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16/03/2012
Olive Kitteridge
"Je ne vois vraiment pas pourquoi je pleurerais."
Tantôt personnage principal, tantôt juste mentionnée, Olive Kitteridge nous apparaît dans un portrait kaléidoscope la suivant de l'âge adulte à la vieillesse. Mais qui est-elle réellement? Pour les uns, une prof de maths qui terrorise ses élèves , pour d'autres une femme avec son franc-parler mais qui sait aussi faire preuve de déroutants élans de bonté . Étouffante pour son fils unique qui n'aura de cesse de la fuir , compatissante pour une jeune femme souffrant d'anorexie ou pour un ancien élève dépressif, Olive nous surprend toujours.
La construction, perturbante au début, on a l'impression de lire des nouvelles sans lien entre elles, bâtit en fait, de manière subtile, tout un univers qui nous devient vite familier. On guette l'apparition Olive et très rapidement on s'attache à cette femme et à ceux qu'elle côtoie.
Elisabeth Strout nous montre avec aisance aussi bien les drames que les joies, la solitude et la vieillesse mais aussi le nouveau comportement amoureux des personnes âgées , leur manière d'affronter les surprises du coeur. Un roman généreux et tout en finesse.
Olive Kitteridge, Elisabeth Strout, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Brévignon. Ecriture 2010, 375 pages revigorantes. Livre de poche 2012.
Prix Pulitzer de Littérature 2009.
le billet de Clara qui vous envoie vers plein d'autres !
Celui d'Anne.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : elisabeth strout
15/03/2012
Maudit soit le fleuve du temps
"J'en accomplissais tous les gestes, je les accompagnais des mimiques appropriée. Et, en me voyant, on devait se dire que mes activités avaient un sens, alors qu'elles n'en avaient aucun."
Pourquoi le narrateur et sa mère sont-ils séparés, de manière figurée, par un fleuve ? Pour tenter de comprendre et d'abolir cette distance, le narrateur, âgé d'une trentaine d'années mais pas vraiment encore adulte ,décide de suivre celle qui , malade, vient de partir pour le Danemark. Là, les souvenirs refont surface et, de manière fragmentée , se révèlent deux parcours plein de zones d'ombre.
Pas d'hystérie, juste une gifle sonore, mais de la tendresse qui circule de manière feutrée et un adulte en devenir qui revient sur ses engagements un peu naïfs de jeunesse.
Un roman apaisant, sans volonté démonstrative, tout en finesse et délicatesse.
Maudit soit le fleuve du temps, Per Petterson, traduit du norvégien par Terje Sinding, folio 2012.279 pages fluides.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : per petterson
14/03/2012
Vrouz
Voici du VROUZ ! annonce le bandeau de couverture. Du Vrouz? Un mot-valise plein d'énergie créé par l'acteur Jacques Bonnaffé (avec Sardine Robinson et Adèle Cockrobin) pour désigner V(alérie) Rouz(eau).
Et de l'énergie il y en a dans ce recueil de poèmes qui m'a enthousiasmée du début à la fin !
L'auteure fait feu de tout bois et recycle avec un humour parfois caustique les messages formatés de notre quotidien, qu'ils figurent sur une emballage de cigarettes , une notice de médicaments, voire une feuille de résultats d'analyses ! Elle nous entraîne dans son univers, qui pourrait être le notre, celui d'une quadra qui s'affirme dès le premier vers "Bonne à ça ou rien" , énumère ses incapacités , parfois cocasses, parfois plus sombres ,avant de conclure
"Pas fichue d'interrompre la rumeur qui se prend
Dans mes feuilles de saison"
et c'est tant mieux !
Une grande liberté aussi dans l'incorporation des citations d'auteurs chéris (et dûment répertoriés dans les notes de fin de volume- la dame est fort honnête et nous invite par la même occasion à emprunter de nouveaux chemins -) dans l'utilisation des registres de langue, voire de mots anglais. N'oublions pas en effet que Valérie Rouzeau est traductrice et spécialiste de Sylvia Plath.
Ces jeux sur les sons et les rythmes entraînent parfois la suppression des déterminants et des rencontres lexicales parfois brutales pour dire le monde où les humains sont réifiés, aussi interchangeables et remplaçables que leur téléphone (page87) sonnant dans une poubelle.
Les tonalités diffèrent donc, mais si les nuages et la pluie semblent omniprésents, le temps n'est pourtant pas à la mélancolie facile. L'auteure se livre sans fards , laissant deviner les marques de l'âge, les découragements devant cette "époque médiatique" si creuse et nous offre un très joli autoportrait (page 156) où elle affirme:
"Ne suis pas très causante encore moins conviviale
Quand vos paroles sont tellement toujours les mêmes
Interchangeables et creuses formules des tics en toc"
et renouvelle page 114 le thème de la Supplique pour être enterré en demandant :
"Plantez un chêne pour la rouzeau
Du vertical pour l'horizon
Puis de l'herbe bien folle autour
Plutôt qu'un gazon dormitif"
Une bien dynamique façon d'envisager le paysage qui abritera son corps !
