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09/01/2010
Juste pour vous donner envie...
"Ils pénètrent plus avant dans la fûtaie, recueillis, se laissent imprégner. Lors de leurs précédentes balades, il lui a aprris à demeurer lisse et calme, tel un tronc. Elle souhaite que les oiseaux se perchent sur leurs épaules, que des lézards grimpent le long de leurs jambes . Eux nous ont repérés, murmure Ted, ils nous observent, nous décryptent et nous classent: ce sont de bien meilleurs anthropologues qiue nous, je voudrais tellement apprendre ce savoir qu'ils ont accumulé sur notre espèce, je voudrais pouvoir mieux lire ces écritures animales -parcours et gîtes minuscules, sons ténus, parfums et fientes-, si mal déchiffrées par l'homme, et qui dessinent un territoire différent, là, si près d enous. Aux aisselles des branches, aux cicatrices des écorces, dans la lenteur des racines et la douceur des mousses, sous le croupissement brunâtrees flaques. ted observe, traduit quand il peut. Ici, un lièvre a gîté. Dans ce creux, un renard a dévoré des mulots."
Claude Pujade-Renaud, Les femmes du braconnier (Billet lundi !:))
Et comme juste avant Sylvia Plath déclame du Chaucer à des vaches anglaises, des Shorthorn, je ne vais pas me priver !
06:00 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : claude pujade-renaud, les femmes du braconnier
08/01/2010
avis de tempête
"Les balances à crabes orange devant la maison. La rangée de goélands argentés."
Moïra,"Dure comme un galet", "dure, obstinée" tente de tisser un lien avec sa soeur cadette dans le coma suite à une chute inexpliquée.
"Amy,c'est moi qui te parle,je veux que tu le saches. Ce ne sont pas des mots pris dans des livres,, ou des magazines. C'est moi qui les dis, moi qui me suis toujours si rarement exprimée par des mots, les mêmes que tout le monde mais par des nombres, par des symboles, des marques sur la peau. [...] Mais ces mots , ils sont aussi dans ma tête. c'est la voix de mon esprit, qui ne se tait jamais, et ce sont mes pensées: vives, miroitantes comme des écailles de maquereau. Elles surgissent par éclairs dans mon cerveau pendant que je marche, ou que je lis. Que je plante des jacinthes,agenouillée dans l'herbe de la pelouse. Que je ferme les fenêtres de cette chambre quand je sens venir la pluie."
Moïra remonte le cours du temps, petit à petit les pièces du puzzle s'emboîtent et l'on comprend pourquoi la narratrice ,toute sa vie s'est "tenue à la frontière" de l'amour, de l'amitié, de la vie.
Une voix mesurée, calme et dense qui se fraie un chemin en nous. Un style imagé, dont on pourrait quasiment extraire des haïkus, charnel et placé sous le signe de l'eau. Une vraie et belle découverte. Un livre magique.
Avis de tempête Susan Fletcher 444 pages.
Sorti en poche !
(Mais comment peut-on faire des couv' aussi moches, bon sang ! )
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : susan fletcher, soeurs
07/01/2010
Sukkwan island
"Il savait que son père s'infligeait cela tout seul. »
Un homme et son fils de 13 ans, seuls sur une île sauvage au Sud de l'Alaska, difficilement accessible. Viennent en tête du lecteur les notions de « pionnier », de "conquête du territoire ", liées à l'histoire des Etats-Unis, mais d'emblée l'auteur instaure une atmosphère lourde de « bourbier ». Il ne s'agit donc pas ici de « robinsonner » en toute sécurité mais , pour le père, à défaut d'arriver à maîtriser sa vie et ses pulsions, de réussir à assurer sa survie et celle de son fils, Roy, ainsi que de restaurer une relation père/fils pour le moins défaillante. Très vite le lecteur se rend compte que le plus mature des deux n'est pas forcément le plus âgé et son coeur bat la chamade en tournant les pages ...jusqu'à la fin de la première partie qui arrive comme un uppercut et le laisse groggy. Magistral.
La suite du récit est une plongée hallucinante dans un esprit malade, alternant auto apitoiement et déni de la réalité. On sort de là estomaqué par ce premier roman de David Vann , au style tout en retenue et qui montre une maîtrise totale de la narration . L'année commence fort chez Gallmeister !
Sukkwan Island, David Vann, traduit de l'américain par Laura Derakinski, Gallmeister, collection « Nature writing », 192 pages époustouflantes.
Un extrait ici.
L'avis de Brize
De Mango
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : david vann, scotchant
06/01/2010
Tous mes voeux
"C'est pas bientôt fini, ces intimités terriblement gênantes qui ne regardent personne et intéressent tout le monde ? "
Tous mes voeux , un titre d'actualité et une couverture acidulée qui donne le ton, voilà qui fait envie...Et puis, un début un peu chaotique où l'on se demande si la narration proprement dite va commencer un jour, avec une auteure qui met en scène ses hésitations et brouille les codes du roman, brouille les frontières entre réel et imaginaire. Qui voudrait qu'une héroïne de papier, Léa, endosse l'histoire qui lui est arrivée à elle, prenant ainsi à son compte les côtés les moins glorieux de cette love story. Finalement, "le chevalier" et "la princesse" seront choisis pour désigner les héros et vogue la galère pour ce qui sera donné comme un conte de fées à durée de vie très limitée, "ce conte de fées fêlé" avec un coup de théâtre final des plus inattendus, y compris pour celle dont le métier est d'écrire...
