiste, Jennet, qui dès l'enfance manifeste un don certain pour le dessin, Saison de lumière retrace aussi l'histoire d'une femme qui dut tout à la fois concilier sa vie amoureuse avec un peintre assuré de son talent, voire de son génie, avec sa vie de mère et la pratique exigeante de son art.
La cohabitation entre les deux peintres ne sera pas de tout repos car David, son époux malgré lui, gaspille son talent et sa vie en une quête éperdue de plaisirs, tandis que Jennet, à force de compromis et de réflexion parvient , mue par une énergie inébranlable à contourner les obstacles et à affirmer sa puissance créatrice, même si cela doit lui demander du temps. Mais comme l'écrit Francesca kay : "Ses sentiments pour David, comme pour à peu près tout , étaient aussi changeants que l'eau , ils confluaient constamment , tel un estuaire à marée basse sans barrage pour séparer l'eau douce de l'eau de mer."Pas de manichéisme donc et Jenett n'est pas la sainte et martyr qu'on pourrait croire. C'est une femme qui souffre, qui aime et qui avance, irriguée par le désir, tendue vers l'épure et la lumière.
Son héroïne ayant 40 ans dans les années 60 , l'auteure en profite pour évoquer de manière très vivante ces années novatrices jusqu'à l'excès.
Mais plus que tout c'est le style à la fois précis , lumineux et poétique qui fait l'enchantement de ce roman. Rien de plus difficile en effet que d'évoquer des tableaux que le lecteur ne verra jamais mais ici le miracle opère et je peux assurer que je les ais vus les tableaux de David et Jenett, tout comme j'ai souffert avec eux, (ah le coup bas de l'artiste teutonne !) partagé leurs élans et leurs frustrations,voire atteint une forme de sérénité à la fin du roman. Un livre bien évidemment tout hérissé de marque -pages et qui vibrera longtemps en moi. Et zou sur l'étagère des indispensables !
Un premier roman époustouflant par sa maîtrise.
Une mentions particulière à la traductrice , Laurence Viallet .
Mon premier coup de coeur de 2011.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : francesca kay