Pour conclure une dernière citation :
"J'ai l'amour spontané de mon prochain saud quand
Mon prochain s'intéresse de trop près à mon goût
à ma personne gentille et froide et solitaire
Alors là je m'éloigne à grande enjambées
Du buffet dînatoire où j'étais conviée
Et je rentre chez moi savourer mon congé"
Un recueil tout bruissant de marque-pages (un paquet y est passé !)
Vrouz, Valérie Rouzeau, La table ronde 2012, 169 pages toniques et jubilatoires !
Et zou , le voici promu d'emblée livre de chevet !
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : valérie rouzeau
12/03/2012
True grit
"Il avait confondu les méchants avec les hommes."
Du cran il en a fallu à Mattie Ross , 14 ans, pour se lancer sur les traces du meurtrier de son père en cet hiver 1870 ! Accompagnée du quadragénaire borgne , bourru( et très expéditif))! )marshall Rooster Cogburn et de l'exaspérant Texas Ranger LaBoeuf, la jeune fille devra tenir tête aux adultes qui veulent la maintenir à l'écart et affronter les dangers de la traque. Un western-récit d'initiation original et très visuel, adapté deux fois au cinéma, le film le plus récent (et le plus réussi à mon avis ) étant celui des frères Coen , très fidèle au texte de Portis et lui apportant des touches poétiques.
La postface de Donna Tartt tépoigne de l'engouement sucité par ce roman à sa sortie aux États-Unis en 1968. Bientôt étudié dans les écoles, le livre traversera ensuite une traversée du désert et il sera bien difficile de se le procurer . Au grand dam de la parentèle féminine de Donna Tartt qui l'avait offert à tour de bras pour, je cite ,"évangéliser" leurs amis !
Un roman sympathique et bien fichu.
True Grit, Charles Portis, traduit de l'anglais (E-U) par John Doucette, J'ai lu 2012.242 pages d'aventures.
Ps: j'ai adoré Jeff Bridges dans le film des frères Coen !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : charles portis, western
11/03/2012
Mon doudou divin
"Quid de La Béatitude ? Une version low-cost pour losers ? "
"Essayer de trouver-ou de créer ta propre foi en toute liberté", voici ce que propose une affichette à la caisse d'un supermarché. Bien décidée à tourner ce stage (et ses participants) en dérision pour rédiger un article à succès, la journaliste -pigiste Wera passe trois semaines à La Béatitude. Là elle rencontre un apprenti-gourou et sa compagne la très maternelle et efficace Annette, un musulman iranien, une femme grise qui semble s'évaporer à loisir, un médecin radié et Madeleine ,une bureaucrate qui ploie sous le poids d'un sac symbolisant sa culpabilité.
Commencé comme une parodie des stages spirituels (pas de décoration zen mais un bâtiment pour le moins rustique ayant abrité des générations de scouts), le récit ,qui alterne le point de vue cynique de Wera et celui, plus mesuré ,de Madeleine, ne tourne pas à la farce mais gagne (un peu) en profondeur quand les personnages commencent à se révéler les uns après les autres. Il n'en reste pas moins que je suis restée plutôt hermétique aux différents exposés spirituels , plutôt superficiels. Une pirouette, une sorte de deus ex machina (ironique?) vient harmoniser de manière un peu forcée la situation finale.
On retrouve parfois le style imagé et mordant de Katarina Mazetti mais l'ensemble reste quelque peu trop léger à mon goût. Aurais-je défintivement atteint un âge canonique m'empêchant de goûter les comédies ?
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : katarina mazetti
09/03/2012
Désaccords imparfaits
"Il est important que certaines choses demeurent perdues."
"Ce recueil représente toute ma production de nouvelles au cours de ces quinze dernières années, ce qui relève un peu de la plaisanterie. j'avais pensé l'intituler Toute la prose courte, mais c'eût été pousser la plaisanterie un peu loin. Car il ne m'est pas facile de faire court, justement." Dixit Jonathan Coe dans la préface de ces 99 pages.
Trois nouvelles donc et un article , jamais paru en anglais car destiné aux Cahiers du cinéma, sur l'étrange passion que déclencha chez l'auteur le film "La vie privée de Sherlock Holmes " de Billy Wilder.
Thème commun aux trois nouvelles ? Les occasions manquées, les rétropédalages mélancoliques, contrebalancés par un humour pince sans rire: "Je priai mon Dieu d'acquisition récente que l'homme s'abstienne désormais de toute visite chez nous."
Le style est élégant et je me suis régalée avec "Ivy et ses bêtises" qui excelle à recréer le monde de l'enfance, ses peurs, ses cruautés délicieuses . Quant à "Version originale", elle offre un expérience très troublante et dérangeante de traduction simultanée... Seule "9e et 13e" m'a laissée indifférente car trop convenue mais peut être la version musicale, dont l'auteur donne les références possède-t-elle une autre dimension.
Quant à la quête éperdue de passages disparus du film de Wilder, cette obsession est joliment décrite et finement analysée. Il plane sur tout cela une atmosphère gentiment mélancolique mais qui ne tombe jamais dans la facilité.