Finalement après un début quelque peu déroutant, on se prend vite au jeu de cette histoire qui regimbe, de ce personnage jeté à la poubelle qui donne parfois son avis et de cette narratrice/auteure qui ne se donne pas le beau rôle:"Enfin , il y a le fait de trottiner à travers ces pages dans la peau de l'agneau qu'on sacrifie: cette pauvre femme, il lui est donc arrivé telle chose horrible, puis telle autre, puis encore celle-ci. Autant donner le numéro de son compte en banque et inciter le lecteur compatissant à faire un don pour venir en aide à l'auteur malmené. Bref, la vie ne vous rend pas la tâche très facile, ni quand il s'agit de la vivre, ni quand il s'agit de la raconter."
Une histoire d'autant plus savoureuse qu'elle se termine par une vengeance que vous tenez entre les mains et dont on se demande si elle sera glissée ou non dans la boîte à lettres d'un certain château...Tous mes voeux, "cher" chevalier!
Tous mes voeux, Anne Weber, Actes Sud, sortie aujourdhui, 143 pages acidulées.
Merci Cuné !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : anne weber, les histoires d'amour finissent mal...en général
05/01/2010
Le dernier voyage
"Un bateau à quai, c'est une pendule arrêtée, disait-il souvent."
Le dernier voyage , celui de Raymond , marinier veuf et solitaire qui décide de relever le défi d'une livraison importante avec son vieux trente-trois mètres rutilant, le Gueule d'amour. Steve et son Hollywwod (!) dernier cri vont tenter d 'arriver avant lui en Arles, n'hésitant pas à user de moyens peu ragoûtants pour venir à bout du vieux marinier orgueilleux.
Deux générations, deux conceptions totalement différentes d'un même métier ou plutôt d'un métier qui a évolué et semble avoir perdu toute la poésie et la saveur qu'y trouvait Raymond: un art de vivre non exempt de souffrances mais riche d'humanité.
Simultanément à ce duel sur l'eau, qui eût cru que ces péniches en apparence si placides pouvaient se métamorphoser en engins furibonds et dangereux, c'est toute l'existence de Raymond qui défile sous nos yeux au gré d'un gros cahier feuilleté ou de retrouvailles souvent pittoresques ,parfois mélancoliques ou au contraire vivifiantes.
Agrippé au macaron (barre à roue) de sa Gueule d'amour Raymond brave les éléments , son ennemi ,son corps vieillissant et finit petit à petit par ôter les oeillères qui ont causé son malheur et celui des siens...
Un roman apparemment simple mais qui recèle une intensité et une puissance inattendues dans un milieu rarement décrit.
Le dernier voyage, Bruno Poissonnier Editions Métailié 2008 (première édition: Dupont& Savin, 2001), 112 pages épiques.
Merci à Cath et à Ch'ti 31 pour cette jolie surprise !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : bruno poissonnier, péniches, poursuite infernale, duel sur l'eau
04/01/2010
"On m'a demandé de vous calmer."
Aujourd'hui, il va falloir non seulement reprendre le collier mais aussi slalomer avec adresse entre les collègues à qui on a vraiment envie de souhaiter une bonne année (la majorité heureusement !) et les autres. On peut toujours essayer de placer cette citation (de je ne sais plus quelle femme s'adressant à son ennemie jurée): "Je vous souhaite tout ce que vous me souhaitez." et les regarder blêmir avec plaisir ou tout simplement arguer: "Je ne t'embrasse pas mais le coeur y est" et remercier in petto la grippe A.
De toutes façons une dose d'humour s'impose et celle que vous verrez rigoler toute seule dans sa voiture sur un parking un peu avant 8 heures, ce sera moi. A condition que Stéphane Guillon soit au programme de France Inter.
Certains s'envoient un p'tit coup de rouge ou un cacheton, moi c'est l'humour que je préfère !
Aussi quand le père Nono a déposé dans mes petits souliers le recueil des chroniques de Guillon allant du 21 janvier 2008 au 16 juin 2009 jugez de mon bonheur! (Je dois à la vérité de dire que le père Nono s'était trompé de chaussons et avait opté pour ceux de l'Homme- qui déteste Guillon- mais bon, pas grave, c'est comme ça avec Guillon: on aime ou on déteste !).
En tout cas une excellente rétrospective des événements de l'an dernier, l'occasion de se rafraîchir la mémoire sur les frasques des uns et des autres...
"On m'a demandé de vous calmer.", Stéphane Guillon, Stock, France Inter.333 pages corrosives.
Merci à Cath et à Ch'ti 31 !
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : stéphane guillon