Désaccords imparfaits (9th and 13th), Jonathan Coe, traduit (brillamment) de l'anglais par Josée Kamoun, Gallimard 2012, 199 pages 8.90 euros.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : jonathan coe
08/03/2012
En passant...
Pour les fans de Virginie Despentes, à l'occasion de la sortie de son film Bye bye Blondie un très joli reportage photo sur "[son ]petit monde " et une interview dans "Marie Claire "d'avril.
On la sent apaisée et c'est bien !
à noter: la photo de [sa] copine Pepa, une émouvante chienne bulldogue française , au museau blanchi par les ans.
18:22 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : virginie despentes
Réjouissez-vous !
Avec Réjouissez-vous !, titre au format gigantesque sur fond rose schoking et évident clin d'oeil à l'opuscule phénomène de Stéphane Hessel, les éditions Albin Michel nous proposent le premier ouvrage d'une nouvelle collection thématique sur des sujets de notre quotidien (vaste programme).Une anthologie de citations accompagnée d'une carte blanche donnée à des écrivains de talent (je cite la quatrième de couv').
Ici, après une série de citations sur l'optimisme et la joie de vivre( sans grande originalité mais ça ne mange pas de pain et ça fait toujours plaisir) , c'est Véronique Ovaldé qui s'y colle avec une nouvelle offerte précédemment dans un magazine féminin et qui avait suscité la polémique sur la blogosphère car, comme le rappelle très discrétement la décidément prolixe quatrième de couv : "en partenariat avec Renault en clin d'oeil au lancement de Nouvelle Tw*ngo" (sic). On se demande bien pourquoi ils n'ont pas fait appel, au hasard, à Dany Boon.
Etant de nature curieuse et n'ayant pu mettre la main sur le magazine en question, j'ai donc dû débourser 5 euros pour m'enquérir de l'objet du délit.
Verdict : non, Véronique Ovaldé ,qui fait pourtant preuve de beaucoup de créativité , n'a réussi à rédiger ici une apologie de la voiture précédemment citée (n'étant moi même pas sponsorisée j'ai pris le parti de ne pas citer in extenso le produit mis en cause).
Son héroïne, une sorte d'Amélie Poulain devenue gourou à l'échelle mondiale, l'a choisie rose et arrive à caser à l'intérieur de l'habitacle tout un bric à brac des plus sympathiques pour la transformer en "terrier", preuve que finalement si, l'auteure possède une imagination fertile. La marque doit être mentionnée deux ou trois fois et Ovaldé s'amuse même de la contrainte en évoquant en bas de page les solutions envisagées pour se tirer d'affaire. Les notes valent d'ailleurs à elles seules le détour et confèrent une dimension pleine d'humour à cette fable gaie, pleine d'allant et de clins d'yeux à des auteurs évoqués de manière allusive.
De quoi donner envie de relire le texte ! Allez hop , je m'y colle !
Un produit hybride donc qui ne me satisfait pas totalement.
06:00 Publié dans Bric à Brac, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : véronique ovaldé
07/03/2012
Une poétesse contemporaine...
...en couverture , un événement rare ! j'ai hâte de me procurer ce numéro !
06:00 Publié dans Bric à Brac, Poésie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : valérie rouzeau
06/03/2012
à la trace
"-J'aurai peut être à choisir entre information et satisfaction: pas facile."
Une quadragénaire , bafouée par son mari et méprisée par son ado de fils, décide de prendre (enfin) sa vie en mains. Récit de l' émancipation d'une femme donc, femme qui va croiser, de manière détournée, le chemin d'une bande de musulmans extrémistes, visiblement fort affairés et prudents.
Changement de programme dans la deuxième partie où nous retrouvons notre ami Lemmer, chargé de convoyer un couple de rhinocéros blancs, en compagnie d'une pisteuse chevronnée, du Zimbabwe jusqu'en Afrique du Sud. Évidemment, la balade sera plus proche du "Salaire de la peur "que de la promenade de santé ! Fin du second acte.
Dernière partie, plus classique , celle où une femme , travailleuse et déterminée, charge un ancien flic à la retraite d'enquêter sur la disparition subite de son mari.
Trois tonalités différentes et des liens subtils qui s'établissent progressivement entre les différentes intrigues, récits qui font la part belle aux femmes et ménagent de multiples surprises au lecteur. Le complot politique est parfois un peu embrouillé mais se termine par un vrai coup de théâtre ! Les grains de sable- nous ne sommes pas en Afrique du Sud où tout peut basculer pour rien !- viennent perturber les ordonnancements les plus rigoureux et semer un peu plus de panique ,mais Don Meyer maîtrise totalement sa partition.
La fin est un peu précipitée mais j'y ai vu la promesse de nouvelles aventures de Lemmer, donc tout va bien ! Une pointe d'humour, un soupçon d'histoire d'amour et beaucoup de péripéties font que ces 722 pages deviennent vite addictives ! Prévoir un long week-end ou de courtes vacances pour ne pas être en manque !
Malgré mes bonnes résolutions , j'ai craqué pour ce roman à la librairie Ravy de Quimper (une librairie avec un spectaculaire escalier rouge !)
Première apparition de Lemmer ici.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : deon meyer